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16/03/2010

(Pilote / Mini-série US) The Pacific, Part One : Guadalcanal / Leckie

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Beaucoup d'excitation téléphagique pour cette semaine qui constitue une des charnières de mon premier semestre sériephile 2010, avec l'arrivée de deux des trois nouveautés américaines, dans lesquelles je place plus ou moins tous mes espoirs outre-Atlantique : The Pacific et Justified (ce soir, sur FX) (la troisième étant Treme, au mois d'avril sur HBO).

En fait, c'est presque un euphémisme d'écrire que j'attendais avec impatience The Pacific. Depuis l'époque où le projet a été simplement annoncé, mon impatience n'a fait que croître. Ce n'est pas forcément une bonne chose, j'en suis consciente. Tout téléphage le sait : l'espérance est le meilleur moyen de finir déçu. Pire, on peut se gâcher le visionnage d'une fiction honnête, simplement parce que l'on avait imaginé monts et merveilles. Certes, de mon côté, j'avoue aussi n'avoir pas eu non plus une stratégie très avisée. Le revisionnage de Band of Brothers en ce début d'année m'a bien rafraîchi la mémoire et rappelé à quel point j'aimais cette mini-série.

Bref, j'ai eu beau me promettre de ne pas placer mes espoirs trop hauts, j'avais quand même souligné la date du 14 mars sur mon agenda. Restait à mettre de côté tous mes préjugés, m'installer devant la télé... et alea jacta est !

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The Pacific s'ouvre sur un épisode dont la construction se découpe en deux parties. Il débute par une longue introduction, ayant une pure fonction d'exposition parfaitement assumée. Après un rappel des évènements de décembre 1941, avec l'utilisation d'images d'archives et la voix de Roosevelt en fond sonore, nous voici immédiatement plongés dans cette Amérique encore sous le choc, traumatisée par Pearl Harbor, et qui mobilise ses soldats afin d'entrer en guerre. Cette mini-série va nous faire suivre la Seconde Guerre Mondiale sur un front moins connu pour un Européen : le front Pacifique, à travers les destins croisés de trois militaires. L'exposé pédagogique initial, un brin didactique, a l'avantage de poser clairement le contexte et la situation historique dans laquelle nous allons être plongés. Ce souci de partir sur des bases claires, afin que le téléspectateur ne rencontre aucun obstacle pour rentrer dans l'histoire, se retrouve également dans le premier quart d'heure de l'épisode. Il est en effet utilisé par les scénaristes comme une parenthèse introductive, présentant les trois personnages qui constitueront nos points de repères à travers les soubresauts meurtriers à venir. Ce sont leurs parcours qui nous feront vivre cette guerre.

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Ces rapides portraits dressés se révèlent de facture somme toute très classique, esquissant en un minimum de temps les bases de leurs personnalités, sur un format sans originalité particulière. Chacun dispose d'un background très différent. John Basilone, fils d'immigrés italiens, est déjà un militaire de carrière, qui a plusieurs années de service derrière lui, notamment un séjour aux Philippines. Il rejoint les marines à l'aube de cette guerre. Un milieu populaire très différent de celui d'Eugene Sledge, jeune homme tout juste sorti de l'adolescence du haut de ses 18 ans. Il est issu d'une riche famille du Sud, originaire de l'Alabama. Pour le moment, il ne fait qu'exprimer son désir de rejoindre l'armée, confronté à l'opposition de son père, qui lui diagnostique un souffle au coeur permettant de tranquilliser sa mère. Enfin, Robert Leckie est un homme de lettres, qui a grandi sur la côte Est, en Pennsylvanie. C'est aux côtés de ce dernier que le téléspectateur va véritablement rentrer dans la réalité du conflit au cours la seconde partie de l'épisode.

Ainsi, nous avons trois protagonistes aux parcours séparés, mais qui vont tous les conduire dans le Pacifique. Le seul lien relationnel entre existant dans ce pilote, se situe entre deux de ces trois personnages principaux et va prendre une forme indirecte : le meilleur ami d'Eugene, Sidney Phillips, se retrouve en effet affecté à l'unité de Robert Leckie. En raison de cet éventail éclaté, ce temps de présentation en rupture se justifie. Mais il est aussi la raison pour laquelle ce premier épisode met un peu de temps à atteindre son rythme de croisière. C'est un choix délibéré d'avoir ainsi débuté ; du point de vue du téléspectateur, pour qui personne ne se ressemble plus que deux soldats portant leur harnachement et leur casque, couverts de terre et de sang, c'est aussi une attention bienvenue, afin de bien enregistrer qui est qui, avant que le récit ne commence vraiment. 

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C'est avec le début officiel des hostilités sur le terrain, que l'épisode prend toute son ampleur et acquiert sa pleine dimension, rappelant ses ambitions  au bon souvenir du téléspectateur. Ce qui marque, c'est l'aisance avec laquelle, après cette première parenthèse introductive très neutre, l'épisode bascule, sans transition, dans un récit de guerre aux accents empreints d'une authenticité qui sonne très naturelle. Car les scénaristes trouvent instantanément le ton adéquat pour nous immerger aux côtés d'une unité qui s'apprête à débarquer sur le premier objectif stratégique américain, l'île de Guadalcanal. Les Japonais l'ont conquise au cours de leur offensive de décembre 1941 : s'ils réussissent à y construire une base aérienne, ils couperaient les Etats-Unis de l'Australie, et s'assureraient ainsi une hégémonie sans partage sur la zone du Pacifique.

C'est donc sur ce petit bout de terre exotique, en plein hémisphère sud, que vont se dérouler les premiers contacts et combats terrestres avec les Japonais. Au-delà de Robert Leckie, figure centrale de la narration auquel le téléspectateur s'attache rapidement, c'est toute une unité qui prend vie sous nos yeux, avec beaucoup de facilité. La dynamique des rapports entre les différents soldats se révèle inspirée et bien écrite, développée sans accroc. Aussi classique qu'apparaisse ce récit, il trouve facilement une tonalité juste et convaincante : on ressent, avec les soldats, l'attente, les fausses angoisses, les incertitudes et, enfin, les émotions fortes des premières escarmouches... Tout paraîtrait presque trop calibré si l'épisode ne nous offrait pas également ces premières scènes vraiment marquantes, qui nous rappellent que nous ne sommes pas devant n'importe quelle fiction de guerre, comme nous aurions pu un instant l'imaginer après ce début ronronnant. La confrontation directe avec les Japonais donne lieu à un résultat horrifiant. Plus que le combat en lui-même, c'est aussi la différence culturelle qui frappe, avec notamment ce rapport à la mort et au sacrifice qu'ont les Japonais. Elle s'illustre de la plus glaçante des façons avec cette plage couverte de cadavres une fois le soleil levé, conséquence du fait que ces soldats continuaient d'avancer alors même que la voie était définitivement bouchée par les mitrailleuses américaines. Mais ce rapport à la mort passe aussi par le choix de ce blessé qui préfère se faire exploser à la grenade plutôt que d'être pris par l'ennemi. De part et d'autre, déjà, l'horreur et l'absurdité des combats révèlent des pans de la nature humaine que l'on préfère cacher dans l'ombre. Des scènes où le regard de Robert Leckie apporte une dimension plus humaine qui permet au téléspectateur d'apprécier d'autant plus le repère que constitue ce personnage.

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Ces premiers combats sont également l'occasion de souligner la spécificité du décor dans lequel se déroule The Pacific, et que la mini-série, par son esthétisme soigné, va parfaitement savoir exploiter. Il y a cet océan bleu à perte de vue, ces plantes exotiques, ce climat humide et chaud... Tous ces éléments qui évoquent instinctivement ces lieux rêvés loin des soucis du quotidien. Si bien qu'un contraste saisissant s'impose d'emblée entre le cadre de cette île tropicale, aux fausses apparences paradisiaques, et les horreurs qui ont lieu derrière cette végétation touffue. The Pacific choisit à dessein de mettre en avant ce cadre où une guerre pourrait presque paraître déplacée, permettant d'en souligner avec force le paradoxe à la fois glacial, cruel et fascinant. Dans cette perspective, l'image de la plage jonchée de cadavres à perte de vue restera gravée dans la rétine du téléspectateur : elle constitue une réussite symbolique qui interpelle. Car ce tableau, à la belle esthétique presque indécente au vu de l'horreur ainsi mise en scène, reflète pourtant déjà la noirceur la plus extrême de cette guerre. 

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Avec l'exploitation du décor proposé par l'île de Guadalcanal, nous touchons également à un autre des atouts de The Pacific : il s'agit bien évidemment de la forme. Projet ambitieux, disposant d'un budget conséquent qui lui permet de voir les choses en grand, la mini-série nous propose une réalisation particulièrement soignée. Encore une fois, la caméra n'est jamais meilleure que lorsqu'il s'agit de porter à l'écran les scènes de guerre. Ces dernières lui permettent en effet de renouer avec ce raffinement assez fascinant, où la beauté première des images se heurte à la froide réalité de la barbarie ainsi dépeinte. Plaçant ainsi le téléspectateur presque en porte-à-faux, suscitant inconsciemment un certain malaise, cela confère une dimension supplémentaire au récit, retenant l'attention jusque dans les moindres détails des scènes de transition. Ici, la forme n'est pas seulement un moyen au service du fond. Elle est un composant à part entière qui le complète, conférant un impact encore plus décisif à certains passages clés. Parvenir à faire fonctionner en harmonie l'histoire et le visuel est l'objectif théoriqe de toute fiction télévisée, The Pacific y réussit avec beaucoup de maîtrise dans la seconde partie de l'épisode. De bonne augure pour la suite.

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Bilan : Ce premier épisode prend son temps pour introduire le cadre de cette mini-série, en commençant par nosu présenter les protagonistes. Cette fonction d'exposition, sous une forme très classique, retarde quelque peu le début réel de l'histoire, mais offre une parenthèse bienvenue qui fournit toutes les clés au téléspectateur pour comprendre la suite. Puis, dans ses deux derniers tiers, The Pacific se révèle à la hauteur de ses ambitions, en acquérant peu à peu toute sa dimension, parvenant instantanément à trouver le ton juste pour relater les premiers combats, avec des images qui restent déjà gravées dans notre mémoire, bien servies par le soin accordé à la forme, bénéficiant d'une réalisation et d'une photo très travaillées.

Ce premier épisode lance donc la mini-série sur de bons rails et légitimise les attentes initiales, nous laissant avec une bonne impression d'ensemble et le sentiment que le récit devrait être capable de mûrir et d'exploiter efficacement son cadre dans les prochains épisodes.


NOTE : 8,5/10


Le superbe (et très long) générique :

Une bande-annonce diffusée sur HBO :