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11/12/2010

[TV Meme] Day 17. Favorite mini series.

Déclinaison particulière au sein des productions téléphagiques, les mini-séries ont cet avantage d'allier une certaine durée - permettant des développements plus conséquents qu'un film - et une fin déjà prédéterminée qui évite généralement à l'histoire de s'étioler. Dans l'absolu, ce format offre théoriquement plus de garantie sur la maîtrise scénaristique globale. Et, de façon plus pragmatique, elle permet de s'y investir avec moins d'incertitude, en sachant déjà sur quelle durée l'on s'engage.

Pour tout un tas de raisons parmi lesquelles celles citées ci-dessus, les mini-séries sont devenues un format que j'apprécie tout particulièrement. Parce que je suis désormais naturellement portée vers des histoires qui auront une vraie fin, plus courte que les interminables marathons des grands networks US pour lesquels la lassitude me gagne désormais très vite. Cette évolution dans mes goûts est sans doute aussi un reflet indirect de ma progressive migration du petit écran américain à la télévision britannique, où ce format est plus communément admis et se rencontre fréquemment.

Le choix d'une seule mini-série s'est donc révélé à la fois compliqué, mais pourtant également très évident. Compliqué parce que la liste de ces fictions que  j'admire est finalement plutôt longue, et souvent pour des raisons très différentes. Schématiquement, il y a deux chaînes qui figurent au titre de mes pourvoyeurs principaux de mini-séries : la BBC et HBO. Pour la première, c'est incontestablement State of Play (Jeux de pouvoir) qui se détache du lot. Un petit bijou de thriller médiatico-politique avec un casting de rêve et une maîtrise narrative impressionnante qui demeure un incontournable de la dernière décennie des productions anglaises. Pour la seconde, la concurrence est plus rude : John Adams, The Corner, Angels in America, Generation Kill... il y aurait des arguments recevables pour nominer chacune d'elles. Cependant, il en est une que je place encore au-dessus, dans cette zone quasi-inaccessible où l'on peut parler, sans galvauder l'expression, de chef-d'oeuvre. Une dont je vous avais reviewé un épisode l'hiver dernier en concluant sur un vertigineux 10/10 pleinement justifié (le seul de toute l'histoire du blog)...

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Band of Brothers
(HBO, 2001)

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Band of Brothers est une de ces rares fictions pour laquelle le terme de "chef-d'oeuvre" n'est pas usurpé. Signe qui ne trompe pas, ses qualités s'imposent avec encore plus d'évidence lors d'un revisionnage tant l'ensemble apparaît solide. Le format de mini-série est d'ailleurs parfaitement adapté.

C'est un récit de guerre à la construction narrative méticuleuse, nous permettant de suivre une compagnie de parachutistes américains durant la Seconde Guerre Mondiale, du camp d'entraînement jusqu'au Nid d'Aigle d'Hitler et en Autriche. C'est une histoire d'hommes, de soldats, mais c'est bien plus que cela : au-delà de l'hommage en filigrane à leur action, c'est à ces liens qui se forment dans ces moments extrêmes où on a fait le deuil de sa vie que la série semble dédiée. La cohésion des personnages, comme l'homogénéité d'ensemble, ne peut que frapper un téléspectateur, impressionné par un récit qui ne comporte aucun temps mort, aucune baisse qualitative, mais qui présente au contraire des épisodes aboutis et complémentaires, adoptant des angles narratifs différents. Ils comportent leur lot de passages plus bouleversants les uns que les autres. Si certains épisodes sont parfois à la limite du soutenable, il n'y a aucun voyeurisme ou excès déplacés, la caméra ne se départissant jamais d'un réalisme marquant mêlé à une indéfinissable pudeur, témoin au coeur des évènements tout en sachant prendre parfois cette distance toute en retenue.  

A la maîtrise scénaristique sur le fond, s'ajoute une réalisation superbe, où la photographie et l'esthétique globales sont tout simplement magnifiques pour les yeux (pour les amateurs de nouvelles technologies : j'ai revu la mini-série en blue-ray en début d'année, l'expérience fut grandiose - c'est typiquement pour ce genre de programmes que cette amélioration est pertinente), le tout accompagné d'une bande-son tout aussi sobre qu'inspirée. Enfin, le casting, choral, s'avère particulièrement convaincant, au diapason de la qualité globale, emmené par un Damian Lewis qui tient là un de ses meilleurs rôles.


Le générique inoubliable :


A relire - Ma critique de Bastogne (Episode 6) : Le chef d'oeuvre de l'enfer de Bastogne.

30/08/2010

(Téléphagie) Des séries, des livres : le téléphage est-il un lecteur ?


Ce qui définit et fait le téléphage, c'est en grande partie sa curiosité. Une soif de découverte des recoins du petit écran, mais pas seulement. Car la téléphagie s'épanouit certes dans le cadre de la télévision, mais il serait très réducteur d'y limiter l'univers du sériephile. Il existe en réalité toute une sphère culturelle, bien plus vaste que ce que l'on pourrait imaginer a priori, qui orbite autour de la thématique des séries. Et je ne vous parle pas des objets collector et autres effigies, mais bien des productions culturelles initiées, ou simplement liées, par les séries. 

Armé de ses préjugés, un observateur extérieur aura souvent tendance à dépeindre le téléphage comme celui qui, rivé à sa télécommande, saura appuyer sur le bouton "on" de sa télévision. Quelle caricature on ne peut plus erronnée. Si les passerelles culturelles plus indirectes sont moins mises en lumière en dehors du cercle des passionés, elles existent pourtant bel et bien, et occupent une place importante dans la vie du sériephile.

C'est bien sûr un point de vue très personnel, mais, pour moi, la téléphagie a toujours consisté à embrasser pleinement l'ensemble de ce qui peut graviter autour de sa passion. Cela dépasse largement le seul cadre du petit écran, ouvrant par ce biais des horizons musicaux et littéraires inexplorés et entièrement nouveaux. Je reviendrai sur l'aspect musical ultérieurement, mais aujourd'hui, je vais donc vous parler livres.

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En fait, jeudi dernier, dans une boutique de mangas, comme je parcourais du regard les rayonnages, fascinée d'y découvrir nombre de titres connus, découverts par des adaptations animées ou live, un nom m'a accroché plus que les autres : Jin. J'avoue que je suis très loin d'avoir pris le réflexe de vérifier si les mangas d'origine, dont les doramas que je visionne sont les adaptations, existent en France ;  sans doute en partie parce que je lis peu de mangas. Reste que tomber sur Jin a éveillé cette curiosité téléphagique, cette petite voix qui se demande : et alors, comment était l'original ? Après quelques tergiversations, je suis ressortie de la boutique avec les deux premiers tomes. Ce qui tombait plutôt bien puisque depuis que j'avais acheté les deux premiers volumes de The Walking Dead deux jours auparavant, le charmant vendeur m'avait délivré une carte de fidélité qui ne demandait qu'à se remplir.

Cette anecdote pour introduire un autre pan de la sériephilie : son versant littéraire. Il faut savoir qu'a priori, mon rapport aux livres, de manière générale, se situe quelque part dans l'ordre de l'achat compulsif, le tout agrémenté d'heures passées à explorer les recoins mal éclairés des bouquineries du centre-ville. Parmi les multiples tours de Pise littéraires qui jalonnent le par-terre de mon appartement, figure une pile que l'on pourrait libellér "séries". Je laisse volontairement de côté tout ce qui concerne les "guides officiels" et autres ouvrages à destination d'un public de fans, pour me concentrer plutôt sur l'aspect central de cette problématique livres/séries, à savoir : dans quelle mesure le téléphage sera-t-il sensible à la perspective de retrouver sur papier les émotions suscitées par la transposition à l'écran ?

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Très concrètement, le versant littéraire de la téléphagie est tellement diversifié que le plus petit dénominateur commun unissant ces oeuvres, les séries, apparaît parfois bien insuffisant à rassembler toutes ces lectures sous une même bannière. Cela s'explique en partie par la multiplicité des rapports existant entre séries et livres, en amont ou en aval de la production, mais à terme, finalement toujours complémentaire.

Tout d'abord, il existe toute une production littéraire que je qualifierai de "dérivé" au sens large, qui s'inscrit donc en aval de la série télévisée. On a tous pu croiser dans une librairie, des romans, titrant fièrement sur le nom d'une  fiction et proposant une aventure inédite de nos héros téléphagiques. Il faut distinguer ici différents volets d'exploitation de ce concept : cela peut être une façon de permettre la poursuite d'une série après son annulation, via des comics notamment (tels Buffy, Farscape), ou, plus simplement, cela peut correspondre à des sortes de fanfictions sans en avoir le nom (mais au prix un brin rédibitoire), proposant de nouvelles histoires parallèlement à la diffusion de la série. La première option présente incontestablement un intérêt pour le téléphage, venant approfondir et faire perdurer la création télévisée. Si tant est qu'un certain soin y soit apporté, voilà un investissement qui s'impose de lui-même. Le second cas, celui des "romans/fanfictions" est plus discutable, la qualité et, surtout, la fidélité au canon d'origine se révélant particulièrement fluctuante. Dans ce domaine, mis à part quelques investissements "expérimentaux", je n'ai jamais trop cherché à explorer ce filon.

Car, ne nous leurrons pas, il s'agit bien d'un filon commercial potentiellement juteux. D'ailleurs, pour étirer le concept à son maximum, certaines séries "banckables" proposent des ouvrages fictifs, sensés capturer - avec plus ou moins de succès - la personnalité hors norme de tel ou tel personnage emblématique qui en serait l'auteur (par exemple, la série des Modern Policing, par Gene Hunt, pour Life on Mars ; le Bro Code, par Barney, pour How I met your mother). Pour ceux-là, si parfois ma curiosité a pu prendre le pas sur la raison, j'ai quand même la désagréable impression que le seul objectif est plus notre porte-monnaie qu'une réelle valeur ajoutée à l'oeuvre télévisée : le public visé se restreint aux fans ultimes.

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Si les séries initient donc parfois une production littéraire d'intérêt, elles peuvent également se situer en aval et donc naître d'une oeuvre littéraire, qu'il s'agisse d'une adaptation rigoureuse ou d'une inspiration libre. On aurait trop vite tendance à sous-estimer ces passerelles entre livres et télévision, tant la diversité de ce fonds culturel se révèle particulièrement riche. Qu'il s'agisse de grands classiques (de Arthur Conan Doyle à Jane Austen , en passant par Dickens), de sagas interminables de bit-lit (La communauté du Sud de Charlaine Harris (True Blood), Journal d'un vampire, de L. J. Smith (Vampire Diaries)), de comics (The Middleman, The Walking Dead), de mangas (la liste serait trop longue à entreprendre, puisqu'au Japon, la triple déclinaison manga/anime/live se fait quasi naturellement), mais aussi des biographies et autres travaux historiques (John Adams par David McCullough,  Band of Brothers par Stephen E. Ambrose - ici l'intérêt historique se dispute à l'intérêt téléphagique, je l'avoue). On y trouve de tout. Pour tous les goûts. Ces quelques exemples cités, absolument pas exhaustifs, prouvent bien que le vivier littéraire de la téléphagie est d'une densité et d'un éclectisme fascinants.

La plupart de mes achats téléphagiques littéraires s'inscrivent dans cette catégorie des "livres originaux". Si je n'ai jamais eu besoin de prétexte pour dévorer des livres depuis mon enfance, les séries se sont donc imposées comme un vecteur supplémentaire, motivant directement de nouvelles découvertes littéraires. Elles m'ont d'ailleurs permis d'élargir considérablement mon horizon, notamment à des formats jusqu'alors très marginaux (tout ce qui rapprochait de la bande-dessinée, mangas comme comics, que je n'avais jamais vraiment lus auparavant). Je dois aussi à la curiosité suscitée par le visionnage des period dramas de la BBC, une grande partie des classiques britanniques que j'ai pu découvrir.

Renouer avec l'histoire originale en format papier, cela correspond à une opportunité, pour le téléphage, de remonter aux origines de la fiction télévisée. Le but n'est pas d'apprécier la supposée fidélité (ou non) de la série, mais bien d'en approfondir l'univers, d'en capter l'esprit, de mettre à jour certains détails, certaines subtilités qu'une version littéraire pourra offrir plus précisément. Cela permet de voir quelle était la dynamique d'origine, de révéler les outils narratifs par le biais desquels l'histoire a été tranposée à l'écran, quelle a été la valeur ajoutée de ce changement de format, etc... Et puis, j'avoue que j'aime plus que tout ressentir cette impression de retour aux sources.

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Le seul réel dilemme insoluble auquel je fais face devant toute cette production littéraire est le suivant : faut-il lire l'histoire originale avant de visionner la série, ou la découvrir seulement a posteriori ? Comme le téléphage reste un amoureux des séries, c'est tout l'enjeu de la meilleure façon d'apprécier cette dernière qui se pose derrière ce questionnement. Personnellement, mes expériences ont été très diverses, voire parfois complètement opposées. Par exemple, la simplification de l'oeuvre de Ken Follett ne m'a pas gâché le plaisir de suivre l'adaptation de Starz des Piliers de la Terre, cet été. En revanche, il y a quelques étés de cela, j'avais rencontré vraiment beaucoup de difficultés à apprécier la mini-série The Company, en partie parce que je n'ai pu me détacher du roman de Robert Littell que j'avais adoré.

Séries vs. livres, il n'y a pas une réponse unique au choix chronologique à faire. Je suppose que cela dépend vraiment des oeuvres. Et, malheureusement, c'est souvent a posteriori que l'on découvrira si notre choix était bon... Reste, au-delà de la théorie, mon problème du moment : dois-je attendre avant d'attaquer mes comics de The Walking Dead ?


Et vous, quelle est votre rapport aux livres ? Votre univers téléphagique s'étend-il aussi aux productions littéraires ? Et quels choix chronologiques faites-vous, dans ce cas ?

25/01/2010

(Mini-série US) Band of Brothers (Frères d'armes) : le chef-d'oeuvre de l'enfer de Bastogne



Depuis le début du mois, j'ai entamé avec un ami le revisionnage de Band of Brothers (parce qu'il est bon aussi de prendre le temps de revoir ses classiques et, sur un plan plus technique, pour tester le coffret Blu-Ray sur grand écran). Si je vous en parle, c'est que, ce samedi soir, nous sommes arrivés avec la Easy Company à Bastogne (Episode 6).

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Or, si les épisodes magistraux ne manquent pas dans ce chef-d'oeuvre de HBO, si plusieurs sortent vraiment du lot et marquent le téléspectateur, après toutes ces années, ce qui me revenait toujours en mémoire lorsque l'on me parlait de Band of Brothers, c'était l'image de cet enfer blanc. Ces scènes dans la neige, sous les sapins illuminés par les projectiles, aux journées rythmées par les obus de mortier faisant voler terre et chair humaine.

Revoir cet épisode m'a fait réaliser, à nouveau, pourquoi il était resté graver aussi vivement dans ma mémoire. Car Bastogne est mon épisode favori. Un des plus éprouvants également. Mais il demeure pour moi le symbole, l'étendard, de Band of Brothers. Une fois le visionnage effectué, incapable d'en détacher totalement mes pensées, j'ai repensé aux raisons pour lesquelles il était
capable de me toucher aussi profondément.

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Il s'agit incontestablement d'un des épisodes les plus aboutis de la mini-série, un pivôt incontournable au cours duquel elle acquiert une dimension supplémentaire, allant au-delà du seul simple récit, superbement écrit et réalisé, sur la Seconde Guerre Mondiale. Cela est sans doute dû en grande partie à l'angle de narration décidé par les scénaristes. Le siège de Bastogne reste un des hauts faits d'armes de la Easy Company. Pourtant, ils choisirent de nous relater ces évènements par le biais d'une option scénaristique intéressante et originale : nous immerger dans cet enfer hivernal à travers un personnage jusqu'à présent très secondaire, un des infirmiers de l'unité, Eugene Roe. Figure souvent anonyme, le rôle du medic, rarement mis en lumière dans les fictions de guerre, demeure pourtant sûrement l'un des plus difficiles à mener à bien, comme en témoignent les actions du jeune soldat tout au long de l'épisode.

Tandis que l'hiver glacial s'est abattu sur les forêts de Bastogne, les soldats s'efforcent de sécuriser une ligne de front fluctuante et percée, où le brouillard et la neige égarent facilement ceux qui n'y prennent pas garde. La compagnie est coupée des forces alliées, encerclée, ne bénéficiant que de rares largages, rendus difficiles par les conditions météorologiques extrêmes. Les journées défilent avec la même routine meurtrière. Les soldats, enterrés dans des trous individuels creusés dans la terre, surveillent le camp ennemi. Ils ne sont distraits du froid mordant que par la brève reprise immuable des hostilités, qu'il s'agisse d'une pluie d'obus de mortier s'abattant sur eux comme la plus cruelle des loteries, ou d'une patrouille partie évaluer la ligne de front.

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L'épisode s'attache à relater ces évènements du point de vue d'Eugene Roe. Dès le début, c'est à travers lui que la situation nous est présentée et que le téléspectateur découvre et prend conscience de l'enfer blanc dans lequel la compagnie est plongée. Les premières minutes sont ainsi l'occasion de visiter l'ensemble des soldats de l'unité, disséminés dans les bois, à quelques centaines de mètres des lignes allemandes, en suivant la quête entêtée et quasi-obsessionnelle de Roe pour réussir à mettre la main sur une dose de morphine ou une paire de ciseaux. Si les infirmiers ne sont pas des héros combattants, ils sont des héros du quotidien, en réussissant simplement à faire leur job en dépit des circonstances. Leur rôle, leurs préoccupations divergent de celles du reste des soldats, mais leur mission nécessite une implication de tous les instants tout aussi exténuante. Accourir dès que quelqu'un réclame une aide médicale, apporter les premiers soins au milieu du champ de bataille, sans tenir compte des balles et obus qui volent toujours autour d'eux, être le témoin constant du pire aspect de la guerre, de cette boucherie sanglante, qu'il s'agisse de constater les dégâts irréversibles faits par les obus ou d'assister aux derniers moments de camarades de régiment... Tout cela ne peut que miner même le plus cloisonné des hommes.

Progressivement, au fil de l'épisode, Roe se perd dans ces horreurs qui remplissent son quotidien. Fonctionner par automatisme, se concentrer uniquement sur les autres sans prendre le temps de soucier de soi... Cela ne tient qu'un temps. Pour sauver sa santé mentale et continuer à faire ce qui est attendu de lui, la futilité de ses efforts ne les rend pas moins appréciables. Il essaye vainement de se détacher émotionnellement d'individus dont certains mourront dans ses bras. Il s'impose une prise de distance nécessaire avec le reste de l'unité, préférant rester à l'écart lors des repas ou s'entêtant à appeler les soldats par leur nom, évitant la connotation plus personnelle du surnom. Rester extérieur. Pour survivre. Pour ne pas se laisser entraîner dans ce tourbillon létal, où la réalité devient peu à peu floue et où tous les repères se désagrègent. Comme un symbole, nous voyons le jeune infirmier se raccrocher désespérément à son chapelet en récitant ses prières, serrant ce dernier lien de façon pourtant presque futile, la seule certitude qui demeure encore.

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Tandis qu'en toile de fond, la bataille fait rage, le téléspectateur est le témoin privilégié de cette lutte intime et continuelle dont il pressent l'inutilité. Les évènements ont en effet raison des efforts de Roe. Les quelques touches d'humanité qu'il avait trouvées à l'arrière, au village de Bastogne, auprès d'une jeune infirmière, Renée, sont balayées par un bombardement allemand. Cette scène offre un contraste bouleversant au téléspectateur : la beauté d'une réalisation pyrotechnique somptueuse se superpose au drame qui se joue, derrière les ruines de ces bâtiments éventrés. L'anéantissement de cette petite bulle émotionnelle qu'il avait eu l'imprudence de créer achève de briser les dernières barrières du jeune homme, sur lequel l'accumulation des drames finit par l'emporter, tandis que, en cette veille de Noël, aucune trêve n'interrompt ce rituel meurtrier impitoyable.

Si Bastogne parvient à me toucher si profondément, c'est qu'au milieu des têtes connues des autres soldats, il est aisé de s'identifier à ce nouveau venu sur le devant de la scène. Le téléspectateur devient, pour une bataille, l'observateur de l'observateur, ayant grâce à lui une vue d'ensemble d'une situation désespérée. La tragédie de la guerre n'en est que plus pesante, nous faisant non seulement assister aux morts, mais aussi à la façon dont elles affectent les survivants. Le temps d'un épisode, en nous offrant sa perspective personnelle, Eugene Roe s'impose comme une figure entre deux, comme un lien entre le téléspectateur et les soldats. Tout  en parvenant avec justesse et subtilité à retranscrire, de manière authentique, l'état d'esprit global de la compagnie, confrontée à ces heures parmi les plus sombres de son existence, l'épisode est également une forme d'hommage à ces infirmiers de l'ombre, anonymes intervenant a posteriori, lorsque la situation individuelle de tel ou tel soldat a déjà basculé. Une double finalité enrichissante qui confère une portée particulière à cette grande heure de télévision.

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Bilan : Peut-être est-ce très subjectif, un ressenti avant tout personnel, mais vingt-quatre heures après avoir revu cet épisode, ses images défilent encore dans ma tête. C'est ce qui m'amène d'ailleurs à rédiger ce billet comme une forme d'exutoire, pour essayer vainement de formuler sur le papier, de matérialiser en quelques mots, ce tourbillon émotionnel indescriptible que Bastogne parvient à faire naître en moi.

Je ne suis pas certaine d'être parvenue à vous expliquer rationnellement l'unicité de cet épisode. Mais, plus sobrement, je me contenterai de conclure que, parmi les moments magiques du sériephile, Bastogne demeure, pour moi, une expérience téléphagique à part, qui a sa place dans mon panthéon télévisuel.

NOTE : 10/10

30/12/2009

(Ma DVDthèque idéale) Dix mini-séries des années 2000


Un bilan décennal parce que :
"Y
ou got to ask yourself which is more exciting,
watching your car roll over from 99,999 to 100,000,
or watching it go from 100 to 101 ?
"
(Sam Seaborn, A la Maison Blanche, 1.10)


Plus le temps passe et plus j'apprécie le format d'une mini-série. Plus longue qu'un film, donc permettant à l'histoire de bien s'installer et de se complexifier, avec l'assurance qu'il y aura une vraie fin et que la structure d'ensemble du scénario a été pensée dès le départ, le tout d'une durée raisonnable, ne laissant pas le temps à la lassitude et aux répétitions de s'installer : serait-ce mon format téléphagique d'avenir ?


Donc, voici les dix mini-séries, diffusées entre 2000 et 2009, qui figureraient dans ma DVDthèque idéale si je devais faire une sélection (la liste a été réalisée par ordre alphabétique ; elle englobe toutes les nationalités) :

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Angels in America [HBO (US), 2003]

Dans l'Amérique des années 80, dans le cadre de la communauté homosexuelle, une mini-série bouleversante qui nous raconte les premières années de l'apparition du SIDA. Cette fiction de haut prestige est de plus dotée d'un casting exceptionnel, cinéphile (Al Pacino, Meryl Streep, Emma Thompson) et sériephile (Mary-Louise Parker, Justin Kirk). Une très grande mini-série qui a marqué le petit écran lors de sa diffusion et qui mérita amplement toutes les récompenses qu'elle remporta.

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Band of Brothers [HBO (US), 2001]

Co-produite par Steven Spielberg et Tom Hanks, Band of Brothers nous raconte le sort de la Easy Compagny, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. De la formation des hommes dans le camp d'entraînement jusqu'à la reddition japonaise marquant la fin du conflit, en passant par le débarquement sur les côtes françaises, l'enlisement du terrible hiver 1944-45 ou encore la découverte de l'horreur des camps nazis. C'est une fiction de très standing, porté par un solide casting homogène conduit notamment par Damian Lewis.

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Charles II: The Power and the Passion [BBC (UK), 2003]

Je me devais d'évoquer au moins un costume drama britannique. Attirée, par goût personnel, vers les mini-séries portant sur des récits historiques, et n'ayant pas peur des têtes couronnées, j'ai longtemps hésité entre celle-ci et Elizabeth I. Si j'ai finalement arrêté mon choix sur elle, c'est peut-être parce qu'il s'agit d'une des premières du genre que j'ai découverte. Elle nous relate la vie compliquée du roi Charles II, fils de Charles Ier qui fut exécuté en 1649, sur fond de guerre civile et de révolution anglaise au XVIIe siècle. Cette fiction est particulièrement bien servie par l'interprétation magistrale de Rufus Sewel.

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City of Vice [Channel 4 (UK), 2007]

Une mini-série prenante, qui nous plonge dans la dangereuse Londres du XVIIIe siècle, aux côtés de Henry Fielding, un écrivain célèbre de l'époque, qui va rassembler quelques hommes pour constituer la première police publique de la capitale britannique, les Bow Street Runners. Cette mini-série, policière et historique, sombre et réaliste, offre une reconstitution rigoureuse de l'époque et se révèle vraiment capitivante, avec un magistral Ian McDiarmid (le chancelier Palpatine de Star Wars). A mes yeux le plus convaincant costume drama britannique de la deuxième partie de la décennie.

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Generation Kill [HBO (US), 2008]

Cette mini-série de sept épisodes se présente sous la forme brute d'une chronique de la dernière guerre d'Irak. Un journaliste va suivre, au sein d'une unité de marines américains, l'invasion et la chute du régime de Saddam Hussein. Réalisée par les auteurs de The Wire (Sur Ecoute), Generation Kill en adopte le style narratif neutre, son ton quasi-documentaire et une caméra qui se présente comme un observateur extérieur, en quête d'authenticité. On retrouve au sein de son casting des têtes appréciées des téléphages, comme Lee Tergesen (Oz) et Alexander Skarsgård (True Blood).

Je lui ai déjà consacré un article sur ce blog : Generation Kill : chronique désabusée d'une guerre moderne.

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John Adams [HBO (US), 2008]

Cette somptueuse mini-série historique nous plonge dans la tumultueuse vie politique d'Etats-Unis encore en gestion. De la guerre d'indépendance jusqu'à sa mort en 1826, nous suivons John Adams, avocat qui participa activement à la formation de cet pays et qui en devint le deuxième président, succédant à Georges Washington. Pédagogique et intéressante, John Adams offre une reconstitution historique rigoureuse de la carrière de cet homme politique, à travers ses succès et sa vie personnelle, ainsi que son amitié et sa rivalité avec Thomas Jefferson. Le tout est superbement mis en scène. Cette fiction dispose en plus un casting cinq étoiles, composé de Paul Giamatti, Laura Linney, Stephen Dillane, Danny Huston, David Morse, Sarah Polley, Tom Wilkinson ou encore Rufus Sewell (Charles II: The Power and the Passion).

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State of Play [BBC (UK), 2003]

Mini-série devenue une référence du thriller médiatico-politique, elle s'interroge sur cette zone d'ombre trouble où évoluent les initiés du pouvoir et sur les pratiques qui y ont cours. A travers une enquête journalistique sur plusieurs morts qui n'ont a priori rien en commun, le téléspectateur plonge dans les coulisses et les rouages amers des secrets de fabrication d'une démocratie dont nous ne sommes normalement pas témoin. Une fiction britannique captivante qui a renouvelé le genre, servie par un casting brillantissime : John Simm, David Morrissey, Bill Nighy, James McAvoy, Polly Walker...

Je lui ai déjà consacré un article sur ce blog : State of Play : des jeux de pouvoir immuables.

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The Corner [HBO (US), 2000]

Dans une Baltimore lourdement touchée par le chômage et la drogue, cette mini-série suit la descente aux enfers d'une famille qui tente d'y survivre. Ce fut la première fiction des créateurs de The Wire (Sur Ecoute) ; elle a posé les bases de leur style quasi-documentaire ; la force et la dureté du récit est déjà là. D'un ton désespéré et pessimiste, elle nous expose, à travers un portrait sombre et méticuleux, l'envers du rêve américain. Indispensable.

Je lui ai déjà consacré un article sur ce blog : The Corner : plongée dans l'envers du rêve américain.

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The Project (Les Années Tony Blair) [BBC (UK), 2002]

Cette mini-série en deux parties constitue un modèle de fiction politique, chroniquant la vie de quatre amis d'université : ardents militants du temps de l'opposition, qui vont peu à peu accéder ensuite aux responsabilités avec le succès électoral du parti Travailliste en 1997. C'est une fiction, mais c'est aussi un quasi-documentaire qui relate la lente métamorphose d'un parti, une fois qu'il a accédé aux responsabilités. Elle constituait également une critique virulente de le gouvernement de Tony Blair. Mais, sa portée dépasse ce simple cadre conjoncturel : elle amène le téléspectateur à réfléchir sur le fonctionnement de nos démocraties modernes et sur la gestion du pouvoir. Avec Matthew Macfadyen (Spooks).

Je lui ai déjà consacré un article sur ce blog : The Project : l'histoire d'une désillusion.

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The State Within (Affaires d'Etats) [BBC (UK), 2006]

Se situant dans les coulisses de la froide géopolitique internationale et nous immergeant dans les méandres d'une diplomatie post-11 septembre, cette mini-série traite de la thématique moderne du terrorisme. Elle propose une véritable oeuvre de politique fiction en exploitant jusqu'à ses limites son concept, mettant en scène des conspirations qui mêlent nationalisme, enjeux industriels et financiers et espionnage. Très prenante, elle est de plus dotée d'un excellent casting, conduit par Jason Isaacs (Brotherhood).



Il existe, bien entendu, encore tellement de mini-séries de la décennie qui figurent sur mon immense pile de "fictions à voir" (surtout du côté anglais, où je suis loin d'avoir exploré tout l'univers des costume dramas), que ce bilan n'a rien d'exhaustif. Mais parmi celles que j'ai eues l'occasion de regarder, avec toute ma subjectivité, je pense que ces dix seraient celles que je sélectionnerais pour ma DVDthèque idéale des dix dernières années.

N'hésitez pas à compléter cette liste pour faire partager vos propres références et découvertes en mini-séries !