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29/11/2009

(K-Drama) Partner : un legal drama made in Corée


Je sacrifie au rituel dominical qui commence à se mettre en place sur ce blog : un billet consacré à la trouvaille asiatique de la semaine !

Parce que la sériephilie n'a pas de frontière et qu'elle est aussi faite de dépaysement et de surprises, je continue mon cycle de découvertes coréennes. Cette semaine, parmi mes divers essais téléphagiques, plus ou moins réussis, la série qui a retenu mon attention est une fiction dont le thème avait aiguisé ma curiosité : un legal drama, intitulé Partner. Grande amatrice de ce genre en général (des Law & Order jusqu'aux productions de David E. Kelley), je me demandais bien ce que pouvait donner une telle fiction assaisonnée à la sauce coréenne. Et finalement, le résultat fut la hauteur de mes espérances.

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Partner est une série composée de 16 épisodes, qui fut diffusée au cours de l'été 2009 sur KBS2. Elle se déroule à Séoul où nous suivons l'arrivée de Kang Eun Ho (Kim Hyun Joo), une jeune veuve, mère d'un petit garçon lui-aussi malade. Elle a entrepris de déménager dans cette ville, en raison de son besoin d'argent. Ayant passé ses diplômes d'avocat, elle postule sans réel succès dans divers cabinets de la capitale, déjà trop âgée pour être apprentie et n'ayant jamais eu de résultats excellents dans son université. Grâce à son grand-père adoptif, personnage assez mystérieux, elle est finalement embauchée à l'essai dans une petite firme presque en passe de perdre sa licence, dirigée par un patron atypique et dont les comptes ne sont pas arrangés par l'équipe de bras cassés qui la compose. Seule Han Jung Won (Lee Honey), une jeune et brillante avocate très ambitieuse, rentabilise les affaires traitées et permet de la maintenir à flot.

La mettant à l'épreuve sur une affaire a priori ingagnable, son patron associe Kang Eun Ho à Lee Tae Jo (Lee Dong Wook), un jeune avocat, play-boy immature, impétueux et irresponsable, dont le principe de vie semble être d'en faire le moins possible. Le clash est immédiat entre ces deux juristes aux priorités diamétralement opposées, s'inscrivant dans la grande tradition scénaristique d'associations des opposés. Ils vont donc devoir apprendre à travailler ensemble, affrontant souvent la plus importante firme juridique du pays, fondée par le père de Lee Tae Jo. Ces procès prendront un tour plus personnel, quand il faudra faire face à son frère aîné, Lee Young Woo (Choi Chul Ho),  qui travaille toujours avec beaucoup d'application pour la figure autoritaire paternelle. Il convient cependant de préciser que ce duo principal n'éclipse pas la galerie des personnages secondaires. Au fil des épisodes, la série confèrera des storylines propres à chacun de ses protagonistes, creusant peu à peu les ambivalences de leur personnalité et de leur histoire personnelle.

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En réalité, Partner réussit à trouver le bon équilibre, en traitant et mêlant vie professionnelle et vie privée des personnages d'une façon classique, mais très humaine, qui la rend attachante et rafraîchissante. Le volet judiciaire conserve la maîtrise des grandes intrigues des épisodes. Les affaires principales se déroulent sur plusieurs épisodes, trois en moyenne. Ce qui permet à la série de proposer des cas plus fouillés et de prendre le temps d'installer les clients et autres accusés. Évitant ainsi l'écueil du formula show au schéma trop classique d'"une affaire = un épisode", cela confère aussi à la fiction un côté feuilletonnant qui fidélise un peu plus le téléspectateur.

Sur le fond, ces affaires sont très diverses, aussi bien civiles (divorce sordide) que pénales (meurtre commandité). Si les divers rebondissements apparaissent parfois un peu excessifs, j'ai cependant été agréablement surprise de l'émotion que la série parvient à susciter dans certaines scènes de témoignages à la barre, proprement bouleversantes. Cette capacité à alterner le ton léger et le drame constitue d'ailleurs une de ses forces, amenant le téléspectateur à passer par toute une palette d'émotions les plus diverses. De plus, ces grandes intrigues partagent un certain nombre de points communs. Elles ont toutes la particularités d'être initialement quasiment indéfendables ; et il faudra toute la hargne d'une Kang Eun Ho volontaire pour tenter d'inverser la tendance afin de les rendre au moins plaidable. Le deuxième élément récurrent verse plutôt dans l'affrontement des milieux sociaux. Cela se traduit tant à travers les clients : des faibles contre des riches et puissants qui dominent le système. Mais cela joue également dans les luttes entre cabinets d'avocats ; celui de nos héros se heurtant souvent la très puissante firme du père de Lee Tae Jo, la première du pays en terme d'importance.

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Cependant, si ces drames judiciaires sont globalement solides et constituent une trame efficace, le réel atout de Partner réside principalement dans la richesse de ses personnages. Grâce à la fraîcheur et à l'humanité qui se dégagent de l'ensemble, on s'attache très vite à ces protagonistes qui se dévoilent peu à peu. Si certains, seulement secondaires, notamment au sein du cabinet, assurent avant tout l'aspect comédie, la série fait l'effort, au fil des épisodes, de développer ses personnages afin de leur conférer une psychologie fouillée. Grâce à ces personnalités qui ne sont pas unidimensionnelles, le récit se dégage de tout manichéisme et parvient à jouer sur certaines ambivalences, même si les grands traits de caractère dominants demeurent. De plus, l'alchimie entre les personnages fonctionne très bien : c'est flagrant entre le duo principal, mais cela ne se cantonne pas à eux. Au fur et à mesure que l'on en apprend plus sur leur vie, et le chemin qu'ils ont parcouru pour en arriver là, la série parvient efficacement à se placer sur le plan de l'affectif. Si bien que, tour à tour comédie et drame, romance et souvenir de sombres histoires oubliées, Partner va se révèler finalement être une série très riche, qui va au-delà du simple legal drama...

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En effet, outre l'aspect judiciaire, c'est la vie quotidienne d'un cabinet que la série nous propose. Elle exploite parfaitement tous les codes scénaristiques traditionnellement utilisées dans les fictions coréennes. Un coktail qui prend bien, rendant le tout attractif, et qui lui confère une dimension supplémentaire. Des triangles amoureux aux relations impossibles, des vieilles vengeances aux histoires familiales, la vie de tous s'imbrique de façon plus profonde que les apparences ne le laisseraient imaginer. Et les rapports entre les personnages sont plutôt bien traités, jamais figés et très divers, adoptant parfois un ton très intense, d'autres fois simplement léger et complice.

Les frontières entre le personnel et le professionnel, entre l'amour et la haine, se troublent. Les procès se transforment parfois plus en joutes entre les avocats, qu'en affrontement sur un terrain purement juridique. Chaque personnage cache ses blessures, un passé et un présent pas aussi clair et bien établi qu'on le croirait a priori. Mais chacun évolue aussi et les relations ne tournent pas en rond. La façon d'aborder les romances reste légère, évitant tout excès. Les scénaristes parviennent ainsi à recréer à l'occasion l'ambiance d'une comédie romantique agréable et sympathique, dans laquelle les intrigues ne sont jamais juste un simple prétexte pour rapprocher certains personnages. L'ensemble forme en fin de compte un tout homogène et équilibré.

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Bilan : Partner est une série rafraîchissante, à laquelle on s'attache rapidement. Elle synthétise habilement les divers codes scénaristiques, tant du legal drama classique, que des imbroglios relationnels qui sont une composante traditionnelle des fictions coréennes. Tour à tour drôle, touchante et émouvante, elle exploite efficacement tous les ingrédients qui sont à sa disposition pour s'imposer comme un divertissement agréable, jouant sur l'affectif tout autant que sur ses intrigues judiciaires qui sont toujours travaillées. Chaque épisode se situe dans la continuité du précédent : les histoires personnelles, tout comme certains secrets enfouis dans le passé des personnages, constituent un fil rouge, récurrent qui vient se mêler et bouleverser les vies professionnelles. Au bout du compte, le coktail prend bien et les épisodes s'enchaînent  avec aisance.

A noter que, par son utilisation de codes relativement universels, qui ne sont pas étrangers aux productions occidentales, Partner est une fiction moderne qui devrait être relativement bien accessible à tout téléspectateur, même non familier des séries coréennes.
N'hésitez donc pas à être curieux !


NOTE : 7/10


La bande-annonce (Trailer 1) :


28/11/2009

(UK) Demons, saison 1 : vade retro

Cela doit venir de mon naturel optimiste, mais vous avez sans doute remarqué que je privilégie dans mes récits d'aventures en terres téléphagiques, les "séries qu'il peut être sympa de regarder", par opposition aux "séries à oublier". C'est qu'il n'est jamais agréable de revenir sur une mauvaise expérience télévisée, sur la dernière déception sériephile que l'on a connue. Parce qu'aussi, en ces périodes de doutes, je préfère me concentrer sur le positif. Après tout, ce blog traduit une volonté de vous faire partager ce que j'aime (avec quelques nuances), il n'est pas là afin de servir d'exécutoire pour mes dernières réactions épidermiques contre telles ou telles découvertes (même si évacuer sa frustration est parfois nécessaire).

Si bien que vous ne savez presque rien de la face obscure de ma vie sériephile. Quel est mon dernier abandon en date de séries en cours ? Quels effroyables pilotes j'ai tentés cette semaine pour instantanément les oublier ensuite ? Or, la téléphagie, ce n'est pas une passion toute rose qui se vit toujours avec plaisir. Elle passe aussi par des périodes creuses, de recherches sans fin de petites étincelles, et comporte son lot d'expériences plus ou moins traumatisantes devant son petit écran. Car, soyons réaliste, statistiquement, les séries décevantes sont supérieures en nombre aux intéressantes. Même en sélectionnant les synopsis, en gardant un oeil sur les critiques de confrères avisés, notre curiosité intarissable nous conduit invariablement vers des sentiers de traverse. Bien sûr, il est mieux de se faire une opinion sur une série par son propre visionnage ; mais parfois, avec le recul, on se dit qu'il aurait quand même été plus avisé de s'épargner certaines peines et de sauver une heure de son temps.

Cette longue introduction pour vous parler d'une série britannique dont l'arrivée en France est prévue ce lundi 30 novembre sur TF6 : Demons. Projet initié par ITV, dans le but de surfer sur le renouveau du genre fantastique, cette fiction fut enterrée, à l'issue de sa première saison, dans la vaste fosse commune des désastres télévisuels à oublier.

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Initialement, Demons tente de réactualiser la chasse aux vampires et autres démons, en nous introduisant auprès du dernier descendant des Van Helsing, un adolescent de 18 ans, autour duquel veillent plusieurs personnages protecteurs. Nous sommes donc dans un univers à la thématique très proche de Buffy.

Il est difficile de savoir par où commencer pour énumérer tous les défauts, qui surgissent à chaque ligne de dialogues. La série constitue une sorte de vaste cliché ambulant, qu'on ne sait pas trop à quel degré comprendre. Ce recyclage éhonté de tous les stéréotypes du genre s'accompagne de dialogues tellement plats et convenus qu'il est presque possible au téléspectateur de les réciter avant même que les répliques ne soient prononcées. Le manque de subtilité se ressent aussi dans la présentation des personnages, figures unidimensionnelles sans la moindre épaisseur psychologique. La faiblesse est d'autant plus criante que le jeune supposé "héros" se révèle d'une fadeur désespérante (le jeu monolithique de l'acteur, Christian Cooke, y est sans doute pour quelque chose -le pauvre a d'ailleurs réussi à se commettre dans l'exaspérante Trinity depuis). Ce n'est pas la présence de Philip Glenister qui sauvera quoique ce soit. Impossible de s'attacher à cette ambiance.

Malheureusement, les intrigues suivent le même schéma. Les scénaristes brûlent les étapes de construction des storylines, utilisent toutes les ficelles les plus connues pour finir par plonger dans une caricature dont on est réduit à se demander si elle est asssumée ou à prendre au premier degré. Si sur le fond, tout tombe désespérément à plat, la forme ne permet pas de relever le niveau. Dotée d'une réalisation pour le moins discutable, la série devait en plus disposer d'un budget très serré, car tout est très très cheap (mais sans aucun charme). Les effets spéciaux n'étaient probablement pas une priorité ; ils pourront cependant nourrir l'aspect comédie involontaire de la série en générant sans doute quelques rires. Enfin, je vous épargnerai le récit de la mise en scène des combats.

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Bilan : Caricature ratée, cliché sans âme, ni charme, Demons enchaîne tous les poncifs du genre sans sourciller. C'est une de ces séries qu'il convient d'oublier très vite.

Bref, pour ce samedi, je vais à l'encontre de mes principes : au lieu de rajouter des séries à votre pile des indispensables à voir, je vous fais gagner du temps (je sais aussi me montrer charitable). C'est bien simple : ne regardez par Demons. Ne tentez même pas le pilote.
Si vous aimez tellement Philip Glenister, ressortez vos DVD de Life on Mars ou Ashes to Ashes. Même si cela ne sera pas de l'inédit, vous passerez au moins une bonne soirée. Si vous voulez absolument voir des histoires de vampires, du classique Buffy jusqu'à Being Human, tout sera plus attrayant (sauf peut-être Blade... dans le genre...).


NOTE : 1,5/10

 

Voilà donc un gain de temps gracieusement offert qui va vous permettre de ménager un espace dans vos programmes pour la série que je vous proposerai demain !

27/11/2009

(Mini-série UK) Sex Traffic : thriller choc sur le trafic moderne d'êtres humains


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J'ai consacré ma soirée d'hier au visionnage du DVD de Sex Traffic. Outre les bonnes critiques générales, et les récompenses remportées (8 BAFTA et 4 Gemini Awards), j'avais aussi été attirée par le nom de son réalisateur, David Yates, plus connu pour son chef d'oeuvre, State of Play (Jeux de Pouvoir). Comme ce dernier, Sex Traffic passa en France sur Arte. Cette mini-série anglo-canadienne date de 2004. Elle est composée de deux parties de 90 minutes chacune, soit un récit de trois heures.

A lire le scénario, l'idée de départ me faisait beaucoup penser à cette série belge choc, Matrioshki : le trafic de la honte, qu'avait proposée M6 au cours d'un été il y a quelques années. En effet, Sex Traffic se propose de nous raconter l'histoire de deux soeurs moldaves qui se retrouvent prises dans la nasse des trafiquants d'être humains, pour un séjour qui les conduira jusqu'à Londres, en passant par Sarajevo et l'Italie. Cependant, là où la première optait pour une chronique racontant le quotidien, sans tabou, des filles comme des proxénètes, Sex Traffic, tout en gardant en filigrane cette approche, de par son format plus court, se rapproche plus du thriller, ne souhaitant pas adopter le même ton didactique, quasi-documentaire, que sa consoeur.

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L'histoire commence avec Elena et Vara, deux soeurs vivant en Moldavie. Elena est une jeune mère célibataire ; tandis que Vara flirte avec un petit ami. Ce dernier leur parle constamment de l'el dorado londonien et des perspectives d'avenir meilleures que l'on trouve à l'ouest. Il leur propose un jour l'opportunité de réaliser ce rêve. Mises en confiance par le fait qu'il est un proche, elles acceptent et se retrouvent happées dans un engrenage qui va les broyer. Leur passeport confisqué, elles sont vendues de trafiquants en trafiquants, dans un trajet interminable, qui les conduit à la plaque-tournante de ce commerce écoeurant que constitue Sarajevo. Car, tout simplement, dans cette ville où résident des milliers de soldats occidentaux, la demande en nouvelles filles y est forte.

Si on suit la descente aux enfers des deux jeunes femmes, en parallèle, Sex Traffic développe différentes storylines qui vont toutes finir par se recouper. Tout d'abord, la mini-série s'intéresse aux causes de ce trafic. Et notamment, à l'influence de grandes entreprises privées de pacification et de reconstruction dans ces zones désolées, qui emploient des milliers d'hommes à cette tâche. Figure en tête d'affiche la société Kernwell. D'ailleurs, un de ses employés vient justement d'être renvoyé, arrêté lors d'un raid de police, alors qu'il cherchait à acheter une fille (pour la libérer en réalité). Mais les dérives rencontrées sur le terrain sont bien plus profondément implantées que ces incidents isolés pourraient le laisser croire. Maîtrisant parfaitement sa communication, d'un cynisme capitaliste à toute épreuve, Kernwell est le type d'entreprise qui, tout en connaissant la réalité du terrain, peut organiser une grande soirée de charité à destination d'une association tentant d'aider les femmes victimes de ces trafics. Cependant, l'épouse du patron, avocate, va commencer à se demander si les attaques dont fait l'objet son mari n'ont pas un fondement.

Par ailleurs, Daniel Appleton, membre d'une ONG britannique, dont le travail est de rédiger des rapports sur diverses situations de crise dans le monde, se trouve une nouvelle cause dans laquelle s'investir. En effet, alors qu'il s'était rendu sur le terrain dans le cadre de sa mission d'observation, il est le témoin des pratiques de commerce d'êtres humains, en cours à Sarajevo. Prêt à provoquer un affrontement aux allures de David contre Goliath, il va entreprendre une véritable croisade pour faire éclater la vérité et stopper ce trafic, où locaux comme occidentaux prennent part.

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Sex Traffic se présente donc comme une fiction choc, jouant sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, elle nous propose, sans excès, mais avec une sobriété crue qui ne peut laisser indifférent, une plongée dans l'enfer déshumanisant du trafic moderne d'êtres humains, aux côtés de deux soeurs qui vont devoir apprendre à y survivre. Au-delà de ce commerce révoltant, c'est la réification des jeunes femmes qui marque particulièrement. Elles sont réduites à de simples choses, un vulgaire outil de plaisir qu'il faut entretenir un minimum. Cette vision dégradante, présentée de façon neutre, fait froid dans le dos.

Outre cette réalité cruelle, Sex Traffic joue également sur les codes scénaristiques d'un classique thriller. La figure de la multinationale inébranlable, protégeant ce système dans le but de protéger ses propres intérêts, s'impose comme l'adversaire à faire tomber. C'est ici que se trouve peut-être la particularité de Sex Traffic par rapport à d'autres fictions traitant de la même thématique : elle identifie clairement une origine à ce commerce. En ce sens, elle est moins neutre dans son traitement que la très engagée Matrioshki : le trafic de la honte. L'histoire est vraiment scénarisée de façon plus romancée ; et n'a pas la nuance et le caractère un peu abrupt qu'on retrouve chez la série belge. Au fond, tout en gardant ce thème fort et révoltant, Sex Traffic est peut-être mieux calibrée pour être accessible à un public plus étendu (qui reste cependant composé de téléspectateurs avertis). La dernière demi-heure, qui offre une conclusion au récit, illustre bien cet aspect, avec une forme de fausse semi-happy end au goût amer, mais parfaitement conçue pour une fiction télévisée de ce format.

Sur la forme, la réalisation est efficace, tout en sobriété. Du côté du casting également, l'ensemble est très solide, composé de têtes connues du petit écran. De Wendy Crewson (Regenesis), en épouse privilégiée, prenant peu à peu conscience de la réalité, jusqu'à Anamaria Marinca (The Last Enemy), qui incarne une Elena pleine de ressources, gardant le sens des priorités, en passant par John Simm (Life on Mars, State of Play), en obstiné redresseur de torts, tous remplissent parfaitement leur rôle.

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Bilan : Sex Traffic est une fiction choc traitant d'une thématique qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent, le trafic moderne d'êtres humains. La description de la descente aux enfers des jeunes femmes et de leur réification progressive marquent profondément. Pour autant, la mini-série ne se contente pas de cette dénonciation ; elle se présente ainsi sous la forme d'un thriller abouti, parfois un peu trop académique et convenu, mais toujours très efficace.


NOTE : 8/10

26/11/2009

(Pilote UK) Paradox : des enquêtes contre le Temps

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Paradox est une nouvelle série diffusée sur BBC One, dont le premier épisode était proposé mardi soir aux téléspectateurs britanniques.

S'engouffrant dans la brêche des méandres du temps et de ses paradoxes, ouverte cette saison par Flash Forward, il s'agit d'une fiction policière optant pour un angle d'approche a priori plus original que la normale : nos héros n'enquêtent pas sur des crimes ou catastrophes ayant déjà eu lieu ; mais ils tentent de reconstituer un puzzle d'indices sur des évènements ne s'étant pas encore produits pour éventuellement les éviter. Cependant, à partir de ce point de départ aux faux airs de Minority Report, la série déroule une partition sans surprise dont les codes utilisés sont ceux du plus classique des cop shows du genre (tout en conservant l'étrange particularité de son concept de départ).

L'histoire débute lorsque le Dr King, un éminent physicien surveillant la "météo spatiale" -et plus précisément les éruptions solaires-, reçoit sur son ordinateur d'étude très sophistiqué une série d'images apparemment sans rapport entre elles, si ce n'est qu'elles ont la même "signature temporelle". Plusieurs de ces photographies, dont le cadavre d'une fillette, évoquent les lieux d'une catastrophe. Or, la date indiquée sur le téléphone portable figurant sur l'une d'elle correspond au soir suivant la réception de ces photos. Ces images peuvent-elles constituer un aperçu du futur ?

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Ce pilote est donc construit avec en toile de fond un compte à rebours. Le Dr King contacte la police. Etant un scientifique haut placé, il réussit à se faire envoyer une de leurs meilleures inspectrices, Rebecca Flint. Puis, il lui suffit de quelques remarques suffisamment ambigues et suspcieuses pour que cette dernière soit bientôt persuadée que ces photos sont un jeu, un moyen pervers pour King d'annoncer une catastrophe qu'il va lui-même déclencher. C'est du moins un scénario plus rationnel a priori que celui d'un aperçu du futur. L'enquête se met donc en marche afin de retrouver le lieu de l'accident annoncé et de deviner ce qu'il va se produire. En parallèle, on suit la vie déconnectée de plusieurs personnes, qui se retrouveront là au moment fatidique, selon les photographies. L'enjeu consiste finalement à reconstituer un étrange puzzle : il faut recouper ces maigres indices imagés dans une course contre-la-montre dont l'issue s'annonce fatidique. Après un léger flottement dans la première demi-heure, l'épisode trouve son rythme dans sa seconde partie. La réalité de la menace se précise. Les minutes les plus réussies sont les dernières, celles où chaque élément annoncé se met en place, dans une tension palpable. Tout s'emboîte avec une impression de fatalité et la tragédie ne sera pas empêchée. Cependant, fait marquant, toutes les incohérences des photographies se seront révélées exactes, s'expliquant par des circonstances exceptionnelles que nul ne pouvait prévoir. Il faut se rendre à l'évidence : il semble que cela soient bien des instantanées du futur que le Dr King reçoit sur son ordinateur.

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Si l'histoire policière prend son envol dans la dernière partie, la construction du show reste très classique. Mais plus que cette absence de réelle originalité dans le ton, c'est le manque d'humanité de la série qui lui est le plus préjudiciable. Les personnages principaux sont dans l'ensemble froid ; leurs réactions mécaniques apparaissent souvent assez caricaturales. Pour le moment, cela donne donc des personnalités très unidimensionnelles. Il n'y a aucun souffle de spontanéité et d'authenticité. Bref, il faudrait que la série puisse apprendre à susciter et à jouer plus subtilement avec les émotions du téléspectateur. Le même reproche peut être adressé aux à la présentation des futures victimes, rapide exposé stéréotypé de diverses situations. L'héroine est cependant sans conteste celle qui s'en sort de manière la plus convaincante, incarnant une DI au caractère fort, parfaitement campée par Tamzin Outhwaite qui tire très bien son épingle du jeu.

En dépit de ces flottements, grâce à sa mythologie, Paradox dispose sans conteste d'un potentiel intéressant. Une fois admis la situation de départ, se pressent mille et une questions intriguantes. Les évènements ainsi prévus -cet aperçu du futur- peuvent-ils être changés ? Le futur est-il immuable et la course contre-la-montre des policiers est-elle fatalement vaine ? En continuant sur cette voie, on peut se demander si nos vies sont régies par une forme de prédestination, l'enchaînement des évènements ne pouvant être modifié ? Au-delà de ces interrogations temporelles, propres à toute fiction traitant des rapports présent/futur, la question de la provenance de ces photos s'impose comme le fil rouge majeur. Elles sont téléchargées directement sur l'ordinateur du Dr King, ordinateur qui n'est connecté à aucun réseau, se contentant de faire office d'observatoire spatiale. Ces images sont-elles un signal en provenance des étoiles ? Quelle en est la source ? Quel est le but de tout cela ? De quoi piquer la curiosité du téléspectateur.

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Bilan : Sans jeu de mots intempestif, Paradox nous offre un pilote... paradoxal. Son concept de départ fait son originalité ; mais son étrangeté et les questions de cohérence qu'il soulève (pourquoi une sélection de quelques images à moitié coupées, semblant forcer artificiellement à la création de l'intrigue ?) laisse le téléspectateur un brin perplexe. Cette impression est accentuée par les réflexions peu subtiles suscitées par cet "aperçu du futur" chez les protagonistes. En somme, on peine tout d'abord à y croire et à rentrer vraiment dans l'histoire.

Pourtant, ensuite, dans la deuxième partie de l'épisode, lorsque le rythme s'accélére avec le compte-à-rebours qui défile vers une fin tragique apparemment irrémédiable, la série parvient à nous capter et la potentialité du show est perceptible. Outre déjouer ces prédictions, ce sont aussi toutes les questions mythologiques sur ces paradoxes temporels qui sont intriguantes. Pour cela, au-delà d'un travail plus soigné dans la gestion des intrigues, il faudra également prendre le temps d'humaniser les différents personnages principaux qui, pour le moment, laissent globalement indifférent, voire paraissent assez antipathiques.

Si les protagonistes gagnent en épaisseur et l'écriture en subtilité, Paradox pourrait sans doute devenir un divertissement efficace. Reste que, au vu de ce premier épisode, il y a encore du travail. J'irai quand même sans doute jeter un oeil du côté du deuxième épisode, histoire de voir l'orientation que prend la série.


NOTE : 5/10


La bande-annonce :


25/11/2009

(UK) Yes Minister : les coulisses d'un cabinet ministériel

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Je suis d'un tempérament difficile à l'égard des comédies. Au-delà de ma préférence naturelle envers les dramas, il est rare d'obtenir de moi plus qu'une vague esquisse de sourire. Cependant, il existe quelques exceptions me permettant d'occuper mes longues soirées de déprimes hivernales, au rang desquelles figure en bonne place Yes Minister. Une de ces sitcoms que je chéris, une des rares à réussir à me faire rire aux éclats devant mon petit écran. Cette série, écrite par Anthony Jay et Jonathan Lynn, appartient sans nul doute au panthéon des comédies britanniques. Véritable institution en terme d'humour, elle comprend trois saisons qui furent diffusées de 1980 à 1984. Une suite -conséquence de la promotion du la figure politique centrale-, Yes Prime Minister, durera ensuite deux saisons, de 1986 à 1988. Au total, la série comporte ainsi 38 épisodes. Avec ses dialogues savamment ciselés et son excellent trio d'acteurs principaux (Paul Eddington, Nigel Hawthorne, Derek Fowlds), cette comédie est un petit bijou d'humour dont la caractérisation des thématiques politiques est intemporelle.

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Yes Minister nous plonge dans les coulisses d'un cabinet ministériel, en prenant un malin plaisir à nous dépeindre les rapports de force continuels et conflictuels entre les fonctionnaires en place de l'administration et le politique censé les diriger, leur ministre. Au centre de ce délicieux et habile numéro de duettistes, se trouve un duo de brillants personnages qui symbolisent parfaitement chacun les deux systèmes qu'ils représentent. D'un côté, il y a Jim Hacker (Paul Eddington) qui incarne la figure du politicien ambitieux et pragmatique, membre d'un parti qui revient au pouvoir après des années d'opposition. La politique et sa fameuse notion de "réforme" se résume, chez lui, à mesurer le potentiel gain d'exposition que cela peut lui apporter, accordant un soin particulier aux retombées médiatiques certaines et aux votes probablement gagnés. Ainsi a-t-il tendance à mesurer la réussite de sa dernière initiative politique en fonction du nombre de colonnes des articles lui étant consacrés dans les journaux. S'il suit toujours l'air du temps et de l'opinion publique (ou de son parti), Hacker ne manque pourtant pas de bonne volonté. Cependant, ses velléités réformatrices se heurtent toujours à l'invariable Sir Humphrey Appleby.

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Sir Humphrey (Nigel Hawthorne), représentant de l'indéboulonable establishment administratif, est quant à lui un fervent partisan du statu quo, contre vents et marées. En théorie, il est celui qui doit assister le ministre dans sa politique ; en pratique, la majeure partie de son activité consiste à canaliser, voire à annihiler, toutes les pulsions réformatrices politiciennes de son patron. En présence de cette figure interne d'opposition systématique, les épisodes se résument ainsi souvent à suivre l'évolution du rapport de forces entre les deux, comme une partie d'échecs, chacun usant de mille et une stratégies pour parvenir à imposer ses vues. Au milieu de tout cela, Bernard Woolley (Derek Fowlds), secrétaire privé du ministre, mais également fonctionnaire dont la carrière dépend de Humphrey, compte les points et se retrouve constamment pris entre deux feux et deux loyautés théoriques qui s'opposent. Avec un art du compromis tout personnel, il s'efforce de garder un minimum de neutralité en ne mécontentant ni l'un, ni l'autre ; toujours prompt à acquiescer aux vérités énoncées par ses deux patrons, mais non sans prendre un malin plaisir à pointer leurs incohérences ou à faire partager ses vues en quelques phrases souvent décalées, toujours très inspirées. 

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Yes Minister constitue une brillante satire politique, dépeignant avec un cynisme ouvertement affiché et qui sonne pourtant toujours terriblement juste les problamétiques auxquelles est confronté quotidiennement le cabinet ministériel. De la gestion de la presse à la tentative de mise en place de grandes politiques de réformes, tout y est traité, avec un don certain pour l'autodérision et des piques qui font toujours mouche. Parmi les moments les plus savoureux, figurent les quasi-monologues de Humphrey. Il y expose notamment sa vision du travail de ministre, cantonné à la fonction d'assurer les financements du département et à leur défense au Parlement. Ces discours sont de véritables pépites d'humour noir. La série s'amuse aussi beaucoup dans la mise en scène du "langage de l'administration", vaste force d'inertie à lui tout seul, proprement incompréhensible hormis par celui qui l'énonce.

Outre l'utilisation d'un comique de situation exploité sans excès, la richesse de la sitcom réside donc principalement dans ses dialogues regorgent de jeux de mots, tour à tour improbables, inattendus ou paraissant comme une évidence. Alternant ces différents types d'humour, les scénaristes tombent souvent juste, tant dans la comédie que dans la justesse du tableau politique dressé.

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Je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager quelques lignes de dialogues, issues de la saison 1 de Yes Minister que j'ai revue il y a peu :

Jim Hacker: What's the différence ?
Bernard: Well, "under consideration" means "we've lost the file" ; "under active consideration" means "we're trying to find it".
(1.02, The Official Visit)

Sir Humphrey : Politicians like to panic. They need activity. It's their substitute for achievement. We must just ensure that it doesn't change anything.
(1.03, The Economy Drive)

Sir Humphrey: The public doesn’t know anything about wasting government money, we're the experts.
(1.03, The Economy Drive)

Jim Hacker: The opposition aren't the opposition.
Annie Hacker: No of course not, silly of me. They are just called the opposition.
Jim Hacker: They are only the opposition in exile. The Civil Service is the opposition in residence.
(1.04, Big Brother)

Jumbo: We should never let Ministers get so deeply involved. Once they start writing the draft, the next thing we know they'll be dictating policy.
(1.05, The Writing on the Wall)

Jim Hacker: Humphrey, do you see it as part of your job to help Ministers make fools of themselves?
Sir Humphrey: Well, I never met one that needed any help.
(1.06, The Right to know)

Sir Humphrey: Bernard, Ministers should never know more than they need to know. Then they can't tell anyone. Like secret agents, they could be captured and tortured.
Bernard: You mean by terrorists?
Sir Humphrey: By the BBC, Bernard.
(1.07, Jobs for the Boy)


Et, en bonus, voici un petit extrait vidéo, avec une des scènes cultes, issue de Yes Prime Minister : la classification des lecteurs des différents journaux anglais par Hacker (et la chute finale par Bernard) :

Les dialogues de cette analyse "sociologique" :
Hacker: Don't tell me about the press. I know exactly who reads the papers. The Daily Mirror is read by people who think they run the country ; The Guardian is read by people who think they ought to run the country ; The Times is read by the people who actually do run the country ; The Daily Mail is read by the wives of the people who run the country ; The Financial Times is read by people who own the country ; The Morning Star is read by people who think the country ought to be run by another country ; And The Daily Telegraph is read by people who think it is.
Sir Humphrey: Prime Minister, what about the people who read The Sun?
Bernard: Sun readers don't care who runs the country, as long as she's got big tits.

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Bilan : Yes Minister est un petit bijou d'humour, dispensé avec un flegme tout britannique parfait pour la circonstance. C'est une satire politique intemporelle, aux dialogues savamment ciselés et distillés. Si ses débuts datent d'il y a presque 30 ans, il est surprenant de constater pourtant que la plupart des thématiques traitées ont encore une actualité aujourd'hui : de la construction européenne jusqu'à la réduction des dépenses publiques, en passant par le serpent de mer de la réforme de l'administration, tout y est.

Il s'agit sans conteste d'une de mes comédies britanniques favorites. Une grande série à mettre entre toutes les mains.


NOTE : 9/10