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21/05/2011

(BR/FR/POR) Les Mystères de Lisbonne (Mistérios de Lisboa) : fresque romanesque envoûtante dans le Portugal du XIXe siècle


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Les rapports du petit et du grand écrans sont souvent discutés. Particulièrement en France, où les deux ont longtemps été présentés artificiellement comme antinomiques. Cette semaine, Arte s'attachait à corriger ces préjugés, diffusant ces jeudi et vendredi soirs une des plus belles réconciliations qui soit. L'occasion de nous rappeler que le cinéma et la télévision sont deux formats différents, mais qui ont chacun des atouts propres à leur genre. C'est ce que Raoul Ruiz, l'esprit tourné vers ces telenovelas qu'il rêvait de réaliser, a parfaitement compris à travers ses adaptations des Mystères de Lisbonne.

Cette oeuvre est à l'origine un classique de la littérature portugaise du XIXe siècle, de l'écrivain Camilo Castelo Branco. Le cinéaste chilien l'a transposée au cinéma, dans un film sorti en fin d'année dernière, qui constitue une fresque unique d'une durée de 4 heures 30. Mais il a également réalisé une version destinée à la télévision : une mini-série, composée de six épisodes de 55 minutes chacun, que la chaîne franco-allemande proposait donc cette semaine, en VM. Si je n'ai pas vu la version cinématographique, j'ai trouvé que le rythme narratif du récit s'adaptait vraiment parfaitement au découpage par épisode permis par le passage au petit écran. Cela a été incontestablement ma découverte sériephile de la semaine.

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Nous plongeant dans un tourbillon de destinées entremêlées, Les Mystères de Lisbonne dévoilent, à travers une fascinante quête identitaire, les dessous de l'aristocratie portugaise du premier XIXe siècle.

Le jeune João Pedro da Silva, âgé de 14 ans, est interne dans un pensionnat religieux. Recueilli et élevé par le responsable des lieux, le père Dinis, l'adolescent ignore tout de sa naissance et de sa véritable identité, enfant sans nom subissant les brimades de ses camarades à un âge où les question sur les origines s'éveillent. A la suite d'une violente altercation, Pedro, blessé à la tête, perd connaissance. Cette nuit-là, il reçoit la visite d'une mystérieuse femme. Si au réveil, le père Dinis et Dona Antonia, une carmélite dont il est proche, lui recommandent d'oublier tout cela, Pedro sait qu'il s'agit de la première pierre sur le chemin de la découverte de ses origines.

A partir de cet évènement qui sert de catalyseur, les récits vont peu à peu se succéder, révélations intimes de vies rarement heureuses qui ont, d'une façon ou d'une autre, influer et présider à la vie de Pedro, ce dernier restant  le fil rouge - et le narrateur - de cette histoire à la fois éclatée, mais pourtant toujours si fluide. Les Mystères de Lisbonne nous entraînent ainsi dans un voyage mouvementé à travers les destinées, souvent passionnelles et tragiques, de différents protagonistes. La mini-série remonte le temps, nous conduisant au-delà du Portugal, de Venise à la France impériale napoléonienne, pour proposer une fresque d'une densité aussi fascinante qu'envoûtante.

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Les Mystères de Lisbonne correspondent à une vaste fresque, tourbillonnante et captivante, dans laquelle on retrouve tant cette ambiance d'époque que ce style foisonnant caractéristique de la littérature du XIXe siècle. A la fois dense et contemplative, sans égale pour verser dans un romanesque magnifique où les sentiments les plus violents, de l'amour à la haine, s'expriment, la mini-série propose un récit aussi éclaté qu'extrêmement vivant. On y croise tous les ressorts scénaristiques propres à ce genre. Ainsi, sa dimension historique lui permet de dresser un portrait de cette société portugaise, soulignant l'hypocrisie des élites et les paradoxes du pragmatisme de chacun. Mais c'est aussi un récit d'aventures, rythmé par les choix des personnages et les passions brisées. Au final, c'est un tableau fascinant, extrêmement coloré, qui prend forme sous nos yeux, où tous les rebondissements et toutes les coïncidences se justifient comme autant de pièces d'un même puzzle, d'une même énigme identitaire qui se complète peu à peu.

En effet, le fil rouge que constituent les origines et, plus généralement, la vie de Pedro Da Silva sert de prétexte parfait pour nous entraîner dans un récit dilué, mais toujours admirablement maîtrisé, qui va prendre la forme d'une mosaïque de destinées éparses, que le sort conduira à entremêler. La construction en mini-série trouve ici toute sa justification : chaque épisode apparaît dédié à une thématique et se consacre à une destinée, semblant par certains côtés indépendant des autres, mais poursuivant toujours cette exploration d'une ligne de vie particulière et de toutes celles qui ont pu influer sur elle. Dotée d'une narration atypique, qui confine à une forme de surréalisme un peu théâtral aussi déroutant qu'envoûtant, Les Mystères de Lisbonne constitue une oeuvre à part qui happe le téléspectateur sans que ce dernier puisse s'en détacher.

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C'est en raison de ce surréalisme théâtral qu'il est difficile de distinguer le fond de la forme face aux Mystères de Lisbonne. En effet, ils finissent par se confondre, faisant tous deux partie intégrante d'une narration qui suit un style qui lui est propre. La réalisation apparaît semblable à une oeuvre d'orfèvre : chaque plan est particulièrement soigné, millimétré. Rien n'est laissé au hasard dans ce qui s'apparente presque à une succession de tableaux, d'instantané où la symbolique se dispute au suggestif de manière admirablement maîtrisée. Les changements de lieux, comme l'enchaînement des scènes dans un même récit, observent une forme d'invariable continuité qui parachève l'ensemble, apportant une consistance homogène à la façon dont l'histoire est racontée.

Enfin, Les Mystères de Lisbonne bénéficient d'un casting qui parvient à très bien retranscrire cette tonalité que le réalisateur choisit d'adopter. Adriano Luz incarne ce père Dinis, figure tutélaire omniprésente dont la destinée mouvementée semble liée à celle de Pedro. Ce dernier est joué par José Afonso Pimentel. A leurs côtés, on retrouve notamment Maria João Bastos, mère absente qui aura tant subi, Ricardo Pereira, constant protecteur à la vie débridée, mais aussi Clotilde Hesme, Julien Alluquette, Léa Seydoux, Melvil Poupaud, Sofia Aparicio ou encore Malik Zidi.

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Bilan : Sur fond de recherche des origines pour cet orphelin dont la mini-série narre en réalité la vie (des faits antérieurs déterminants jusqu'à la fin), Les Mystères de Lisbonne s'apparentent à une mosaïque tourbillonante de flashbacks qui vont progressivement former un tableau captivant, portrait de la société portugaise du XIXe siècle. Cette épopée romanesque nous présente ainsi des destinées entremêlées, souvent tragiques, marquées par une intensité émotionnelle constante et déterminante qui apporte une dimension supplémentaire à l'histoire.

En résumé, cette mini-série constitue une véritable expérience narrative qui se savoure comme rarement. Laissez-vous captiver. Pour les retardataires, il n'est pas trop tard... Rendez-vous sur le catch-up d'Arte !


NOTE : 9/10


La bande-annonce :

Commentaires

Faudra que j'aille voir ça, j'ai eu un contretemps le premier soir. Ca m'a l'air très baroque, et j'aime ça, j'espère ne pas être déçue (et je reviendrai lire la critique après visionnage ^^).

Écrit par : Watcher | 21/05/2011

Ah, "Les mystères de Lisbonne"!
L'an dernier, je suis allé voir cette fiction au cinéma. Je crois que c'était l'équivalent de cinq des six épisodes de la mini-série. Un tourbillon d'intrigues bien dans le style romantique du XIXème siècle, qui m'a rappelé "Le manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki (même si la structure du récit de Raoul Ruiz est moins "gigogne"). C'était certes captivant (malgré de longues suites de plans-séquences) mais 4h30 devant un film,c'est assez éprouvant, surtout dans la dernière heure où, malgré les nombreuses péripéties de l'intrigue, j'ai eu du mal à rester constamment attentif.

Le final du film m'a marqué, je l'ai trouvé assez émouvant.De plus, c'est une chute qui éclaire rétrospectivement d'un jour nouveau l'ensemble du récit qui l'a précédée. La connaissant, je regarderais sans doute d'un oeil différent la mini-série, qui se caractérise d'ailleurs par un montage différent de celui du film (il me semble que Raoul Ruiz n'en était pas satisfait et l'a modifié ensuite pour la version ciné). Et bien sûr je suis curieux de voir l'épisode qui n'a pas été inclus au long métrage.

Écrit par : Greg | 22/05/2011

J'étais très fatiguée et j'ai loupé quelques passages lors du visionnage jeudi et vendredi malheureusement. J'ai eu du mal à me tenir éveillée pendant 3 épisodes d'affilés.
Mais comme j'ai beaucoup aimé la série j'ai tenu à la voir jusqu'à la fin (cette fin qui me fait penser à un film...)car oui elle est très captivante. J'ai surtout aimé les premiers épisodes où on découvre la terrible condition de la mère de l'orphelin...
Rien n'est drôle dans cette série, les destins des personnages sont bien sombres.
La série dégage quelque chose de spécial, c'est envoutant peut-être et pourtant je l'ai trouvé très austère et froide mais pas déprimante ni larmoyante.
Je suis trop déçue de m'être endormies à certains moments, vraiment...parce que c'est une excellente série et que j'ai eu du mal à tout comprendre après.

Je viens de me rendre compte que je connaissais Clotilde Hesme, elle a joué dans Les Chansons de d'Amour film de Christophe Honoré :-)
J'ai complétement zappé Melvil Poupaud et pourtant j'aime beaucoup cet acteur, ainsi que Malik Zidi.

Comme d'habitude tes articles sont toujours très bien écrits, j'espère une fois de plus qu'il permettra de faire découvrir cette petit merveille de la télé à d'autres ;-)

...heureusement qu'Arte à pensé à la VM parce qu'elle ne la propose pas systématiquement pour les séries qu'elle diffuse.
Intéressant, je ne savais pas qu'il y avait une ,version ciné!

Écrit par : Ageha | 22/05/2011

Bravo pour cette magnifique synthèse, bel hommage à l'oeuvre complexe de Ruiz! Je ne puis que vous encourager à découvrir le roman de Camilo Castelo Branco, qui recèle de secrets et de liens entre les personnages que le film a dû éluder, ou effleurer... :)

Écrit par : Benoit R. | 22/05/2011

@ Watcher : Curieuse de savoir ce que tu en auras pensé. ;) Mais j'ai du mal à imaginer que l'on puisse être déçu, tant il se dégage quelque chose de vraiment à part de l'ensemble (pour peu que l'on soit sensible à ce genre). Bonne découverte !


@ Greg : Les 4h30 du film m'avaient fait peur et je n'avais pas osé m'aventurer dans une salle de cinéma, de crainte que mon attention justement ne puisse apprécier sur toute la durée. Peut-être aurais-je dû tenter l'expérience, qui sait. En revanche, le montage de la mini-série sied tout particulièrement à son format. C'est sans doute différent du film en terme de rupture narrative, mais j'ai vraiment adhéré à l'ensemble.
Et c'est vraiment rafraîchissant de découvrir d'autres approches du petit écran !


@ Ageha : 3 épisodes à la suite, deux soirs de semaine de suite, c'est vrai que c'était peut-être trop. D'autant qu'une seule journée entre les deux ne laissait pas vraiment le temps de "catch-uper" les épisodes qu'on aurait pu rater. Après j'imagine que Arte a opté pour la solution qui lui semblait la plus adéquate pour une série dont les scores d'audience n'ont pas été extraordinaires. J'avoue que je suis déjà très contente qu'elle l'ait diffusé.


@ Benoît R. : Merci du commentaire !
C'est vrai que la mini-série, par la richesse de son univers, éveille la curiosité pour le roman, que j'imagine encore plus foisonnant et dense (ce qui doit être un exercice de littérature des plus captivants). A découvrir durant l'été peut-être. :)

Écrit par : Livia | 27/05/2011

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