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25/08/2012

(Mini-série US) Political Animals : un essai de soap politique

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A l'heure des bilans, je dois avouer que cet été aura été quelque peu maussade, apportant, du côté des nouveautés, plus de déceptions que de satisfactions. Non que j'avais des espoirs fous pour toutes (vous connaissez mon optimisme chroniquement mesuré), mais il y avait quand même des séries qui aiguisaient ma curiosité plus que la moyenne : c'était le cas de Political Animals. Sur le papier, Greg Berlanti et Laurence Mark détenaient une fiction à potentiel - de la politique, du familial - porté par un casting cinq étoiles capable de porter un script. Au vu de ces promesses, la désillusion n'en a été que plus grande.

Présentée comme une mini-série, avec une option pour être renouvelée si elle marchait (les audiences n'ont cependant pas été au rendez-vous), Political Animals s'est révélée plutôt être une longe introduction à une suite qui ne viendra probablement pas. Elle compte 6 épisodes d'une quarantaine de minutes environ. Et si USA Network entendait dépasser grâce à elle le registre des buddy shows divertissants dans lequel elle s'est épanouie ces dernières années, ce n'est certainement pas avec Political Animals qu'elle marquera son arrivée dans un autre domaine.

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Elaine Barrish est une ancienne Première Dame des Etats-Unis. Après que son mari, Bud Hammond, ait quitté le bureau oval, dans les années 90, elle s'est lancée dans une carrière politique personnelle pour finalement échouer aux primaires démocrates face à Paul Garcetti. Suite à cette défaite, elle a divorcé et revu ses priorités. La série s'ouvre deux ans après cet échec, alors qu'elle est devenue secrétaire d'Etat pour Garcetti qui a été élu. Cependant ses ambitions n'ont pas disparu : elle a identifié les faiblesses qui lui ont été fatales la dernière fois et caresse le projet de se relancer dans la bataille électorale, quitte à lutter contre le président sortant pour obtenir la nomination démocrate.

Cependant, à côté de sa vie politique, Elaine doit aussi prendre en compte sa famille, et notamment ses fils. Habitués à vivre sous le feu des projecteurs depuis leur enfance, ils n'ont pas composer de la même manière avec la pression : si Doug apparaît a priori comme le gendre idéal, servant de chef de cabinet à sa mère, les choses sont plus difficiles pour TJ. Premier enfant de président des Etats-Unis à avoir fait son coming out durant son adolescence, il a traversé des périodes difficiles qui s'en ressentent toujours sur le fragile équilibre qu'est sa vie d'adulte. De plus, Bud Hammond n'a pas renoncé à retrouver les bonnes grâces de son ex-femme ; et Elaine, tout en ayant conscience qu'il constitue un point faible, personnel et professionnel, n'a pas non plus complètement tourné la page.

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Political Animals comporte deux volets distincts qu'elle tente d'entremêler avec plus ou moins de succès - généralement moins ; elle s'essaie en fait au soap politique. Son principal problème vient justement de ce versant politique. La série l'investit avec l'adresse d'un éléphant lâché dans un magasin de porcelaine : son écriture ferait presque passer Commander in Chief pour une fiction subtile. Dignes d'un vieux téléfilm baclé, les storylines délivrent une vision manichéenne à l'extrême, pas un instant crédible dans leurs développements, se plaçant dans un champ moralisateur qui, en 2012, n'a pas sa place pour aborder de tels enjeux internationaux. Les déclarations de principe dépassent allègrement le simple cadre de l'idéalisme, pour basculer dans un irréalisme maladroit, développant une vision géopolitique binaire extrêmement indigeste. Face à un tel désatre, il eut mieux fallu, pour la crédibilité de la série, qu'elle évite cette incursion politique dispensable - elle aurait pu l'évoquer seulement de loin, sans essayer de nous faire vivre des crises - et se concentre sur son autre aspect, la saga familiale.

Political Animals retrouve en effet quelques couleurs lorsqu'elle se recadre sur la famille Hammond et oublie ses ambitions de sauvetage du monde. Elle devient alors un soap aux grosses ficelles pleinements assumées, aux dynamiques familières vues et revues, mais qui demeure suffisamment efficacement emballé pour retenir l'attention du téléspectateur. Ce dernier se prend au jeu de cette famille, solidaire, mais menaçant aussi à tout moment d'imploser. Sans aller toujours au bout des idées esquissées, la série développe la problématique de la confrontation entre les ambitions professionnelles d'Elaine et une famille que les projecteurs n'ont déjà que trop meurtrie. Certes, les personnages ne sont jamais loin de la caricature. Mais dans ces registres plus émotionnels, la solidité du casting joue et contribue à imposer les différents protagonistes, à asseoir leurs caractères et leurs failles. Si l'intrigue politique reste inachevée au terme de ces six épisodes, le versant soap est lui plus abouti, amenant Elaine à la prise de conscience d'un autre équilibre à trouver, tout en laissant entrevoir suffisamment de blessures qui ne sauraient guérir.

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Déséquilibré et maladroit sur le fond, Political Animals pose également problème sur la forme. J'ai passé une bonne partie de la mini-série à m'interroger sur les intentions qui pouvaient se cacher derrière son montage hasardeux, parfois à la limite de la cohérence. La manie de recourir à des flashbacks constants dans certains épisodes rend la trame narrative, déjà pas toujours très convaincante a priori, assez confuse. A cela s'ajoute des limites formelles indéniables, avec un clinquant trop forcé qui sonne faux. Cependant notons que la série dispose d'un vrai générique, accompagné d'une chanson : c'est suffisamment rare pour être souligné, même s'il a la même absence de subtilité que le contenu de la fiction.

Par-delà tous ces défauts, le seul réel point fort de Political Animals sera resté son casting. Non qu'il ait été capable de miracles et d'empêcher de faire se lever quelques yeux au plafond devant certaines lignes de dialogue, mais il est certainement la raison pour laquelle je suis allée au bout de ces six épisodes. Il laisse cependant des regrets, devant un talent ainsi gâché. Pour son passage au petit écran dans un rôle de femme de pouvoir, Sigourney Weaver met de la conviction pour apporter la présence qu'il convient à l'écran. Son ex-mari est interprété par Ciaran Hinds (Rome) qui confère la démesure nécessaire à son personnage. Sebastian Stan m'a rappelé que j'étais toujours triste de l'annulation de Kings. J'ai été ravie de retrouver le toujours charmant James Wolk, qui m'a rappelé, lui, la trop éphémère Lone Star. Ellen Burstyn (Big Love) incarne quant à elle la mère d'Elaine. Enfin, à l'extérieur de ce clan, Carla Gugino (Treshold, Californication) est une journaliste en quête de scoop qui tente surtout de comprendre le fonctionnement de cette famille. A noter la présence d'Adrian Pasdar (Profit, Heroes), sous-employé, dans le rôle du président Garcetti.

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Bilan : Essai maladroit et inabouti de soap politique, Political Animals laisse le téléspectateur sur une impression de frustration intense au vu du potentiel présent sur le papier et gâché à l'écran. Indigeste, moralisatrice et manichéenne lorsqu'elle évolue dans un champ politique dans lequel elle n'aurait jamais dû se risquer, elle est plus légitime dans son volet soap, sans jamais réussir à échapper à une écriture aux ficelles trop grosses. Il reste au final un casting qui soutient tant bien que mal l'édifice, mais qui ne sauve pas une série tout simplement mauvaise...

NOTE : 4,75/10


Une bande-annonce de la série :

Le générique de la série :

10/12/2011

(Mini-série US) Neverland : une préquelle à Peter Pan manquant de magie

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Invitation à se divertir, les fêtes de fin d'année arrivent toujours avec leur lot de programmations spéciales, des fictions qui tentent de réveiller l'âme d'enfant du téléspectateur et de lui insuffler un peu de magie en adéquation avec cette période. Aux Etats-Unis, SyFy tente régulièrement d'apporter sa contribution à ces grilles téléphagiques festives. Avec plus ou moins du succès, il faut l'avouer. La dernière mini-série du genre que j'ai appréciée remonte à The Lost Room. En 2006 donc...

Cette année, la chaîne américaine poursuit son adaptation libre de classiques prompts à l'émerveillement. Après Tin Man (en 2007), Alice (en 2009), Nick Willing s'est cette fois attaqué à un autre mythe ayant bercé notre jeunesse, Peter Pan. Diffusée les 4 et 5 décembre 2011, cette mini-série comporte deux parties d'environ 1 heure 30 chacune. Malheureusement, le résultat s'essoufle trop vite pour remplir les 3 heures de divertissement promises.

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Neverland débute à Londres, en 1906. Peter est un orphelin qui dirige une bande de jeunes voleurs détroussant les privilégiés dans les rues. Ces gamins ont été recueilli par Jimmy, un homme tombé en disgrâce au sein de la bonne société et qui survit désormais en donnant des leçons d'escrime. Mais ce dernier n'a tourné le dos à son passé, et il espère toujours récupérer son ancien statut. Pour cela, il n'hésite donc pas à accepter la mystérieuse mission que lui confie un puissant individu : celle de voler un objet bien particulier dans un magasin d'Antiquités.

Souhaitant démontrer à son bienfaiteur les talents et la matûrité de leur groupe, Peter décide d'anticiper le vol, s'introduisant par la ruse, avec ses compagnons, dans le lieu protégé. Si Jimmy les y surprend, tout se passe bien jusqu'à ce qu'ils se saisissent de l'objet convoité : une boule de verre, lumineuse, qui fait disparaître une partie de la maison et ceux qui s'y trouvaient dans un grand éclair. Jimmy, Peter et ses amis, se retrouvent alors dans un autre monde, peuplé de pirates et d'indiens, infestés de crocodiles, et où, surtout, le temps ne s'écoule pas... Neverland.

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L'idée de se plonger à la genèse du mythe de Peter Pan aiguisait logiquement la curiosité d'un téléspectateur familier de l'histoire d'origine, ou du moins d'une des multiples déclinaisons qui ont pu être proposées depuis la création du personnage au début du XXe siècle. La mini-série avait en effet une ambition principale : comment Peter Pan ou encore le Capitaine Crochet sont-ils devenus ce qu'ils sont, comment sont-ils arrivés à Neverland ?

Pour nous entraîner au pays imaginaire, Neverland emprunte à d'autres fictions du genre afin de partir sur les bases connues mais efficaces d'un récit d'aventure à dimension initiatique. La découverte de ce monde à travers les yeux des nouveaux arrivants, avec ses règles, ses enjeux et ses rencontres improbables s'opère certes sans surprise, mais le sujet parle au téléspectateur et suit un rythme de narration très soutenu - parfois presque trop au vu de l'utilisation abusive de certains raccourcis - qui permet de ne pas s'ennuyer. Cependant si la mini-série bénéficie d'abord de l'envie du téléspectateur de jouer le jeu pour chercher à entrer dans l'histoire, elle ne va faire illusion qu'un temps. 

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Nous sommes en effet loin d'une oeuvre sachant s'adresser à l'imaginaire du téléspectateur. Neverland épuise progressivement le crédit et l'attrait dont disposait a priori son concept de départ, échouant à recréer et à s'approprier l'univers de Peter Pan. Une partie du problème tient à l'exécution du scénario : non seulement la narration confond trop souvent vitesse de développement et précipitation, mais elle est surtout trop prévisible et trop calibrée. Les facilités de l'histoire se suivent dans un premier temps avec une part de second degré au vu des grosses ficelles utilisées, mais l'effort requis finit par lasser.

Si on pourrait objecter que Neverland s'attache à respecter les canons du genre au risque de tomber dans un excès d'académisme, malheureusement, la mini-série perd dans le même temps l'essentiel : elle y sacrifie cette pointe de magie inhérente et légitimement attendue d'une telle histoire. Au fond, elle tombe en réalité dans le travers principal que risque toute déconstruction d'un mythe, celui de proposer une vision trop terre à terre venant briser la fragile osmose d'origine. Le traitement même du personnage de Peter Pan est assez symptomatique : l'évolution qu'il connaît, du garçon souhaitant grandir et faire ses preuves à celui de la dernière scène qui correspond à l'image connue, n'est pas présentée de manière consistante et satisfaisante.

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Sur la forme, si Neverland s'inscrit dans la lignée des mini-séries SyFy, avec les limites que cela implique, elle est cependant assez décevante. Si je ne lui tiens pas rigueur de ses effets spéciaux et plus particulièrement de ses tentatives d'incrustations/reconstitutions de décor, qui ont une origine plutôt budgétaire, la faiblesse des moyens n'interdit pas toute prise d'inititaive. Or la réalisation, timorée, se contente en effet trop souvent d'en faire le minimum, sans jamais tenter de recréer sur la forme cette magie dont le fond est déjà trop dépourvu.

Enfin, Neverland bénéficie d'un casting qui laisse une impression mitigée. J'ai plutôt bien apprécié les performances des enfants, à commencer par Charlie Rowe en Peter Pan. En revanche, les adultes m'ont moins convaincu, qu'il s'agisse de Rhys Ifans ou d'Anna Friel (Pushing Daisies) ; seul Charles Dance (Game of Thrones) a vraiment tenu son rang au cours des quelques scènes dans lesquelles il apparaît.

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Bilan : Divertissement d'aventure fantastique de saison, Neverland est une mini-série qui doit se regarder avec une âme d'enfant. Le jeune public devrait d'ailleurs être plus facilement enclin à l'apprécier, d'autant plus que l'histoire bénéficie d'un rythme de narration soutenu qui permet de ne jamais s'ennuyer. Malheureusement d'importants défauts de conception plombent ce récit qui partait sur des bases honnêtes et finissent par l'emporter sur l'attrait du mythe d'origine. Les ficelles trop grosses du scénario, et sa façon de déconstruire le mythe, prive en effet Neverland d'une spontanéité et d'une magie vitales. 


NOTE : 5/10


La bande-annonce de la mini-série :

17/04/2011

(Mini-série US) Mildred Pierce : un portrait de femme fascinant et éprouvant dans la Californie des années 30


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Parmi les mini-séries américaines de ces dernières semaines, outre The Kennedys, une autre production était également très attendue : Mildred Pierce. Se proposant de nous offrir un plongeon dans le Los Angeles des années 30, il s'agissait de porter à l'écran un roman classique de James M. Cain, qui n'avait au préalable connu qu'une version cinématographique en 1945. Diffusée du 27 mars au 10 avril 2011, cette mini-série comporte en tout 5 épisodes, d'une heure chacun environ.

A priori, son sujet de départ, un casting prometteur centré autour d'une actrice que j'apprécie tout particulièrement, Kate Winslet, le tout produit par HBO... tout cela constituait autant d'éléments qui avaient forcément éveillé ma curiosité. Et finalement, je n'ai pas été déçue de l'immersion, certes éprouvante, dans cette oeuvre assez fascinante qu'est Mildred Pierce. Mini-série aboutie, poignante comme peu, elle ne peut laisser indifférent un téléspectateur rapidement happé par cette superbe mise en images.

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C'est en Californie, à une époque où le soleil ne peut faire oublier la crise que traversent des Etats-Unis heurtés de plein fouet par la Grande Dépression, que s'ouvre Mildred Pierce. Mildred est une jeune mère de famille, dont la vie paraît a priori renvoyer une image de perfection parfaitement huilée : elle habite en banlieue, dans un quartier de classe moyenne relativement aisée, avec un mari et ses deux enfants. Mais la mini-série débute sur un après-midi qui va bouleverser un quotidien dont seule la surface est irréprochable. Lassée des infidélités de Bert, son mari, qui passe désormais plus de temps avec sa maîtresse qu'avec sa famille légitime, Mildred prend une décision radicale en le mettant à la porte. Si Bert, entraîné dans des affaires louches, n'avait déjà plus l'assise financière de l'époque de leur mariage, la jeune femme se retrouve brusquement esseulée, avec deux enfants à charge.

Outre la crise qui a considérablement ralenti l'économie, Mildred a en plus passé les onze dernières années à jouer les parfaites maîtresses d'intérieur. Elle n'a donc aucune compétence, ni expérience professionnelle particulière dans le domaine du travail, si ce n'est un talent pour la cuisine, notamment la conception de tartes, qu'elle monnaye déjà à l'occasion. Cependant, pour ses filles, Mildred va trouver la force de mûrir et de se prendre en charge. Dépassant ses préjugés, mais aussi son propre orgueil, la jeune femme va se donner les moyens pour se construire une nouvelle vie, cette fois-ci indépendante des hommes, et réaliser une ambition qui apparaît comme un défi personnel : celle d'ouvrir son propre restaurant. En réalité, pour comprendre tous les sacrifices consentis par Mildred au service de sa réussite professionnelle, il faut se placer sur un plan plus intime. Ses efforts resteront toujours subordonnés à une quête qui demeure la motivation sous-tendant ses choix : gagner le respect et l'affection de Veda, sa fille aînée dont les idées bourgeoises et artistiques d'adolescence ne s'estompent pas avec le temps. Parviendra-t-elle à harmoniser et réussir sur ces deux tableaux, personnel et professionnel ?

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Mildred Pierce, c'est tout d'abord une reconstitution historique soignée qui va fonder le récit de cette destinée personnelle. La mini-série offre une immersion dans une période de crise, où les préconceptions sociales de protagonistes issus de classes aisées se heurtent à un principe de réalité douloureux. Le culte des apparences qui prédomine dans la banlieue semi-bourgeoise de Mildred, comme dans le clinquant d'Hollywood, impose ainsi un détachement matériel apparent, à la mise en scène cultivée, mais qui apparaît désormais déplacé. De façon très intéressante, la mini-série va notamment explorer le rapport au travail - manuel - de ce milieu, éclairant les contradictions dans les exigences des personnages. Émanation de cette forme d'aristocratie rentière dont le mode de vie n'est plus adapté à l'économie moderne, Monty apparaît ainsi comme un dandy à la fois symbole de tous les paradoxes, mais aussi séquelle d'un autre temps autrement plus faste. 

Ce cadre historique retranscrit de façon convaincante sert de base à une histoire autrement plus intime. Mildred Pierce va proposer, avec une justesse et une intensité rares, un portrait de femme poignant et nuancé. La figure de Mildred constitue l'âme de la mini-série ; c'est une femme ancrée dans son époque, mais aussi dans son milieu social. Une personnalité forte, obstinée, va peu à peu se dessiner sous nos yeux, fascinante par sa complexité. En effet, la rupture avec son mari, catalyseur sur laquelle s'ouvre le récit, est fondatrice de tous les changements. Cette soudaine liberté s'accompagne d'une prise de responsabilité inattendue. L'émancipation a un coût, ou du moins nécessite des ajustements douloureux pour une jeune mère de famille dont les propres conceptions de normalité sociale sont désormais remises en cause. Mildred va lutter contre ses propres préjugés, sacrifiant ce qu'elle considère comme sa dignité, au nom d'un intérêt supérieur : nourrir sa famille. Cette affirmation presque initiatique d'une femme confrontée à un carcan social qu'elle a elle-même contribué à légitimer par le passé nous est narrée avec beaucoup de sobriété et de pudeur, ce qui confère une authenticité prenante au récit. Mais Mildred va constater que le personnel et le professionnel ne s'allient pas toujours, en dépit de tout son investissement pour réussir à les réconcilier.

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Au-delà du portrait de femme, c'est par sa dimension émotionnelle que Mildred Pierce marque et ne saurait laisser indifférent un téléspectateur qui va ressortir très éprouvé du visionnage. Si la jeune femme se caractérise par son obstination, son parcours va être extrêmement chaotique. Elle semble invariablement destinée à monter très haut, pour ensuite voir sa réussite professionnelle considérablement relativisée, voire réduite à néant, par de nouvelles épreuves personnelles à surmonter. Il y a une forme d'inévitabilité au parfum presque tragique dans ce cycle invariable. L'alternance entre une euphorie grisante et une détresse bouleversante permet au récit d'acquérir une portée émotionnelle des plus fortes. Après une phase d'introductive de mise en situation, Mildred Pierce démarre véritablement au cours de la dernière scène qui clôture le premier épisode. Par la suite, la mini-série ne va cesser d'aller crescendo, gagnant constamment en intensité pour culminer tout spécialement dans les deux derniers épisodes.

En fait, cette scène finale du premier épisode comporte tous les éléments sur lesquels Mildred Pierce va se développer. Dans la salle de bain, Mildred craque nerveusement et confie à son amie ses états d'âme sur son nouveau statut de serveuse. L'uniforme de travail apparaît comme le symbole d'une dégradation sociale qu'elle ne peut accepter que pour des filles, dont elle ne saurait pourtant affronter le regard. Si nul ne doute que la décision de Mildred est celle d'une courageuse prise de responsabilité, le dernier plan de la caméra - ô combien significatif ! - annonce les tensions futures : derrière la fenêtre, impassible, Veda a écouté toute la conversation. Le fossé entre la mère et la fille ne va alors jamais cesser de croître. Aux efforts constants, presque désespérés par moment, d'une mère entièrement dévouée à son enfant, ne repond que la prise d'indépendance méprisante d'une adolescente aux désillusions de grandeur blessantes. Cette dynamique familiale est au coeur de la mini-série. Le parallèle est perturbant : à mesure que Mildred se construit professionnellement, ce sont les graines d'une destruction psychologique plus intime qui germent. La vanité de tous ses sacrifices qui se heurtent à l'indifférence invariable de Veda entraîne Mildred dans une spirale où l'explosion finale, potentiellement tragique, apparaît inévitable.  

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Solide sur le fond, Mildred Pierce se révèle également particulièrement aboutie sur la forme. Dotée d'une réalisation soignée, superbement mise en valeur par une photographie dont la teinte permet de renforcer le ressenti de reconstitution historique travaillée, la mini-série propose de très belles images, qu'il s'agisse de mettre en avant le décor, avec quelques cartes postales californiennes distillées ça et là, ou bien de mettre en scène ses personnages, avec une Mildred qui resplendit à l'écran. De plus, le récit bénéficie d'une bande-son sobre et bien utilisée, composée d'instrumentaux adéquats : la mini-série saura mettre en valeur certains passages grâce à sa musique, mais elle saura aussi préférer le silence quand cela est nécessaire. Cette sobriété musicale témoigne d'un savoir-faire maîtrisé très appréciable.

Enfin, Mildred Pierce doit beaucoup à son casting. Ou plus précisément à son actrice principale. Kate Winslet est en effet magistrale. Elle propose une interprétation d'une justesse admirable, mais aussi d'une intensité bouleversante, qui confèrent une dimension supplémentaire à l'émotionnel du récit. Il émane du portrait ainsi esquissé une classe qui éclaire chaque scène et où trouvent à s'exprimer tant la détermination du personnage qu'une forme de fragilité touchante. A ses côtés, les autres acteurs se mettent au diapason pour offrir une prestation d'ensemble des plus convaincantes. Guy Pearce n'a pas son pareil pour incarner cet aristocrate hollywoodien, un peu gigolo, menant une vie en dilettante. Evan Rachel Wood (True Blood) est parfaite en Veda qui va repousser toujours plus loin les limites de la provocation et de l'ingratitude. On retrouve également Melissa Leo (Treme), James LeGros (Ally McBeal, Sleeper Cell), Mare Winningham (Grey's Anatomy) ou encore Brian F. O'Byrne (Brotherhood, Flashforward).

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Bilan : Portrait humain et nuancé d'une figure féminine centrale fascinante, portée par l'interprétation proposée par une grande actrice, Mildred Pierce est un récit éprouvant émotionnellement, marqué par le contraste entre l'épanouissement professionnel et la destruction personnelle plus intime mis en scène. Cela confère une épaisseur psychologique troublante au récit, dont l'intensité croissante s'orientera inévitablement vers une issue douloureuse. Sachant exploiter en toile de fond les préconceptions d'un certain milieu californien heurtées par la Grande Dépression, Mildred Pierce propose une reconstitution sociale soignée, entièrement mise au service d'une histoire finalement simple mais pour laquelle l'intérêt du téléspectateur ne va jamais faiblir.

Une très intéressante mini-série à découvrir.


NOTE : 8,5/10


Deux bande-annonces de la mini-série :


14/04/2011

(Mini-série US) The Kennedys : de l'inutilité de certaines revisitations de l'Histoire ?


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Poursuivons la thématique politique initiée hier avec la review de President. Dans l'exploration des moeurs présidentielles, délaissons cette fois la fiction moderne au profit d'une reconstitution historique, avec une mini-série qui aura considérablement fait parler d'elle au cours des derniers mois : The Kennedys. Tout a déjà été écrit sur les pressions et autres péripéties plus ou moins rocambolesques qui auront accompagné la pénible mise au monde de cette fiction, refusée au terme de sa production par History Channel et qui aura finalement trouvé un asile de diffusion sur une obscure chaîne câblée américaine. En France, c'est France 3 qui devrait proposer cette fiction.

Fustigée de manière anticipée en raison d'une partialité narrative supposée, à défaut de se révéler réellement "sulfureuse" (même si certains éclairages ou priorités pourront être discutés), The Kennedys enfonce surtout de nombreuses portes ouvertes, sans jamais réussir à immerger le téléspectateur dans les problématiques pourtant si fortes des années 60 américaines. Ce n'est pas sur sa hiérarchisation des angles d'attaque, mais c'est surtout sur des problèmes qualitatifs plus structurels, accentués par l'écueil d'une histoire trop connue, que la mini-série s'échoue. On finit ainsi ces huit épisodes avec une sacrée dose de frustration (et ce, alors même qu'il était a priori difficile de trouver meilleur public que moi pour ce sujet précis).

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The Kennedys se propose de nous faire traverser une décennie de turbulences et de bouleversements : celle des années 60, et plus particulièrement les trois années de la présidence Kennedy. De la plus symbolique des manières, elle débute donc en novembre 1960, le jour même de l'élection présidentielle. Refusant cependant de s'astreindre à une narration chronologique strictement linéaire, cela lui permet de recourir à de fréquents flash-backs afin d'installer les grands enjeux et d'explorer plus avant différentes thématiques fondatrices et personnelles à la famille qu'elle va suivre.

Ainsi dès le premier épisode, la mini-série nous fait remonter à la genèse immédiate de cette élection de 1960 qui trouve sa source dans les années 30, évoquant le suicide politique de l'ambassadeur Joe Kennedy, représentant des Etats-Unis à Londres, qui commit l'erreur de jouer la carte de l'apaisement face à l'Allemagne nazie, en passant par le décès de Joe Jr, fils aîné dans lequel son père avait transposé toutes ses ambitions. Tout au long de la mini-série, on retrouvera ce souci d'essayer d'expliquer le présent qui nous est relaté avec des scènes clés du passé. Le dernier épisode se termine avec la décennie en 1969. Plus précisément, c'est l'assassinat de Bobby à Los Angeles en juin 1968 qui referme le dernier chapitre, dans ce récit tumultueux d'une décennie d'intenses luttes et tractations politiques qui se seront écrites dans le sang.   

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Les problèmes dont souffre The Kennedys sont multiples, même s'il faut noter que, dans sa seconde moitié, la mini-série parviendra par éclipse à s'affirmer un peu plus, après un pilote qui concentre de façon très indigeste tous les maux structurels qui vont peser sur cette fiction. Le premier aspect qui va laisser beaucoup de regrets au téléspectateur réside probablement dans son incapacité à prendre la mesure d'une Histoire qui devrait pourtant être son ambition première. Le sujet ne manque a priori ni d'évènements marquants, ni de thématiques fortes, aussi bien au niveau interne, avec le combat pour les droits civiques, que sur un plan international, en pleine Guerre Froide, de la problématique cubaine à la construction du mur de Berlin. Il est même possible de faire un crochet pour flirter avec les paillettes d'Hollywood (ah, Marylin). Si on occulte l'enjeu de la sélection préalable des informations qui est une problématique plus politique, il reste cependant une question majeure : comment est-il possible à partir d'un tel matériau de base de produire un résultat aussi fade et plat ?

The Kennedys propose en effet un récit creux, didactique à l'excès, succombant à une forme d'académisme caricatural. Sa narration trop souvent maladroite donne l'impression de feuilleter précipitemment les pages d'un livre d'Histoire, dont le contenu est restitué d'une manière abrégée et récitée qui apparaît tout sauf naturel. La mini-série ne parvient que trop rarement à insuffler le moindre souffle à un récit dans l'ensemble déshumanisé. On cherchera en vain une âme à cette fiction. Les dialogues s'enchaînent et les évènements se déroulent comme derrière une vitre glacée, sans que le téléspectateur ne se sente jamais impliqué par les enjeux. Peu importe que l'on frôle la Troisième Guerre Mondiale ou que l'on aborde la ségrégation, nous restons des observateurs passifs et extérieurs. Certes, l'Histoire est ici très connue ; d'où une prévisibilité - et peut-être une anticipation - sur laquelle The Kennedys bute. Mais il faut assumer sa volonté d'exploiter un sujet tant traité et être en mesure de proposer, à défaut d'une réelle valeur ajoutée, quelque chose de suffisamment vivant et prenant pour retenir l'attention. Or la mini-série donne surtout le sentiment d'enfoncer des portes déjà grandes ouvertes.

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Cette impression de froideur et de fadeur générales s'explique sans doute en partie par le manque de subtilité chronique dont souffre une écriture vraiment malhabile. Ce dernier point faible va d'ailleurs plomber The Kennedys au-delà de sa difficulté à se saisir de l'Histoire pourtant tourbillonnante de la décennie. En effet, a priori, l'angle d'attaque choisi n'était pas inintéressant. Sur un plan purement humain, afin de servir de fil conducteur à la fiction, le choix d'explorer les rapports au pouvoir à travers le prisme familial, avec ce report des ambitions personnelles de Joe sur ses fils, mais aussi l'équilibre auquel ces derniers parviennent mêlant professionnel et personnel, cela avait un potentiel. Encore eut-il fallu traiter cet aspect avec un minimum de finesse. Mais les scénaristes de The Kennedys, n'ayant manifestement pas vraiment foi dans leurs téléspectateurs, se sentiront toujours obligés de tout grossir à l'excès dans leur façon de mettre en scène les rapports entre les différents protagonistes.

Qu'il s'agisse d'expliquer leurs motivations ou d'appuyer sur leurs traits de caractère, la mini-série verse surtout dans une caricature qui manque de justesse et de crédibilité. Certains aspects du pilote sont, par exemple, assez symptomatiques, avec cette insistance très lourde à rappeler ce que Joe Jr représentait pour son père, les fils cadets n'étant que des substituts imparfaits. De manière générale, c'est tout le façonnement des personnages qui serait sans doute à revoir. Manquant d'ambivalence et de profondeur, la moindre nuance étant tellement mise en relief qu'elle échoue à créer une réelle ambiguïté dans des personnalités qui restent étonnamment unidimensionnelles, alors même que le potentiel, parfois effleuré, est flagrant. C'est non seulement frustrant, mais cela empêche aussi les personnages de vraiment s'installer, car ils peinent à se détacher des icônes historiques auxquels notre esprit les associe automatiquement. 

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De plus, ce flirt avec une forme d'amateurisme un peu passéiste ou naïf se retrouve sur la forme. La réalisation manque d'ambitions (ou de moyens), restant dans un carcan très traditionnel, insatisfaisant, qui ne permet pas de capter le souffle d'une reconstitution d'époque. L'ensemble est assez figé. Le recours à quelques images d'archives ne se fait pas de façon très naturelle ; et l'opportunité de l'incrustation de chiffre rouge pour indiquer la date, lorsque la narration change d'année, m'a laissée franchement dubitative. The Kennedys s'avère donc également assez décevante sur la forme, par rapport aux prétentions qu'elle avait pu afficher.

Enfin, il faut évoquer brièvement le casting, ce dernier ne pouvant sauver la mini-série des maux dont elle souffre. Le scénario, et notamment les dialogues, n'offre pas une base très solide aux acteurs pour s'exprimer. Aucune performance ne restera dans les annales. Ceux qui parviennent cependant à tirer à l'occasion leur épingle du jeu, au sein du casting principal, sont Tom Wilkinson (John Adams) et Barry Pepper. Greg Kinnear reste trop souvent cantonné dans un jeu stéréotypé, même s'il gagne en maîtrise au fur et à mesure que les épisodes passent. Quant à Katie Holmes (Dawson), j'avoue ne pas trop savoir quoi en dire. Elle alterne des scènes où elle paraît presque capter cette forme de détachement qui sied à son personnage et des passages où elle semble complètement absente devant la caméra. Dans quelle mesure le scénario et la réalisation sont responsables de ce problème de direction, il y a sans doute des torts partagés ; peut-être aussi chacun avait-il trop en tête l'image des protagonistes qu'ils étaient sensés incarner.

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Bilan : En dépit de tous ses maux, si The Kennedys parvient globalement à retenir l'attention du téléspectateur tout au long de ses huit épisodes, elle ne le doit pas à la qualité fluctuante d'une narration excessivement académique manquant cruellement de subtilité, ni aux performances inégales des acteurs, mais bien uniquement au concept qui lui sert de base. C'est dans l'éclairage proposé de la présidence Kennedy, mais aussi, sur un plan plus intime, les rapports entre le patriarche et ses fils, que réside l'intérêt de cette mini-série. Cela suffit à rendre l'ensemble visionnable. Mais n'apportant aucune valeur ajoutée aux récits déjà existants de cette période, et plombée par ses maladresses et son incapacité à réellement s'approprier l'Histoire, The Kennedys reste une fiction très dispensable.

Je serais fort tentée de vous conseiller de passer votre chemin sans regret. A réserver aux amateurs du genre.


NOTE : 4,25/10


La bande-annonce de la mini-série :

26/07/2010

(Pilote / Mini-série US) The Pillars of the Earth : la construction d'une cathédrale, au coeur d'une vaste fresque médiévale

 

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La première fois que j'ai entendu parler du projet d'adapter à l'écran le roman de Ken Follett, cela m'avait paru comme un doux rêve. Attrayant certes. Cependant, réussir la transposition de cette dense fresque historique au format télévisuel me semblait aussi ambitieux que difficilement réalisable. Les écueils sont nombreux, en partie inhérents à toute adaptation littéraire : ne pas trop condenser, rester fidèle à l'histoire, tout en se ré-appropriant ce matériel de base de façon à ce qu'il devienne le fondement d'un scénario vivant, destiné à une série. Reste que ces craintes ne pouvaient obscurcir le caractère absolument passionnant du sujet, suffisant seul à intéresser la téléphage amoureuse d'Histoire que je suis.

De plus, outre son thème, The Pillars of the Earth (Les Piliers de la Terre) présente d'autres atouts aussi attrayants. Car il faut bien que je vous avoue qu'une raison supplémentaire, très différente mais toute aussi justifiée, expliquait mon attente impatiente de cette mini-série : son casting. En effet si une série me propose de réunir, autour d'un même projet, des acteurs comme Matthew MacFadyen, Ian McShane, Rufus Sewel, etc., elle s'assure d'office ma présence de téléspectatrice dès ses débuts.

The Pillars of the Earth, co-production internationale, est une mini-série qui sera composée de huit épisodes et dont la diffusion a débuté, aux Etats-Unis, vendredi dernier, sur la chaîne câblée Starz.

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The Pillars of the Earth se déroule au XIIe siècle. Cette importante fresque qui couvre, dans sa version littéraire, un demi-siècle, nous plonge dans une Angleterre déchirée par une guerre civile de succession, au cours d'une période que certains nommeront plus tard "l'Anarchie". La mini-série reprend les principaux évènements historiques de cette époque, de façon à établir précisément le contexte global. Elle s'ouvre en 1120 par le naufrage de la "Blanche-Nef", où périt le seul fils légitime du roi Henri Ier. A la mort de ce dernier, ne lui reste comme descendante légitime que sa seule fille, Mathilde. Profitant des réticences des barons à porter une femme au pouvoir, Etienne de Blois, le neveu du roi, un petit-fils de Guillaume le Conquérant, s'approprie finalement le trône d'Angleterre, avec le soutien de l'Eglise, dont il s'engage à promouvoir les intérêts. Il précipite ainsi Mathilde dans une résistance qui va conduire les deux camps à la lutte armée.

Ces différents évènements, qui se déroulent en arrière-plan de la trame principale, mais sur lesquels le pilote prend le soin de s'arrêter de façon à poser un cadre clair au téléspectateur, constituent une toile de fond violente qui accentue le chaos régnant dans le royaume, tout en influant plus ou moins fortement sur la vie des différents protagonistes, qui seront parfois entraînés dans ce tourbillon de trahisons. Si la lutte pour le trône n'est pas le sujet principal, le coeur de The Pillars of the Earth se situe bien dans des conflits d'intérêts et de pouvoirs, entre idéalistes et ambitieux, nobles, hommes d'église et gens du commun, se concentrant sur un enjeu hautement symbolique, qui mêle toutes ces thématiques : la construction d'une cathédrale.

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Parce que The Pillars of the Earth est une fresque particulièrement dense, dotée d'une galerie très riche en personnages, le premier épisode va opportunément prendre le temps de soigner l'introduction du téléspectateur dans cet univers. Il présente progressivement chacun des protagonistes, tout en posant les fondations de la grande, comme des petites, histoires. Il s'agit avant tout de bien se familiariser avec le cadre de cette société moyen-âgeuse, avec ses moeurs, mais aussi avec les motivations, altruistes ou très égoïstes, des différents personnages.

C'est ainsi que le premier épisode va offrir une combinaison intéressante d'éléments de contextualisation, tout en permettant au téléspectateur de trouver ses points de repère afin d'embarquer dans cette fresque l'esprit clair. Outre les évènements historiques, ce pilote est l'occasion de suivre plusieurs protagonistes clés. Il y a Tom, un bâtisseur, qui mène sa famille de chantier en chantier, survivant par des emplois plus ou moins précaires, en attendant de décrocher ce dont il rêve tant : le projet de construction d'une cathédrale. Sa femme, Agnès, meurt en couches au cours de l'épisode ; le bébé, abandonné sur la tombe de sa mère, sera finalement recueilli par un futur moine. Toujours accompagné de ses enfants, Martha et Alfred, Tom rencontre Ellen et son fils, Jack, un jeune homme doué en art, qu'un traumatisme dans l'enfance a rendu quasiment muet. Leur histoire est chargée de secrets, mais Tom accepte de les voir se joindre à eux.

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Parallèlement, l'épisode s'intéresse aux jeux de pouvoirs - tout aussi létaux que la lutte pour le trône - au sein de l'Eglise. Tandis que le père Waleran intrigue pour devenir évêque, l'abbaye de Kingsbridge perd son prieur. Les soutiens réciproques entre un moine idéaliste, Philip, et le machiavélique Waleran, leur permettront, par le truchement d'élections orientées, d'accéder à la qualité convointée par chacun. Le pilote ne néglige pas non plus les storylines laïques, tout aussi chargées en politique, mais à connotation plus locale que celles de la lutte pour le trône, à travers les enjeux d'un titre de noblesse et des terres qui lui sont associées. Les parvenus Hamleigh nourrissent en effet des ambitions sur un comté, envisageant notamment un mariage entre leur fils et la fille aînée, héritière, Aliena. Le rejet par cette dernière va les amener à recourir à des solutions plus drastiques.

A la lecture de ce résumé, déjà fortement condensé, il est aisé de deviner où se situait le premier écueil auquel ce pilote devait faire face : il s'agissait de ne pas se laisser submerger par la richesse de l'univers à mettre en place. Il fallait réussir à introduire tous ces enjeux si diversifiés et ces personnages très différents. D'autant que les intéractions entre ces derniers conduisent souvent à d'éphémères alliances de circonstances, qui troublent un peu plus la lisibiité des motivations de chaque protagoniste. Un juste équilibre devait, de plus, être trouvé entre des scènes de pure exposition, contextualisant l'histoire, et le récit véritable qui s'amorce, en s'attachant au destin de plusieurs individualités, dans ce tourbillon chaotique ambiant.

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A la fin de ce premier épisode, l'objectif de départ est, pour ainsi dire, rempli : le téléspectateur situe chaque personnage et tous les enjeux apparaissent désormais clairs, ce qui permet ainsi de partir sur de solides fondations, en attendant les développements futurs. Les scénaristes ont, à dessein, pris leur temps pour bien introduire cette vaste fresque. C'est pourquoi le pilote monte progressivement en puissance et gagne en épaisseur, à mesure qu'il appréhende l'ambitieuse dimension du récit envisagé. C'est aussi pourquoi, en dépit des si nombreux personnages et de toutes leurs histoires personnelles, cette immersion ne paraît pas trop abrupte.

S'il faut une première demi-heure d'ajustement, en acceptant de ne pas percevoir immédiatement le tableau d'ensemble, la patience du téléspectateur est récompensée. Au final, si la tâche était rude, ce pilote s'offre une introduction fluide et maîtrisée qu'on peut qualifier de réussie. J'apporterai cependant un bémol, sous forme de précision, à mon jugement : cette introduction m'a semblée, personnellement, menée de façon efficace, mais j'étais déjà familière avec cet univers pour avoir lu le livre d'origine. Par conséquent, une personne qui plongerait dans l'inconnu avec ce premier épisode n'aurait peut-être pas la même perception.

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Au-delà de la question de l'accessibilité immédiate de l'histoire, ce pilote expose déjà très clairement quelles seront les grandes thématiques de The Pillars of the Earth. Alternant petites histoires et grande Histoire, destinées personnelles et sort de tout un royame, la minisérie mêle habilement ces différents enjeux, pour s'offrir un cadre d'une complexité aussi fascinante qu'intrigante. Au coeur de ces jeux de pouvoirs, où l'intrigue est maître et où les ambitions se révèlent, la politique, comme la religion, sont des moyens d'atteindre ses objectifs, tandis que les sentiments viennent troubler certaines positions. Du plus machiavélique au plus idéaliste des personnages, tous maîtrisent - et n'hésitent pas à s'en servir - les clés des rouages des grandes institutions qui régentent cette société féodale.

Si tout cet effort fait dans le pilote afin de donner sa tonalité à la mini-série s'avère efficace, l'épisode n'oublie pas d'essayer d'humaniser ses personnages, de façon à retenir l'attention du téléspectateur sur les destins individuels, pas seulement sur ce vaste tableau médiéval d'arrière-plan. C'est sans doute le personnage de Tom, qui s'en sort le mieux. Le pilote prend le temps de nous introduire dans son quotidien, peut-être le plus simple et directement accessible au téléspectateur : celui d'un bâtisseur, déménageant de chantiers en chantiers. Ses rêves de cathédrale et sa tragédie familiale, avec la mort de son épouse, sont des éléments concrets qui touchent instantanément.

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Ambitieuse dans son contenu, en conservant la densité de l'histoire originale, The Pillars of the Earth est également très aboutie sur un plan formel. Elle bénéficie d'une belle réalisation, largement au-dessus de la moyenne, utilisant notamment des plans larges assez inspirés. Mais c'est surtout par la photo que la mini-série se démarque. L'esthétique est très travaillé, choisissant de faire ressortir les couleurs, avec une forme de sobriété qui les rend faussement chatoyantes. Si on est loin des superbes images un peu glacées des period dramas britanniques, cette mini-série impose, avec une certaine réussite, un style qui lui est propre, et qui n'est pas déplaisant à découvrir à l'écran.

Outre son visuel, The Pillars of the Earth dispose également d'une bande-son en adéquation à ses thématiques, qui renforce la tonalité médiévale. Tout en en faisant une utilisation sobre, les quelques pistes musicales mélangent des sonorités associées dans l'imaginaire collectif à cette époque, entre chants grégoriens et musiques sacrées.

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Enfin, même si je l'ai déjà brièvement évoqué, je me dois de m'arrêter à nouveau sur le casting proposé par cette mini-série. Composé de valeurs sûres (principalement britanniques pour les têtes d'affiche) du petit écran, il se révèle à la hauteur des ambitions de la vaste reconstitution envisagée, point de répère immédiat d'un téléspectateur découvrant la riche galerie des différents personnages.

On y retrouve non seulement, Rufus Sewel (Charles II, Eleventh Hour), en bâtisseur rêvant de cathédrale, Ian McShane (Deadwood), en prêtre intrigant, accédant à la dignité d'évêque, Matthew MacFadyen (Spooks, Little Dorrit), en prieur idéaliste souhaitant reformer l'abbaye de Kingsbridge, mais également Eddie Redmayne (Tess of the D'Ubervilles), en jeune homme, surdoué dans les arts, dont les circonstances de sa naissance interrogent, Hayley Atwell (The Prisoner) en femme noble passionée, Donald Sutherland (Dirty Sexy Money), David Oakes, Natalia Wörner, Anatole Taubman, Alison Pill (In Treatment) ou encore Sam Claflin.

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Bilan : The Pillars of the Earth se présente comme une vaste fresque historique ambitieuse, dont la complexité et la richesse de son histoire vont constituer ses atouts principaux, solidement soutenus par un casting cinq étoiles. Ce pilote, péchant parfois en raison de son excès de contenu, prend son temps dans l'exposition de la situation. L'écriture est dense, cependant, le téléspectateur ne s'y perd jamais et sa patience initiale est récompensée par la mise en place progressive des intrigues et des enjeux qui se précisent. Au final, sont introduits de nombreux éléments très intéressants, tant du côté de la grande Histoire que des petites histoires sur lesquels le récit futur va se concentrer. Ainsi, il est difficile de ne pas être se trouver captivé par ce que cette première immersion laisse entrevoir : le premier contact est convaincant, reste à The Pillars of the Earth à confirmer !


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :