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15/12/2013

(FR) Un Village Français, saison 5 : dans la Résistance de 1943

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Un Village Français est incontestablement une des séries françaises actuelles les plus abouties. Mieux, elle est l'exemple qui me vient toujours en tête quand je veux montrer combien une fiction peut bénéficier de la durée, avec une écriture qui mûrit au fil de l'expérience et une exploitation du format télévisé qui devient de plus en plus engageante. N'ayant pas pu suivre la diffusion sur France 3 cet automne, c'est par les DVD que j'ai découvert (et rapidement visionné) cette saison 5 fin novembre : l'occasion de se rendre compte que, en effet, les épisodes s'enchaînent tout seuls dans le petit écran, et qu'elle n'a décidément rien à envier à ses consœurs pour faire céder le téléspectateur aux sirènes du "binge-watching".

[La review qui suit contient des spoilers sur des évènements de cette saison 5.]

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Cette saison 5 ne manquait pourtant pas de défis à relever. Suivant le schéma chronologique désormais bien établi, la série progresse d'une année par rapport à la saison 4, et nous plonge dans les problématiques de 1943, en France, face au Service du Travail Obligatoire (STO), mais aussi face aux rapports de force en train de changer au sein de la guerre qui se joue à l'échelle mondiale. Pour continuer de nous conter le conflit à l'échelle de Villeneuve, Un Village français doit trouver chaque saison le juste équilibre entre ses personnages historiques et l'introduction de nouvelles figures qui représentent les grands thèmes traités au cours des douze épisodes. Elle doit accepter -et faire accepter par le téléspectateur- de reléguer au second plan certains, pour conserver la cohésion d'un récit dont l'ambition narrative dépasse les seules destinées personnelles.

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La première des réussites de cette saison est d'avoir justement su intégrer ses nouveaux protagonistes et impliquer le téléspectateur à leurs côtés. Le refus du STO conduit vers les maquis de jeunes hommes qui ne s'étaient jusqu'à présent jamais engagés. Ils se tournent vers une résistance, dont le terme large recouvre une réalité éclatée d'organisations embryonnaires, manquant chroniquement de moyens. L'un des enjeux de la saison est ainsi la formation d'un groupe, mais aussi l'affirmation d'un leader, Antoine, qui prend en main ces jeunes gens désœuvrés qui se cachent. Plus que jamais, l'époque est aux choix. Les circonstances poussent d'ailleurs à la radicalisation de part et d'autre... tandis que les opportunistes sentent le vent tourner et songent déjà à négocier l'après-guerre.

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Un des éléments intéressants de la saison est la justesse de l'équilibre trouvé dans la tonalité du récit. Derrière les accents de tragédie d'un récit au sein duquel les victimes ne manqueront pas, l'écriture s'attache à capturer l'humanité de chacun, avec ses failles, ses instants de solidarité, ses principes inébranlables portés en étendard ou ses moments de lâcheté... L'ordinaire confronté à l'extraordinaire reste le leitmotiv... Les circonstances et les épreuves changent chacun, quel que soit son camp, emporté toujours plus loin dans un tourbillon qu'il ne maîtrise pas. Illustrant cette approche, la mise en scène du maquis des réfractaires au STO se retrouve associée à un thème inattendu : le théâtre. Cette passion d'un des amis d'Antoine se superpose étonnamment aux drames qui se jouent, introduisant un décalage, une parenthèse, qui apparaît comme une éphémère échappatoire.

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Initialement, le fil rouge théâtral tend parfois à occuper un peu trop de temps par rapport au reste, mais ce parti se retrouve justifié a posteriori par sa conclusion, qui achève la saison sur une scène, métaphore aussi déchirante que magistrale, qui laisse des frissons au téléspectateur. Il faut dire que la mort plane sur tous ces épisodes, qu'il s'agisse des coups d'éclat de la résistance ou bien des passages à l'intérieur de la prison, dans cette cellule froide salle d'attente pour une mort promise devant le peloton d'exécution. A ce titre, il était logique que des figures historiques finissent par tomber, elles aussi, sur ce champ de bataille. Ce sera un des personnages les plus engagés, Marcel, celui qui, dès le départ, s'est toujours battu pour ses convictions. L'amère ironie de le voir fusillé aux côtés de celui qui représente la collaboration la plus zélée apporte d'ailleurs une dimension supplémentaire à cette exécution.

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Bilan : Si Un Village français a eu besoin de quelques épisodes pour reconstruire son équilibre entre personnages historiques et nouvelles figures au cours de cette saison 5, la série a conservé intacte la force de son récit. Toujours très humaine, c'est dans un versant émotionnel et poignant qu'elle acquiert toute sa dimension, face aux drames, aux arrestations et aux dilemmes auxquels doivent faire face les différents personnages. Comme dans les deux saisons précédentes, le rythme narratif exploite aussi pleinement le format sériel, capable d'accélérer et de maintenir en suspens la tension qui convient pour s'assurer que le téléspectateur sera au rendez-vous pour la suite.

Un Village français continue donc de mûrir, de se renouveler et de se construire épisode par épisode pour reconstituer son époque... Je reste une fidèle. Rendez-vous pour la saison 6 !


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la saison 5 :

01/06/2013

(FR) Alias Caracalla : au coeur de la Résistance

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Je vous propose aujourd'hui de délaisser les contrées exotiques, puisque c'est le petit écran français qui va être à l'honneur. Je voudrais en effet en profiter pour revenir sur une fiction diffusée sur France 3 le week-end dernier, les samedi et dimanche soirs : Alias Caracalla. Il s'agit d'un téléfilm, comportant deux parties de 90 minutes chacune. Transposant à l'écran les mémoires de Daniel Cordier, résistant qui passa presque une année au service de Jean Moulin, le sujet s'annonçait très intéressant.

Comme trop souvent avec la fiction française, j'étais passée complètement à côté de la diffusion durant le week-end (j'ai conscience du paradoxe qu'il y a à maîtriser les grilles des programmes de pays lointains tout en restant malheureusement dans une relative ignorance de sa télévision nationale). J'ai donc profité de pluzz.fr pour rattraper cette négligence durant la semaine. Je ne l'ai pas regretté, car ces 3 heures denses et bien menées m'ont agréablement surprise, entraînant le téléspectateur dans les coulisses de la Résistance. 

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Alias Caracalla est le récit du parcours de Daniel Cordier durant la Seconde Guerre Mondiale. Il couvre trois années, de 1940 à 1943. En juin 1940, il est alors un jeune militant énergique à l'Action française, maurrassien et antisémite dans la lignée de l'éducation qu'il a reçue. Refusant la défaite et l'armistice demandée par le maréchal Pétain, il embarque dans les jours qui suivent sur un bâteau pour gagner les forces françaises d'Afrique du nord. Mais le navire est dérouté vers l'Angleterre. C'est finalement dans les forces françaises libres londoniennes qu'il s'engage. Après deux années d'entraînement, il est parachuté en France en 1942.

Débute alors la deuxième partie du récit : il devait être le radio de Georges Bidault, il devient finalement le secrétaire de l'envoyé du général De Gaulle à Lyon, Jean Moulin. Au contact de ce républicain aux opinions diamétralement opposées, Daniel Cordier apprend beaucoup, évoluant peu à peu politiquement. Il va être le témoin privilégié des tensions et des rapports de force constants qui divisent alors les mouvements de Résistance, assistant aux efforts réalisés pour les unifier et créer le Conseil National de la Résistance. Ce dernier sera réuni pour la première fois fin mai 1943. Quelques semaines plus tard, Jean Moulin est arrêté à Caluire.

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Choisir d'évoquer la Résistance de la perspective de Cordier, c'est permettre à Alias Caracalla de se réapproprier la vivacité de son jeune protagoniste principal : la narration est dès le départ très dynamique, sans temps mort, accompagnée d'une réalisation tout aussi nerveuse. Impulsif et campé sur ses certitudes, Cordier a des opinions antirépublicaines très tranchées qu'il revendique ouvertement et n'hésite pas à partager. Le premier intérêt du récit est d'assister à son évolution au cours de ces trois années : ses certitudes vont d'abord être confrontées à la défaite et aux réactions de chacun devant une armistice qui redessine les camps, puis il apprend ensuite beaucoup au contact de celui dont il devient le secrétaire.

Tout en soulignant les différences entre l'ancien préfet et celui qui fut militant à l'Action française, le téléfilm éclaire l'influence que va avoir le premier sur le second : Moulin, que Cordier ne connaît que par ses fonctions actuelles et un pseudonyme, ne lui apporte pas seulement une autre grille de lecture politique, il lui ouvre plus généralement de nouveaux horizons, à l'image de leurs conversations sur la peinture. Insistant sur les rapports de travail, mais aussi humains, qu'entretiennent les deux hommes, Alias Caracalla se montre intéressant, tout particulièrement parce que la figure de Jean Moulin est très bien caractérisée. Le récit lui restitue une vraie complexité et une nuance, rejetant toute tentation d'une représentation monolithique d'une icône de la Résistance. Cela est sans conteste la grande réussite de ce téléfilm.

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Dans le même temps, Alias Caracalla nous fait pénétrer dans la Résistance des années 1942-1943. Il la raconte du point de vue des envoyés de Londres. Suivre les pas de Cordier n'est pas une histoire de faits d'armes. C'est un récit besogneux, celui d'un travail de secrétariat et de coordination d'une organisation éclatée que l'on tente d'unifier et de rendre cohérente. De cet éclairage de la gestion quotidienne de la direction d'une lutte clandestine, le téléspectateur retient les enjeux autour de la distribution des fonds londoniens, mais aussi les tensions idéologiques et les batailles d'égos entre les dirigeants des mouvements, qui transforment chaque réunion en rapports de force permanents.

Toute la deuxième partie du téléfilm relate la difficile gestation et création du Conseil National de la Résistance. Le récit s'y fait didactique, avec une volonté manifeste de privilégier l'essentiel, refusant d'alourdir le récit de détails non nécessaires à la compréhension globale de ce qui se joue. Si la tension n'en souffre pas, ce choix amoindrit quelque peu la force de la reconstitution historique : il aurait pu être intéressant d'enrichir ce tableau, en expliquant plus précisément la réalité des situations et les nuances liées aux positions de chacun. Le téléfilm fait le choix de suivre son fil rouge, avec une approche restreinte à ce cadre. Comme la période est suffisamment bien connue du téléspectateur, ces réserves restent anecdotiques ; d'autant que ce parti pris fonctionne bien à l'écran, légitimé par une narration efficace.

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Enfin, une autre des forces de Alias Caracalla repose sur la performance d'ensemble d'un casting très solide. Dans un rôle de jeune impulsif aux idées radicales qui, progressivement mûrit et évolue, Jules Sadoughi délivre une prestation vive et énergique, pleine de l'aplomb de la jeunesse. Il capture et partage à merveille l'intensité de Cordier et de ses convictions. L'autre acteur à se démarquer de façon notable au fil de ces trois heures est un très convaincant Eric Caravaca dans le rôle de Jean Moulin : son jeu est nuancé et sobre, tout en apportant dans le même temps une présence particulière à l'écran à chacune de ses apparitions. L'association de ces deux personnalités aux parcours très différents est mise en scène de façon convaincante. A leurs côtés, on retrouve notamment Nicolas Marié, Jean-Michel Fête, Léo-Paul Salmain, Julie Gayet, Louis-Do de Lencquesaing, Laurent Stocker, Grégory Gadebois, Thierry Hancisse, Lou de Laâge, François Loriquet, Géraldine Martineau, Lazare Herson-Macarel, Olivier Chantreau et François Civil.

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Bilan : Récit dynamique, Alias Caracalla est l'histoire prenante d'un parcours personnel atypique en des temps extraordinaires que sont ceux d'une guerre. L'angle est intéressant : il permet d'esquisser, en allant à l'essentiel, un portrait d'une Résistance des années 1942-1943 désunie et tiraillée par les ambitions, tout en éclairant plus particulièrement la figure de Jean Moulin, dont la caractérisation est une des réussites du téléfilm. C'est donc un visionnage que je recommande : outre la dimension historique, c'est une solide fiction bien menée qui saura retenir l'attention d'un public au-delà de ceux qui s'intéressent à la Deuxième Guerre Mondiale. Elle est encore disponible pour quelques heures sur pluzz.fr ; sinon notez la sortie prochaine du DVD. De mon côté, je vais tenter de mettre la main sur les mémoires dont ce téléfilm est l'adaptation !


NOTE : 7,5/10


Pour un aperçu, deux extraits :