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21/05/2011

(BR/FR/POR) Les Mystères de Lisbonne (Mistérios de Lisboa) : fresque romanesque envoûtante dans le Portugal du XIXe siècle


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Les rapports du petit et du grand écrans sont souvent discutés. Particulièrement en France, où les deux ont longtemps été présentés artificiellement comme antinomiques. Cette semaine, Arte s'attachait à corriger ces préjugés, diffusant ces jeudi et vendredi soirs une des plus belles réconciliations qui soit. L'occasion de nous rappeler que le cinéma et la télévision sont deux formats différents, mais qui ont chacun des atouts propres à leur genre. C'est ce que Raoul Ruiz, l'esprit tourné vers ces telenovelas qu'il rêvait de réaliser, a parfaitement compris à travers ses adaptations des Mystères de Lisbonne.

Cette oeuvre est à l'origine un classique de la littérature portugaise du XIXe siècle, de l'écrivain Camilo Castelo Branco. Le cinéaste chilien l'a transposée au cinéma, dans un film sorti en fin d'année dernière, qui constitue une fresque unique d'une durée de 4 heures 30. Mais il a également réalisé une version destinée à la télévision : une mini-série, composée de six épisodes de 55 minutes chacun, que la chaîne franco-allemande proposait donc cette semaine, en VM. Si je n'ai pas vu la version cinématographique, j'ai trouvé que le rythme narratif du récit s'adaptait vraiment parfaitement au découpage par épisode permis par le passage au petit écran. Cela a été incontestablement ma découverte sériephile de la semaine.

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Nous plongeant dans un tourbillon de destinées entremêlées, Les Mystères de Lisbonne dévoilent, à travers une fascinante quête identitaire, les dessous de l'aristocratie portugaise du premier XIXe siècle.

Le jeune João Pedro da Silva, âgé de 14 ans, est interne dans un pensionnat religieux. Recueilli et élevé par le responsable des lieux, le père Dinis, l'adolescent ignore tout de sa naissance et de sa véritable identité, enfant sans nom subissant les brimades de ses camarades à un âge où les question sur les origines s'éveillent. A la suite d'une violente altercation, Pedro, blessé à la tête, perd connaissance. Cette nuit-là, il reçoit la visite d'une mystérieuse femme. Si au réveil, le père Dinis et Dona Antonia, une carmélite dont il est proche, lui recommandent d'oublier tout cela, Pedro sait qu'il s'agit de la première pierre sur le chemin de la découverte de ses origines.

A partir de cet évènement qui sert de catalyseur, les récits vont peu à peu se succéder, révélations intimes de vies rarement heureuses qui ont, d'une façon ou d'une autre, influer et présider à la vie de Pedro, ce dernier restant  le fil rouge - et le narrateur - de cette histoire à la fois éclatée, mais pourtant toujours si fluide. Les Mystères de Lisbonne nous entraînent ainsi dans un voyage mouvementé à travers les destinées, souvent passionnelles et tragiques, de différents protagonistes. La mini-série remonte le temps, nous conduisant au-delà du Portugal, de Venise à la France impériale napoléonienne, pour proposer une fresque d'une densité aussi fascinante qu'envoûtante.

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Les Mystères de Lisbonne correspondent à une vaste fresque, tourbillonnante et captivante, dans laquelle on retrouve tant cette ambiance d'époque que ce style foisonnant caractéristique de la littérature du XIXe siècle. A la fois dense et contemplative, sans égale pour verser dans un romanesque magnifique où les sentiments les plus violents, de l'amour à la haine, s'expriment, la mini-série propose un récit aussi éclaté qu'extrêmement vivant. On y croise tous les ressorts scénaristiques propres à ce genre. Ainsi, sa dimension historique lui permet de dresser un portrait de cette société portugaise, soulignant l'hypocrisie des élites et les paradoxes du pragmatisme de chacun. Mais c'est aussi un récit d'aventures, rythmé par les choix des personnages et les passions brisées. Au final, c'est un tableau fascinant, extrêmement coloré, qui prend forme sous nos yeux, où tous les rebondissements et toutes les coïncidences se justifient comme autant de pièces d'un même puzzle, d'une même énigme identitaire qui se complète peu à peu.

En effet, le fil rouge que constituent les origines et, plus généralement, la vie de Pedro Da Silva sert de prétexte parfait pour nous entraîner dans un récit dilué, mais toujours admirablement maîtrisé, qui va prendre la forme d'une mosaïque de destinées éparses, que le sort conduira à entremêler. La construction en mini-série trouve ici toute sa justification : chaque épisode apparaît dédié à une thématique et se consacre à une destinée, semblant par certains côtés indépendant des autres, mais poursuivant toujours cette exploration d'une ligne de vie particulière et de toutes celles qui ont pu influer sur elle. Dotée d'une narration atypique, qui confine à une forme de surréalisme un peu théâtral aussi déroutant qu'envoûtant, Les Mystères de Lisbonne constitue une oeuvre à part qui happe le téléspectateur sans que ce dernier puisse s'en détacher.

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C'est en raison de ce surréalisme théâtral qu'il est difficile de distinguer le fond de la forme face aux Mystères de Lisbonne. En effet, ils finissent par se confondre, faisant tous deux partie intégrante d'une narration qui suit un style qui lui est propre. La réalisation apparaît semblable à une oeuvre d'orfèvre : chaque plan est particulièrement soigné, millimétré. Rien n'est laissé au hasard dans ce qui s'apparente presque à une succession de tableaux, d'instantané où la symbolique se dispute au suggestif de manière admirablement maîtrisée. Les changements de lieux, comme l'enchaînement des scènes dans un même récit, observent une forme d'invariable continuité qui parachève l'ensemble, apportant une consistance homogène à la façon dont l'histoire est racontée.

Enfin, Les Mystères de Lisbonne bénéficient d'un casting qui parvient à très bien retranscrire cette tonalité que le réalisateur choisit d'adopter. Adriano Luz incarne ce père Dinis, figure tutélaire omniprésente dont la destinée mouvementée semble liée à celle de Pedro. Ce dernier est joué par José Afonso Pimentel. A leurs côtés, on retrouve notamment Maria João Bastos, mère absente qui aura tant subi, Ricardo Pereira, constant protecteur à la vie débridée, mais aussi Clotilde Hesme, Julien Alluquette, Léa Seydoux, Melvil Poupaud, Sofia Aparicio ou encore Malik Zidi.

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Bilan : Sur fond de recherche des origines pour cet orphelin dont la mini-série narre en réalité la vie (des faits antérieurs déterminants jusqu'à la fin), Les Mystères de Lisbonne s'apparentent à une mosaïque tourbillonante de flashbacks qui vont progressivement former un tableau captivant, portrait de la société portugaise du XIXe siècle. Cette épopée romanesque nous présente ainsi des destinées entremêlées, souvent tragiques, marquées par une intensité émotionnelle constante et déterminante qui apporte une dimension supplémentaire à l'histoire.

En résumé, cette mini-série constitue une véritable expérience narrative qui se savoure comme rarement. Laissez-vous captiver. Pour les retardataires, il n'est pas trop tard... Rendez-vous sur le catch-up d'Arte !


NOTE : 9/10


La bande-annonce :

21/01/2011

(FR) 1788... et demi : un essai de divertissement historique décalé non transformé

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Parmi mes résolutions téléphagiques de 2011 figure celle de m'intéresser plus à la télévision française. Parce que c'est très paradoxal et surtout assez frustrant de constater qu'il me manque tellement de repères sur le sujet ; et qu'en réalité, je comprends mieux le fonctionnement de la télévision anglaise. A l'origine, ce désintérêt relatif est en fait une conséquence de mon mode de consommation des séries, qui ne passe plus depuis plusieurs années par les diffusions sur les chaînes de télévision. C'est déjà très compliqué de réussir à m'installer le jour J à heure H pour regarder un film, alors une série... même quand je l'apprécie beaucoup et qu'elle est diffusée sur seulement deux vendredi, comme Nicolas le Floch en décembre dernier, j'ai quand même réussi à oublier le second épisode. Si j'allume ma télévision, c'est pour regarder un DVD ; le reste relève de l'exceptionnel. Heureusement, la VOD existe.

Reste que j'ai vraiment envie de prendre le temps de me pencher sur cette production : 2011 sera, au moins en partie, française. Même si je n'ai (et n'aurai) toujours pas Canal +. Ainsi parmi mes bonnes initiatives de ce mois de janvier 2011, j'ai commencé le rattrapage d'Un Village français. J'achève la saison 1 et ai l'intention de poursuivre jusqu'à troisième, avant de vous proposer un bilan. En tout cas, pour le moment, ce visionnage se fait avec plaisir ! Toujours pleine de bonne volonté, j'ai regardé les premiers épisodes d'une nouvelle série, d'Olivier Guignard, diffusée sur France 3 samedi dernier, et dont les trois derniers épisodes seront proposés demain soir : 1788... et demi. Comme c'est utopique de m'imaginer devant ma télévision un samedi soir (pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, plus le fait que cela corresponde au week-end), de bonnes âmes ont créé pluzz.fr pour des gens comme moi. 

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Avant même de parler du fond de la série, au-delà des débats que l'on peut avoir relatifs à la politique des fictions de France Télévision (faire ou ne pas faire de l'historique), il y a un point qui, j'ai l'impression, pose constamment  problème : la diffusion elle-même. Les programmations en rafale d'inédits demeurent une spécialité bien déplaisante (par exemple, l'an dernier, La Commanderie était tombée au champ d'honneur de la programmation expéditive) qui condamne invariablement - et a priori - la plupart de leurs séries à ne pas trouver de public, indépendamment des questions de genre ou de qualité. C'est un reproche qui est récurrent, mais il faut malheureusement constater que, début 2011, France 3 reste encore trop souvent incapable de mettre en valeur certaines de ses productions. Et trois épisodes à la suite, cela relève juste du gaspillage, en tendant très fortement vers l'écoeurement. 1788... et demi a donc fait sans surprise naufrage au niveau des audiences samedi soir dernier.

Pourtant, si la thématique traitée n'innovait pas, la tonalité d'ensemble tranchait en revanche avec les classiques (d'aucuns capricieux diraient "poussiéreux") historiques de France Télévision. 1788... et demi se propose de relater avec une tonalité plutôt décalée le quotidien mouvementé d'une famille noble à la veille de la Révolution française. Le comte François de Saint-Azur élève en effet seul ses trois filles, Madame s'étant retirée au couvent. En dépit de difficultés financières chroniques, c'est en esprits libres et insouciants que les membres de cette famille croquent la vie à pleines dents, inconscients des frémissements annonçant les bouleversements qui balaieront privilèges et statut social. Si le père cache une âme d'inventeur derrière une passion pour les canons, ses filles correspondent chacune à un stéréotype bien défini, de la libertine au garçon manqué. S'ils sont naturellement enclins à profiter de la vie, la gestion de leur domaine, objet de bien des convoitises, n'est pas de tout repos. Ce sont toutes ces péripéties que nous allons suivre.

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Dès le départ, l'objectif est clair :  1788... et demi entend donner un coup de jeune à la série historique, visant un public plus jeune que les habituelles fictions de ce genre. Son ambition est justement de surprendre par l'étonnante légèreté de ton qu'elle adopte. Nous embarquant aux côtés d'une famille ayant fait de l'insouciance une philosophie de vie, avec la fâcheuse tendance à ne pas prendre au sérieux grand chose, le téléspectateur s'invite dans un univers qui se veut hédoniste et sans tabous moraux - on s'y débarrasse ainsi sans sourciller de cadavre dans le lac. Les personnages suivent leurs envies du moment, tout en faisant preuve d'un froid pragmatisme dès lors qu'un obstacle se met en travers de leur route. Le terme "provocateur" serait sans doute excessif, mais la série cultive assurément un parfum de douce insolence. La tonalité est volontairement décalée, souvent enjouée à l'excès, poussant jusqu'au bout la logique du divertissement.

Devant ce tableau rafraîchissant, on comprend aisément ce que 1788... et demi essaye de faire : une série douceureusement impertinente et irrévérencieuse qui balaierait le carcan habituel du genre historique. Malheureusement, en dépit de cette bonne volonté manifeste, l'essai de style louable tourne rapidement à vide. Ce qu'il manque à 1788... et demi, c'est une réelle consistance du scénario. En fait, le soin apporté à son ambiance générale, comme tous ces détails travaillés jusque dans les variations de style au cours des dialogues, paraît avoir été réalisé au détriment de l'intrigue. A trop vouloir en faire sur l'emballage, le scénario a oublié le principal : il faut des enjeux concrets, qui ne relèvent pas seulement de l'anecdotique brodé. Le deuxième épisode permet certes d'introduire quelques éléments narratifs un peu plus consistants, mais il reste cantonné dans ce registre un peu frustrant du divertissement auto-contemplatif.

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A partir de son concept, 1788... et demi aurait pu être une vraie comédie historique. Il ne s'agissait pas de se rapprocher des tons des short-com type Kaamelott, comme j'ai pu le lire ailleurs, mais il aurait fallu au contraire assumer son format et jouer sur un décalage plus subtil. Dans ce registre, je pense ici, par exemple, à l'atmosphère assez savoureuse que l'on retrouve dans certains romans de Frédéric Lenormand, tels La jeune fille et le philosophe ou encore Les princesses vagabondes (vu qu'on se situe au XVIIIe siècle, je trouve la comparaison opportune). C'était au final plutôt ce que j'attendais de la série au vu des premières images et des ambitions affichées. J'en ressors donc un peu frustrée, face à un résultat qui reste au stade de la déclaration d'intention.

Pour autant, l'initiative même non aboutie reste à saluer. Car si elle ne prend pas la mesure de ce qu'elle aurait pu être, 1788... et demi a montré des choses très intéressantes jusque dans sa forme. La réalisation n'innove pas, se rapprochant des autres fictions historiques de la chaîne, avec une image agréable à l'oeil et surtout très claire, mais ce qui va surtout marquer le téléspectateur, c'est assurément la bande-son étonnante que la série propose. On retrouve en effet omniprésente une musique dont les accents épiques surprennent, renvoyant a priori plutôt aux images de western et des grandes épopées. Cela donne quelque chose d'assez intéressant, en rupture avec le contenu assurément moins aventureux et grandiose que ne le laisserait penser ces chansons. 1788... et demi exploite sans doute un peu trop ce filon, risquant de lasser, mais au moins a-t-elle le mérite d'essayer.

Enfin, rien à redire du côté d'un casting qui s'attache avec application à retranscrire ces personnages hauts en couleurs. Sam Karmann se révèle convaincant et bien inspiré dans son rôle de comte un peu déconnecté, tandis qu'à ses côtés, ses filles sont incarnées par Julie Voisin, Lou de Laâge et Camille Claris qui proposent des interprétations très rafraîchissantes. On croise également notamment Philippe Duclos ou encore Natacha Lindinger

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Bilan : Avec sa tonalité insouciante aux accents vaguement impertinents, 1788... et demi tente de donner un coup de jeune au divertissement historique, en le drapant dans les habits d'une comédie qui s'efforce de jouer sur les codes narratifs du genre pour mieux les détourner. Expérimentation louable, elle repose malheureusement trop sur cette ambiance particulière, oubliant que comédie ne rime pas avec scénario inconsistant. L'atmosphère plus comique n'a pas à être développée au détriment du fond ; les deux doivent se soutenir et se compléter. Mais il faut apprendre de ses erreurs, et 1788... et demi a le mérite de briser la routine du petit écran français. C'est déjà à souligner. Les trois derniers épisodes diffusés demain soir corrigeront peut-être certains défauts, lui permettant de s'affirmer plus fermement. Il faut persévérer !


NOTE : 4,5/10


La bande-annonce de la série :

05/12/2010

(FR) Nicolas le Floch - saison 3, episode 1 : La larme de Varsovie

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Chaque année, je me promets d'essayer de donner plus de place aux fictions françaises. Chaque année, cette résolution reste invariablement lettre morte. Pourtant, j'entends bien des échos intéressants du Village français et autre Fais pas ci, fais pas ça, qui me donneraient assez envie de trouver le temps de m'installer devant mon petit écran. Mais pour une raison ou pour une autre, je finis toujours par oublier et remettre à plus tard. Cependant il reste quand même une poignée de séries françaises auxquelles je suis fidèle.

C'est ainsi que vendredi soir dernier marquait le retour des aventures inédites de Nicolas le Floch, sur France 2, pour une saison 3 qui s'annonce tout aussi brève que savoureuse. Doublement inédite car il s'agit de la première saison où les scénarios ne sont pas basés sur les livres originaux de Jean-François Parot. D'ailleurs, pour évoquer tout cela, n'hésitez pas à aller regarder la vidéo de la rencontre avec l'équipe de la série sur Le Village. Toujours est-il que, attendue, la première aventure, La larme de Varsovie, aura tenu toutes ses promesses.

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Cette première enquête plonge Nicolas dans les coulisses de la Cour, au sein de laquelle l'intrigant et excessivement mystérieux Comte de Saint-Germain, sur lequel mille et une rumeurs agitent Versailles, apparaît bien en grâce auprès de Louis XV, pour le plus grand agacement de certains de ses ennemis, dont le duc de Choiseul. Non seulement le Comte de Saint-Germain indique au roi l'emplacement secret où repose, depuis soixante ans, un magistrat dont le sort était entouré de mystère, mais il se propose également de raviver l'éclat de la "Larme de Varsovie", une perle que la reine tient de sa famille et qui semble se ternir chaque jour un peu plus. On raconte que si elle venait à s'éteindre, elle scellerait la fin de la lignée la détenant... Or, le Comte de Saint-Germain a tout juste le temps de se mettre à l'ouvrage que le précieux bijou lui est dérobé. Nicolas, chargé originellement de sa sécurité, enquête donc, tout en s'occupant de plusieurs homicides par strangulation qui semblent également liés à toute cette affaire aux premiers abords bien floue.

Adoptant les codes habituels de la série, on retrouve dans cette aventure tous les ingrédients qui font de Nicolas le Floch une série aussi aboutie que divertissante. L'intrigue débute avec un paradoxal excès de simplicité pour mieux se complexifier au fil de l'épisode, à mesure que viennent s'y greffer de nouveaux enjeux, plus ou moins obscurs, voire à la rationnalité discutable, et des protagonistes aux intérêts très divers. C'est d'ailleurs dans cette multiplicité de pistes qui finissent par toutes se rejoindre, s'assemblant en un puzzle finalement cohérent, que réside une des forces de l'épisode. Cette richesse du scénario dénote une réelle ambition narrative qu'il est nécessaire de souligner, tant elle s'assure de captiver l'intérêt d'un téléspectateur dont l'attention ne retombera jamais. L'ensemble est rythmé, les rebondissements soutenus. Si on aurait facilement pu s'égarer quelque peu en suivant Nicolas et son fidèle Burdeau dans cette intrigue à tiroirs multiples, la réussite de la construction narrative proposée est de ne jamais perdre de vue le fil rouge principal.

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Assurément prenant par sa maîtrise d'un scénario complexe, l'épisode ne se départit pas de ses origines policières, tout en n'hésitant pas à tendre à l'occasion vers l'aventure de cape et d'épée. On retrouve ainsi ce cocktail des plus attrayants, déjà admirablement maîtrisé au cours de la saison 2. Flirtant avec une thématique résolument ésotérique, entre alchimie, société secrète et malédiction, sur fond de résurgence de la fameuse vengeance des Templiers (il y a quand même quelque chose d'assez fascinant dans la source narrative inépuisable que constitue cet ordre monastique), l'histoire ne nous épargne pas des sempiternelles querelles de personnes gangrénant la Cour, au cours desquelles les plus humbles apparaissent invariablement comme de simples pions à la disposition des puissants. Le téléspectateur se prend donc facilement au jeu de ces mystères, parfaitement portés à l'écran par une galerie de personnages des plus convaincante.

Il faut bien dire en effet que si l'ensemble fonctionne aussi, il le doit en partie à ses personnages, au dynamisme communicatif. Ce sont eux qui permettent aussi bien d'alterner les tons - offrant des passages plus légers - que d'insérer des ruptures opportunes dans la narration. Ils apportent une vitalité parfaitement symbolisée par un Nicolas le Floch, charismatique à souhait, dont l'assurance flirte à l'occasion avec une certaine arrogance qu'il assume par une prise de distance souvent désarmante. Il est impossible de ne pas apprécier le personnage. Pourtant la série ne se limite pas à sa seule figure centrale ; en effet, on retrouve à ses côtés des protagonistes, extrêmement différents les uns des autres, mais en un sens parfaitement complémentaires. C'est homogène et chacun apporte une pierre à l'édifice, à l'image d'un Sartine ambivalent, qui permet tout à la fois de rappeler - avec humeur - ses limites à Nicolas, tout en introduisant une imperceptible pointe de comédie.

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Par ailleurs, même si c'est une constante, il est impossible de ne pas rappeler une nouvelle fois un élément incontournable sur lequel une bonne partie du charme de Nicolas le Floch repose : ses dialogues si finement ciselés, dont les tournures soignées sont un ravissement pour les oreilles, et qui rendent les échanges tellement savoureux. Cela apporte un plaisir supplémentaire à suivre l'ensemble.

Ce délicieux parfum de XVIIIe siècle qui flotte ainsi sur la série est cependant modérément confirmé sur la forme. Si les costumes - et les perruques - ne dépareillent pas, si la réalisation est également tout à fait correcte, tout reste cependant très propret, clair, offrant une reconstitution, certes par l'esprit, mais point par la photographie qui reste peut-être un peu trop neutre.

Enfin, il convient de saluer les performances du casting, conduit par un Jérôme Robart qui personnifie à merveille le charme, mais aussi les ambivalences, du héros. A ses côtés, nous retrouvons également Mathias Mlekuz, Camille de Pazzis, François Caron ou encore Vincent Winterhalter. Chacun maîtrise son registre, pour un résultat des plus convaincants.

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Bilan : Mêlant les ingrédients de l'enquête policière à ceux de l'aventure de cape et d'épée, avec en toile de fond les soubressauts avant-coureurs du milieu du XVIIIe siècle, La larme de Varsovie propose une aventure enlevée, où les dialogues savoureux résonnent avec délice dans notre petit écran. Si l'affaire du jour semble parfois un peu alambiquée, l'histoire se suit de façon plaisante, d'autant plus que les personnages trouvent chacun leur place pour offrir une galerie aussi bariolée qu'équilibrée, portée par le dynamisme et l'aplomb sans faille d'un Nicolas le Floch toujours aussi charismatique.

Bref, ne boudons pas notre plaisir. 


NOTE : 7,25/10


Le savoureux générique :


La bande-annonce de la saison 3 :

25/04/2010

(FR) La Commanderie, saison 1 : balade au Moyen-Âge en quête de l'or des Templiers


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Cela faisait longtemps que je n'avais plus pris le temps de parler d'une série française sur ce blog. La dernière note du genre remonte à l'automne dernier, quand je chantais les louanges de Nicolas Le Floch. Et sans réelle surprise, si vous commencez à connaître un peu mes goûts, c'est avec une fiction historique que je retrouve le chemin des productions françaises. Il faut préciser que, n'ayant pas Canal +, je dois me restreindre aux chaînes hertziennes. Et n'étant pas particulièrement attirée par les adaptations plus ou moins maladroites de recettes déjà trop éprouvées à l'étranger, ne reste donc que ce genre historique, pour lequel je suis prête à faire tous les efforts, et qui garde la spécificité de son cadre géographique.

Même si je passe mon temps blog-esque à disséquer le petit écran, j'avoue que j'allume très rarement le poste qui me sert officiellement de télévision. Même si, ce printemps, Arte et son cycle asiatique m'aura un peu réconcilié avec la télévision "en live". Reste que je n'ai plus le réflexe de, ne serait-ce que, regarder un programme tv. Heureusement, il existe un site comme Le Village pour assurer un prosélytisme téléphagique européen et s'occuper des piqûres de rappel nécessaires (merci twitter) afin de me persuader du bienfondé de bloquer trois samedis soir, à s'essayer à suivre une diffusion au rythme indigeste, pour une série déjà enterrée par France Télévision.

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Le premier attrait de La Commanderie réside dans l'époque et le sujet qu'elle se propose de traiter. Mêlant petites et grande histoires, péripéties d'un quotidien rude et quête sacrée en fil rouge, la série s'inscrit dans une certaine tradition des aventures romanesques historiques, un genre qui peut a priori parler à un large public.

L'histoire se déroule dans une des époques les plus troublées du Bas Moyen-Âge, la seconde moitié du XIVe siècle, une période qui correspond à la Guerre de Cent Ans. Plus précisément, la série s'ouvre en 1375. Ce ne sont pas les puissants, mais plutôt les gens du commun qui l'intéresse. C'est en effet un véritable tableau de la vie d'une époque qu'elle souhaite nous dépeindre ; le contexte a pour cela son importance. La rudesse des temps accroit la fragilité d'une population réduite au misérabilisme et qui fut en partie décimée par la peste noire. Le peuple s'efforce de survivre, affrontant les épreuves naturelles, mais aussi d'origine humaine. C'est sur le territoire d'une seigneurie particulière que la série se propose de prendre ses quartiers. La Commanderie d'Assier se situe en Bourgogne, sur la route du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ancienne possession de l'Ordre des Templiers, qui fut anéanti au début du siècle par Philippe le Bel, elle appartient désormais à l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et de Rhodes.

La Commanderie choisit d'essayer de transposer à l'écran le quotidien d'une époque, à travers le prisme de ce lieu de passage que constitue la commanderie. C'est cette richesse dans les différents aspects développés qui marque. La fiction va effet s'intéresser à la gestion courante du domaine, des relations avec les métayers présents jusqu'aux tensions possibles avec les seigneurs voisins. Mais il y aura aussi des inattendus, comme la visite d'un inquisiteur ou du frère du roi. En toile de fond apparaît le grand projet de l'Ordre des Hospitaliers : l'organisation d'une nouvelle croisade, pour reconquérir les lieux saints en Orient. Mais pour envisager un tel projet militaire, il faut un financement conséquent. Aucune puissance temporelle ne dispose des fonds nécessaires en Europe. Seulement une histoire, devenue presqu'un mythe, est restée vivace au cours des dernières décennies : le fameux or des Templiers aurait été caché par les derniers survivants de l'Ordre. Il attire toutes les convoitises. C'est sur les traces d'un religieux ayant quitté précipitament Paris le 12 octobre 1307, la veille de la vague d'arrestations, que la quête de ce trésor va constituer le fil rouge de La Commanderie.

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En évoquant ainsi le résumé de la série, il est aisé d'entre-apercevoir déjà quel sera sans doute son principal point fort : la densité de ses storylines. Une richesse scénaristique que la fiction mettra d'ailleurs un peu de temps à exploiter à sa juste valeur. Du fait que l'on ne se concentre pas sur une seule et unique intrigue, les tout premiers épisodes se révèlent parfois un peu confus : la narration est trop décousue, les dialogues manquent de relief, simples échanges de banalités. Le téléspectateur peine donc à rentrer immédiatement dans le récit, cherchant à cerner le but vers lequel tend tout cet univers. Mais sa patience est récompensée : la fiction prend de plus en plus d'épaisseur au fi des épisodes. Elle gagne en homogénéité et en cohésion, finissant par parfaitement maîtriser cet aller-retour constant entre petites histoires, parenthèses de vie illustrant les contraintes d'une époque et d'un milieu, et le fil rouge que constitue la recherche du trésor des Templiers. Cette construction scénaristique doit donc être saluée : si elle met un peu de temps à arriver à maturation, une fois qu'elle a dépassé le relatif fouilli initial, elle s'affirme de façon très intéressante.

Ce souci constant d'alternance entre petites et grande histoire permet une immersion aux saveurs des plus authentiques au sein de cette société moyen-âgeuse troublée de la fin du XIVe siècle. D'ailleurs, plus que la transposition à l'écran d'un mythe populaire frappant l'imaginaire collectif - l'or des Templiers -, c'est le volet, plus besogneux, de la vie quotidienne qui m'a surtout intéressée. Par le biais des nombreuses intrigues secondaires qui parcellent les épisodes, la série donne l'impression d'offrir au téléspectateur des tas de petites anecdotes tout droit sorties de récits d'époque. Les exemples foisonnent, signe de la richesse et du travail réalisé en amont par les scénaristes. On peut citer ainsi le jugement, puis l'exécution, d'un cheval coupable d'un homicide, scènes qui donnent l'impression d'assister à une application à la lettre, sous nos yeux, des dispositions d'un quelconque coutumier rédigé au cours de ce siècle. Le téléspectateur non médiéviste, à défaut de pouvoir juger de la justesse de tous ces petits détails, perçoit en revanche pleinement le réel effort de reconstitution historique qui a été fait. De ce travail assez minutieux ressort l'impression d'un ciselage habile du scénario qui joue sur plusieurs facettes, proposant des tranches de vie quotidiennes, tandis qu'en arrière-plan se profilent des enjeux politiques majeurs.

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Cependant, si La Commanderie est animée d'intentions manifestement louables de la part des scénaristes, acquérant progressivement une dimension à souligner, cela ne permet pas d'occulter le principal reproche que je lui adresserai : la forme ne s'est pas révélée à la hauteur du fond proposé. De ce point de vue également, une amélioration est perceptible au fil des épisodes. Initialement, la réalisation m'a paru trop en retrait. La caméra suit les protagonistes de la plus neutre des façons, et seuls quelques plans - la plupart du temps en extérieur - semblaient vouloir s'essayer à une certaine profondeur dans la mise en scène. A mon sens, dans les fictions historiques où le budget ne permet pas des reconstitutions d'époque somptuaires et éclatantes, c'est par un travail sur l'image que l'on peut s'y substituer pour tenter de conférer une identité particulière à la série. La forme doit devenir un outil pour dépasser les limites financières.

Cela passe par une réalisation plus entreprenante, avec une caméra qui prend parti par rapport à l'action qu'elle filme. La photo de l'image peut également être opportunément retouchée : au lieu de garder un coloris trop classique, jouer sur les différentes teintes et sur les couleurs à faire ressortir peut donner des résultats probants. Un autre élément, très utile, qu'il aurait fallu plus mettre en valeur dès le départ est la bande-son. Celle-ci était tout d'abord trop timide, alors même que la connotation historique du récit rend facilement utilisable cet outil. Cependant, j'ai eu l'impression que, après des débuts timorés, des efforts de plus en plus intéressants étaient ensuite faits sur la forme (à moins que cela soit simplement une habitude ensuite prise). Au cours des deux derniers épisodes diffusés hier soir, j'ai relevé plusieurs essais qui m'ont semblé aller dans le bon sens, signe d'une prise d'assurance : j'ai bien apprécié ces scènes où plusieurs actions sont mises en parallèles, avec l'utilisation opportune d'une musique de fond à tonalité sacrée qui empiète sur les images. Cela confère une ambiance et un certain souffle supplémentaire aux évènements auxquels nous assistons.

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La Commanderie m'aura donc laissé une impression mitigée. Si j'ai envie de saluer le travail de fond réalisé, le souci du détails pour faire revivre toute une époque, je reste plus mesurée sur la forme. Au-delà même de la seule mise en image, on relève un contraste flagrant entre le misérabilisme ambiant que la série s'efforce de souligner au sein de la population, et la façon finalement très (trop ?) proprette avec laquelle il est transposé à l'écran. Le décor, les costumes, apparaissent par moments trop immaculés pour l'histoire qu'ils sont en train de relater.
 
On touche ici probablement à une seconde difficulté, inhérente à toute fiction historique : l'impossible reconstitution rigoureuse et, en corollaire, la nécessaire modernisation introduite au bénéfice du téléspectateur. Cela est souvent très perceptible dans les dialogues, au cours desquels les scénaristes recherchent un équilibre entre des références à l'époque - quelques expressions fleuries "typiques" - et une actualisation des échanges pour ne pas faire fuir une partie des téléspectateurs potentiels. Parvenir à établir une fluidité relativement moderne, sans tomber dans un anachronisme gênant qui deviendrait rédibitoire, est sans doute le défi le plus difficile à réaliser pour les séries historiques. La Commanderie s'y essaie avec plus ou moins de succès, ne s'épargnant pas quelques maladresses dommageables. Elle réussit cependant à donner envie au téléspectateur de jouer le jeu et de prendre sur lui pour suivre une histoire qui aiguise de plus en plus sa curiosité.
 
Du côté du casting, j'ai un peu regretté un relatif manque d'homogénéité par moments, certains acteurs manquant un peu de présence à l'écran. Je tiens cependant à saluer la performance de l'acteur principal, Clément Sibony, qui trouve rapidement le ton juste, entre fausse nonchalence, fougue amoureuse et cynisme d'expérience. A noter également la présence de certaines guest-star, clins d'oeil sympathiques, tel Alexandre Astier de passage en inquisiteur.
 
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Bilan : Série historique s'inscrivant dans la droite lignée des grandes fresques d'aventures romanesques, si La Commanderie n'a pas toujours les moyens de ses ambitions, elle acquiert peu à peu une dimension de divertissement des plus plaisantes. Manifestant sa volonté de dresser un portrait méticuleux de cette époque troublée, elle s'attache à décrire les petites histoires derrière la grande Histoire, transposant à l'écran anecdotes et exemples du quotidien qui lui confèrent un parfum d'authenticité supplémentaire. Si les choix de forme n'auront pas toujours permis de concrétiser pleinement ces idées, laissant aussi un sentiment de frustration au téléspectateur, l'ensemble demeure un essai des plus louables.
 
Les dernières scènes offrent certes une conclusion acceptable, mais le téléspectateur rêveur caressera sans doute le secret espoir d'une seconde saison.
 

NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :


31/10/2009

(FR) Nicolas le Floch : Délicieux flirt avec le XVIIIe siècle

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Hier, chose très rare, j'ai passé la soirée devant une chaîne de télévision. Habituée de l'instantanée et de l'indépendance qu'offrent les DVD et autres modes de visionnage, je fuis généralement la contrainte d'une heure fixe à laquelle débuter sa soirée. Cependant, j'avais pris mes quartiers sur France 2, pour un nouvel épisode de sa série policière historique nous immergeant dans le Paris du siècle des Lumières. J'ai trouvé ce second épisode (la brièveté de ces "saisons", qui n'ont de "saison" que l'étiquette, est vraiment frustrante) encore plus réussi que le précédent. Sans doute parce qu'il touchait plus personnellement notre héros et bousculait un peu ses certitudes routinières.

Il s'agissait cette fois de démêler L'affaire Nicolas le Floch. Notre commissaire favori entretenait des rapports intimes avec Madame de Lastérieux, sur ordre de son supérieur, de Sartine ; mais la dame, séduite (et enceinte), s'était prise au jeu de cette romance et souhaitait la voir se conclure par un mariage. Après un esclandre public en soirée, elle était retrouvée morte empoisonnée. Logiquement, les soupçons se tournent vers Nicolas, en dépit des réticences de l'inspecteur Burdeau, comme de Sartine, prompts à tenter d'épargner leur protégé. Seulement, avec cette opiniâtreté qui lui est chère, le jeune commissaire établit avec certitude l'absence de mort naturelle. A mi-parcours, l'épisode délaisse alors l'enquête policière classique pour nous propulser dans les mailles de l'espionnage international du XVIIIe siècle. Nicolas se voit confié la mission d'aller intimider, voire tuer, un auteur qui s'apprête à publier un livre compromettant les favorites de Louis XV. Cette opération est l'occasion assez jubilatoire de croiser des personnages historiques haut en couleurs : le fameux Chevalier (ou -ière?) d'Eon et Beaumarchais, qui orchestrent l'ensemble et manipulent tout un chacun. Quelques aventures plus tard, l'auteur intimidé ayant accepté de sacrifier ses livres à un autodafé des services secrets, et l'Angleterre suffisamment troublée politiquement pour admettre la libération d'un agent Français arrêté, Nicolas est de retour à Paris. Où un des esclaves de Madame de Lastérieux a avoué son meurtre. Sous la Question. Il n'y a pas survécu. Faisant preuve de son obstination habituelle, le commissaire achève de démêler les fils du complot et met à jour la plaque tournante de renseignements que constituait le salon de la jeune noble.

Cette affaire, nous conduisant loin de Paris, sort donc de l'ordinaire. La compromission du héros permet de changer de perspective, même si cela tient plus du mauvais concours de circonstances qu'à de réels soupçons d'un entourage qui reste bienveillant -même Monsieur de Sartine y trahit quelques inquiétudes sur le sort de son subordonné. Cependant, Nicolas s'agite, en perd son sang froid et ses déférences codifiées envers son chef. Alors qu'il devient plus vulnérable à mesure que ses défenses se craquellent, l'épisode prend une autre dimension. Si on ne craint jamais réellement pour son sort, notre intérêt n'en demeure pas moins décuplé.

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Je crois que ce que j'aime le plus, dans cette série, ce sont ses dialogues. Certains pourraient les trouver ampoulés à l'excès, mais ce théâtralisme fleure bon le XVIIIe siècle. On tend l'oreille devant son écran. On savoure avec gourmandise ces tournures de phrases enrichies, déclamées de façon si usuelle. L'espace d'un épisode, bien plus sûrement que par le décor, on a l'impression diffuse de remonter le temps ; d'être transporté aux côtés de ces héros. On s'abreuve de ces belles envolées, de ces échanges superbement ciselés et savamment distillés où s'exprime toute la richesse de la langue française. Il y flotte une atmosphère particulière, où la célébration du Verbe sert de base à la mise en scène des basses intrigues policières. L'occasion est si rare de voir transposé à l'écran un langage que l'on ne croise désormais que dans les livres ou les théâtres, que cela s'apprécie d'autant plus. Un moment délicieux.

Pour autant, il manque sans doute quelque chose à Nicolas le Floch pour réellement marquer le petit écran. Dans ce décor, les héros paraissent trop souvent évoluer sur du papier glacé. On peine à réellement s'attacher. L'humanisation des personnages semble pâtir du soin extrême accordé à la forme. Comme si, à travers ces belles phrases ainsi récitées, qui comblent notre oreille, les sentiments des protagonistes peinaient à percer, occultés par les codes sociaux mis en scène. C'est dommage, car la série rate ainsi la dernière marche pour s'imposer en référence du costumes dramas français. Cependant, il est vrai que ce manque d'humanité des personnages est un reproche que l'on peut également adresser aux livres d'origine de Jean-François Parot. De manière encore plus marquante que dans l'adaptation télévisuelle, on y retrouve une description minutieuse et très vivante du milieu du XVIIIe siècle à Paris, où l'on perçoit avec délice -et presque gourmandise, grâce aux multiples aperçus culinaires offerts par l'auteur- les senteurs et les humeurs de la capitale française, mais il est difficile de dégager les sentiments des héros derrière cet esthétique tableau.

Bilan : Au final, Nicolas le Floch se savoure un peu sans attache. Mais c'est déjà beaucoup. Tout amoureux des costumes dramas historiques devrait y trouver son plaisir. Quel mets téléphagique succulent que cette excellente soirée devant France 2 !

NOTE : 8,5/10


Le générique :