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26/09/2011

(Pilote US) Revenge : pourquoi la série aurait pu être écrite pour la télévision sud-coréenne (et la raison qui la fait échouer)


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[Ceci est un exercice de review un peu particulier, mais Revenge s'y prêtait. A noter que l'article a été conçu de manière à pouvoir être lu par tous les lecteurs, familiers ou non des petits écrans auxquels il est fait référence.]


On a souvent l'habitude d'écrire des critiques de séries à travers un prisme de références américaines... Et si on changeait l'angle d'approche ?


Ce billet est né à la suite d'échanges sur twitter après le visionnage du pilote de Revenge. En cours d'épisode, j'avais parlé des grandes similitudes de recettes avec une série sud-coréenne "type" de vengeance. Par curiosité, je suis allée ensuite vérifier ce qu'en avaient pensé d'autres blogueurs disposant de bases similaires sur ces deux cultures télévisuelles. Vérification faite chez Lady, où c'est la thématique même de la vengeance qui est associée au petit écran sud-coréen. Tandis que chez Eclair, s'il concentre sa critique sur l'épisode en lui-même, il ne peut cependant pas s'empêcher de le comparer aux références du genre et finit donc par citer... un k-drama. Le réflexe est naturel.

En effet, si le téléspectateur pense instinctivement "série sud-coréenne" devant le pilote de Revenge, c'est tout d'abord en raison du thème. Certes, il existe des séries occidentales sur la notion de vengeance, mais c'est une thématique qui ne s'est pas systématisée dans le petit écran américain, à l'exception peut-être des soap. Or le paysage est très différent en Corée du Sud, pour diverses raisons aussi bien culturelles qu'historiques (Lecture complémentaire : The Korean Quest for revenge). Dans son cinéma, la vengeance est ainsi un sujet particulièrement exploré - le dernier film sud-coréen sorti en France cet été, J'ai rencontré le diable, l'illustre bien, au-delà de tous les classiques que l'on pourrait citer (la trilogie de Park Chan Wook en étant sans doute l'exemple le connu). A la télévision, le thème de la vengeance est moins influent dans un petit écran qui demeure le terrain privilégié des mélodramas et autres RomComs où l'amour apparaît comme la dynamique centrale. Pour autant, la vengeance reste là-aussi une constante récurrente, bien plus qu'ailleurs. Chaque année, on retrouve en Corée du Sud des dramas qui explorent et déclinent à leur manière le revenge thriller, suivant des approches très différentes. Parmi les plus récents, on peut citer de manière non exhaustive, des séries comme : Sorry I love you (2004), A love to kill (2005), Time between Dog and Wolf (2007), Story of a man / The Slingshot (2009), Bad Guy (2010), et en 2011, City Hunter sur les grandes chaînes, Little Girl K pour le câble. Et ce, sans mentionner les (nombreuses) séries où le sujet est plus incident, mais néanmoins bien présent (aussi bien dans les séries contemporaines que dans les sageuk - séries historiques).

Par conséquent, c'est sans surprise que l'idée à la base de Revenge peut être associée naturellement dans l'esprit du téléspectateur à des références sud-coréennes. Cependant, ce qui m'a interpellé sur le moment, c'est que le pilote va plus loin qu'un simple partage du thème principal : on y retrouve aussi une construction narrative et une présentation qui pourraient avoir été écrites pour la télévision sud-coréenne. Mais, et c'est sans doute sur ce point que la comparaison trouve son intérêt, Revenge a aussi des spécificités qui la distingue fondamentalement d'un k-drama. De manière assez révélatrice, c'est précisément l'aspect par lequel elle se démarque qui va sceller l'échec de cette introduction.

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I. Pourquoi Revenge aurait pu être écrite par un scénariste sud-coréen (et respecte tous les codes du cahier des charges classiques des k-dramas) :

Commençons par le premier parallèle proposé par ce pilote, qui constitue un emprunt culturel évident : le choix d'ouvrir l'épisode sur une phrase, pleine de sagesse, posant d'emblée la tonalité de la série. La citation qui s'affiche est de Confucius. Si les écrits du philosophe chinois et tous les courants de pensée qui s'en sont réclamés par la suite sont deux choses différentes, l'influence des valeurs (néo)confucéennes est historiquement importante dans la société sud-coréenne, et demeure une réalité.

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Poursuivons plus avant dans ce pilote, en étudiant la construction-même du récit. L'épisode débute par un flashforward, évoquant une situation irréversible : la mort d'un des personnages principaux, sans que ces quelques minutes ne lèvent le mystère sur ce qui a abouti à cette situation. Puis, c'est le retour dans le présent, quelques mois plus tôt au début de l'été. L'héroïne retrouve la maison de son passé et va faire ses première rencontres avec les différents protagonistes. Pour nous expliquer la situation, le pilote a recours à de multiples flashbacks qui viennent idéaliser les souvenirs de l'enfance perdue de la jeune femme, avant que sa vie familiale ne soit brisée. Utiliser toute la palette des fils temporels à leur disposition pour introduire les enjeux de l'histoire - les emmêlant parfois excessivement - demeure un mécanisme scénaristique qui vient naturellement au scénariste sud-coréen. Parmi les séries citées plus haut, Bad Guy par exemple adopte la même approche.

Outre la construction de l'histoire, il y a les thèmes qui conduisent à faire des parallèles. L'objectif est le suivant : Emily veut se venger de la destruction de la vie et de la réputation de son père, et donc par ricochet avoir brisé sa propre vie. Contre qui agit-elle ? Il y a différents responsables, mais plus particulièrement une famille riche et influente (dans une série sud-coréenne, ce serait une famille de chaebol) qu'elle entend donc faire payer. Cela permet de nous immerger dans le milieu de ces gens aisés, si clinquant et brillant en apparence, mais tellement grangréné en réalité, les manipulations et les trahisons y étant un quotidien normal. Le tout se déroule dans les Hamptons, offrant donc un décor luxueux toujours prisé dans les k-dramas.

De quels moyens dispose Emily pour parvenir à ses fins ? Se glisse ici une dimension sentimentale. Au cours du pilote, l'héroïne croise en effet deux prétendants potentiels manifestes. D'une part, il y a l'héritier de la famille à détruire, lequel a tous les attributs du jeune riche (lourd passif d'arrogance, abus). D'autre part, il y a un jeune homme de milieu plus modeste qui, cerise sur le gâteau, l'a connue enfant. Les deux étaient proches (à ce moment-là, le voyant *premier amour d'enfance, flamme éternelle* clignoterait dans tout drama sud-coréen normalement constitué, puisque c'est ici un ressort narratif qui transcende tous les genres de séries), la vie les a séparées, il ne la reconnaît pas mais n'y est pas insensible, elle le reconnaît et préfère l'éviter... S'esquisse donc un triangle amoureux possible (fondation nécessaire de nombre de séries sud-coréennes), avec les sentiments et l'amour comme arme de vengeance au long cours pour réussir à atteindre l'objectif suprême. Le flashforward du début ne faisant qu'insister sur l'importance de ces trois-là.

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Si tous ces éléments expliquent ma réaction devant le pilote, pour autant Revenge est aussi très éloignée d'une série sud-coréenne.

 

II. Pourquoi Revenge se différencie irrémédiablement d'une production sud-coréenne (et rate son introduction) :

Au cours de ce premier épisode, alors même que tous les ingrédients sont bien là, la recette universelle et calibrée du revenge thriller dérape. Le pilote échoue dans sa mission de proposer une introduction intrigante, car Revenge reste en effet une enveloppe vide, un papier glacé dénué d'émotions. Une partie du problème vient sans doute d'un casting qui reste en retrait, Emily VanCamp n'ayant peut-être pas la carrure du personnage qui lui est confiée, mais une grosse part de responsabilité pèse sur l'écriture. Car s'il est souvent possible de reprocher un certain manque de rigueur narrative dans la gestion des k-dramas, en revanche, le point fort de ces productions réside dans l'empathie que vont savoir susciter les personnages. La recette miracle qui fidélise le téléspectateur, l'implique dans le sort des protagonistes et l'amène à s'investir dans la série, c'est un ressenti particulier qui va recouper une dimension émotionnelle, difficilement quantifiable. Or, dans le pilote de Revenge, on ne ressent rien. Nulle compassion face au récit de l'enfance d'Emily. Aucun lien ne se crée avec elle.

On touche ici à la limite du sur-calibrage de ces recettes scénaristiques millimétrées : on ne reprochera pas à une série d'employer des ingrédients éprouvés, simplement parce qu'ils sont excessivement classiques. En revanche, on le lui reprochera si elle devient un ensemble mécanisé et déshumanisé, d'où rien n'émane si ce n'est l'impression de visualiser des rouages savamment huilés, sans parvenir à s'intéresser à l'ensemble en tant que création. Si les k-dramas se permettent une sur-exploitation de certaines ficelles narratives, c'est parce que, jusqu'à présent, ils ont globalement su généralement conserver leur lien avec le public, en se rappelant leur force : savoir toucher une fibre émotionnelle. Mais le jour où la réutilisation des mêmes pots et le poids du cahier des charges feront oublier l'âme que doit avoir toute création, le système s'effondrera. C'est pourquoi le pilote de Revenge est un échec : il a des recettes qui pourraient indéniablement marcher, peu importe qu'elles paraissent surannées, mais le cahier des charges prend le pas sur l'histoire, et ce pilote reste une enveloppe policée, mais creuse et sans identité propre.

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Conclusion :

Sur bien des aspects, le pilote de Revenge, à partir du genre particulier que sont les séries de vengeance, semble surtout être le parachèvement et le produit d'une forme de standardisation et de mondialisation culturelles plus globale, dont le processus tend à s'accentuer en raison des nouvelles technologies, de l'abolition des frontières de la création. C'est un phénomène qui joue sur les créateurs, mais aussi sur le public - le simple téléspectateur lambda - qui a désormais un accès beaucoup plus large à tous ces contenus. Au-delà des origines et influences de Revenge (de la littérature classique aux soap américains), il reste le constat amusant et indéniable d'un parallèle évident, d'une promiscuité certaine, entre cette série et des recettes qu'on pourrait qualifier de "canoniques" au sein la production télévisuelle sud-coréenne. Une belle illustration de cette fameuse culture mainstream mondialisée.

Dommage que l'essai soit ici un échec.


Pour conclure sur une note de prosélytisme bien ordonné : si une série de vengeance vous tente vraiment, jetez un oeil à celle qui reste un modèle du genre et une des plus abouties de ces dernières années : Story of a man / The Slingshot.

09/10/2010

[TV Meme] Day 8. A show everyone should watch.

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Pushing Daisies 

(2007 - 2009, ABC)

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Parce que, comme ça, le monde aurait peut-être plus de couleurs.

Parce que Pushing Daisies, c'est une sucrerie téléphagique délicieuse et à part, un bonbon acidulé qui vous entraîne dans la découverte de saveurs inconnues dont vous ne soupçonniez pas l'existence.
Parce que vos yeux brillants dégusteront avec gourmandise les décors et la photographie d'ensemble de la série, qui propose un univers visuel vraiment travaillé et abouti.
Parce que c'est une série colorée, chatoyante et attachante comme rarement votre petit écran en aura rencontré et qu'il est impossible de rester insensible à cette magie indéfinissable, se rapprochant de celle des contes de fées, qui en émane.
Parce que les dialogues admirablement ciselés vous confirment que vous êtes face à un joyau téléphagique.
Parce que Ned et Chuck sauront toucher et faire vibrer une fibre inconnue au plus profond de votre coeur qui vous laissera avec un petit sourire, mi-béât, mi-attendri, devant votre télévision.
Parce que la série saura faire naître en vous, emportée par une naïveté enthousiaste, un tourbillon d'émotions à chérir.
Parce que Pushing Daisies manie adroitement un art du surréalisme revendiqué et recherché qui rend son univers aussi confortable que chaleureux.
Parce que désormais, vous ne pourrez vous empêcher de pousser un soupir de tendresse lorsque vos yeux s'arrêteront sur une tarte, en songeant au Pie Maker.

Parce que cette gourmandise téléphagique est un des meilleurs remèdes contre les idées noires : elle est à consommer sans modération.

 

Souvenez-vous :


18/09/2010

[TV Meme] Day 5. A show you hate.

"Détester", voici un terme excessif qui apparaît bien disproportionné dans le cadre d'un sujet où le divertissement prime, celui des séries... Au mieux les fictions auxquelles je n'accroche pas me laissent dans une froide indifférence, au pire elles m'auront agacé à cause de l'heure que je leur aurais sacrifiées sur l'autel de ma téléphagie dévorante et d'une curiosité maladive. Mais aller jusqu'à détester une fiction, c'est un ressenti un peu trop démesuré pour une telle activité.

Cependant, en y réfléchissant bien, il y a bien des séries pour lesquelles j'éprouve une profonde aversion. Mais ce n'est pas tant pour leur contenu même, que pour tout ce qui les entoure. Il existe des tas de fictions, au potentiel de détestation beaucoup plus élevé, qui resteront dans les méandres d'un anonymat qu'elles méritent et qui ne susciteront donc jamais ce type de réaction. Mais celles qui engendrent un buzz important, dans le visionnage va être accompagné de certaines circonstances particulières, ces séries-là seront plus exposées à ce risque... "A show you hate", cela renvoie à ces fictions qui provoquent une forme de réaction épidermique, sans que l'on sache trop identifier l'origine.

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Desperate Housewives
(2004-.., ABC)

 

Il est assez difficile d'expliquer rationnellement le pourquoi de ce choix. Desperate Housewives, actuellement, ce serait une série dont je n'aurais pas dépassé les deux ou trois premiers épisodes. Nous nous serions quittés sans rancune, dans l'indifférence générale, et je l'aurais vite oubliée, ne conservant en sourdine qu'un buzz lointain dans les médias. Malheureusement, ma rencontre avec cette série eut lieu en 2004-2005. A une époque où je me dis que je manquais sans doute encore de recul dans ma façon de vivre ma passion pour les séries. 

Devant le succès qui accompagna sa première saison, je m'étais naïvement persuadée qu'il était possible de percer les raisons de cet étrange engouement : un besoin de compréhension vaguement masochiste m'amena donc à persévérer... au-delà du raisonnable. Pour être franc, la question "qu'est-ce que le public peut bien trouver à Desperate Housewives ?" fut un des deux grands mystères de cette saison téléphagique 2004-2005 (L'autre grand mystère consistait à s'interroger sur le phénomène Lost. Je crois d'ailleurs que c'est cette saison-là qui consacra probablement mon divorce avec une certaine télévision américaine ; et comme ce désamour me prit un peu par surprise, cela explique aussi mon obstination sur le moment). 

Mes premières impressions sur Desperate Housewives n'avaient pas été très positives. Derrière son fil narratif tiré à quatre épingles, elle me semblait surtout excessivement creuse, un peu vaine et pas vraiment divertissante, proposant un portrait banlieusard étriqué d'un certain milieu qui ne suscitait en moi qu'une profonde envie d'ailleurs. Je n'aimais pas l'image renvoyée, je n'aimais pas la tonalité. Certains clichés m'horripilèrent. L'état d'esprit m'agaça. J'étais en plus insensible aux piques d'humour supposé de cette dramédie. Mon erreur fut de m'entêter et de poursuivre jusqu'au bout de la première saison... Mon seuil de tolérance avait été dépassé depuis bien longtemps lorsqu'elle se conclut. Si je reconnais que cette fiction ne mérite probablement pas le ressentiment que j'ai gardé à son encontre, l'effort que j'ai produit pour elle - et les débats stériles que j'ai pu avoir sur les forums - fait que j'en conserve une allergie tenace.

Pourtant, je lui suis reconnaissante sur un point. Son grand mérite a été de m'avoir fait mûrir téléphagiquement : elle m'a définitivement guéri de ce besoin naturel à tout téléphage socialisant qui est de vouloir "faire comme tout le monde". Grâce à elle, je me suis affranchie cette sourde inquiétude. Chacun ses affinités, et tout le monde se porte mieux. Il faut se faire une raison, je ne suis pas quelqu'un qui peut suivre une série sur le long terme juste pour une histoire de culture télévisuelle (même pour des monuments téléphagiques considérés comme incontournables), ou pour pouvoir ensuite donner son opinion "éclairée" (fut-elle négative). Forcer sa nature ne mène à rien, ce fut une leçon douloureuse, mais instructive.


Donc, sans rancune envers Desperate Housewives (il en fallait bien une qui m'apporte cette expérience)... si ce n'est que... non, je ne l'aime vraiment pas cette série ! (Même si je comprend bien, du moins sur un plan théorique, pourquoi elle a pu (et peut toujours ?) plaire.)

05/02/2010

(Téléphagie) Jalousie : chronique téléphagique perdue en terres lost-iennes


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Depuis plusieurs semaines, voire quelques mois, j'ai assisté, avec un recul teinté de fascination, à la construction méthodique d'un fabuleux buzz autour de la dernière saison d'une des séries phares de la chaîne américaine ABC. Une fin en forme d'apothéose, de consécration médiatique pour cette création fantastique de J. J. Abrams, qu'est Lost. On nous promet la résolution, enfin, après des années de théories mythologiques complexes, scabreuses, farfelues, aux divagations infinies... On met même en scène ce retour au-delà de la sphère de l'entertainment, nous annonçant Lost plus fort que le discours sur l'Etat de l'Union d'Obama... Bref, ce début 2010 est Lost-ien. Série incontournable, générationelle, portée aux nues. On y consacre des éditions spéciales dans la blogosphère sériephile, on redécore les blogs, et même Ladytelephagy y consacre son billet audio/podcast du jour (dont l'écoute a finalement été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, expliquant le billet qui suit).


Face à ce gigantesque phénomène médiatique, la téléphage qui sommeille en moi se retrouve partagée entre deux sentiments contradictoires. Tout d'abord, il y a une forme de perplexité devant l'ampleur du buzz. En observant cette bulle médiatique qui s'auto-nourrit, j'avoue avoir été un peu prise au dépourvu. Non que j'aie perdu de vue la série au fil des ans, mais je n'avais pas pris conscience de l'effet boule de neige qu'avait eu sa dense mythologie. Bref, j'en ai été réduite à me demander quand est-ce que Lost avait acquis une telle dimension et comment j'avais pu rater ça.

Parce que disons-le franchement, j'ai abandonné Lost il y a longtemps. Si longtemps que je ne me souviens plus exactement quand le décrochage s'est opéré. Au cours de la saison 2 ou de la saison 3, je crois. Dans ma mémoire très floue, j'en garde le souvenir d'une fiction assez divertissante, mêlant les genres, avec une qualité des épisodes très fluctuante, tout comme mon intérêt pour les storylines. Je ne sais plus vraiment pourquoi j'ai arrêté. Etait-ce une forme de lassitude devant une histoire dont les enjeux n'étaient pas clairement posés ? Même pas. Peut-être était-ce un peu lié au fait que je n'ai jamais éprouvé le moindre attachement pour des personnages qui m'insupportaient pour la plupart, que je tolérais au mieux ou détestais au pire. Un jour, les aléas de la programmation ont fait que j'ai simplement raté un épisode. Le déclic fatal. Je n'ai jamais rattrapé. Et j'ai laissé filer les saisons sans moi. Sans aucun regret. Pour vous dire le faible impact que la série avait eu sur moi, l'idée ne m'était d'ailleurs même pas venue à l'esprit d'essayer de retenter un plongeon dans cet univers, avant le raz-de-marée subi depuis le début de l'année. Lost n'était pour moi qu'un épiphénomène, existant en toile de fond de ma sphère téléphagique, une anecdote dont je suivais l'évolution au gré de mes flux rss.

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Seulement, au cours des dernières semaines, succédant à cette indifférence polie, un second sentiment est né en moi : la jalousie. Oui, face à ce gigantesque buzz dont je ne suis qu'une observatrice extérieure, comment ne pas être curieuse et envieuse en assistant à cette belle communion unanimiste ? Comprenez-moi bien : je n'ai rien contre la vie solitaire du sériephile qui poursuit en pèlerin obstiné ses découvertes obscures qui, de toute façon, ne pourront intéresser qu'une poignée de passionnés. Mais Lost offre cette opportunité si rare - et si précieuse - d'une expérience téléphagique collective. Rompant avec la réclusion habituelle du sériephile qui le confine à une certaine consanguinité communautaire, Lost réconcilie et unifie un public plus vaste sous sa bannière. Qu'y-a-t-il de plus grisant que d'avoir le sentiment d'appartenir à une grande collectivité, qui brise les barrières traditionnelles et acquiert une dimension qui va bien au-delà de la simple "série à succès" ? N'est-ce pas génial de voir ainsi récompensée, par une telle consécration, sa fidélité pour une série que l'on suit depuis six ans maintenant ? N'est-ce pas galvanisant que de pouvoir jouer sur ce buzz, de l'enrichir soi-même, de s'en amuser, en ayant conscience d'y appartenir ?

Alors oui, je suis jalouse. Je n'ai pas honte de l'admettre. J'aimerais moi-aussi connaître ces moments-là, avoir cette opportunité de partager avec le plus grand nombre, comme Lost le permet actuellement. Parce que si la confidentialité n'est pas un problème en soi, ce besoin quasi-viscéral de partager est bien toujours là. C'est ce même besoin, au fond, qui amène les téléphages à créer des blogs comme celui-ci ou à hanter les forums de spécialistes. La sériephilie est une passion qui ne peut se vivre en autarcie.

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Donc, fans ou simples amateurs de Lost, profitez, savourez cette saison 6. Je ne prétends pas comprendre l'ampleur de ce phénomène médiatique et j'ai des dizaines de séries qui m'appellent avant même d'envisager un jour une éventuelle redécouverte de Lost, mais je vous envie !

15:55 Publié dans (Téléphagie) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lost, buzz, abc |  Facebook |

24/12/2009

(US) Men in Trees (Une fille en Alaska) : une série attachante et rafraîchissante

Avec une semaine hivernale froide et enneigée, coïncidant avec la période des fêtes, l'envie prend soudain au sériephile de se montrer  faussement nostalgique, de mettre à profit la fameuse "trêve hivernale" pour se replonger dans des atmosphères chaleureuses et rafraîchissantes, afin d'échapper au temps morose et aux longues soirées d'hiver. En quête de ce précieux moment d'échappatoire, c'est ainsi que mes pas m'ont de nouveau conduite à Elmo (Alaska), devant les premiers épisodes de Men in Trees.

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Série trop tôt annulée par ABC, au bout de seulement deux saisons (2006-2008), Men in Trees fut un de ces petits rayons de soleil inattendus des  grands networks américains au cours de ces dernières années. Une série simple, absolument pas prétentieuse et profondément attachante. Une série ressuscitant, sans arrières pensées, en forme d'hommage, les vraies comédies romantiques, au sens noble du terme, à des lieues des pompeuses pseudo-aventures citadines artificielles et superficielles des ratées Lipstick Jungle ou Cashmere Mafia. Une série devant laquelle le téléspectateur s'installait pour passer un moment de détente, et finissait l'épisode attendri et surpris par l'atmosphère qui se dégageait d'une production qui semblait avoir oublié le tournant scénaristique moderne, si loin des exigences formatées et sans âme de la plupart des fictions actuelles des grandes chaînes américaines.

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Diffusée en France, sous le titre Une fille en Alaska, cette série nous narre les aventures d'une trentenaire new yorkaise, écrivain à succès, qui débarque un jour dans une petite ville perdue d'Alaska, Elmo, à l'invitation d'un des habitants, un de ses plus fans les plus fervents. Le pilote sert de fondation aux bouleversements que va connaître la vie de Marin : alors que la date de son mariage est déjà prévue, elle découvre que son fiancé l'a trompée. Jusqu'alors experte autoproclamée et reconnue en relations amoureuses, à travers ses ouvrages de conseils sur le sujet, la voilà qui voit toutes ses certitudes s'effondrer. Sentant qu'elle a besoin de changements dans sa vie, elle décide de rester quelques temps à Elmo, afin de faire le point, mais aussi d'écrire son nouveau livre.

En effet, quelle ville pourrait être plus adéquate qu'Elmo pour se reconstruire ? Le charme de la série tient beaucoup à son cadre si particulier, d'où elle dégage une atmosphère unique, d'une façon pas si éloignée, par exemple, d'un Stars Hollow de Gilmore Girls. Dans une région à démographie majoritairement masculine, où le ratio hommes/femmes est de 10 pour 1 et où il tombe même des Roméos potentiels des arbres (cf. le titre), Marin découvre un mode de vie très différent de l'agitation new yorkaise. Un lieu également parfait pour poursuivre ses observations et dissertations sur les représentants du sexe opposé et leur psychologie, pour écrire son prochain livre.

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Le charme de Men in Trees réside d'abord dans la richesse des personnages mis en scène. Les habitants d'Elmo ont tous de fortes personnalités, très différentes mais, en un sens, complémentaires. Ils représentent une galerie éclectique de personnages attachants, incarnant des stéréotypes, mais sans tomber dans une simple caricature sans imagination. Le barman riche à millions, le pilote d'avion chevronné qui permet de désenclaver un peu la bourgade, la femme shérif au besoin maladif de tout contrôler, à commencer par son fils, Patrick, qui est resté un grand enfant, l'épouse asiatique débarquée grâce à un site internet, la mère célibataire obligée de se prostituer... Et le biologiste charmant (après un début mouvementé), Jack, qui va très vite s'imposer comme le pendant parfait de Marin, image de l'homme idéal compréhensif et posé, avec lequel une complicité tendant vers le flirt va naître. Chacun d'eux est une petite pierre incontournable à l'équilibre de la série, une individualité à explorer, qui nous surprendra plus d'une fois. Logiquement, la city girl sophistiquée que constitue Marin détonne d'entrée dans cette galerie de personnages. Elle va pourtant peu à peu s'intégrer et reconsidérer ses priorités.

Exploitant parfaitement cette solide base, la série parvient à créer une ambiance chaleureuse et décalée. Agrémentée de situations cocasses, de gags spontanés qui font naître chez le téléspectateur plus d'un sourire, elle se propose de suivre, avec une bonne humeur contagieuse, la vie quotidienne de cette bourgade, rythmée par les matchs de hockey télévisés et par les romances qui s'esquissent entre les personnages. Le centre névralgique de la ville est un bar où est parfaitement restituée l'atmosphère de la ville, une communauté aux membres si différents, mais profondément soudée au milieu de ces grands espaces de nature. Ce qui fait la force de la série, c'est d'être avant tout profondément et sincèrement humaine, s'intéressant réellement à ses personnages, à leurs histoires passées, comme à leurs craintes du futur, et se concentrant sur leurs sentiments et ce qui les anime.

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Mais, Men in Trees, ce sont aussi des situations uniques auxquelles vous ne vous trouverez confronté dans aucune autre série. Vous découvrirez comment faire sauter tout le courant d'une bourgade en utilisant votre sèche-cheveux à la pointe de la modernité, quelle attitude adopter lorsque vous tombez nez-à-nez avec un ours, ou encore comment prendre votre bain de soupe de tomate après une rencontre a priori innocente avec un putois...

Ce sont également des protagonistes inattendus, amateurs de vêtements de mode new yorkais, croisés dans les recoins de l'unique auberge de la ville... dont le plus digne représentant est :

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Ce sont des paysages uniques, revigorants, qui offrent aux caméras un décor magnifique qui laisse le téléspectateur rêveur...

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Bilan : Rafraîchissant, dépaysant, attachant, sont en fin de compte les adjectifs qui permettent le mieux de décrire Men in Trees. C'est une dramédie simple et rythmée, au bien-être communicatif ; une petite dissertation savoureuse sur les relations humaines, tour à tour émouvante et drôle. Elle prend le téléspectateur par surprise : le touchant comme rarement, à partir d'un concept de départ pourtant si classique. Men in Trees ne se démarque pas des autres fictions par son originalité, mais par son ton, par l'atmosphère chaleureuse qu'elle parvient à créer, et par le fait qu'elle assume parfaitement être une héritière des comédies romantiques légères et divertissantes du petit, comme du grand écran, en reprenant les recettes qui ont fait les succès passés.

Une série revenant aux fondamentaux, comme la télévision n'en fait plus assez... A savourer.


NOTE : 7,5/10


(Source des screen-captures : La Sorcière)