27/11/2009
(Mini-série UK) Sex Traffic : thriller choc sur le trafic moderne d'êtres humains
J'ai consacré ma soirée d'hier au visionnage du DVD de Sex Traffic. Outre les bonnes critiques générales, et les récompenses remportées (8 BAFTA et 4 Gemini Awards), j'avais aussi été attirée par le nom de son réalisateur, David Yates, plus connu pour son chef d'oeuvre, State of Play (Jeux de Pouvoir). Comme ce dernier, Sex Traffic passa en France sur Arte. Cette mini-série anglo-canadienne date de 2004. Elle est composée de deux parties de 90 minutes chacune, soit un récit de trois heures.
A lire le scénario, l'idée de départ me faisait beaucoup penser à cette série belge choc, Matrioshki : le trafic de la honte, qu'avait proposée M6 au cours d'un été il y a quelques années. En effet, Sex Traffic se propose de nous raconter l'histoire de deux soeurs moldaves qui se retrouvent prises dans la nasse des trafiquants d'être humains, pour un séjour qui les conduira jusqu'à Londres, en passant par Sarajevo et l'Italie. Cependant, là où la première optait pour une chronique racontant le quotidien, sans tabou, des filles comme des proxénètes, Sex Traffic, tout en gardant en filigrane cette approche, de par son format plus court, se rapproche plus du thriller, ne souhaitant pas adopter le même ton didactique, quasi-documentaire, que sa consoeur.
L'histoire commence avec Elena et Vara, deux soeurs vivant en Moldavie. Elena est une jeune mère célibataire ; tandis que Vara flirte avec un petit ami. Ce dernier leur parle constamment de l'el dorado londonien et des perspectives d'avenir meilleures que l'on trouve à l'ouest. Il leur propose un jour l'opportunité de réaliser ce rêve. Mises en confiance par le fait qu'il est un proche, elles acceptent et se retrouvent happées dans un engrenage qui va les broyer. Leur passeport confisqué, elles sont vendues de trafiquants en trafiquants, dans un trajet interminable, qui les conduit à la plaque-tournante de ce commerce écoeurant que constitue Sarajevo. Car, tout simplement, dans cette ville où résident des milliers de soldats occidentaux, la demande en nouvelles filles y est forte.
Si on suit la descente aux enfers des deux jeunes femmes, en parallèle, Sex Traffic développe différentes storylines qui vont toutes finir par se recouper. Tout d'abord, la mini-série s'intéresse aux causes de ce trafic. Et notamment, à l'influence de grandes entreprises privées de pacification et de reconstruction dans ces zones désolées, qui emploient des milliers d'hommes à cette tâche. Figure en tête d'affiche la société Kernwell. D'ailleurs, un de ses employés vient justement d'être renvoyé, arrêté lors d'un raid de police, alors qu'il cherchait à acheter une fille (pour la libérer en réalité). Mais les dérives rencontrées sur le terrain sont bien plus profondément implantées que ces incidents isolés pourraient le laisser croire. Maîtrisant parfaitement sa communication, d'un cynisme capitaliste à toute épreuve, Kernwell est le type d'entreprise qui, tout en connaissant la réalité du terrain, peut organiser une grande soirée de charité à destination d'une association tentant d'aider les femmes victimes de ces trafics. Cependant, l'épouse du patron, avocate, va commencer à se demander si les attaques dont fait l'objet son mari n'ont pas un fondement.
Par ailleurs, Daniel Appleton, membre d'une ONG britannique, dont le travail est de rédiger des rapports sur diverses situations de crise dans le monde, se trouve une nouvelle cause dans laquelle s'investir. En effet, alors qu'il s'était rendu sur le terrain dans le cadre de sa mission d'observation, il est le témoin des pratiques de commerce d'êtres humains, en cours à Sarajevo. Prêt à provoquer un affrontement aux allures de David contre Goliath, il va entreprendre une véritable croisade pour faire éclater la vérité et stopper ce trafic, où locaux comme occidentaux prennent part.
Sex Traffic se présente donc comme une fiction choc, jouant sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, elle nous propose, sans excès, mais avec une sobriété crue qui ne peut laisser indifférent, une plongée dans l'enfer déshumanisant du trafic moderne d'êtres humains, aux côtés de deux soeurs qui vont devoir apprendre à y survivre. Au-delà de ce commerce révoltant, c'est la réification des jeunes femmes qui marque particulièrement. Elles sont réduites à de simples choses, un vulgaire outil de plaisir qu'il faut entretenir un minimum. Cette vision dégradante, présentée de façon neutre, fait froid dans le dos.
Outre cette réalité cruelle, Sex Traffic joue également sur les codes scénaristiques d'un classique thriller. La figure de la multinationale inébranlable, protégeant ce système dans le but de protéger ses propres intérêts, s'impose comme l'adversaire à faire tomber. C'est ici que se trouve peut-être la particularité de Sex Traffic par rapport à d'autres fictions traitant de la même thématique : elle identifie clairement une origine à ce commerce. En ce sens, elle est moins neutre dans son traitement que la très engagée Matrioshki : le trafic de la honte. L'histoire est vraiment scénarisée de façon plus romancée ; et n'a pas la nuance et le caractère un peu abrupt qu'on retrouve chez la série belge. Au fond, tout en gardant ce thème fort et révoltant, Sex Traffic est peut-être mieux calibrée pour être accessible à un public plus étendu (qui reste cependant composé de téléspectateurs avertis). La dernière demi-heure, qui offre une conclusion au récit, illustre bien cet aspect, avec une forme de fausse semi-happy end au goût amer, mais parfaitement conçue pour une fiction télévisée de ce format.
Sur la forme, la réalisation est efficace, tout en sobriété. Du côté du casting également, l'ensemble est très solide, composé de têtes connues du petit écran. De Wendy Crewson (Regenesis), en épouse privilégiée, prenant peu à peu conscience de la réalité, jusqu'à Anamaria Marinca (The Last Enemy), qui incarne une Elena pleine de ressources, gardant le sens des priorités, en passant par John Simm (Life on Mars, State of Play), en obstiné redresseur de torts, tous remplissent parfaitement leur rôle.
Bilan : Sex Traffic est une fiction choc traitant d'une thématique qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent, le trafic moderne d'êtres humains. La description de la descente aux enfers des jeunes femmes et de leur réification progressive marquent profondément. Pour autant, la mini-série ne se contente pas de cette dénonciation ; elle se présente ainsi sous la forme d'un thriller abouti, parfois un peu trop académique et convenu, mais toujours très efficace.
NOTE : 8/10
15:15 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sex traffic, channel 4, john simm, david yates, wendy crewson, anamaria marinca | Facebook |
30/10/2009
(Mini-série UK) State of Play : des jeux de pouvoir immuables
Ce soir, Arte rediffuse une des plus réussies mini-séries britanniques des années 2000 : State of Play (Jeux de pouvoir).
J'ai beau connaître l'histoire sur le bout des doigts, finir par être capable de réciter certaines scènes par coeur et avoir presque rayé mes DVD à force de visionner en boucle certaines scènes, c'est toujours un plaisir de la regarder à nouveau. Cela reste toujours aussi facile de s'enthousiasmer devant son petit écran, de jubiler devant ces dialogues finement écrits qui sonnent justes, de se prendre au jeu de cette tension qui se construit peu à peu, de se piquer aux relations entre les protagonistes qui se font et se défont, de s'interroger sur la complexité des personnages, d'applaudir devant l'ultime retournement de situation avec l'estomac noué.
C'est un thriller médiatico-politique qui s'interroge sur cette zone d'ombre trouble où évoluent les initiés du pouvoir et sur les pratiques qui y ont cours ; on plonge dans les coulisses et les rouages amers d'une démocratie, des secrets de fabrication dont nous ne sommes normalement pas témoin. Une intrigue prenante et passionnante se déroule et captive rapidement. Si bien qu'une adaptation en film a même été faite cette année par les américains. Autant le dire tout de suite, je n'ai pas réussi à trouver l'envie d'aller y risquer un oeil. C'est difficile de se motiver pour voir rejouer une intrigue simplifiée (6 heures réduites au format d'un film) et américanisée (translation géographique, mais aussi des enjeux derrière la trame principale). Mais surtout, il y a un élément, plus brise-coeur, plus répulsif : le casting original a disparu. Et imaginer State of Play sans Bill Nighy, John Simm, David Morrissey, Polly Walker, James McAvoy... C'est juste blasphématoire.
Il faut dire que State of Play et moi, cela se joue également sur un plan purement affectif. Mon premier visionnage, c'était au temps où je commençais juste à découvrir la télévision britannique. C'était au temps où je ne connaissais pas encore toutes les têtes familières du petit écran d'outre-Manche. Et ce fut juste le coup de foudre. Du genre à me conduire à aller fouiller la filmographie de tous ces acteurs, pour découvrir d'autres petits bijoux. Je garde encore les noms de John Simm (en dépit de Life on Mars) ou de David Morrissey (Blackpool, Meadowland, etc...) associés en priorité à cette mini-série. James McAvoy conservera toujours à mes yeux cette image de dandy irrésistible, en dépit de sa carrière cinématographique future. Dans mon esprit, seule Polly Walker a pu se détacher de l'image de l'épouse subissant les évènements pour devenir un symbole de Rome.
On a tous, vous comme moi, près de notre coeur de téléphage, quelques séries qui sont particulières. Ce serait trop réducteur de parler uniquement d'une question de qualité. C'est cela, certes, mais bien plus encore. Cela renvoie à l'impact que telle ou telle fiction a pu avoir sur nous lors du premier visionnage, à sa place dans notre expérience téléphagique globale. C'est purement subjectif. Souvent conjoncturel. Tellement personnel. Cela ne s'explique pas en termes rationnels. Je suis certaine que ce sentiment ne vous est pas non plus étranger. Toujours est-il que State of Play est, pour moi, une de ces fameuses séries. Une de ces éternelles et immuables qui occupent mon petit Panthéon personnel du petit écran.
Si jamais State of Play vous est encore inconnu. Je n'ai qu'un seul conseil : Arte, ce soir, 22h10 (bon, en VF, cela me hérisse un peu car il manquera quand même la savoureuse multitude d'accents offerte par la mini-série ; mais ce sera un début!). Car même si ce billet n'est pas vraiment une critique, je peux bien attribuer une note à cette série, et ce sera sans hésitation, avec tout ma subjectivité :
NOTE : 9,5/10
07:00 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : state of play, jeux de pouvoir, bbc, john simm, james mcavoy, david morrissey, bill nighy, david yates | Facebook |