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28/09/2013

(Pilote AUS) Serangoon Road : enquêtes à Singapour dans les années 60

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La rentrée sériephile bat son plein en cette dernière semaine de septembre. Pas vraiment de coups de coeur parmi les quelques pilotes américains que j'ai visionnés pour le moment. J'entends (et lis) beaucoup de bien sur Masters of Sex qui débute sur Showtime ce dimanche, j'espère donc que cette série rompra la relative morosité automnale. En attendant, tout en restant dans les fictions anglophones, je vous propose aujourd'hui de poursuivre nos voyages exotiques, cette fois-ci direction l'Océan Pacifique.

Serangoon Road est une série australienne, co-produite par ABC et HBO Asia (dont c'est la première série originale). Commandée pour une saison de 10 épisodes, elle a débuté ce dimanche 22 septembre 2013. En dépit de cette double origine, Serangoon Road est sans doute avant tout à rapprocher d'autres period/cop dramas actuels d'ABC1, de Miss Fisher's Murder Mysteries à The Doctor Blake Mysteries. Sa grande particularité est de se dérouler à Singapour dans les années 60. Avec un tel cadre, le dépaysement était assuré. Ce pilote n'est cependant pas aussi convaincant que je l'espérais.

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Serangoon Road débute en 1964. Singapour est alors une place-tournant dans le Pacifique, point de passage et de croisement multiculturel. Politiquement, tandis que l'Empire britannique se retire, les tensions y sont à leur comble. La ville accueille en plus de nombreux visiteurs, des touristes, mais aussi beaucoup de soldats, y compris américains, qui viennent prendre du bon temps. Entre jeux d'argent, prostitution, mais aussi jeux d'espions sur fond de guerre froide qui a connu bien des soubresauts depuis le début de la décennie, c'est un ville extrêmement animée dans laquelle la série nous entraîne.

Sam Callaghan connaît parfaitement Singapour. Enfant, il a survécu au camp de prisonniers de guerre de Changi construit par les Japonais durant la Seconde Guerre Mondiale. Il a par la suite notamment travaillé dans le renseignement militaire pour les Australiens. De retour à Singapour, capable d'évoluer aussi bien dans les ruelles des quartiers populaires de la ville qu'au sein de la communauté des expatriés, Sam est sollicité par Patricia Cheng, en charge d'une agence de détective voisine depuis la mort de son mari. Dans ce premier épisode, c'est la CIA qui vient les engager pour retrouver un soldat enfui, soupçonné d'un crime.

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Le principal attrait de Serangoon Road réside dans le décor que la série s'est choisie, signe d'un parti pris ambitieux : la ville de Singapour se trouve à une période charnière de son Histoire au début des années 60, et constitue en plus un point de passage incontournable dans cette région du monde. Ainsi placée au croisement des cultures, des époques et même des mondes, elle permet de se confronter à divers acteurs aux préoccupations très différentes. Un effort de reconstitution historique est réalisé, avec un pilote parsemé de références, présentant suivant un regard australien critique les dernières crises qui ont marqué la Guerre Froide, et plus généralement l'approche américaine. Pour naviguer dans ce cadre multiculturel, la série utilise un classique : un personnage principal qui, rattaché à chacun de ces mondes, n'appartient pleinement à aucun, à la fois intégré et extérieur à ce qui se joue dans les diverses communautés. L'effet de dépaysement est immédiat pour le téléspectateur. Cette délocalisation bienvenue va cependant être la seule réelle originalité de ce pilote.

Car si le décor est certainement parfait pour que s'y déroulent des intrigues versant dans le polar noir, Serangoon Road peine à convaincre. L'épisode cède en effet à tous les poncifs du genre, suivant un cahier des charges calibré à l'extrême, que d'aucuns qualifieraient d'éculé. L'histoire se construit autour d'une figure centrale, héros au passé pesant, torturé par de douloureux souvenirs, mais avec une boussole morale parfaitement ordonnée. Le téléspectateur pourrait sans doute se rallier cette caractérisation un peu facile, si parallèlement l'enquête policière ne se révélait pas si faible, empruntant de nombreux raccourcis sans parvenir à générer la tension attendue. L'écriture apparaît souvent malhabile, versant dans un manichéisme simplificateur loin de l'entre-deux grisâtre et des compromis qu'un tel cadre aurait dû encourager. Ce pilote manque donc de nuances et de prises de risque. Il faudra que la suite complexifie ces intrigues pour éviter que la série ne soit qu'une énième déclinaison historique d'enquêtes trop quelconque.

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Sur la forme, Serangoon Road se heurte à certaines limites de l'exercice de reconstitution d'une ville aussi animée que peut l'être Singapour : la mise en scène sonne trop lissée, ou parfois trop ordonnée, et il n'y perce pas toujours l'atmosphère agitée dans laquelle la série tente d'immerger le téléspectateur. La réalisation est honnête, mais ne se démarque pas. La bande-son n'est pas non plus mémorable. En revanche, plus enthousiasmant est le générique d'ouverture, travaillé, qui nous glisse de façon plutôt stylée dans l'ambiance d'un lieu et d'une époque (cf. la 1ère vidéo ci-dessous).

Côté casting, Serangoon Road est l'occasion de retrouver dans le rôle principal Don Hany (Offspring), croisé l'année dernière dans East West 101 dont la saison 1 avait été diffusée sur Arte. Il trouve sans difficulté ses marques dans ce registre d'homme droit mais torturé qui lui est dévolu. Il faut cependant espérer que son rôle gagne en complexité au fil des épisodes. A ses côtés, Joan Chen (Twin Peaks) incarne la veuve qui vient lui demander de conduire une enquête pour son agence. On retrouve également Chin Han, Alaric Tay, Ario Bayu, Maeve Dermody (Paper Giants : The Birth of Cleo, Bikie Wars : Brothers in Arms), Rachael Blake (The Prisoner, The Straits), Pamelyn Chee (Point of entry) ou encore Michael Dorman (Wild Boys, Wonderland).

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Bilan : Si le cadre choisi de Singapour dans les années 60 est un décor parfait pour y conduire un polar noir, Serangoon Road signe un pilote assez quelconque. Il y a du potentiel dans tous les ingrédients réunis à l'écran - aussi bien pour évoquer les enjeux politiques et sociaux de l'époque, que pour plonger dans les tensions propres à la ville. Mais l'écriture manquant de nuances et de finesse, assez maladroite parfois dans sa conduite du versant policier, ne permet pas de mettre en valeur ces aspects.

Les amateurs de romans noirs délocalisés au bout du monde ne resteront sans doute pas insensibles à l'expérience entreprise. Quant à moi, la dimension historique et multiculturelle de la série me parle suffisamment pour poursuivre un peu plus loin l'aventure. Espérons que Serangoon Road corrige au moins les limites de ses enquêtes.


NOTE : 6/10


Le générique de la série :


Une bande-annonce de la série :


19/02/2012

(Pilote AUS) The Straits : le sort d'une famille régnant sur le crime organisé dans un décor tropical de rêve

 
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Après avoir passé les dix derniers jours à voyager dans le nord de l'Europe, entre Danemark, Suède et Norvège (il faut absolument que je mette la main sur une série finlandaise sympa, un de ces jours ; si vous avez des suggestions, n'hésitez pas !), en ce dimanche, c'est un dépaysement plus exotique et surtout tropical que je vous propose, en changeant de continent et d'hémisphère. Direction l'océan, ses plages, ses îles et son soleil, nous voici donc en Australie, et plus précisément dans l'extrême Nord Est de ce pays, à Cairns et dans les centaines petites îles du Détroit de Torrès.

Si l'Australie s'est taillée une petite réputation ces dernières années dans le registre gangsters grâce à la franchise Underbelly, The Straits est, elle, une série originale qui ne s'inspire pas des faits divers criminels du pays. Cette nouveauté a débuté le 2 février 2012. Une saison de 10 épisodes a été commandée, s'ouvrant avec un long pilote comme les aime ABC1. Cette chaîne a en effet la mauvaise habitude de proposer un premier épisode à rallonge (souvenez-vous de Crownies par exemple). La série a donc eu 1h45 pour me convaincre. J'avais lu en amont des reviews plutôt mitigées, et mes attentes avaient donc baissé. C'était sans doute un mal pour un bien, le tout combiné avec mon penchant pour ce genre d'histoire, car j'avoue m'être laissée embarquer sans trop de difficultés dans cet univers.

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The Straits suit la famille criminelle qui "règne" sur la ville de Cairns et sa région, les Montebello. A leur tête, le patriarche Harry Montebello contrôle un vaste réseau allant du trafic de drogue à la vente d'armes. La région constitue en effet un des points privilégiés d'entrée et de sortie de l'Australie, et les îles du Détroit de Torrès, avec leurs coutumes toujours profondément ancrées dans les moeurs quotidiennes, le terrain idéal pour conduire discrètement toutes ces affaires de contrebande. Mais le milieu criminel est toujours très volatile, et le calme apparent ne doit jamais abuser : il suffit souvent d'une étincelle pour que tout s'enflamme.

Or, les problèmes, les Montebello  les cumulent dans ce pilote. Il y a tout d'abord la question de la succession de Harry qui se pose. Sur ses trois fils, Noel, celui qui s'est toujours le plus impliqué dans les affaires, apparaît comme le logique successeur ; mais, trop impulsif, il inquiète Harry qui décide de laisser aux trois une chance de s'affirmer et de gagner le titre d'héritier. Or le besoin de faire ses preuves conduit souvent à en faire trop ; c'est d'autant plus dangereux de froisser certaines sensibilités que la famille Montebello a logiquement cultivé son lot d'ennemis. Des bikers jusqu'aux gangs de Nouvelle-Guinée, les ambitions ne manquent pas. Les armes vont parler. Les Montebello s'entre-déchireront-ils ou sauront-ils faire face à ceux qui convoitent leur business ?

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Tout téléspectateur familier des codes des fictions mettant en scène une famille du crime organisé retrouvera dans le pilote de The Straits des partitions scénaristiques bien connues. Dans les dynamiques internes aux Montebello, comme dans leur gestion courante des affaires, on croise tous les ingrédients légitimement attendus, à même de fonder une solide série de gangsters. Trafics en tous genres, représailles, trahisons, manipulations et intimidations sont logiquement au rendez-vous ; et la première heure 45 de la série s'attache à tous les passer en revue. Elle les adapte cependant aux couleurs locales, avec leurs particularités : ainsi, les exécutions "propres" n'ont pas lieu avec un revolver posé sur la nuque, mais dans des piscines où sont lâchées des méduses vénéneuses.

C'est, sans surprise, dans son cadre que réside la principale valeur ajoutée de The Straits. L'impression d'exotisme qui émane de la série ne se limite pas l'ambiance et au contraste offert entre son décor paradisiaque et les évènements très sombres s'y déroulant. Elle tient également à la manière dont toutes ces spécificités sont intégrées à l'organisation criminelle des Montebello. Car Harry règne sur le coin en ayant parfaitement compris et même instrumentalisé les coutumes de ces îles, territoires fonctionnant en quasi-autarcie avec leurs propres règles et temporalités, semblant comme déconnectés du reste de l'Australie. La série fait de cet univers son atout le mieux maîtrisé ; cette réussite permet de compenser le fait que le pilote ne parvienne pas complètement à prendre la pleine mesure du potentiel de son idée de départ.

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En effet, dans l'ensemble, le récit reste très - trop - convenu : il ne surprend que rarement, et conserve une lancinante sensation de "déjà vu". L'ensemble est certes bien huilé. Mais tout en se suivant sans déplaisir, ni ennui, il manque quelque chose à ce premier épisode pour véritablement captiver et impliquer le téléspectateur dans le sort de cette famille. Non seulement il peine à faire ressentir la tension légitime engendrée par les évènements, mais en plus les scènes les plus dramatiques n'atteignent pas l'intensité logiquement attendue. C'est sans doute dû à une certaine inconsistance dans l'écriture : à côté de scènes franchement réussies, d'autres tombent à plat sonnant trop téléphonées. Le même problème se ressent dans la tonalité de l'épisode dont les incursions dans un registre plus léger, presque humoristique, perturbent le rythme de l'épisode sans rien y apporter de plus.

Cette limite se retrouve aussi dans la caractérisation des différents personnages. Au sein de la famille Montebello, les rôles sont très clairement - peut-être trop - distribués. Le pilote laisse peu de place à la nuance ou aux ambiguïtés, comme l'illustre la situation des différents enfants. Noel est celui qui embrasse les pas de leur père avec un peu trop d'enthousiasme, quitte à commettre des excès de zèle dommageables. Marou, celui qui s'est tourné vers la religion pour apaiser une conscience en porte-à-faux par rapport à cette vie moralement discutable dans laquelle il a grandi. Gary est le benjamin, jeune chien fou incontrôlable. Et enfin Sissi, l'unique fille, fait office de tête de la famille, qui serait parfaite en comptable pour les affaires. A priori, de course à la succession il n'y a même pas, car chacun semble admettre que Noel est le logique héritier. Ce n'est que vers la fin du pilote que l'ambition de la femme de Marou permet d'esquisser une redistribution des cartes et des conflits à venir. Il faut espérer qu'à mesure que les aspirations de chacun se préciseront, leurs personnalités s'affirmeront.

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Sur la forme, The Straits est une jolie réussite, encore une fois grâce à son cadre. C'est une série dont toutes les images respirent littéralement le coin d'Australie où elle se déroule. Le téléspectateur reste difficilement insensible à cet atout, car le décor est tout simplement superbe, et les multiples changements de paysages au cours du pilote, grâce aux voyages entre les îles, permettent à la caméra de pleinement le mettre en valeur. La bande-son se met aussi au diapason, avec des morceaux semi-festifs qui correspondent parfaitement à l'ambiance. Le seul visionnage du générique (1ère vidéo en bas de ce billet) vous donnera d'ailleurs un aperçu représentatif de ce qu'on ressent devant cette série !

Enfin, le casting ne démérite pas, sans forcément immédiatement s'imposer. Comme les personnages restant un peu trop en retrait dans un premier temps, cela n'aide pas à asseoir les positions de chacun, mais au fil du pilote, chacun trouve peu à peu ses marques. A la tête de la famille, il y a une valeur sûre du petit écran, l'Ecossais Brian Cox (Deadwood, The Sinking of the Laconia), solide dans ce registre de patriarche expérimenté. Pour jouer le reste des Montebello, on retrouve Rena Owen, Aaron Fa'aoso (East West 101), Firass Dirani (Underbelly), Jimi Bani (RAN : Remote Area Nurse) et Suzannah Bayes-Morton. A leurs côtés, on croise Emma Lung (The Cooks), Kate Jenkinson (Offspring, Killing Time), Cramer Cain, Andy Anderson, Kim Gyngell ou encore Rachael Blake.

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Bilan : Dotée d'un décor de rêve en toile de fond, The Straits démarre comme une classique série de gangsters, entre tensions familiales et rapports compliqués avec les autres organisations criminelles de la région. Si elle manque parfois d'un peu de tension et de rythme, navigant entre les tonalités et ne parvenant pas toujours à exploiter pleinement le potentiel des situations qu'elle met en scène, la série installe cependant des intrigues qui devraient plaire à tout amateur du genre. En espérant qu'elle réussisse à plus imposer et nuancer ses personnages au fil des épisodes, j'ai bien envie de tenter l'aventure plus avant avec elle ! Ne serait-ce que pour apprécier un peu plus ces îles qui lui servent de cadre. 


NOTE : 6,75/10


Le générique de la série :


Une bande-annonce :