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30/07/2010

(UK) Black Books : excentricités alcoolisées dans une savoureuse comédie de l'absurde

 

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Mine de rien, voici rien moins que le sixième billet d'une catégorie que j'avais initialement créée comme un défi à moi-même et à mes tendances téléphagiques dépressives : les "comédies britanniques". C'était un double challenge car, en plus d'être difficile à satisfaire dans le registre de l'humour, je suis souvent atteinte du syndrome de la page blanche lorsqu'il s'agit ensuite d'en rédiger une critique. Voyez-y peut-être une incapacité personnelle à analyser ou conceptualiser une telle fiction... Je ne sais pas.

La précision "british" de la catégorie s'expliquait par le fait que j'ai toujours eu un penchant plus prononcé pour le corrosif humour noir d'outre-Manche. Preuve de motivation, souvenez-vous, j'étais même remontée jusqu'en 1980 pour trouver des comédies répondant à mes attentes (je ne me lasse pas de ce petit bijou qu'est Yes Minister). Aujourd'hui, je reviens dans une période téléphagique plus contemporaine puisque, après les années 90 la semaine dernière, j'investis cette fois les années 2000, pour vous parler d'un OVNI télévisé dont seuls les britanniques ont le secret de la conception : Black Books. Comptant 3 saisons, pour un total de 18 épisodes en tout, elle fut diffusée de 2000 à 2004 sur Channel 4.

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Black Books est une sitcom qui se complaît dans une dynamique de tous les excès défiant constamment toute logique. Elle se déroule principalement dans une petite librairie du même nom, dont le propriétaire, Bernard Black, personnifie à outrance l'esprit de la série. Misanthrope alcoolique, marginal anarchique, excentrique égoïste, il auto-gère vaguement son magasin d'une façon anti-commerciale toute personnelle, qui laisse songeur sur la viabilité d'une entreprise donnant plutôt l'impression d'être une bulle retirée du monde. Fervent partisan du moindre effort, mais toujours partant pour des soirées arrosées, qui ont tendance à déborder sur le reste de la journée, Bernard ne manque pourtant pas d'ingéniosité. Tout en cultivant, sans avoir l'air d'y toucher, un sens de la provocation naturel, il fait également beaucoup d'efforts pour rester en marge des préoccupations normales du quotidien.

Cette attitude ne dynamise pas vraiment sa vie sociale. Ainsi, il n'a, au début de la série, qu'une seule et unique amie : Fran. Cette dernière s'occupe d'un magasin de décorations, vendant mille et un gadgets à l'utilité au mieux discutable, au pire inexistante. Pendant féminin parfait à Bernard et compagne de beuverie chevronnée, Fran est malgré tout pleine d'une bonne volonté, aussi maladroite qu'inefficace. Certes décalée, elle est aussi pragmatique comme toute trentenaire dont l'horloge biologique s'est activée a le secret. Mais ses rêves de maris potentiels et de futurs colorés finissent généralement en douloureux réveils de lendemain de fête, l'échec noyé dans l'alcool aux côtés de Bernard.

Enfin, au cours du pilote, suite à une série de quiproquos improbables où la boisson joue un rôle déterminant - typiquement Black Books-iens, donc -, Bernard embauche une sorte d'assistant, Manny, un ex-comptable récemment viré, dont la fonction, initialement quelque peu floue, va prendre de plus en plus d'importance dans le quotidien du libraire.

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A partir de ce cadre de base, Black Books développe un univers très décalé, assez unique en son genre, se complaisant dans un excès alcoolisé où le burlesque se mêle à l'absurde. Cela donne un cocktail aussi détonnant que déjanté, difficilement catégorisable, mais dont l'humour corrosif est un sombre délice qui se savoure sans arrière-pensée. La série fascine par sa façon bien à elle de repousser constamment toute limite, se nourrissant de ses excès, qu'ils soient le fait de ses personnages ou ses propres effets narratifs.

En elle-même, elle constitue un véritable défi à tout effort de rationalisation ; elle est, pour le téléspectateur, une invitation à plonger sans retenue dans une atmosphère indéfinissable d'ébriété inconséquente, bannissant toute pensée cohérente et devenant rapidement contagieuse. La série propose ainsi des épisodes sans forcément de fil narratif rigoureux, mais avec souvent un thème central (l'introduction d'un élément qui vient bouleverser le quotidien, par ex. : "the cleaner", dans la saison 1). Cela donne parfois l'impression d'empiler des sketchs, tout en chérissant toujours une liberté de ton aussi noir que sarcastique.

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C'est donc le quotidien, improbable, de notre trio, qui constitue le terrain d'expression de Black Books. La série s'approprie des ressorts ou des thèmes assez classiques, presque anecdotiques, pour généralement les amener à un tout autre niveau. Par exemple, au cours de la première saison, l'épisode où Bernard fait face à sa déclaration d'impôts à remplir demeure un incontournable. Vient également à l'esprit l'embauche d'un nettoyeur consciencieux par un Manny singulièrement effrayé par les conditions d'hygiène qui règnent dans la boutique. La série impose une identité qui lui est propre, permettant au téléspectateur d'assister à des scènes uniques, comme la gestion par Bernard de ses relations avec ses clients, qui nous laissent aussi hilares qu'incrédules devant notre petit écran.  

Si Black Books, aussi improbable qu'elle soit, fonctionne, elle le doit également en bonne partie à son casting, qui réussit à trouver le juste équilibre, entre retenue flegmatique et excès assumé, au sein de cette sitcom atypique. Il faut dire que l'acteur principal, Dylan Moran, qui interprète Bernard, est également le co-créateur de la série. L'humoriste irlandais n'a pas son pareil pour mettre en scène l'apathie alcoolisée, teintée d'excentricité, du personnage qu'il incarne. A ses côtés, on retrouve deux autres grands habitués de l'univers comique d'outre-Manche, avec Tamsin Greig (Green Wing, Love Soup) et Bill Bailey. Si bien qu'il n'est pas étonnant que le cocktail prenne sans difficulté.

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Bilan : Comédie absurde à l'humour corrosif, regorgeant de tirades sarcastiques et de situations improbables, Black Books nous plonge dans une ambiance alcoolisée qui marque un défi à tout effort de rationalisation. Pour notre plus grand plaisir, elle se permet toutes les excentricités, refusant de s'astreindre à la moindre limite, afin de remplir un seul objectif : celui de nous faire rire. Et cela fonctionne.

Par ses excès et la tonalité sombre qui y règne, elle investit sans doute une niche assez particulière dans les comédies. Elle s'inscrit aussi dans une tradition d'irrévérence toute britannique. Mais que vous soyez amateur ou profane face à ce type d'humour, laissez-vous embarquer, au moins une fois, dans un épisode en version originale (j'insiste sur la nécessité de la VOST). Le voyage est assuré d'être décoiffant !


NOTE : 7,5/10


Le générique :

Un extrait :