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03/04/2013

(J-Drama) Made in Japan : le déclin du modèle industriel japonais

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"TV Show Mirrors a Japanese Battery Maker’s Bind" (The New York Times), "TV drama captures public angst at "Made in Japan" decline" (Reuters). Il est plutôt rare que des dramas japonais en cours de diffusion trouvent un écho jusque dans les médias anglo-saxons. Les articles qui ont été consacrés à Made in Japan démontrent combien les problématiques soulevées par cette récente mini-série de la NHK ont une résonnance particulière, qui interpelle dans la situation économique actuelle. Ce thème du déclin ou de la fin d'un modèle industriel revient d'ailleurs régulièrement jusque dans nos médias. C'est par une mini-série que la NHK a décidé de l'évoquer cet hiver.

Diffusé les samedi soirs sur NHK BS Premium du 26 janvier au 9 février 2013, Made in Japan est un drama qui compte 3 épisodes d'1h15 environ chacun. Sur le papier, les thèmes industriels et financiers peuvent paraître un peu arides pour servir de base à une fiction. Mais la télévision japonaise a démontré par le passé sa capacité à aborder, avec une qualité et une justesse à saluer, de tels sujets. On se souvient du magistral Hagetaka, ou encore de la perspective historique apportée par Fumou Chitai. Si Made in Japan s'inscrit dans une continuité thématique, autant vous prévenir : il n'atteint cependant pas la qualité de ses aînés. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il ne soit pas digne d'intérêt.

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Made in Japan met en scène les difficultés rencontrées par un des géants industriels nippons, Takumi Electronics (groupe fictif derrière lequel on peut deviner des groupes comme Sony). Confronté à un yen qui reste fort, à la crise économique, mais aussi à la montée d'autres puissances en Asie comme la Chine ou la Corée du Sud, le groupe est au bord de la faillite. Les banques songent à retirer leurs soutiens financiers, ce qui serait le début de la fin. Face à cette situation, le chairman de la société sollicite un de ses managers, Yagahi Atsushi, pour mettre en place une équipe de la dernière chance : il s'agit de concevoir un plan de restructuration d'urgence. La tâche a tout d'une mission impossible : ils ont en effet seulement trois mois pour proposer un projet viable.

Le futur de Takumi est notamment lié à la conclusion de contrats avec d'autres sociétés portant sur une batterie à lithium dernier cri, développée depuis des années au sein de son département de recherche. Mais une société chinoise, Laisheng, lance également la commercialisation d'une batterie similaire, qu'elle propose à un prix bien inférieur au constructeur japonais. Or Takumi découvre que les caractéristiques techniques du produit de Laisheng sont extrêmement proches du leur. Trop proches pour qu'il s'agisse d'un produit indépendant. En se rendant à Shangai pour y rencontrer le dirigeant chinois, Yahagi et ses collègues apprennent que l'ingénieur en charge du développement de la batterie chez Laisheng est un ancien responsable de la même mission chez Takumi...

Les tensions entre les deux compagnies s'exacerbent. Ce sont sa survie, le sort de dizaines de milliers d'employés, mais aussi une certaine conception de l'industrie japonaise, que Takumi joue sur ce dossier.

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L'intérêt de Made in Japan tient au thème traité : il est un miroir tendu vers une industrie japonaise, oscillant entre un certain volontarisme afin de continuer à aller de l'avant en quête d'un nouveau souffle, et une amertume diffuse qui se matérialise par le rappel, répétitif mais tellement vain, des années glorieuses où le modèle Takumi était à son zénith. A travers le portrait dressé, c'est le constat de conceptions industrielles désormais dépassées et prises de vitesse qui transparaît, avec des responsables qui s'illusionnent et se raccrochent à leurs anciens repères. Le drama fait le choix d'évoquer la concurrence chinoise, soulignant les oppositions de style et de culture des hommes qui font ces entreprises. Si la série s'adresse à un public avant tout japonais, elle ne sur-joue pas la fibre nationaliste. Le modèle auquel se réfère toujours Yagahi a, certes, fait sa fierté, mais tout dans le drama indique aussi qu'il appartient au passé, durement rattrapé par la réalité. Soulignant les impasses dans lesquelles s'enferme l'équipe de restructuration, mettant en exergue les décalages et incompréhensions entre les vieux réflexes et la situation concrète existante au niveau mondial, le drama décrit des réactions face à ce déclin acté. Cette mini-série dresse donc un portrait très intéressant du Japon actuel et de son milieu industriel.

Mais Made in Japan n'est pas juste un écho aux préoccupations japonaises, c'est aussi un drama. Or, dans ce registre de la fiction, tout en suivant une construction plutôt efficace, il révèle certaines limites. Le premier problème tient à l'approche choisie par les scénaristes : par crainte que les thèmes industriels et financiers ne soient trop abrasifs, ils n'ont pas hésité à verser dans le mélodrame. Cela s'est traduit par certains twists ou rebondissements personnels qui sonnent soit forcés, soit excessifs. Ne bénéficiant que de 3 épisodes, il y a peu de place pour installer de façon satisfaisante des personnages souvent juste esquissés. Il aurait mieux fallu que la fiction opte pour la sobriété et ne joue que sur le seul tableau industriel. L'autre limite tient au message trop apparent que Made in Japan entend faire passer : en filigrane, il s'agit de remobiliser, de redonner un espoir, pour retrouver, si ce n'est l'éclat d'antan, du moins une place de choix. Cela se ressent tout particulièrement dans la conclusion, où se concrétisent de nouveaux partenariats, de nouvelles ouvertures, notamment avec la Chine. Le passé est révolu, et cette redistribution des cartes s'accompagne de discours teintés d'un idéalisme presque moralisateur pour ce se tourner vers l'avenir. Il y a donc un certain manque de subtilité dans la thèse promue ici qui amoindrit la fiction.

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Sur la forme, Made in Japan s'appuie sur une réalisation sobre et très classique. Entre filtres de couleur et quelques plans en extérieur symboliques, le drama reprend les recettes les plus traditionnelles du petit écran japonais. Il se montre un peu plus entreprenant concernant sa bande-son, sans pour autant que ces choix soient toujours bien dosés ou convaincants. Un effort est cependant fait : comme un écho à l'histoire relatée et surtout à la diffuse amertume qui s'en dégage, on y croise des thèmes musicaux assez grinçants, et d'autres, plus solennels, comme en quête d'un nouveau souffle et d'un dynamisme perdu.

Les limites formelles de Made in Japan sont contrebalancées par la présence d'un très solide casting sur lequel le drama peut compter. Le personnage central, Yagahi Atsushi, est interprété par Karasawa Toshiaki (Fumou Chitai, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna) qui a cette faculté - déjà soulignée dans Fumou Chitai - à interpréter des personnages à la fois très rigides et très expressifs (sans sur-jeu), source d'une ambivalence qui sied parfaitement au rôle qu'il tient ici. Il est entouré par quelques valeurs sûres du petit écran japonais, tels que Takahashi Katsumi (Koshonin, Ryomaden, Don Quixote) (qui incarne l'ancien employé de Takumi), Yoshioka Hidetaka (Dr. Koto Shinryojo) (le spécialiste financier) et Kunimura Jun (Soratobu Taiya, Saka no Ue no Kumo, Suitei Yuuzai) (l'ingénieur en chef). Plus en arrière-plan, on retrouve également Otsuka Nene, Sakai Miki, Kanai Yuta, Oikawa Mitsuhiro ou encore Kishibe Ittoku.

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Bilan : Traitant, avec beaucoup d'acuité, d'un sujet - le déclin du modèle industriel japonais - qui trouve un écho particulier dans l'actualité, Made in Japan est un drama très intéressant par ce qu'il révèle du Japon (et de la façon dont les Japonais conçoivent cette crise). Il oscille en permanence entre l'amertume d'un éclat passé définitivement révolu et la volonté d'aller de l'avant pour retrouver un dynamisme. Mais si son thème retient l'attention, le récit souffre de plusieurs limites qui amoindrissent cette mini-série : d'une part, un penchant au mélodrame pas toujours bien géré, d'autre part, un message en arrière-plan guère subtile pour re-mobiliser autour du "Made in Japan" et qui aboutit à une fin de compromis et d'espoir sonnant trop forcée et idéalisée.

En résumé, Made in Japan est un drama qui mérite d'être vu pour le portrait qu'il propose du Japon, mais qui est loin de la qualité et de la force dramatique d'un Hagetaka (si vous ne l'avez pas encore vu, permettez-moi de jouer les prosélytes : foncez !). Made in Japan reste cependant à conseiller à tous ceux qui s'intéressent au pays du Soleil Levant.

NOTE : 6,5/10

20/04/2011

(J-Drama) Fumou Chitai : le traumatisme d'un homme, la reconstruction d'un pays dans le Japon de l'après-guerre

 
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En ce mercredi asiatique, la série dont je vais vous parler aujourd'hui est une oeuvre particulière. Je ne suis pas quelqu'un qui aime surenchérir dans la course aux superlatifs, et j'ai bien conscience d'avoir encore beaucoup à apprendre et à découvrir du petit écran japonais, mais je peux écrire sans hésiter que je n'avais encore jamais visionné de série semblable à Fumou Chitai. Elle dispose d'un concept fort, dans un cadre au parfum également à part, celui de l'après-guerre au Japon. Il y a une richesse et une consistance narratives constantes absolument fascinantes dans ce drama, où l'intime côtoie l'historique.

Marquant le cinquantième anniversaire de Fuji TV, Fumou Chitai a été diffusée du 15 octobre 2009 au 11 mars 2010. Comportant en tout 19 épisodes, elle est l'adaptation d'un roman à succès, portant le même titre, écrit par Yamazaki Toyoko à qui l'on doit également le livre ayant servi de base à un autre drama, lui aussi incontournable, avec lequel cette série partage certaines thématiques, Karei Naru Ichizoku. A noter, enfin, que Fumou Chitai avait déjà été porté au petit écran en 1979, dans une première série qui comportait elle 31 épisodes.

En somme, cette série fait partie des oeuvres qui, par leur densité, par les thématiques si riches qu'elles soulèvent, intimident quelque peu le critique. Il est difficile de lui rendre pleinement justice ; mais je vais quand même essayer de vous expliquer ce que j'ai trouvé et ressenti dans ce drama que je conseille vraiment à tous, familiers du petit écran japonais ou non.

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Fumou Chitai s'ouvre en 1945 sur la capitulation japonaise, marquant la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Iki Tadashi est alors un stratège au sein de l'armée impériale. Si comme beaucoup, il écoute avec une forme d'incrédulité le discours de reddition de l'Empereur, il est cependant envoyé en Chine pour s'assurer que les forces armées japonaises respectent bien ces ordres univoques. Devant l'avancée des soldats russes, il ne peut se résoudre à regagner à temps le Japon et décide de rester auprès de ses hommes. Fait prisonnier, il est expédié en Union Soviétique. Il bénéficie au début d'un traitement de faveur dans un contexte de (pré-)Guerre Froide, les Russes espérant obtenir un témoignage compromettant pour remettre en cause la thèse américaine exonérant l'Empereur japonais. Mais devant son refus catégorique, Iki Tadashi est finalement condamné à une longue peine de travaux forcés.

Il restera dans les camps de travail de Sibérie jusqu'en 1956, soit onze années passées dans l'enfer des goulags russes. Les conditions de vie si difficiles eurent raison de nombreux prisonniers. Ce qui permit à Iki Tadashi de survivre, c'est non seulement la pensée de sa famille, mais également le souvenir de tous ses camarades qui s'éteignirent sous ses yeux, tombés d'épuisement, de malnutrition ou pour qui, une fois l'espoir disparu, le suicide apparut comme le seul recours pour en finir avec toutes ces souffrances. Après tant d'années loin des siens et de son pays, le retour au Japon ne s'opère pas sans une phase d'adaptation douloureuse. Sa femme s'est mise à travailler pour subvenir à leurs besoins. Sa fille craint plus que tout que son père poursuive dans cette carrière militaire tant honnie. Quant à son fils, n'ayant connu son père que par une idéalisation enfantine d'une figure militaire lointaine, il ne le reconnaît pas.

Pour reprendre le cours de sa vie mise en hiatus pendant plus d'une décennie, et dont il gardera à jamais le traumatisme au plus profond de lui, Iki Tadashi se tourne finalement vers une carrière civile. Déjà dans la force de l'âge, peut-il vraiment se reconstruire dans le domaine du commerce qui lui est totalement étranger ? Il sera pourtant le témoin privilégié, et un des acteurs, de la restructuration économique japonaise au cours de deux décennies cruciales jusqu'à la fin des années 70.

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Fumou Chitai, c'est tout d'abord une fresque, grande et ambitieuse, dont une des réussites va être de savoir mêler l'historique et le personnel. Elle y parvient en suivant le parcours d'Iki Tadashi, fil conducteur du drama, dont la destinée apparaît liée à celle de son pays. Au sortir de la défaite, le pays est à reconstruire économiquement, mais aussi socialement, de la même manière que la vie d'Iki Tadashi est à rebâtir lorsqu'il revient de Sibérie après ces onze années perdues. Les fictions se déroulant dans une période d'après-guerre ont souvent un parfum assez particulier, et ce drama n'y déroge pas. Jusqu'à présent, j'ai assez peu vu ou lu d'oeuvres sur cette époque au Japon, à l'exception peut-être du Soldat Dieu de Koji Wakamatsu qui traite plutôt du militarisme japonais précédant la défaite. Toujours est-il que l'évocation de cette fin de guerre constitue une première thématique forte de ce drama, évoquée de la perspective du personnage principal.

La série aborde ce sujet difficile avec une maîtrise et un aplomb à saluer. Même si vous ne deviez pas poursuivre au-delà, je ne saurais trop vous conseiller de prendre le temps de regarder au moins le pilote, très long (plus d'1h50), mais absolument fascinant, qui nous relate la façon dont Iki Tadashi va vivre la capitulation et les années de détention. Fumou Chitai opte pour une approche simple, sans pathos inutile et dépourvue du moindre excès dans la mise en scène. Cette présentation confère au récit toute sa force, ainsi que son intérêt. Car cette sobriété bienvenue accentue l'intensité des évènements relatés, renforçant l'impression d'authenticité et de rigueur historique. Si la série montre peu le Japon durant cette période, la question des prisonniers de guerre internés en Union Soviétique est en revanche traitée avec soin. J'avoue que c'est un sujet dont j'ignorais tout avant de visionner ce drama ; mais plus de 500.000 soldats japonais qui se trouvaient sur le continent lors de la capitulation passèrent ainsi par les camps russes. En raison de son grade (et de son manque de coopération), Iki Tadashi sera condamné par un tribunal militaire soviétique, ce qui explique qu'il fera partie de ceux qui subiront la plus longue durée d'emprisonnement.

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Au-delà de la reconstitution historique, cette détention sibérienne va permettre à Fumou Chitai d'explorer une dimension plus intime, en un sens plus déchirante, à travers la figure complexe de son personnage central. Car si la série va ensuite de l'avant, tournée vers le futur à l'image d'une société qui souhaite se rebâtir, le traumatisme constitué par ces années en Sibérie ne va jamais s'effacer. La portée symbolique du générique de fin est à ce titre révélatrice : il se charge de nous rappeler que c'est dans cet enfer blanc que la volonté de continuer à vivre d'Iki Tadashi trouve sa fondation. Cette dernière se résume en un simple commandement : servir son pays. Mais s'il s'efforce de retrouver un équilibre dans sa vie familiale, s'il amorce avec assurance une ascension professionnelle impressionnante, cette reconstruction n'est qu'illusoire. Elle n'est qu'une apparence, une façade de survie au sujet de laquelle même Iki Tadashi se ment parfois, mais dont chacun de ses actes va nous démontrer la vanité.

Car une partie du personnage est bien morte en Union Soviétique. Ce pacte qu'il a fait avec lui-même, cette ligne de conduite qu'il s'est fixé, survivre pour servir son pays, il la suivra certes longtemps sans recul. Jusqu'aux dernières années où la remise en cause de ses certitudes lui feront prendre conscience de ses priorités. Akitsu Chisato l'accusera d'égoïsme, mais en réalité, le choix final de retourner en pèlerinage en Sibérie ne vient que confirmer ce que le téléspectateur a compris depuis longtemps. Si Iki Tadashi s'est assigné un devoir, assumant les responsabilités qu'il devait à ses hommes, à sa famille et à son pays, lui-même n'a jamais su ou pu recommencer sa vie. Tous les espoirs d'un futur auquel il aurait droit sont morts en même temps que ses camarades, ceux qui se sont suicidés sous ses yeux comme ceux qui ont succombé aux mauvais traitements. C'est seulement à la fin de la série qu'Iki Tadashi semble le reconnaître et l'accepter.

Laissant une place pour l'interprétation d'un téléspectateur captivé, l'approche psychologique de Fumou Chitai est d'une finesse assez fascinante, traitant de façon très nuancée, avec beaucoup de non-dits de ce fil rouge central. S'assurant ainsi d'une fondation très solide, le drama va pouvoir investir d'autres enjeux immédiats, et notamment les questions économiques.

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L'industriel, c'est en effet le thème le plus directement évoqué par Fumou Chitai. Cela le rapproche de Karei Naru Ichizoku, sans pour autant que les deux dramas se confondent. Dénuée de tous les ingrédients empruntés aux soaps qui faisaient la marque du second, Fumou Chitai apparaît plus rigoureuse et documentée dans son approche, sans pour autant être moins accessible. En effet, la série ne va avoir aucune difficulté à retenir l'attention du téléspectateur sur des enjeux qui touchent plutôt à des problématiques de stratégie industrielle. Par sa mise en scène d'une concurrence acharnée entre entreprises, ce drama s'inscrit plutôt dans le thriller financier, reprenant des codes classiques de l'espionnage : la collecte et l'analyse des données sont un travail proche de celui du renseignement. Le résultat donne un mélange des genres efficace, sachant entretenir une tension et un suspense presque inattendus.

Dans ce domaine économique, la série a également un intérêt historique : elle nous plonge dans le Japon de l'après-guerre, à travers plusieurs décennies d'industrialisation et de progressive ouverture au monde du pays. Nous permettant de suivre indirectement les grandes politiques et transformations initiées, Fumou Chitai éclaire sans complaisance des moeurs gouvernementales où la corruption est généralisée et apparaît normalisée, dressant ainsi un portrait peu flatteur du personnel politique dirigeant. De plus, ce récit explore le développement industriel japonais dans des domaines très divers, avec une approche résolument internationale. En effet, après avoir passé deux années à se remettre physiquement de sa détention, Iki Tadashi accepte l'offre d'emploi du président de Kinki Trading Co. La série traitera de l'industrie à travers plusieurs grands arcs narratifs successifs, en commençant par un sujet qui touche de près son héros, l'armement, pour finir par une problématique devenue centrale, le pétrole, en passant par les grandes restructurations des années 70 dans l'industrie automobile.

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En outre, Fumou Chitai va savoir investir une dimension humaine grâce à laquelle le téléspectateur va s'attacher à son univers. La rigidité, toute militaire pourrait-on dire, d'Iki Tadashi qui s'attache à ses principes et à une probité qui tranchent dans ce milieu, ne sera pas toujours dénuée d'ambivalence. Si, initialement, c'est l'invocation d'intérêts supérieurs nationaux qui semble justifier le recours à des moyens peu recommandables, un glissement est perceptible dans l'ordre des priorités du personnage. Toujours présentée sous couvert de servir son pays, la dernière intrigue pétrolière montre toutes les limites, voire l'hypocrisie, de ce raisonnement et les transformations d'Iki Tadashi au contact d'un milieu industriel dont il a désormais pleinement intégré les codes, même s'il s'en défend. Fumou Chitai permet d'ailleurs de nous immerger de façon crispante et prenante dans ce monde des affaires, où les ambitions et les égos conditionnent de fragiles alliances de circonstances et où chacun cultive des inimités qui traversent les années. L'ultra-concurrentiel offre une forme de prolongement civil à l'affrontement militaire ; le parallèle opéré grâce aux mises en oeuvre des stratégies d'Iki Tadashi est à ce titre très révélateur.

Pour autant, Fumou Chitai aborde aussi un registre plus intime, voire sentimental. Plusieurs figures féminines vont en effet marquer la vie d'Iki Tadashi, chacune représentant une conception différente de la femme. Yoshiko est l'épouse à la fidélité sans faille, qui se sera sacrifiée elle aussi pendant ces onze années pour faire survivre sa famille. Renvoyant à la conception familiale japonaise traditionnelle, elle gagne en importance au fil des épisodes : loin d'être effacée, elle acquiert une épaisseur et une dimension presque tragique dans son obstination à essayer de maintenir unie une famille dont la Sibérie n'a laissé, sur bien des points, qu'une coquille vide. Avec Akitsu Chisato, il y a un changement de génération : c'est une femme active, pour qui le bonheur importe, seul le mariage d'amour se justifiant à ses yeux. Sa relation avec Iki Tadashi est particulièrement bien traitée. Toute en nuances, elle sonne très authentique par le carcan dans lequel elle se développe. Si Chisato privilégiera les sentiments à la raison, elle n'en recueillera pas les bénéfices En effet, celui qu'elle aime a perdu en Sibérie cet élément précieux qu'est la capacité à pouvoir se construire un futur. Enfin, de façon plus incidente, il est également possible d'évoquer Hamanaka Beniko, symbole, elle, de la femme fatale qui a gagné une forme de liberté en embrassant et dépassant les conventions sociales de son milieu aisé. Toutes trois enrichissent la série, vis-à-vis de caractère permettant de remettre en cause les certitudes d'Iki Tadashi.

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Appliquée et solide sur le fond, Fumou Chitai l'est également sur la forme. Sa réalisation est soignée, bénéficiant d'une photographie qui sied parfaitement à l'atmosphère de la série qui va traverser les décennies en partant du milieu du XXe siècle. Les teintes choisies mettent d'ailleurs bien en exergue l'effort de reconstitution historique. Cette sobriété, qui n'est pas pour autant frodie, est d'autant plus appréciable qu'elle confère une classe à part à la série. La maîtrise d'ensemble se ressent tout particulièrement par un certain nombre de plans qui dépassent le simple fonctionnel, pour réellement investir une mise en scène symbolique.

Par ailleurs, la série bénéficie d'une belle bande-son qui s'impose rapidement comme un outil de narration à part entière, accompagnant et rythmant l'intensité du récit, tout en permettant de refléter l'ambiance particulière de l'histoire. Toujours utilisée à bon escient, composée d'instrumentaux de musique classique, elle a été composée par Kanno Yugo. Je vous avoue que, depuis plusieurs jours, j'écoute le CD de l'OST indépendamment avec beaucoup de plaisir. Il convient également de saluer la chanson du générique de fin (Tom Traubert's Blues, par Tom Waits) : ce morceau anglophone, inattendu, déstabilise dans un premier temps, mais le téléspectateur prend rapidement conscience de sa réelle portée : cette complainte lancinante est un cri déchirant, écho parfait à ce que ressent le héros de ce drama.

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Enfin, Fumou Chitai bénéficie d'un casting très solide qui permet d'asseoir efficacement l'histoire. Tout d'abord, il faut saluer la performance de Karasawa Toshiaki : il est vraiment fascinant dans sa façon d'interpréter de manière extrêmement sobre un personnage dont l'inexpressivité est souvent interprétée comme une forme d'insensibilité. Le détachement qu'il cultive renforce l'impression que Iki Tadashi demeure une sorte d'observateur extérieur des évènements, même s'il influe sur eux : une partie de lui-même est resté dans cette Sibérie qui a glacé une part d'humanité. Cette approche du personnage permet également de rendre encore plus marquante les scènes au cours desquelles la façade se fissure en des éclats d'émotion poignants.

A ses côtés, les personnalités féminines l'entourant, toutes très différentes, sont incarnées de façon convaincante par Wakui Emi (Hanayome to Papa), parfaite en épouse dévouée, par Koyuki (Engine), l'artiste de céramique, et enfin par Amami Yuki (BOSS, Gold), en femme fatale absolument resplendissante. Autre figure ayant son importance, la fille de Iki Tadashi est interprétée par Tabe Mikako (Deka Wanko). Parallèlement, au sein de l'entreprise, j'ai retrouvé avec beaucoup de plasir Takenouchi Yutaka (BOSS), en subordonné passionné par l'exploitation pétrolière. On croise également Harada Yoshio (Engine), Kishibe Ittoku (Arifureta Kiseki), Endo Kenichi (Gaiji Keisatsu) en concurrent qui prend très vite l'affrontemet personnellement et Abe Sadao (Dare Yorimo Mama wo Ai su) en journaliste toujours en quête d'un scoop.

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Bilan : Fumou Chitai, c'est une fresque fascinante, éprouvante, d'une richesse rare par sa capacité à jouer sur tous les registres de la fiction. C'est l'histoire d'une reconstruction personnelle impossible, sur fond de refondation économique et sociale d'un pays sorti exangue de la Seconde Guerre Mondiale. Récit politico-industriel à l'intérêt historique indéniable, le fil rouge de Fumou Chitai reste pourtant, en premier lieu, celui d'un drame humain. La série nous relate le parcours d'un ancien soldat, prisonnier de guerre marqué par la défaite et par onze années de captivité qui ont irrémédiablement brisé quelque chose en lui. Son sens du devoir lui donnera les ressources nécessaires pour aller de l'avant et entreprendre tous ces projets que le téléspectateur suivra avec attention. Mais, même le temps ne saura effacer ce traumatisme central qui nous sera constamment rappelé.


Si j'ai conscience de la longueur intimidante de cette review, je finis pourtant ma critique en ayant encore l'impression d'avoir tant à dire sur certains aspects que j'ai passés sous silence. C'est vous dire la densité de ce drama à part. Une série incontournable.


NOTE : 9,5/10


Le générique de fin (la chanson : Tom Traubert's Blues, par Tom Waits) :



Une musique de l'OST (le thème principal) :

10/11/2010

(J-Drama / Pilote) Guilty Akuma to Keiyakushita Onna : jusqu'où le désir de vengeance peut-il conduire ?


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Devant l'embarras de choix téléphagiques en ce dernier trimestre 2010, j'ai l'impression d'avoir des problèmes de riche pour remplir mon mercredi asiatique. Ce qui, pour un téléphage, ne peut jamais être objectivement qualifié de "problème". Tant de nouveautés aux synopsis aguicheurs, aux genres complètement différents, aux castings retenant mille et une attentions... Sur quels critères objectifs (ou non) donner la priorité à telle ou telle série ? Avant un retour probable en Corée du Sud, où les nouvelles séries m'appellent, ce week-end, après de nombreuses tergiversations, j'ai finalement jeté mon dévolu sur un drama, diffusé depuis le 12 octobre 2010 au Japon, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna.

Parce que les histoires de vengeance exercent toujours une certaine fascination chez moi. Parce que même si je n'imagine pas Fuji tv porter à l'écran une série aussi sombre que ce dont je pourrais rêver à partir de la seule lecture du résumé, j'avais bon espoir que la mise en scène d'un flou moral troublant, dépassant tout caractère manichéen, soit plus réussie que l'un des principaux ratés de mes expériences estivales, JOKER Yurusarezaru Sosakan. Finalement, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna ne s'est pas révélé exempte de défauts, et il serait excessif d'en faire un coup de coeur automnal. Pour autant, la série a su si bien accrocher mon intérêt que j'ai visionné les trois premiers épisodes d'affilée, tout en conservant le secret espoir que le drama saura grandir et mûrir au fil de la saison. Ainsi, même si elle est loin d'être parfaite, la série n'en demeure pas moins digne d'attention.

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Guilty Akuma to Keiyakushita Onna, c'est une histoire de revanche implacable, mais pas seulement. Au cours des deux premiers épisodes, s'esquisse également une rencontre, de deux êtres à une intersection de leur vie, à un croisement incertain où les dérives et choix qui s'offrent à eux vont rapprocher ces deux adultes qui n'auraient jamais rien dû avoir en commun.

En apparence, Nogami Meiko incarne la jeune femme sans histoire, menant une existence paisible en occupant un emploi dans un salon dédié aux animaux domestiques. Appliquée et enthousiaste dans son travail, personne ne pourrait se douter que lorsque les regards se détournent, le sourire qui illumine habituellement son visage se fige et disparaît. Car Meiko cache des blessures plus profondes. A l'âge de 19 ans, elle a été accusée et condamnée pour les meurtres par empoisonnement de son beau-frère et son beau-fils, cette tragédie aboutissant au suicide de sa soeur. Elle a toujours clamé son innocence, mais en vain. Désormais libérée, elle utilise son emploi du temps flexible et ses sorties pour organiser un autre plan autrement plus sombre : orchestrer une vengeance implacable contre les personnes, dont les actions ont, des années plus tôt, brisé sa vie. Si le téléspectateur ignore quel secret unit toutes les cibles de Meiko, il assiste à l'inarrêtable progression des plans de la jeune femme. Si pour le moment, elle est toujours parvenue, à la suite de chantage impliquant des êtres qu'elles aiment, à pousser ses victimes au suicide, jusqu'où peut-elle aller dans cette spirale de vengeance ? Pourra-t-elle vraiment, si la situation l'y oblige, prendre une vie de sang-froid ?

Sa perspective va peut-être changer en raison d'une rencontre fortuite pour son travail, se liant avec l'ami d'un client ayant laissé son chien : Mashima Takuro. Les états d'âme de Meiko semble se refléter comme dans un miroir chez cet homme dont elle ne connaît quasiment rien. C'est du point de vue de ce dernier que l'histoire nous est contée. Car Takuro, ayant ses propres préoccupations et problèmes, va lui cacher sa qualité de policier. Depuis une erreur de jugement qui a coûté la vie à la recrue qu'il avait sous ses ordres, Takuro n'est que l'ombre de lui-même. En plus d'un lourd poids sur la conscience qui lui fait trouver refuge dans l'alcool, il doit supporter les brimades continuelles de ses collègues pour poursuivre sur les ruines d'une carrière policière qui aurait pu être brillante. S'ajoute à tous ces soucis déstabilisants la disparition récente de son ancien mentor, accusé de corruption. Si tout le monde a vite fait de classer ce cas en suicide, Takuro découvre que c'est sur une affaire glissante que le vieil homme s'est lancé : l'affaire d'empoisonnement qui vit condamner Meiko. Rapidement, Takuro établit un lien entre d'étranges suicides qui ont lieu depuis plusieurs semaines et la jeune femme... Alors que le meurtrier de son ancien partenaire échappe à la condamnation pour insanité, Takuro poursuit ses visites auprès de Meiko, sans rien reporter de ses soupçons à des supérieurs qui préfèrent tant l'ignorer. Jusqu'où le conduira cette fréquentation ?

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Guilty Akuma to Keiyakushita Onna laisse une première impression ambiguë, qui apparaît finalement comme un reflet fidèle au flou ambiant que réserve la tonalité de la série. Appliquée, la série flirte avec une ambivalence morale jamais complètement assumée, mais où pointe une volonté scénaristique évidente de dépasser tout cadre manichéen, afin de remettre en cause la dichotomie traditionnelle du bien et du mal. C'est dans le personnage de Meiko que s'incarnent toutes les nuances de gris composant l'univers de ce drama : son projet de vengeance fait distinctement transparaître les deux faces dissociées d'une même personne, sans que le téléspectateur puisse deviner quelle est la réelle personnalité qui se cache sous ces masques. Est-ce cette face enjouée et ouverte aux autres ? Ou bien est-ce celle qui se referme et laisse entrevoir une détermination ayant banni toute émotion humaine ? Si la non-culpabilité de Meiko, pour l'empoisonnement à l'origine de tout, ne semble faire aucun doute de la perspective du téléspectateur (avec le peu d'éléments dont il dispose), en revanche, l'image qu'elle renvoie à l'occasion, d'une froideur déconnectée de toute contingence morale apparaît presque en accord avec le portrait terrifiant que sa mère en dresse.

Pourtant, si Guilty Akuma to Keiyakushita Onna entretient une volontaire ambivalence quasi-schizophrénique construite autour de son personnage central, la série ne franchit jamais un certain seuil, comme prisonnière d'un restant d'inhibitions. Ainsi, lorsque Meiko menacera de lâcher le bébé du haut du toit d'un immeuble, on découvrira a posteriori qu'il ne s'agissait que d'une poupée... Invariablement, elle utilise toujours le bluff pour fonder son chantage fatal, et n'a pour le moment jamais eu à mettre à exécution ses menaces. Certes, elle apparaît implacable à l'encontre de ses cibles, n'hésitant pas à détruire leur famille par leur mort ; mais si elle se ré-invente des codes moraux, elle ne s'en affranchit jamais complètement. S'attachant à ne pas dépasser ce point de non-retour virtuel, pour le moment, la série semble ménager à Meiko une porte de sortie. Pour autant, cette prudence permet aussi à Guilty Akuma to Keiyakushita Onna de laisser subsister un certain non-dit, autrement plus inquiétant, puisque résonne en arrière-plan une question lancinante : jusqu'où Meiko peut-elle se laisser emporter dans cette spirale de vengeance ?

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A ce stade de l'histoire, deux possibilités s'offrent à ce drama pour son évolution future. Ou bien peut-il nous décrire un progressif glissement hors de contrôle de personnages emportés par un désir de justice personnelle, réglant alors de manière privée et implacable leurs comptes en achevant de détruire leur rattachement à un certain idéal. Ou bien peut-il rester prudemment sur le sentier balisé de ces premiers épisodes, exploitant pleinement l'ambiguïté de la mise en scène, mais sans jamais concrétiser ce risque, se contentant de laisser en suspens la possibilité d'une telle dérive. Tout le paradoxe de Guilty Akuma to Keiyakushita Onna est finalement de parvenir à faire d'une de ses limites, a priori les plus contraignantes par rapport à son concept, une forme de point fort, en ce sens que la série ne se ferme aucune porte et sait jouer sur la suggestion pour envisager toute éventualité.

Le personnage de Takuro suit un schéma similaire ; le cumul de sa faillite personnelle et de la faillite du système judiciaire qui relâche le meurtrier de son partenaire achève de détruire ses dernières certitudes qui sont emportées par la disparition de son mentor. Sa rencontre, puis la relation qui s'esquisse entre lui et Meiko, interpellent immédiatement le téléspectateur. Non seulement par cet effet de miroir que l'on perçoit entre les deux dans leurs échanges, pareillement tiraillés, mais aussi en raison du fait que le policier sait ce que représente la jeune femme, sans que cela l'empêche de ressentir une étrange fascination pour elle. Or, consciemment ou non, le rapprochement qu'il encourage avec Meiko, et le silence dans lequel il s'enferme vis-à-vis de ses supérieures, apparaît un premier pas vers un glissement plus sombre, qui anéantirait ses derniers repères.

Outre l'attraction qu'exercent ces figures troublées, si la série bénéficie pleinement de la force des thèmes abordés, un des reproches principaux qui peut être adressé à son écriture, est sans doute son relatif manque de subtilité, auquel s'ajoutent quelques problèmes de crédibilité - le personnage du journaliste excentrique à l'excès, aux motivations floues, et vaguement omnipotent, représentant l'incarnation de certaines caractéristiques des fictions japonaises auxquelles je ne me suis jamais habituée.  Pourtant, que ce soit dans les rapports qu'entretiennent les personnages, ou bien dans la façon dont l'histoire progresse, le drama sait maintenir une tension constante dans la narration qui ne prend jamais l 'intérêt du téléspectateur en défaut. Il offre une consistance d'ensemble apportant une solide homogénéité dans la narration, qui vient ainsi compenser certains de ses travers récurrents.

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Presque logiquement pourrait-on dire, la forme s'inscrit dans une certaine continuité par rapport au fond de la série. En effet, d'apparence classique et sans valeur ajoutée particulière dans ses premières scènes, c'est finalement par une frustrante intermittence que la série laisse entrevoir un réel potentiel esthétique et une certaine maîtrise des tonalités colorées qui mérite d'être soulignée. Elle adopte ainsi à l'occasion une photographie plus soignée et recherchée, s'attachant avec beaucoup de réussite, et une certaine poésie de la mise en scène - consacrée par le générique de fin -, à refléter l'ambiance trouble du passage concerné. L'exercice est appréciable à l'écran ; mais ne nous donne que plus de regret sur l'identité visuelle que Guilty Akuma to Keiyakushita Onna aurait pu se construire si elle en avait eu l'ambition.

Pour supporter cette difficile histoire, le casting se révèle à la hauteur. Je confesse cependant que ma mémoire m'a (encore une fois) fait défaut. Il aura fallu attendre que je me plonge dans la filmographie du casting en rédigeant cette review, pour me rendre compte que cette série marque en fait un retour aux sources, par des retrouvailles avec un des premiers acteurs de séries asiatiques croisé au cours de mes débuts téléphagiques sur ce continent : Tamaki Hiroshi. Puisque Nodame Cantabile fut, avec Nobuta wo Produce, mon premier drama asiatique (il est plus récemment apparu dans Love Shuffle). Cette parenthèse de nostalgie téléphagique refermée, il convient de saluer Kanno Miho (Ai no Uta, Magerarenai Onna ou encore Niji wo Kakeru Ouhi), qui n'a sans doute pas un rôle facile en raison des hésitations des scénaristes, mais qui s'en sort de façon convaincante. Par ailleurs, retrouver Kichise Michiko (Mousou Shimai, BOSS) suffit à m'offrir quelques petits instants de bonheur à l'écran. Enfin, on croise également dans  la série des têtes familières du petit écran japonais, comme Mikami Kensei (GOLD, Tsuki no Koibito), Yoshida Kotaro, Karasawa Toshiaki (Fumo Chitai), Rikiya, Moro Morooka, Takizawa Saori (Jotei), Yokoyama Megumi ou encore Iwamoto Masuyo.

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Bilan : A l'image de ses personnages, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna est un drama sombre qui flirte avec ses propres inhibitions narratives, à la croisée des chemins, et auquel il manque peut-être une construction scénaristique plus subtile et rigoureuse pour pleinement exploiter son potentiel. C'est ce que ses deux personnages principaux feront de leur rencontre et jusqu'où les conduiront leurs réflexions et états d'âme qui déterminera la valeur et la portée de cette série. Pour autant, au terme de ces premiers épisodes, on ne peut que constater la capacité étonnante de cette fiction à savoir se jouer de ses limites pour cultiver une ambiguïté au sein de son univers qui interpelle, transcendant toute classification. En dépit de certaines réserves, et sans adhérer à tout, il se révèle très difficile de décrocher de cette intrigante histoire, une fois que l'on est immergé dans ces mystères. Téléphages amateurs d'histoire de vengeance, laissez-vous tenter sans hésiter.   


NOTE : 6,5/10


Le générique très sombre et esthétique :