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01/06/2013

(FR) Alias Caracalla : au coeur de la Résistance

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Je vous propose aujourd'hui de délaisser les contrées exotiques, puisque c'est le petit écran français qui va être à l'honneur. Je voudrais en effet en profiter pour revenir sur une fiction diffusée sur France 3 le week-end dernier, les samedi et dimanche soirs : Alias Caracalla. Il s'agit d'un téléfilm, comportant deux parties de 90 minutes chacune. Transposant à l'écran les mémoires de Daniel Cordier, résistant qui passa presque une année au service de Jean Moulin, le sujet s'annonçait très intéressant.

Comme trop souvent avec la fiction française, j'étais passée complètement à côté de la diffusion durant le week-end (j'ai conscience du paradoxe qu'il y a à maîtriser les grilles des programmes de pays lointains tout en restant malheureusement dans une relative ignorance de sa télévision nationale). J'ai donc profité de pluzz.fr pour rattraper cette négligence durant la semaine. Je ne l'ai pas regretté, car ces 3 heures denses et bien menées m'ont agréablement surprise, entraînant le téléspectateur dans les coulisses de la Résistance. 

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Alias Caracalla est le récit du parcours de Daniel Cordier durant la Seconde Guerre Mondiale. Il couvre trois années, de 1940 à 1943. En juin 1940, il est alors un jeune militant énergique à l'Action française, maurrassien et antisémite dans la lignée de l'éducation qu'il a reçue. Refusant la défaite et l'armistice demandée par le maréchal Pétain, il embarque dans les jours qui suivent sur un bâteau pour gagner les forces françaises d'Afrique du nord. Mais le navire est dérouté vers l'Angleterre. C'est finalement dans les forces françaises libres londoniennes qu'il s'engage. Après deux années d'entraînement, il est parachuté en France en 1942.

Débute alors la deuxième partie du récit : il devait être le radio de Georges Bidault, il devient finalement le secrétaire de l'envoyé du général De Gaulle à Lyon, Jean Moulin. Au contact de ce républicain aux opinions diamétralement opposées, Daniel Cordier apprend beaucoup, évoluant peu à peu politiquement. Il va être le témoin privilégié des tensions et des rapports de force constants qui divisent alors les mouvements de Résistance, assistant aux efforts réalisés pour les unifier et créer le Conseil National de la Résistance. Ce dernier sera réuni pour la première fois fin mai 1943. Quelques semaines plus tard, Jean Moulin est arrêté à Caluire.

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Choisir d'évoquer la Résistance de la perspective de Cordier, c'est permettre à Alias Caracalla de se réapproprier la vivacité de son jeune protagoniste principal : la narration est dès le départ très dynamique, sans temps mort, accompagnée d'une réalisation tout aussi nerveuse. Impulsif et campé sur ses certitudes, Cordier a des opinions antirépublicaines très tranchées qu'il revendique ouvertement et n'hésite pas à partager. Le premier intérêt du récit est d'assister à son évolution au cours de ces trois années : ses certitudes vont d'abord être confrontées à la défaite et aux réactions de chacun devant une armistice qui redessine les camps, puis il apprend ensuite beaucoup au contact de celui dont il devient le secrétaire.

Tout en soulignant les différences entre l'ancien préfet et celui qui fut militant à l'Action française, le téléfilm éclaire l'influence que va avoir le premier sur le second : Moulin, que Cordier ne connaît que par ses fonctions actuelles et un pseudonyme, ne lui apporte pas seulement une autre grille de lecture politique, il lui ouvre plus généralement de nouveaux horizons, à l'image de leurs conversations sur la peinture. Insistant sur les rapports de travail, mais aussi humains, qu'entretiennent les deux hommes, Alias Caracalla se montre intéressant, tout particulièrement parce que la figure de Jean Moulin est très bien caractérisée. Le récit lui restitue une vraie complexité et une nuance, rejetant toute tentation d'une représentation monolithique d'une icône de la Résistance. Cela est sans conteste la grande réussite de ce téléfilm.

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Dans le même temps, Alias Caracalla nous fait pénétrer dans la Résistance des années 1942-1943. Il la raconte du point de vue des envoyés de Londres. Suivre les pas de Cordier n'est pas une histoire de faits d'armes. C'est un récit besogneux, celui d'un travail de secrétariat et de coordination d'une organisation éclatée que l'on tente d'unifier et de rendre cohérente. De cet éclairage de la gestion quotidienne de la direction d'une lutte clandestine, le téléspectateur retient les enjeux autour de la distribution des fonds londoniens, mais aussi les tensions idéologiques et les batailles d'égos entre les dirigeants des mouvements, qui transforment chaque réunion en rapports de force permanents.

Toute la deuxième partie du téléfilm relate la difficile gestation et création du Conseil National de la Résistance. Le récit s'y fait didactique, avec une volonté manifeste de privilégier l'essentiel, refusant d'alourdir le récit de détails non nécessaires à la compréhension globale de ce qui se joue. Si la tension n'en souffre pas, ce choix amoindrit quelque peu la force de la reconstitution historique : il aurait pu être intéressant d'enrichir ce tableau, en expliquant plus précisément la réalité des situations et les nuances liées aux positions de chacun. Le téléfilm fait le choix de suivre son fil rouge, avec une approche restreinte à ce cadre. Comme la période est suffisamment bien connue du téléspectateur, ces réserves restent anecdotiques ; d'autant que ce parti pris fonctionne bien à l'écran, légitimé par une narration efficace.

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Enfin, une autre des forces de Alias Caracalla repose sur la performance d'ensemble d'un casting très solide. Dans un rôle de jeune impulsif aux idées radicales qui, progressivement mûrit et évolue, Jules Sadoughi délivre une prestation vive et énergique, pleine de l'aplomb de la jeunesse. Il capture et partage à merveille l'intensité de Cordier et de ses convictions. L'autre acteur à se démarquer de façon notable au fil de ces trois heures est un très convaincant Eric Caravaca dans le rôle de Jean Moulin : son jeu est nuancé et sobre, tout en apportant dans le même temps une présence particulière à l'écran à chacune de ses apparitions. L'association de ces deux personnalités aux parcours très différents est mise en scène de façon convaincante. A leurs côtés, on retrouve notamment Nicolas Marié, Jean-Michel Fête, Léo-Paul Salmain, Julie Gayet, Louis-Do de Lencquesaing, Laurent Stocker, Grégory Gadebois, Thierry Hancisse, Lou de Laâge, François Loriquet, Géraldine Martineau, Lazare Herson-Macarel, Olivier Chantreau et François Civil.

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Bilan : Récit dynamique, Alias Caracalla est l'histoire prenante d'un parcours personnel atypique en des temps extraordinaires que sont ceux d'une guerre. L'angle est intéressant : il permet d'esquisser, en allant à l'essentiel, un portrait d'une Résistance des années 1942-1943 désunie et tiraillée par les ambitions, tout en éclairant plus particulièrement la figure de Jean Moulin, dont la caractérisation est une des réussites du téléfilm. C'est donc un visionnage que je recommande : outre la dimension historique, c'est une solide fiction bien menée qui saura retenir l'attention d'un public au-delà de ceux qui s'intéressent à la Deuxième Guerre Mondiale. Elle est encore disponible pour quelques heures sur pluzz.fr ; sinon notez la sortie prochaine du DVD. De mon côté, je vais tenter de mettre la main sur les mémoires dont ce téléfilm est l'adaptation !


NOTE : 7,5/10


Pour un aperçu, deux extraits :