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13/09/2010

(Pilote UK) Him & Her : entre essai conceptuel et fiction expérimentale sur le couple

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S'il est bien un mystère de la télévision britannique qu'il me reste encore à percer à ce jour, c'est le créneau dans lequel s'inscrivent certaines comédies que propose chaque année la BBC. Elles ont l'art de me faire passer une demi-heure de perplexité devant mon petit écran, incapable de véritablement classer la fiction qui se déroule sous mes yeux, ni de savoir comment réagir alors que les minutes s'étirent en longueur, promptes à générer de vertigineuses introspections téléphagiques. Car elles suscitent souvent en moi une rafale de questionnements que la lecture des reviews des médias UK ne parvient jamais véritablement à éclaircir. Était-ce vraiment pensé comme une comédie devant faire rire ? Y-a-t-il comme un décalage culturel qui m'échappe ?

Vous connaissez mon faible attrait pour le genre "comédie" dans sa globalité. Cependant j'essaie de faire des efforts. Histoire d'avoir ma conscience téléphagique en paix, une manière de m'excuser par avance de rayer automatiquement des nouveautés à tenter toutes les sitcoms américaines. Je continue donc, de façon régulière sans pour autant verser dans l'exhaustif, à m'installer devant certains pilotes de ces fictions d'outre-manche, généralement plus motivée par le casting que par le concept qui verse rarement dans l'originalité. Je ne m'explique pas vraiment cette obstination, si ce n'est un optimisme déraisonnable qui me fait espérer qu'un jour, je trouverai une comédie à regarder.

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Him & Her
, dont le premier épisode était diffusé lundi dernier, ne sera cependant probablement pas celle qui me réconciliera avec cette télévision-là. De quoi envisageait-elle de nous parler ? Se présentant comme volontairement a-romantique, souhaitant bousculer les images idéalisant la vie de couple afin d'en croquer une vision plus "réaliste" et terre-à-terre, elle met donc en scène le quotidien de deux jeunes amoureux, ayant autour de la trentaine, Steve et Becky. Aucune originalité particulière, si ce n'est donc la volonté d'afficher un profond attachement à relater une réalité assez neutre, mais sensée sans doute trouver un écho particulier auprès du public visé.

Ce pilote nous relate une matinée de farniente pour nos deux personnages principaux, où le projet envisagé de passer du bon temps au lit est perturbé par leurs connaissances qui ne cessent de les importuner, de la soeur en pleine crise amoureuse au voisin envahissant. Au vu de la minceur du concept de départ et de la thématique qui allait être centrale lors de ce premier épisode (le sexe), Him & Her va pourtant faire preuve de plus d'habileté que ce que les premières minutes m'avaient fait craindre. S'inscrivant dans un registre volontairement intimiste, l'écriture parvient à un étrange et fragile équilibre, pas inintéressant, entre une approche directe à l'excès et une certaine innocence dans la façon d'être des personnages. Il y a une forme de tact, presque une pudeur, assez indéfinissable dans la tonalité adoptée, comme une étrange retenue qui confère à l'ensemble un parfum proche de l'innocence, donnant un rendu assez étonnant, plus recherché qu'il n'y parait.

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La série ne cherche pas à provoquer, optant pour un déroulement suivant un ronronnement sans accroc. Nul ne doute qu'elle revendique et assume cette sobriété brandie en étendard ; seulement, si on ne peut pas lui reprocher d'en faire trop, elle va s'échouer sur l'écueil majeur de son parti pris narratif. Vouloir présenter sans le romancer un quotidien quelconque, pourquoi pas. Sauf que nous sommes quand même dans une série, cadre dans lequel il est nécessaire de maintenir un minimum de rythme, avec un contenu présentant un minimum de consistance pour retenir l'attention du téléspectateur. Or, au cours de ce pilote, Him & Her se noie surtout dans une routine creuse que l'on ne sait trop comment appréhender.

Cette impression diffuse d'électro-encéphalogramme désespérement plat - source de relatif ennui transformant votre perception du temps qui s'écoule - est confortée par l'absence de ce qui devrait, en théorie, être le coeur d'une comédie, à savoir, l'humour. Oh, l'épisode suscite bien quelques vagues sourires, les rares fois où il y a une rupture de rythme réussie - la scène de l'araignée ou la façon dont Becky s'y prend pour faire accepter la venue de sa soeur à Steve -, mais c'est trop peu pour 30 minutes de huis clos dans ce petit appartement qui sert de seul décor. Les acteurs n'y pourront rien, alors même qu'il n'y a vraiment rien à redire sur l'interprétation solide du duo phare, Russell Tovey (Little Dorrit, Being Human) et Sarah Solemani (Roman's Empire) trouvant instantanément le ton juste et parvenant à retranscrire une belle complicité à l'écran. 

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Bilan : Ce pilote de Him & Her laisse donc une impression très mitigée. D'une part, il fait preuve d'un réel tact et d'une certaine habileté à mettre en scène un quotidien, avec une atmosphère où pointe une certaine innocence ou insouciance, alors même que les sujets abordés auraient pu être propices à des développements lourds et indigestes. Mais, d'autre part, il échoue à intéresser à la monotonie de cette routine ordinaire, qui sonne finalement trop creuse pour retenir l'intérêt du téléspectateur.

Him & Her, c'est une approche télévisée expérimentale sur le couple dont l'intention n'était pas mauvaise (et l'équilibre dans la tonalité notamment mériterait d'être revu), mais le résultat est trop inconsistant pour le format d'une série, même avec peu d'épisodes.


NOTE : 4/10


Un extrait (une histoire d'araignée...) :

30/07/2010

(UK) Black Books : excentricités alcoolisées dans une savoureuse comédie de l'absurde

 

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Mine de rien, voici rien moins que le sixième billet d'une catégorie que j'avais initialement créée comme un défi à moi-même et à mes tendances téléphagiques dépressives : les "comédies britanniques". C'était un double challenge car, en plus d'être difficile à satisfaire dans le registre de l'humour, je suis souvent atteinte du syndrome de la page blanche lorsqu'il s'agit ensuite d'en rédiger une critique. Voyez-y peut-être une incapacité personnelle à analyser ou conceptualiser une telle fiction... Je ne sais pas.

La précision "british" de la catégorie s'expliquait par le fait que j'ai toujours eu un penchant plus prononcé pour le corrosif humour noir d'outre-Manche. Preuve de motivation, souvenez-vous, j'étais même remontée jusqu'en 1980 pour trouver des comédies répondant à mes attentes (je ne me lasse pas de ce petit bijou qu'est Yes Minister). Aujourd'hui, je reviens dans une période téléphagique plus contemporaine puisque, après les années 90 la semaine dernière, j'investis cette fois les années 2000, pour vous parler d'un OVNI télévisé dont seuls les britanniques ont le secret de la conception : Black Books. Comptant 3 saisons, pour un total de 18 épisodes en tout, elle fut diffusée de 2000 à 2004 sur Channel 4.

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Black Books est une sitcom qui se complaît dans une dynamique de tous les excès défiant constamment toute logique. Elle se déroule principalement dans une petite librairie du même nom, dont le propriétaire, Bernard Black, personnifie à outrance l'esprit de la série. Misanthrope alcoolique, marginal anarchique, excentrique égoïste, il auto-gère vaguement son magasin d'une façon anti-commerciale toute personnelle, qui laisse songeur sur la viabilité d'une entreprise donnant plutôt l'impression d'être une bulle retirée du monde. Fervent partisan du moindre effort, mais toujours partant pour des soirées arrosées, qui ont tendance à déborder sur le reste de la journée, Bernard ne manque pourtant pas d'ingéniosité. Tout en cultivant, sans avoir l'air d'y toucher, un sens de la provocation naturel, il fait également beaucoup d'efforts pour rester en marge des préoccupations normales du quotidien.

Cette attitude ne dynamise pas vraiment sa vie sociale. Ainsi, il n'a, au début de la série, qu'une seule et unique amie : Fran. Cette dernière s'occupe d'un magasin de décorations, vendant mille et un gadgets à l'utilité au mieux discutable, au pire inexistante. Pendant féminin parfait à Bernard et compagne de beuverie chevronnée, Fran est malgré tout pleine d'une bonne volonté, aussi maladroite qu'inefficace. Certes décalée, elle est aussi pragmatique comme toute trentenaire dont l'horloge biologique s'est activée a le secret. Mais ses rêves de maris potentiels et de futurs colorés finissent généralement en douloureux réveils de lendemain de fête, l'échec noyé dans l'alcool aux côtés de Bernard.

Enfin, au cours du pilote, suite à une série de quiproquos improbables où la boisson joue un rôle déterminant - typiquement Black Books-iens, donc -, Bernard embauche une sorte d'assistant, Manny, un ex-comptable récemment viré, dont la fonction, initialement quelque peu floue, va prendre de plus en plus d'importance dans le quotidien du libraire.

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A partir de ce cadre de base, Black Books développe un univers très décalé, assez unique en son genre, se complaisant dans un excès alcoolisé où le burlesque se mêle à l'absurde. Cela donne un cocktail aussi détonnant que déjanté, difficilement catégorisable, mais dont l'humour corrosif est un sombre délice qui se savoure sans arrière-pensée. La série fascine par sa façon bien à elle de repousser constamment toute limite, se nourrissant de ses excès, qu'ils soient le fait de ses personnages ou ses propres effets narratifs.

En elle-même, elle constitue un véritable défi à tout effort de rationalisation ; elle est, pour le téléspectateur, une invitation à plonger sans retenue dans une atmosphère indéfinissable d'ébriété inconséquente, bannissant toute pensée cohérente et devenant rapidement contagieuse. La série propose ainsi des épisodes sans forcément de fil narratif rigoureux, mais avec souvent un thème central (l'introduction d'un élément qui vient bouleverser le quotidien, par ex. : "the cleaner", dans la saison 1). Cela donne parfois l'impression d'empiler des sketchs, tout en chérissant toujours une liberté de ton aussi noir que sarcastique.

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C'est donc le quotidien, improbable, de notre trio, qui constitue le terrain d'expression de Black Books. La série s'approprie des ressorts ou des thèmes assez classiques, presque anecdotiques, pour généralement les amener à un tout autre niveau. Par exemple, au cours de la première saison, l'épisode où Bernard fait face à sa déclaration d'impôts à remplir demeure un incontournable. Vient également à l'esprit l'embauche d'un nettoyeur consciencieux par un Manny singulièrement effrayé par les conditions d'hygiène qui règnent dans la boutique. La série impose une identité qui lui est propre, permettant au téléspectateur d'assister à des scènes uniques, comme la gestion par Bernard de ses relations avec ses clients, qui nous laissent aussi hilares qu'incrédules devant notre petit écran.  

Si Black Books, aussi improbable qu'elle soit, fonctionne, elle le doit également en bonne partie à son casting, qui réussit à trouver le juste équilibre, entre retenue flegmatique et excès assumé, au sein de cette sitcom atypique. Il faut dire que l'acteur principal, Dylan Moran, qui interprète Bernard, est également le co-créateur de la série. L'humoriste irlandais n'a pas son pareil pour mettre en scène l'apathie alcoolisée, teintée d'excentricité, du personnage qu'il incarne. A ses côtés, on retrouve deux autres grands habitués de l'univers comique d'outre-Manche, avec Tamsin Greig (Green Wing, Love Soup) et Bill Bailey. Si bien qu'il n'est pas étonnant que le cocktail prenne sans difficulté.

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Bilan : Comédie absurde à l'humour corrosif, regorgeant de tirades sarcastiques et de situations improbables, Black Books nous plonge dans une ambiance alcoolisée qui marque un défi à tout effort de rationalisation. Pour notre plus grand plaisir, elle se permet toutes les excentricités, refusant de s'astreindre à la moindre limite, afin de remplir un seul objectif : celui de nous faire rire. Et cela fonctionne.

Par ses excès et la tonalité sombre qui y règne, elle investit sans doute une niche assez particulière dans les comédies. Elle s'inscrit aussi dans une tradition d'irrévérence toute britannique. Mais que vous soyez amateur ou profane face à ce type d'humour, laissez-vous embarquer, au moins une fois, dans un épisode en version originale (j'insiste sur la nécessité de la VOST). Le voyage est assuré d'être décoiffant !


NOTE : 7,5/10


Le générique :

Un extrait :

23/07/2010

(UK) Jeeves and Wooster : insouciance bourgeoise et pragmatisme flegmatique pour une comédie "swinguante"

 

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Une des traditions de ce blog demeure la volonté d'explorer avec vous les trésors reconnus ou méconnus de la télévision britannique, en n'hésitant pas à remonter le temps au-delà des productions actuelles. C'est ainsi qu'aujourd'hui, je vais vous parler d'une série datant du début des années 90, Jeeves and Wooster. Cet incontournable et délicieusement swinguant britishism télévisuel, adapté des romans de P. G. Wodehouse, mit en scène le duo phare d'acteurs comiques de l'époque, les inséparables Hugh Laurie et Stephen Fry (de Blackadder à A bit of Fry and Laurie).

Diffusée sur ITV1, du 22 avril 1990 au 20 juin 1993, Jeeves and Wooster comporte 4 saisons, pour un total de 23 épisodes. Elle est malheureusement inédite en France (même si l'idée d'une adaptation VF apparaît quelque peu blasphématoire tant l'essence de la série réside dans la tonalité des dialogues de sa version originale, le fait qu'elle n'est jamais franchie la Manche est assez déprimant - trop british ?). L'intégrale est cependant disponible en coffret DVD zone 2, en Angleterre. Pour les curieux que la langue de Shakespeare n'effraie pas, mais qui ne sont pas encore parfaitement bilingues, notez bien que l'édition UK comporte des sous-titres anglais pour tous les épisodes.

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Jeeves and Wooster se déroule dans la société britannique bourgeoise de la première partie du XXe siècle, dans l'entre-deux guerres. Elle suit les pérégrinations mondaines de Bertie Wooster (Hugh Laurie). Ce jeune héritier de bonne famille, demi-aristocrate dévorant la vie en dilettante appliqué, dont le quotidien se résume à diviser son temps entre bon temps entre amis et fuites continuelles devant les responsabilités et les propositions de mariages arrangées par ses tantes. Bertie a la tête pleine de courants d'air, mais n'est jamais à court d'imagination pour mettre au point des plans, aussi complexes qu'inutiles, pour parvenir à ses fins auprès de ses comparses mondains.

Heureusement pour lui, si ses orchestrations sont généralement vouées à un échec aussi cinglant que potentiellement humiliant, il dispose à son service de l'assistance d'un valet maîtrisant parfaitement tous les rouages de cette société, en la personne de Jeeves (Stephen Fry). Toujours sur-informé, semblant conserver constamment plusieurs coups d'avance sur son très distrait maître, Jeeves sauvera la mise à son employeur plus d'une fois. Derrière ses politesses maniérées à l'excès, qui s'accompagnent d'un flegme personnel que rien ne saurait perturbé, le valet élève la manipulation au rang d'art et s'impose un cérémonial distant et détaché, en parfait contre-poids des dérapages non-contrôlés de Wooster.

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Jeeves and Wooster suit donc le quotidien, aussi mouvementé qu'anecdotique dans ses préoccupations, d'un jeune héritier profitant pleinement de l'instant présent et dont le principe de vie premier consiste à fuir devant toute responsabilité potentielle. Derrière ce savoureux parfum épicurien, c'est l'instantané d'une époque que l'on retrouve dans l'environnement mis en scène. Il nous plonge, non sans piquant et avec un détachement teinté d'un humour noir aussi flegmatique que diffus, dans les moeurs de la bonne société britannique de l'époque. La pointe de cynisme qui perce derrière les accents obséquieux de Jeeves, comme le portrait caricatural de cette classe sociale priviléiée, ne font qu'ajouter à cette impression d'ensemble.

Au-delà de son ambiance bourgeoise, Jeeves and Wooster paraît respirer et renvoyer une allure "so british" à chaque scène, personnifiant par ses ressorts et ses enjeux, une certaine époque, mais aussi une certaine image d'Epinal, entre rigidité sociale et insouciance des années folles, qui nous semblerait aujourd'hui presque folklorique, mais dont le charme de la transposition à l'écran est indéniable.

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Si le portrait global est attrayant, la force - et l'attrait majeur - de Jeeves and Wooster réside bien évidemment dans l'association de ses personnages phares, aussi improbable que logique tant la complémentarité des deux s'impose comme marquante. Le piquant de cette dynamique ainsi mise en scène se trouve notamment dans cette relation de subordination, existant entre un maître et son valet, dont la versatilité, en l'espèce, apparaît bien atypique. C'est qu'il y a incontestablement des accents d'un Mariage de Figaro moderne et britannique dans les ressorts de cette savoureuse comédie. Si bien que si leurs rapports ne s'inversent jamais, le stoïcisme réservé de Jeeves ne l'empêchera pas de gratifier la caméra de quelques sourires en coin subtiles, dont la signification est plus parlante que bien des longs discours.

Pour couronner le tout, Hugh Laurie et Stephen Fry s'en donnent à coeur joie dans cette sorte de "mano à mano" d'où perce une complicité indéniable. Leur enthousiasme se communique aisément à un téléspectateur sous le charme, tandis que chacun personnifie, dans le moindre de ces maniérismes, le personnage qu'il interprète. Hugh Laurie est parfait en aristocrate inconséquent, oscillant entre franches niaiseries et grimaces hautaines. Et, si Stephen Fry apporte la retenue nécessaire pour mettre en scène ce valet obséquieux, il parvient également, par quelques mimiques plus discrètes, à faire ressortir toute la subtilité du jeu de Jeeves, derrière ce théâtralisme poli. Délicieux !

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Bilan : Jeeves and Wooster est une comédie britannique savoureuse, objet télévisuel aussi à part que incontournable. Derrière sa façade insouciante, sa tonalité épicurienne et ses accents ironiques à l'égard de cette aristocratie d'avant-guerre, elle repose avant tout sur la dynamique atypique, plus subtile qu'une simple "subordination", existant entre un duo fabuleux de personnages haut en couleurs, qui sont l'âme de la série. Les pérégréniations mondaines de Wooster ne sont que prétextes à mettre en scène un humour théâtral, plus en finesse et en petites touches qu'il n'y paraîtrait au départ, où l'on ressent bien l'inspiration littéraire d'origine. Le téléspectateur se laisse séduire par ce charme swinguant, presque nostalgique, intemporel, qui s'y diffuse...

Jeeves and Wooster est une série à part, dont il faut savoir prendre le temps de savourer chaque épisode. Mais n'hésitez pas à être curieux, la découverte se mérite !


NOTE : 7,75/10


Le générique, délicieusement swing :


Un extrait de la série, les 20 premières minutes du premier épisode (en VOSTA) :

01/07/2010

(Pilote UK) Rev. : it's hell being a vicar...

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Du Vicar of Dibley à Father Ted, on peut probablement affirmer qu'il existe une certaine tradition britannique à développer des "comédies cléricales". La télévision anglaise s'est déjà passablement amusée à mettre en scène, de la plus improbable ou caricaturale des manières, ses hommes d'Eglise. Si bien que le sujet de la dernière nouveauté diffusée sur BBC2 pour cet été n'apparaissait pas particulièrement original, même s'il proposait une modernisation de ces classiques. Si le parallèle instinctivement fait par le téléspectateur s'établissait plutôt avec The Vicar of Dibley au vu du seul synopsis, par la tonalité adoptée dans son pilote, Rev. marque immédiatement une certaine distance avec ses prédécesseurs, s'inscrivant dans un registre plus mesuré, et en un sens, plus réaliste.

En ce qui me concerne, la seule présence de Tom Hollander (également créateur de la série, aux côtés de James Wood) suffisait à attiser ma curiosité, de sorte que la découverte du pilote, diffusé ce lundi soir outre-Manche, s'imposait d'elle-même. Cette première saison de Rev. comportera 6 épisodes, d'une durée d'une demi-heure chacun.

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Rev. raconte l'acclimatation urbaine (mouvementée) du Révérend Adam Smallbone : en provenance d'une petite paroisse rurale, le voilà nouvellement promu à St Saviour, dans l'Est de Londres, au sein d'une communauté éclatée où le manque de dynamisme des paroissiens viendrait rapidement à bout des efforts les plus patients. Au-delà du quasi-désert hebdomadaire que constitue le service religieux, Adam doit gérer les sollicitations les plus diverses, notamment des demandes de faveur défiant son sens moral pouvant provenir de fidèles fréquentant l'église, mais aussi d'opportunistes découvrant soudain un intérêt surprenant pour la foi. Il faut alors au révérend beaucoup de bonne volonté, une sacrée dose d'humilité et des compromis constants pour gérer ce quotidien pas toujours de tout repos.

Outre des paroissiens envahissants et hauts en couleurs, ne mesurant pas toujours ce qu'ils exigent, Adam peut heureusement compter sur quelques soutiens à géométrie variable. L'aide la plus précieuse est sans doute celle apportée par son épouse, Alex. Si cette dernière, avocate menant sa propre carrière professionnelle, ne rentre pas dans les stéréotypes traditionnellement associés à l'image de la femme d'un révérend, elle fait cependant des efforts pour s'adapter ; ce qui rend finalement leur association des plus rafraîchissantes. Les collègues d'Adam sont en revanche plus réservés. Nigel l'assiste dans la gestion de la paroisse, tout en rêvant de promotion et de se trouver, un jour, à sa place. Enfin, son supérieur hiérarchique direct, avec ses objectifs chiffrés et ses analyses sans concession, maintient une pression constante sur le Révérend, reproduisant ironiquement des schémas de management pas si éloignés du style mafieux.

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Je dois dire que le résultat proposé par le pilote de Rev. est assez différent de ce à quoi je m'attendais. La série opte en effet pour une approche relativement réaliste de la fonction de révérend dans notre société moderne sécularisée. Loin d'être une simple sitcom, qui s'amuserait de ses excès et exploiterait les potentielles situations improbables que cette situation peut générer, Rev. se révèle beaucoup plus mesurée. Adoptant une tonalité cynique et désabusée à souhait, la série s'inscrit dans une tradition d'humour noir feutré, où les passages prêtant à sourire sont mis en scène de façon plus subtile. Si certains dialogues s'avèrent effectivement décalés à souhait, on reste toujours dans une froide retenue. Le téléspectateur y perçoit d'ailleurs sans difficulté les efforts des scénaristes pour essayer de dresser un portrait juste, pas si éloigné de la réalité, d'une paroisse populaire anglicane.

Rev. ne provoquera donc pas de rires aux éclats chez ses téléspectateurs. Le pilote s'installe en douceur, introduisant les paroissiens et nous présentant le quotidien d'Adam. La qualité d'écriture est un peu inégale, certaines scènes traînant un brin en longueur. Cependant, l'épisode contient plusieurs échanges inspirés, cocasses à souhait et dont les décalages sont parfaitement mis en lumière par un personnage principal rendu attachant par ses doutes et sa volonté de bien faire. Adam n'a pourtant rien d'un utopiste ; il est bien conscient des exigences de pragmatisme imposées par la société de son temps. Le dilemme va alors être de déterminer où se situe la ligne jaune à ne moralement pas franchir. L'exemple du jour, la réparation du vitrail brisé, est une illustration qui indique bien vers quelle voie des péripéties du quotidien la série pourra se développer.

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La thématique principale de Rev. s'avère finalement être des plus classiques : Adam est certes un homme de Dieu, mais il reste aussi un être humain, avec ses préoccupations, ses mauvaises habitudes (la boisson notamment) et ses failles. Il n'a rien d'un modèle infaillible, et c'est sur cette dichotomie, entre l'image idéalisée à laquelle renvoie la fonction et ce quotidien beaucoup plus terre à terre, que la série investit, avec une certaine réussite (exemple de dialogue : "je propose de réciter nos prières tout doucement... pour ceux qui auraient la gueule de bois ce matin"). Il se dégage du tableau présenté par Rev. une ambiance finalement assez attachante, dans laquelle la dimension humaine occupe une place déterminante. Sans provocation inutile, ni réelle révolution dans l'approche de son sujet, la série trouve progressivement un rythme, conservant un caractère mesuré qui n'empêche pas les petites piques et situations plus cocasses qui prêteront à sourire.

Sur un plan technique, Rev. est un reflet de cette paroisse urbaine quelque peu en déshérence, ses images adoptant des couleurs plutôt sombres, mises en avant par une réalisation très sobre. La série peut également compter sur un casting des plus solides, emmené par un Tom Hollander (Wives and Daughters, Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics), tout en nuances, en grande forme. A ses côtés, le téléspectateur familier du petit écran britannique retrouvera notamment Olivia Colman (Green Wing, Beautiful People), Miles Jupp, Simon McBurney ou encore Steve Evets (Five Days).

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Bilan : Rev. se situe un peu à la croisée des genres, comédie sombre flirtant avec le réalisme et une réelle volonté de décrire le quotidien moderne d'un révérend. C'est l'homme derrière la fonction qui intéresse la série, s'appliquant à souligner les dilemmes auxquels il doit faire face.

S'il laisse entrevoir un certain potentiel, ce premier épisode reste cependant trop timoré pour réellement s'imposer. Le téléspectateur regrettera en effet le peu de prise de risque d'une histoire qui suit finalement un chemin très balisé. On perçoit parfois les hésitations des scénaristes pour atteindre le juste équilibre dans la tonalité de leur série ; mais il est logique que le pilote permette également certains réglages.

Au final, cela n'est pas déplaisant à suivre. On s'attache facilement. Il manque seulement un soupçon de piquant pour réellement accrocher le téléspectateur. Mais je veux bien laisser à la série un peu plus de temps pour s'installer.


NOTE : 6,5/10


Des previews :


27/06/2010

(UK) The IT Crowd, series 4 : corrosive et désopilante immersion au sein d'un service informatique


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Vendredi soir débutait sur Channel 4 la quatrième saison inédite de The It Crowd. On avait presque oublié qu'elle était encore en production et c'est peu dire que ces nouveaux épisodes se seront faits attendre, puisque la diffusion de la saison 3 datait de fin 2008, soit il y a plus d'une année et demie.

Je vous ai déjà parlé de mes difficultés à apprécier le genre comique. On touche ici à une frontière constante dans mes goûts téléphagiques, dont l'existence remonte à l'origine de mon visionnage de séries. Cependant, de temps à autre, je croise une comédie qui va réussir à me fidéliser timidement. Si je ne suis pas restée insensible à Arrested Development ou à The Office (US) aux Etats-Unis, j'avoue que je cultive surtout un certain penchant pour l'humour corrosif si accrocheur des comédies d'outre-manche. The Thick of It, Black Books ou encore The Office, voilà sans doute le type d'humour qui me convient le mieux, même si tout cela reste à la marge dans ma consommation sériephile générale.

Toujours est-il que dans cette liste des fictions où l'on retrouve le cynisme inimitable de l'humour britannique (style que je pense apprécier de plus en plus, au vu de mes visionnages d'intégrales, depuis un an, de séries comme Yes Minister, Blackadder ou encore Jeeves & Wooster), figure The It Crowd.

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The IT Crowd est une sitcom qui fut lancée en 2006, donc en précurseur des séries qui mettront ensuite en avant geeks et autres nerds outre-Atlantique (la vague de ce genre date de la saison US 2007-2008). Une adaptation américaine sera d'ailleurs un temps envisagée, sans que le projet se concrétise.

Cette série nous narre les éreintantes journées de travail (et, exceptionnellement, quelques fois en extérieur) au sein du service informatique d'une grande entreprise anglaise. Jeune cadre ambitieuse, Jen crut à une promotion lorsqu'elle décrocha un poste de manager dans ce département. Mais c'est derrière un bureau presque glauque, dans les sous-sols du siège de sa société, qu'elle attérit, avec pour mission d'encadrer deux collègues de travail dont le but professionnel ultime semblait être d'en faire le moins possible. La cohabitation entre la pragmatique Jen et ces deux informaticiens, véritables geeks dans l'âme, n'allait pas être de tout repos ; l'occasion finalement pour chacun de s'ouvrir un peu à un autre monde, presque une autre réalité pour certains.

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L'atout de The It Crowd réside dans l'alchimie qui se dégage de ses personnages, portée par cette ambiance corrosive qu'elle va réussir à installer. La sitcom parvient à trouver cet équilibre étrange, presque improbable, d'association des opposés, source inépuisable de situations cocasses souvent drôles. Nous ne sommes pas dans du mockumentary rigide comme The Office. La série entérine certes l'importante modernisation des codes scénaristiques du genre datant des années 2000, mais elle opère cependant un compromis avec des ingrédients  plus classiques, n'hésitant à utiliser (avec un certain succès) les poncifs traditionnels, dans les relations professionnelles, mais aussi personnelles.

D'un cynisme constamment réaffirmé, maniant avec habileté cet humour noir aussi indéfinissable que jubilatoire que certains qualifieront d'"humour anglais", The It Crowd est une série résolument excentrique, parfois franchement surréelle, mais toujours très dynamique, assumant et revendiquant ses excès et l'absurdité de certaines situations ainsi créées. Souvent désopilante, la série brouille notre sens de la normalité, caricature et prend ses distances avec l'univers qu'elle dépeint. Elle mise beaucoup sur un comique de situation dans lequel elle excelle, tout en sachant diversifier également ses ressorts narratifs (notre duo de geeks offrant un terrain propice au comique de caractère). Le téléspectateur se laisse aisément prendre au jeu.

Même si elle se déroule sur un lieu de travail, les histoires ne concernent pas toujours uniquement le quotidien de l'entreprise. Nous avons certes droit à notre dose de rivalités inter-services et à un patron caricatural à souhait, mais la vie privée des personnages trouvera aussi une place au milieu de tout cela. C'est d'autant plus opportun que la césure entre deux mondes, celui de Jen et celui des deux informaticiens, se répercute logiquement (et souvent délicieusement) dans cette vie extérieure, notamment en ce qui concerne les relations amoureuses.

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Pour ce retour après un an et demi de disette, The It Crowd propose un épisode où l'on retrouve toutes les thématiques classiques de la série. Jen et ses rêves de promotion la font postuler à la fonction de manager chargée de s'occuper des hommes d'affaires invités par son patron, une fonction pseudo "culturelle" dont elle ne comprend pas réellement les implications et ce à quoi renvoie, en l'espèce, le terme "entertainment". Comme Roy, en pleine phase de dépression amoureuse, le lui explique en version cinéphile : la voilà intronisée en nouveau "Fredo" (cf. Le Parrain 2).

De qui pro quos en progressive immersion dans son rôle, Jen se charge tant bien que mal de sa mission, au cours de laquelle, une fois de plus, le clash des différents univers culturels de notre trio est pleinement mis à profit, permettant de plus au final de résoudre la situation. En effet, les jeux de rôle imaginés et animés par Moss vont se révéler plus attrayants que ce que le téléspectateur aurait pu imaginer. Au terme d'un processus qui souligne la maîtrise du scénario et la complémentarité constamment renouvelée des personnages, tout le monde y trouvera son compte... sauf Jen qu'une autre de ses initiatives, aussi spontanées que malheureuses, rattrape avant qu'elle ne puisse récolter les fruits de sa réussite.

En résumé, c'est un solide épisode que j'ai sans doute d'autant plus apprécié qu'il s'agissait de retrouvailles et que ce trio m'avait considérablement manqué. Moss demeure inimitable et unique, ressort comique le plus constant de la série. Et l'ensemble, homogène, se regarde avec plaisir !

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Bilan : Avec son ton corrosif à souhait, son habile maniement de l'absurde, son ambiance désopilante autant qu'excessive et ses personnages haut en couleur qui se complètent parfaitement, The It Crowd se révèle être une comédie attachante que l'on suit avec plaisir. On y retrouve la tonalité propre aux comédies british, avec cette noirceur un peu critique, teinté d'un cynisme aigre-doux jubilatoire.

Le tout se révèle bien plus accrocheur que ses très (trop) diluées et bien trop fades (et plates) consoeurs américaines (The Big Bang Theory en tête).


NOTE : 7/10


Le générique :


Les trailers de la saison 4 :