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12/11/2009

(Mini-série UK) Warriors : Yougoslavie, pays de toutes les désillusions


Je vous ai déjà confié tout le bien que je pensais de The Project (Les Années Tony Blair). Cependant, à mes yeux, la fiction la plus forte et la plus aboutie des oeuvres de Peter Kosminsky est une production plus ancienne. Il s'agit de Warriors. Elle fut diffusée en 1999 sur la BBC. En France, ce sera également Arte qui la fera découvrir aux téléspectateurs en 2000.

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Warriors occupe une place à part dans mon coeur, car elle a constitué, chez l'américanophile revendiquée et inconsciente que j'étais, le premier déclic d'une ouverture vers les fictions britanniques. Jusqu'à ce visionnage, je les avais surtout regardées de très loin, sans réellement m'intéresser à cette nationalité en tant que telle. Avouons-le, à l'époque, j'étais jeune et pêtrie de certitudes téléphagiques qui, avec le recul, paraissent d'une naïveté très réductrice. En effet, j'avais alors une vision très manichéenne du paysage sériephage qui consistait à visualiser, d'une part un grand bloc dit "anglo-saxon", où se mêlaient indifféremment Australie, Etats-Unis, Angleterre, etc..., et d'autre part un bloc "Europe continentale" (France, Allemagne...), ce dernier ne m'enthousiasmant que très rarement.

En cela, Warriors a conduit à une première prise de conscience (dont les conséquences immédiates furent limitées dans les faits par des raisons toutes matérielles : arriver à avoir accès à ces fictions m'était assez compliqué à ce moment-là). La sobriété, l'acuité d'analyse et le traitement brut des thématiques fortes de cette fiction font l'effet d'un électrochoc à tout téléspectateur qui s'y plonge. Mais ils m'ont de plus prouvé que, oui, il existait une production britannique qui avait son identité propre ; et qu'il était faux de la réduire à sa consoeur américaine, sous le prétexte d'une langue commune et d'une base culturelle en apparence similaire.

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Warriors nous raconte l'histoire de plusieurs soldats britanniques qui furent envoyés en Bosnie en 1993, au sein du contingent des casques bleus. Nous suivrons les différents protagonistes avant, durant et après le conflit. Confrontés à des évènements, des situations et des sentiments auxquels ils n'avaient jamais été préparés. "Avant", c'est le temps de l'insouciance et d'une réflexion abstraite sur cette guerre lointaine. Puis, le "pendant" met en scène le temps des doutes et des tragédies. Les doutes sur une mission à la portée restreinte et à l'inutilité prouvée chaque jour sur le terrain. Des tragédies, drames auxquels les soldats doivent assister avec pour ordre de ne pas intervenir. Une incapacité d'ingérence qui les immobilise et les blesse plus sûrement encore que les exactions dont ils sont témoins. Cruel rôle qu'on leur a assigné, celui de faire acte de présence, de servir d'une possible zone tampon. Or, les voilà cantonnés dans une attitude passive qui confine à l'impuissance pendant que des massacres ont lieu. La caméra opte pour une retranscription sobre, ne se complaîsant pas dans les horreur. Elle suggère plus qu'elle ne met en scène, sans que le récit de ces drames ne perde la moindre force. Il y aura bien des désobéissances de la part des soldats. Des tentatives individuelles à la marge pour sauver ce qui peut l'être, ou du moins pourrait l'être, si leurs ordres avaient été plus larges, s'ils avaient envisagé la réalité. Ces initiatives personnelles se solderont avec plus ou moins de réussites. Quelque chose mourra en eux là-bas ; qu'ils ne pourront ensuite guérir. Car, une des forces de Warriors, c'est de traiter non seulement les évènements, mais aussi leurs conséquences, c'est-à-dire les effets sur le plus long terme. En effet, la dernière partie de la mini-série évoque leur retour en Angleterre.  Il y a l'impossibilité d'oublier, de laisser ces images d'horreur derrière eux. A travers le quotidien, désormais dépourvu de toute innocence, de ces soldats rentrés au pays, est exposé tout le traumatisme subi par ces jeunes gens qui sont incapables d'occulter ce qu'il s'est produit. La Yougoslavie les poursuit, les hante constamment et achève de les briser, comme le souligne la scène finale.

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En utilisant l'outil de la fiction, pour toucher un plus large public qu'avec un simple documentaire, Peter Kosminsky réalise une dénonciation brutale, dotée d'une force qui ne peut laisser indifférent, des évènements qui se sont déroulés en Yougoslavie. Il expose toute l'impuissance des casques bleus confrontés à l'horreur du nettoyage ethnique, soulignant les conséquences dramatiques tant sur les victimes civiles qu'ils n'auraient pu empêcher, que sur ces jeunes soldats projetés dans une guerre qui n'est pas la leur et à laquelle ils ne peuvent prendre part. La Yougoslavie a démontré, jusqu'à l'absurde et au tragique, toute l'inutilité de l'idée d'envoyer des casques bleus, mains liées, sur une zone de conflit. Elle a aussi mis en exergue toutes les limites du droit international. Après avoir été paralysées 40 ans par la guerre froide, les Nations Unies recouvraient une capacité d'action. Or, c'est dans le bourbier Yougoslave qu'ils iront s'enliser, découvrant tous les obstacles à la mise en oeuvre de cette idée utopique de pacification. La Yougoslavie servit, ou aurait dû servir, de prise de conscience à la communauté internationale. Warriors est en cela un puissant plaidoyer.

Par ailleurs, l'oeuvre est portée par un casting très solide de jeunes acteurs en devenir, qui nous habitueront rapidement, au cours des années suivantes, à leur présence dans le petit écran, parmi lesquels notamment Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorritt), Damian Lewis (Band of Brothers, Life), Ioan Gruffudd (Hornblower) et Tom Ward (Silent Witness).

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Bilan : On ne ressort pas indemne de Warriors. Plus en état de choc qu'en pleurs, d'ailleurs. A aucun moment Peter Kosminsky n'essaye de jouer sur le larmoyant de cette tragédie qu'il nous raconte. Ce n'est pas l'objet du récit. Aucun excès d'interventionnismes scénaristiques pour romancer l'ensemble. Le savoir-faire du documentariste qu'était Peter Kosminsky avant qu'il ne se tourne vers les fictions transparaît pleinement dans le traitement de l'histoire. Nous sommes face à un témoignage brut, dont la détresse et le caractère poignant sont une partie intégrante de l'histoire. La sobriété avec laquelle tout cela est exposé contribue à asseoir la force et la portée de la narration.

Warriors est un réquisitoire implacable, une dénonciation forte des conditions de l'intervention des casques bleus en Yougoslavie et des évènements qui eurent lieu sous leurs yeux. On a beaucoup écrit sur le sujet, sur les limites de ces conventions internationales, sur cette "force de frappe" qui ne pouvait pas frapper. Mais le temps d'un récit fictif, Warriors apporte une pierre de plus à ces critiques, une pierre magistrale. Car si c'est une fiction, son impact est aussi fort, si ce n'est plus fort, qu'un documentaire.


NOTE : 9,5/10

03/11/2009

(UK) Hornblower, épisode 1 : The even chance

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Le mois dernier, j'ai investi dans l'intégrale de Hornblower, une série comptant pour 3 saisons, si j'en crois le coffret DVD. C'était un achat semi-aveugle, n'ayant eu l'occasion de voir que les deux premiers épisodes. Cependant la thématique d'aventures maritimes me plaisait et j'ai sauté sur l'occasion de me dépayser un peu, changeant du cadre habituel des fictions que je regarde (même si, vous me ferez remarquer à juste titre, que c'est *encore* un drama historique ; mais j'ai un penchant certain pour me perdre dans le passé comme dans le futur...). Cette fiction est une adaptation des romans maritimes historiques de C. S. Forester. Elle comporte huit "épisodes" d'1 heure 30 chacun, diffusés de 1998 à 2003 sur ITV, en Angleterre.

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Divertissement prenant, Hornblower dispose également d'un casting solide. S'il change en suivant l'évolution de la série et du héros, il reste dans l'ensemble homogène. C'est Ioan Gruffudd qui tient le rôle titre de Horatio Hornblower. Si j'avoue ne pas vraiment partager ses choix de carrière ultérieurs, notamment côté cinéma, cependant, il s'en sort très bien pour incarner ce jeune officier, au départ si inexpérimenté mais très fier, et dont la force de caractère restera une constante à travers les épreuves.
Pour les sériephiles, c'est l'occasion de découvrir (dans cinq épisodes) un tout jeune et charmant Jamie Bamber (Battlestar Galactica, Law & Order UK) à ses débuts : il s'agit de son premier rôle télévisé indiqué sur sa fiche imdb. Il incarne le personnage d'Archie Kennedy, un ami du héros. Par ailleurs, on retrouve aussi l'excellent Robert Lindsay, dans le rôle du capitaine Pellew, capitaine charismatique, qui lui sied à merveille.

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Ce premier épisode s'ouvre en janvier 1793. Horatio Hornblower, jeune homme de 17 ans, débarque pour son premier poste, en tant que midshipman. Le capitaine du navire doit une faveur à son père, ce qui explique son recrutement. En ce morne hiver, c'est  plutôt le profond ennui d'une inactivité sans fin qui prédomine dans la marine britannique. Elle bruisse de rumeurs excitées sur une éventuelle entrée en guerre contre la France républicaine et révolutionnaire. Le roi Louis XVI vient d'y être placé en détention. Tous sont dans l'expectative. Si les Français l'exécutent, ce sera la guerre. Ce que nos héros attendent avec une impatience difficilement contenue.

Mais initialement, le jeune Horatio est assailli par d'autres soucis bien loin de ces rêves de grandeur militaire. Rapidement pris en grippe par un de ses aînés, Simpson, un officier aussi tyrannique que cruel contre lequel personne n'ose s'élever à bord, les débuts de notre héros sont un calvaire que tous s'emploient à accroître sur les ordres de celui qui devient rapidement son ennemi juré. Si la force de caractère de Horatio lui attire souvent des ennuis, elle est aussi sa planche de salut. L'inimité initiale se changeant en profonde haine personnelle, l'issue ne fait rapidement guère de doute. C'est en duel que les deux hommes clôtureront leur querelle. Un premier est programmé très tôt. Trop tôt. Refusant d'envoyer un adolescent à l'abattoir, un autre officier intervient tragiquement, se faisant tuer à sa place. Ce ne sera que bien des mois plus tard, en fin d'épisode, que les routes des deux ennemis se croiseront à nouveau, dans les hasards d'une guerre désormais déclarée. La fin fatale de la confrontation est évidente. Simpson, dont la haine obsessionnelle obscurcit tout jugement, se condamnera dans un second duel contre Horatio, au cours duquel le capitaine Pellew lui-même l'abattra alors qu'il allait poignarder le jeune homme par traîtrise.

Parallèlement, la République Française a fait décapiter Louis XVI. La guerre est déclarée. Horatio et Archie se retrouvent transférés dans la destination de rêve de tout jeune marin de Sa Majesté : une frégate. C'est alors un parcours plus initiatique qu'entreprend Horatio, dont l'inexpérience criante n'est contre-balancée qu'avec peine par un esprit très vif et une obstination très prononcée. Peu à peu, au gré des engagements et des captures de vaisseaux, le jeune homme fait ses preuves. Comme soldat, au combat. Egalement comme leader d'hommes, parvenant à réorganiser une unité indisciplinée dont les membres lui sont rapidement dévoués corps et âme. C'est un homme qui se construit. L'épisode se conclut typiquement sur un coup d'éclat : la prise d'une frégate Française qui, sous les ordres de Horatio, mettra hors jeu trois navires ennemis, tout en sauvant la frégate du capitaine Pellew et tout son équipage. Bien sûr, Horatio a l'étoffe des héros ; qualité nécessaire à ce genre de récit.

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Si je n'ai jamais connu d'attrait particulier pour la mer, il est bien difficile de rester insensible à cet appel à l'Aventure. Celle, inaltérable, qui arbore un grand A. Celle qui berçait nos exotiques rêves d'enfances. Il est impossible de se défaire de cet instant de pétillante excitation. Si bien qu'on se laisse entraîner vers les grands espaces maritimes, au gré des vents qui poussent une flotte encore à voile. Sans avoir les moyens budgétaires ou techniques d'un Master & Commander, les scènes de bataille restent crédibles. La particularité du cadre permet à la série de dépasser la simple histoire militaire. La force de l'épisode tient au fait que le téléspectateur ressent parfaitement qu'il se trouve au début d'une de ces épopées classiques, indémodables, où se mêlent actes de bravoure, désillusions, stratégies et adversité. L'ensemble est porté par une réelle ambition, que souligne le soin accordé à la reconstitution historique. L'atmosphère de l'époque est d'ailleurs particulièrement bien rendue.

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Bilan : J'ai passé un agréable moment devant ce premier épisode, qui remplit pleinement sa mission : délivrer au téléspectateur un récit rythmé, bien construit et prenant. Les personnages principaux sont attachants, avec une personnalité souvent clairement affirmée. Il règne sur la série un séduisant souffle d'aventure maritime en fin de compte très grisant et dépaysant, qui fait qu'on se laisse aisément prendre au jeu. Les moments légers s'alternent avec les instants dramatiques ; et un bon équilibre est rapidement trouvé entre les scènes d'action et celles plus dédiées aux personnages.
En somme, un divertissement plein d'énergie, prenant et attachant. Impeccable pour une petite soirée de détente.


NOTE : 7,5/10