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07/12/2011

(J-Drama / SP) Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles) : une tragédie de guerre bouleversante

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Hotaru no Haka, ou Le tombeau des lucioles en version française, est à l'origine un roman semi-autobiographique de l'écrivain japonais, Nosaka Akiyuki, qui a été publié en 1967. C'est la magistrale adaptation proposée par les studios Ghibli en 1988 qui l'a popularisé et fait connaître à travers le monde. Au XXIe siècle, ce sont des adaptations live qui ont, par la suite, été réalisées. Il y a eu un film sorti au cinéma en 2008, et puis, à la télévision, le tanpatsu dont je vais vous parler aujourd'hui. Cette version de Hotaru no Haka a été diffusée le 1er novembre 2005 sur la chaîne NTV, dans le cadre des commémorations pour les 60 ans de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elle dure 2h30.

Cela faisait longtemps que ce drama figurait dans mon dossier à voir. Le chef d'oeuvre qu'est le film d'animation m'a, comme tout un chacun, profondément marqué. Seulement aussi indispensable que soit son visionnage, c'est aussi une oeuvre dont on ne ressort pas indemne ; c'est le DVD qu'il faut avoir dans sa DVDthèque, mais que l'on osera regarder qu'une seule fois. Seulement, un samedi soir, la curiosité l'a finalement emporté. Je ne vous surprendrais donc pas en vous disant en préambule que Hotaru no Haka est sans conteste le drama le plus éprouvant qu'il m'ait été donné de voir. Se réappropriant pleinement l'histoire originelle, il y apporte en plus une perspective supplémentaire qui va constituer une vraie valeur ajoutée par rapport au film d'animation.

[Si la critique ci-dessous se concentre sur le tanpatsu, quelques parallèles sont faits avec le film d'animation.]

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De nos jours, au Japon, une vieille dame retrouve en rangeant les affaires de sa mère une ancienne boîte rouge de bonbons, à moitié rouillée. Face à sa petite-fille qui la questionne, elle entrouvre pour la première fois ses douloureuses mémoires de la Seconde Guerre Mondiale, entreprenant de raconter comment elle et sa famille ont survécu... et l'histoire de cette petite boîte métalisée.

Hotaru no Haka nous replonge alors dans les dernières années de la guerre, débutant en 1943, dans la ville de Kobe. Enfants d'un colonel de la marine, Seita, jeune adolescent, et Setsuko, encore petite fille, ont jusqu'à présent peu souffert des restrictions de la guerre. Mais le Japon perd du terrain face aux Etats-Unis et les bombardements se font de plus en plus fréquents. Leur père parti en mer, Seita s'efforce d'assumer les responsabilités de chef de famille, prenant notamment soin de leur mère qui souffre du coeur. Cette dernière renoue par hasard avec une cousine, Sawano Hizako, déplacée de Tokyo, et dont le mari est lui-même parti pour l'armée. Les deux femmes se promettent de s'entraider, pour assurer l'avenir de leurs enfants respectifs, si quelque chose devait arriver.

Or durant le printemps 1945, Kobe subit d'importantes frappes des B-29 américains qui larguent sur la ville des bombes à incendie. Au cours d'un de ces raids, le quartier où vivaient Seita et sa famille est entièrement détruit par le feu. Leur mère est mortellement brûlée durant cette même attaque. Se retrouvant soudain sans endroit où aller, ni figure tutélaire vers laquelle se tourner, les deux enfants sont recueillis par leur tante Hizako, celle-ci respectant ainsi la promesse faite à leur mère. Mais à mesure que la situation du pays empire, la nourriture, rationnée, se fait de plus en plus rare... Bientôt la présence de Seita et de Setsuko devient indésirable.

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Il est des récits dont le téléspectateur ne ressort pas indemne. Des récits qui vous hantent longtemps après avoir éteint votre téléviseur. Hotaru no Haka est assurément de ceux-là. C'est l'histoire d'une, ou plutôt de plusieurs, tragédies de guerre qui dévoilent un pan sombre de la nature humaine qu'il est toujours difficile de voir exposé au grand jour. Fidèle à l'esprit de l'histoire originelle, ce tanpatsu en restitue toute l'intensité dramatique, avec une force et une intensité auxquelles peu de fictions parviennent. La sobriété et la retenue admirables de la mise en scène font ressortir une émotion la plus brute qui soit. Disposant d'une écriture remarquable de nuances et de sobriété, le drama va ainsi prendre la pleine mesure de la tragédie poignante qu'il relate. 

Car Hotaru no Haka, c'est tout d'abord l'histoire de deux enfants rattrapés puis isolés par la guerre, se retrouvant soudain face à un univers hostile où ils n'ont plus leur place. Trahis par la collectivité à laquelle ils sont censés appartenir, ils vont être livrés à eux-mêmes en des temps difficiles où seule la solidarité aurait pu leur permettre de s'en sortir. Perdus par les circonstances, les personnages de Seita et de Setsuko reflètent une double symbolique. Non seulement ils représentent la vulnérabilité des plus jeunes en ces périodes troublées, premières victimes de conflits dans lesquels ils n'ont aucune part, mais ils illustrent aussi combien se fragilise le lien social en des temps de repli instinctif sur soi.

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S'il a pour fil rouge les destinées de Seita et de Setsuko, l'intérêt de Hotaru no Haka ne se limite pas à ce seul récit. Le drama dresse en effet un portrait soigné du Japon des dernières années - et mois - de la guerre, se concentrant tout particulièrement sur l'été 1945, du bombardement fatal sur Kobe de juin jusqu'au discours de reddition de l'Empereur en août. Nous racontant la guerre du point de vue des civils, ce tanpatsu explore toutes les facettes de son sujet de façon plus développée que le film d'animation, prenant le temps de s'arrêter sur l'environnement dans lequel évoluent ses personnages principaux. Est ainsi proposé un instantané très riche du Japon de cette époque.

Parfaitement maîtrisée, la narration de Hotaru no Haka lui permet de dire beaucoup de choses en peu de mots. Parmi les thèmes abordés, on retrouve logiquement des sujets qui sont communs aux fictions de guerre, comme les difficultés liées au rationnement, ou encore la peur constante de la lettre qui viendrait annoncer la mort au combat de l'être cher parti au-delà des mers. Mais il y a aussi des éléments propres au pays du Soleil Levant qui permettent d'en apprendre plus sur le Japon de cette époque, telle la question de la place de l'armée au sein de la société ou encore le statut de l'Empereur. Sans trop s'attarder, le drama donne cependant des clés de compréhension très intéressantes, qui confère au récit une solide consistance.

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Cependant, la réelle valeur ajoutée de Hotaru no Haka, par rapport au film d'animation des studios Ghibli, réside dans l'ajout d'une perspective supplémentaire pour raconter l'histoire de Seita et de Setsuko : celle de la tante, et indirectement celle de sa fille, adolescente de l'âge de Seita à l'époque, et qui est la narratrice du drama. Cela permet au récit de dépasser le simple drame personnel des deux enfants, aussi déchirant qu'il soit, pour éclairer une autre problématique centrale : ce que l'on est prêt à faire pour survivre et des sacrifices parfois nécessaires pour y parvenir. Le tanpatsu montre ainsi de façon particulièrement glaciale à quel point la guerre et les circonstances peuvent endurcir progressivement quelqu'un.

Hisako est en effet une femme, initialement généreuse, qui se retrouve face à un choix impossible imposé par les circonstances. Elle n'a pas les moyens de nourrir deux bouches supplémentaires. Tenter d'accueillir plus longtemps Seita et Setsuko pourrait les perdre tous, à commencer par ses plus fragiles enfants. La réussite du drama tient ici dans le portrait nuancé qui est fait de la tante. On perçoit cette part d'humanité qu'elle abandonne progressivement, en conscience, en décidant de revoir l'ordre de ses priorités et de ses principes. La mort de son mari sera l'évènement déclencheur la décidant à tout mettre en oeuvre pour sauver le reste de sa famille. A ce titre, le fait que le récit soit rapporté du point de vue de sa fille, soixante ans après, donne à l'ensemble une dimension encore plus forte ; comme cette dernière le dit en fin de drama, cette boîte de bonbons qui contient les cendres de Setsuko - et que Hisako avait, elle-même, offerte en d'autres temps à la petite fille - représente le rappel - douloureux et nécessaire - du prix de la survie. Hisako l'avait conservée pour ne pas oublier. 

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Solide et aboutie sur le fond, c'est la forme qui va être le point le plus perfectible de Hotaru no Haka. Sa principale limite est d'ordre budgétaire : la reconstitution des bombardements, de Kobe incendié et des ruines laissées détonnent à plusieurs reprises dans l'ambiance générale (surtout une des premières scènes, où l'incrustation sur fond vert bloque un instant le téléspectateur). Cependant ces quelques éléments ne doivent pas occulter les efforts faits par une caméra qui sait habilement capturer les émotions et non-dits des situations dont elle est le témoin. Le drama va aussi particulièrement bien réussir à retranscrire cette ambiance si particulière conférée par les lucioles aux environs du lac. Par ailleurs, Hotaru no Haka dispose également d'une bande-son souvent émouvante, où le piano, instrument prédominant, respecte parfaitement la tonalité de l'histoire. La justesse d'utilisation de ces musiques se retrouve jusque dans l'utilisation des silences, passages où la sobriété l'emporte opportunément.

Enfin, Hotaru no Haka bénéficie d'un excellent casting. La jeune Sasaki Mao incarne une Setsuko admirable de fraîcheur et de spontanéité qui correspond parfaitement à son personnage ; elle n'en brisera que plus douloureusement le coeur du téléspectateur. Ishida Hoshi joue son frère, essayant désespérant d'agir en homme responsable, mais qui reste un adolescent trop fier ne connaissant encore rien à la vie. Leur tante est superbement jouée par Matsushima Nanako, actuellement à l'affiche du drama de cet automne 2011 au Japon, l'excellent Kaseifu no Mita. L'actrice retranscrit ici une perte d'humanité à la fois glaçante et poignante. A leurs côtés, on retrouve également une galerie de seconds rôles convaincants, tels Ihara Tsuyoshi, Inoue Mao, Kaname Jun, Fukuda Mayuko, Iihara Narumi, Horie Shota ou encore Namase Katsuhisa.

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Bilan : Parfaitement maîtrisé sur le plan narratif, Hotaru no Haka est tanpatsu très riche, mais aussi très éprouvant, dont on ne ressort pas indemne. Drame bouleversant et intense qui marque émotionnellement le téléspectateur, c'est également un récit de guerre intéressant qui évoque la situation des civils et s'attarde plus particulièrement sur le prix - parfois si lourd - de la survie individuelle. Oeuvre pesante, teintée d'une amertume parfois difficilement soutenable, elle reste aussi un rappel important que les victimes des conflits ne sont pas seulement celles qui trouveront la mort au front. Admirable de sobriété et de retenue, ce drama réussit parfaitement à prendre la mesure de son sujet si difficile, les évidentes limites formelles ne venant pas remettre en cause l'appréciation globale.

En raison de sa qualité d'ensemble, Hotaru no Haka est incontestablement une adaptation à découvrir. Elle devrait logiquement plaire aux personnes ayant apprécié le film d'animation, puisqu'elle dispose d'une valeur ajoutée non négligeable. Cependant il s'agit d'un visionnage difficile, dont il faut avoir conscience avant de lancer le drama.


NOTE : 9/10


Un MV (avec la chanson de clôture et des images de l'ensemble du tanpatsu) :

04/12/2011

(Pilote UK) The Café : une dramédie attachante somewhere beyond the sea...

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Vous le savez sans doute, la comédie n'est pas mon genre de prédilection. Plus qu'une question d'humour, le problème vient surtout de son impossibilité à me fidéliser au-delà d'une poignée d'épisodes. C'est sans doute pour cela que cette rentrée je n'ai fait aucun effort pour jeter un oeil aux dernières comédies des grands networks US : une saison qui dépasse les 10 épisodes, cela relève de l'engagement impossible pour moi. Cependant, de l'autre côté de l'Atlantique, en Angleterre, le format plus bref devient un atout. Et je me laisse même convaincre d'accompagner certaines en saison 2 - puisque je suis actuellement complètement sous le charme de Rev !

En attendant de revenir sur cette comédie de BBC2, aujourd'hui, évoquons une nouveauté lancée par Sky One le 23 novembre dernier : The Café. C'est peu dire que le précédent essai du genre tenté par cette chaîne il y a quelques semaines, Spy, ne m'avait pas emballé, mais la bande-annonce de The Café m'avait intriguée (et la review de Lady également). Une impression confirmée par le pilote (j'ai même lancé le deuxième épisode dans la foulée). Embrassant un registre plus proche de la dramédie, il émane de cette série un charme confusément attachant et désuet qui vous donne envie de vous installer confortablement devant elle et de l'accompagner vers la maturité.

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Co-écrite par deux de ses acteurs principaux, Ralf Little et Michelle Terry, The Café, dont six épisodes (d'une trentaine de minutes chacun) ont pour le moment été commandés, se déroule à Weston-Super-Mare, une petite ville balnéaire dans le sud-ouest de l'Angleterre. Son action se concentre principalement dans un petit café du bord de mer, lieu de socialisation par excellence, voyant ainsi défiler une clientèle bigarrée représentative de la vie du bourg.

Ce sont trois femmes, représentantes de trois générations différentes d'une même famille, qui s'occupent du Café : Mary, la grand-mère, tricotant ou mangeant, en observe les allers et venues de chacun de sa place stratégique à côté de la fenêtre, Carol, la mère qui est la gérante du café, et Sarah qui aspire à un avenir professionnel meilleur en se rêvant écrivain. Autour d'elles gravite une galerie de personnages qui vont rythmer le quotidien de la vie dans cette bourgade esseulée tournée vers la mer. 

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The Café est une série d'ambiance qui séduit instinctivement dès ses premières scènes. Loin d'être une comédie cherchant à provoquer le rire, elle s'illustre plutôt dans le registre de la dramédie souvent légère, dont la tonalité se nuance au contact des épreuves de la vie qu'elle peut relater. Tout en distillant avec parcimonie des répliques où perce un humour discret, c'est une série qui sait prendre le temps d'installer son cadre et de soigner les détails de la mise en scène. Elle fait cela avec beaucoup de naturel, si bien que sa sobriété apporte une fraîcheur inattendue à un récit qui n'a pourtant rien d'original. Si elle souffre parfois d'un problème de rythme qu'il faudra corriger, la réussite de The Café réside dans cette faculté rare qu'a la série de faire en sorte que le téléspectateur se sente instantanément confortable au sein de cette bourgade qu'il découvre.

Empreinte du parfum typique de petite ville balnéaire anglaise, la série dispose ainsi d'un a priori favorable qu'elle va devoir ensuite confirmer sur le fond. Cela passe par le développement de ses personnages. Usant de stéréotypes, mais sans pour autant trop en faire, elle va s'attacher à capturer l'esprit de cette communauté qui vit avec ses codes et ses habitudes. Tandis que Sarah, jeune femme rêvant d'avenir et d'ailleurs, s'impose comme le dénominateur commun des histoires et la clé d'entrée du téléspectateur, The Café bénéficie plus généralement d'une riche galerie de personnages haut en couleurs, dont plusieurs s'imposent et se démarquent aisément au fil de la narration. La série accorde un réel soin à cette dimension humaine, ce qui la rend fort sympathique. Il lui reste à bien asseoir ces différents portraits ; mais seuls le temps et les épisodes lui permettront d'acquérir la consistance et l'épaisseur qui lui font encore défaut sur ce plan.

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Sur la forme, la réalisation de The Café a été confiée Craig Cash, ce qui ne fait qu'accentuer les parallèles faits avec The Royle Family. La caméra contribue grandement à l'atmosphère de la série, exploitant à merveille le décor extérieur dont bénéficie l'histoire. Tout y est clair et bleuté ; et on ne peut rester insensible à ce charme balnéaire. C'est d'autant plus difficile que The Café s'ouvre sur une superbe reprise folk de la chanson Somewhere beyond the sea, interprétée par Kathryn Williams, qui plonge instanément le téléspectateur dans une ambiance vraiment à part, entre confort et appel du large. Cela fait rentrer le récit dans une autre dimension, presque rêveuse, nous plaçant dans les meilleures dispositions possibles pour apprécier l'épisode qui va ensuite suivre.

Enfin, The Café bénéficie d'un casting homogène, où les jeux des acteurs, avec naturel et sans excès, achèvent de convaincre le téléspectateur de s'installer devant son petit écran. Outre Michelle Terry et Ralf Little (The Royle Family), qui cumulent la double casquette d'acteurs et de scénaristes, on retrouve également à leurs côtés Ellie Haddington, June Watson, Daniel Ings (Psychoville), Phoebe Waller-Bridge, Kevin Trainor, David Troughton, Seeta Indrani, Brian Murphy, Marcia Warren, Carolin Stoltz ou encore Jack Roth.

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Bilan : Dramédie au charme désuet assumé, The Café est une série instinctivement attachante. Dans la lignée de cette mélodie introductive qui résonne longtemps dans nos oreilles, elle séduit avant tout par son ambiance. Sa tonalité trouve le juste équilibre entre une part de légèreté et un versant plus nuancé où la vie se poursuit avec ses hauts et ses bas. Cherchant à mettre en scène des instantanés qu'elle veut "typiques" de cette petite bourgade balnéaire, il lui reste à développer ses personnages pour prendre la mesure du potentiel que cette galerie foncièrement attachante laisse entrevoir. En ce qui me concerne, j'ai bien envie de me laisser embarquer.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :

03/12/2011

(Mini-série UK) The Jury II (2011) : chronique judiciaire ordinaire au sein d'un jury

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Poursuivons les week-end d'exploration du petit écran anglais sur My Télé is Rich!. Avant de bientôt revenir sur la saison 3 de Garrow's Law qui s'achève ce dimanche sur BBC1, c'est au XXIe siècle que nous retrouvons Old Bailey à l'occasion d'une mini-série judiciaire proposée sur ITV1 en ce mois de novembre 2011 : The Jury.

Écrite par Peter Morgan, cette fiction se compose de 5 épisodes. Si elle se visionne de manière indépendante, précisons qu'elle s'inscrit dans la continuité créative d'une première mini-série éponyme, datant de 2002. Drama judiciaire classique, sa particularité tient à son approche du système judiciaire : elle s'intéresse en effet à une institution spécifique, la place du jury.

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L'affaire qu'entreprend de nous relater The Jury est le procès en révision d'Alan Lane. L'homme a été condamné cinq ans auparavant pour les meurtres de trois femmes avec lesquelles il était entré en contact via un site de rencontres sur internet. A l'époque, le fait divers avait défrayé les médias. Mais la cour d'appel a infirmé et annulé l'arrêt de condamnation rendu par le premier jury, estimant qu'une des preuves apportées au dossier était irrecevable. Alan Lane doit donc être rejugé devant ses pairs.

C'est le jury convoqué pour ce nouveau procès que la mini-série va suivre. On y retrouve des personnes issues de milieux très différents, tels une assistante de direction qui se fait passer pour sa patronne débordée, une enseignante qui a eu une aventure avec élève, un immigré soudanais (la condition de résidence suffit à pouvoir être tiré au sort), un jeune homme souffrant du syndrome d'Asperger ou encore un divorcé s'occupant de sa mère malade. Chacun arrive dans le box des jurés avec son histoire et ses soucis, mais ils vont devoir se faire une opinion en conscience, car ils détiennent entre leurs mains le sort de l'accusé.

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Se réappropriant tous les codes classiques du drame judiciaire, The Jury est une fiction bien huilée qui va efficacement développer les différents volets du procès qu'elle relate, avec des audiences rythmées par les revirements que peuvent apporter les témoins et les contre-interrogatoires musclés des représentants des parties. Il faut noter que la mini-série conserve une préoccupation centrale : celle de rester le simple instantané d'une justice à l'oeuvre, peu importe l''importance de l'affaire et le volet forcément passionnel qu'elle soulève. Cette approche sobre, visant à dépeindre un fonctionnement ordinaire du système judiciaire, s'inscrit dans une recherche plus générale de représentativité.

Le même parti pris se retrouve ainsi dans la distribution des rôles au sein du jury. Fiction logiquement chorale du fait de son concept, The Jury propose un certain reflet de la société anglaise, insistant sur le caractère banal de ces jurés sélectionnés par le hasard. Si la mini-série n'évite pas certains clichés ou raccourcis pour développer les personnalités de chacun et les histoires qui leur sont attachées, en nous entrouvrant timidement les portes de la vie privée de certains, la mini-série va s'humaniser peu à peu. Elle va habilement jouer sur le contraste entre leur vie quotidienne - et leurs problèmes personnels - et les responsabilités qui leur incombent soudain, obligés de remplir un devoir au cours duquel l'avenir d'un homme est en jeu. Il est aussi intéressant de voir les réactions de chacun, face à l'affaire mais aussi par le pouvoir qui leur est confié.  

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Cependant, si la fiction s'impose comme une chronique judiciaire efficace, elle ne va pas réussir à aller au bout de son sujet. En effet The Jury reste trop timorée, ne parvenant pas à prendre la mesure des problématiques légitimement soulevées par son thème. C'est ainsi qu'elle relègue en toile de fond tout un volet qui aurait mérité d'être exploré plus avant : chaque épisode débute sur des bribes d'un débat politique, qui divise alors le pays, visant justement à remettre en cause l'acquis multiséculaire que représente l'institution du jury. La ministre de la Justice a entrepris une vaste campagne en faveur de sa suppression, invoquant pêle-mêle économies budgétaires, gains de temps et supposé laxisme.

The Jury commet sans doute l'erreur de mentionner un débat qui, pour elle, ne se pose pas et dans lequel elle ne veut pas rentrer. Les arguments qui seront avancés resteront obstinément détachés de l'affaire relatée dans la mini-série. C'est une forme de caution narrative permet d'éclairer de façon très superficielle toutes les facettes du sujet, mais sans prendre le temps de former un tout homogène. Si cela laisse sur une impression un peu frustrante, cela s'inscrit dans la continuité du parti pris du récit. La conscience de chacun des jurés du devoir qui leur incombe est la démonstration la plus éclatante du caractère profondément ancré de cet acquis fondamental du système judiciaire du pays. Si bien que la façon dont les différents membres seront affectés, à leur manière, par cette expérience ravive un sens civique qui semble être le propos premier de The Jury.

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Sur la forme, The Jury bénéficie d'une réalisation qui reste simple et classique. La photographie est dans l'ensemble assez froide, comme un écho au fait qu'il s'agisse d'une chronique judiciaire ordinaire de fait divers. Sa bande-son alterne entre une mélodie introductive plutôt envoûtante et quelques extraits de chansons qui permettent de marquer l'importance de certaines scènes.

Enfin, The Jury bénéficie d'un casting homogène globalement solide, au sein duquel le sériephile reconnaîtra notamment Branka Katicas (Big Love), Steven Mackintosh (Luther, Criminal Justice), Anne Reid (Bleak House, Upstairs Downstairs, Five Days, Marchlands), Sarah Alexander (Green Wing, Mutual Friends), Jodhi May (Strike Back) ou encore Natalie Press (Bleak House, Five Daughters). Grâce à cette galerie d'acteurs, la mini-série peut ainsi fonctionner pleinement dans sa dimension chorale.

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Bilan : Avec une sobriété à saluer, The Jury exploite efficacement son registre de chronique judiciaire ordinaire, plaçant cette institution particulière qu'est le jury en son centre. Si elle parvient à assez bien mettre en scène les dynamiques qui le traversent et vont conduire jusqu'à la décision clôturant le procès - le cinquième épisode étant à ce titre le plus réussi -, la mini-série va cependant échouer à prendre la mesure des problématiques plus générales de son sujet, alors même qu'elle prend soin d'ouvrir le débat en arrière-plan. En dépit de ce manque d'envergure qui peut lui être reproché, The Jury demeure malgré tout un legal drama intéressant qui devrait satisfaire les amateurs de ce genre de fiction.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce :