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05/09/2010

(Téléphagie) Les séries et la musique : l'univers musical des séries (occidentales) (Part. 1)

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Ayant toujours souffert d'un déficit chronique en terme de culture musicale et écoutant peu la radio, les séries ont souvent été pour moi un vecteur majeur de découvertes. Combien d'artistes devenus mes coups de coeur de la semaine, au détour d'une scène de telle ou telle fiction ? Pourtant, corrigeons quelques idées reçues. Contrairement à ce que croit Shonda Rhimes, les séries ne sont pas juste un moyen d'essayer de remplir l'ipod du téléspectateur, en lui offrant une rafale de titres pop interchangeables dans chaque épisode, au point d'en frôler l'indigestion. La musique n'a pas plus pour finalité d'assurer des transitions semblables à des clips bas de gamme et clinquants entre les scènes d'un épisode. Elle n'a pas non plus vocation à masquer et couvrir la faiblesse des dialogues ou à rectifier des scènes mal écrites.

Non, le pendant musical des séries se situe dans un registre bien plus vaste, et surtout bien plus ambitieux, où la téléphagie se décline véritablement dans un univers dérivé qui reste profondément lié à elle. Une bande-son réussie, ce sera celle qui parviendra à ne faire qu'une avec la production qu'elle est sensée accompagner (et juste "accompagner"). Ce sera celle qui saura mettre en valeur, se confondre et fusionner avec son contenu, apportant une valeur ajoutée, avant même de pouvoir être envisagée de manière indépendante. 

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La première forme d'exploitation musicale des séries passe par le biais des compositions originales, avec des morceaux spécialement conçus pour capter et retranscrire l'ambiance propre à la fiction qu'ils vont mettre en valeur. Pour se faire, la réalisation de la bande-son va être confiée à un compositeur, lequel proposera des morceaux instrumentaux (mais pas seulement) qui construiront l'identité musicale de la série. Parmi les valeurs sûres de cette industrie, quelques noms se détachent du lot. Ces dernières années, parmi les incontournables, on peut citer Bear McCreary (Battlestar Galactica, Terminator : The Sarah Connor Chronicles) ou encore Michael Giacchino (ma profonde allergie à toutes les productions de J. J. Abrams me faisant malheureusement rater pas mal de ces créations), en ce qui concerne les Etats-Unis. Toujours outre-Atlantique, il faut aussi compter avec des "classiques" valeurs sûres, comme W. G. Snuffy Walden (dernièrement dans Friday Night Lights). En Angleterre, le grand compositeur qui régale actuellement nos oreilles de téléphages, par le biais de la série Doctor Who, est Murray Gold. Ses musiques somptueuses marquent plus d'un épisode, finissant même parfois par symboliser certaines scènes ou des personnages.

En ce qui me concerne, Murray Gold et Bear McCreary occupent une place à part, autant pour leurs créations musicales que pour les séries auxquelles elles demeurent associées. Cependant, une des plus belles compositions originales jamais produites reste, pour moi, celle qui accompagna Earth Final Conflict (Invasion Planète Terre). Un bijou d'une beauté inégalée, qui reste une des premières OST de compositions originales dans laquelle j'ai investie.

Track 1, OST Earth Final Conflict
Composition : Micky Erbe et Maribeth Solomon


Si je loue le travail de Murray Gold dans la série Doctor Who, je savoure avec une certaine fascination les représentations live de ces morceaux, qui sont à la hauteur de l'oeuvre créée et dont les concerts font prendre une dimension encore supplémentaire à cette musique. 

Doctor Who, series 3 : This is Gallifrey, Our Home

Enfin, toujours dans les compositions originales, il m'était impossible de ne pas proposer un extrait de l'OST de Battlestar Galactica.

A distance sadness, Battlestar Galactica OST (season 3)


Outre les compositions originales, l'autre grande voie d'exploration musicale est le recours direct à des chansons d'artistes plus ou moins confirmés, qu'il s'agisse de grands classiques déjà populaires (il existe un catalogue d'indémodables : quelqu'un pour se dévouer à recenser le nombre de fois où Hallelujah de Jeff Buckley a retenti dans votre petit écran ?) ou de nouveautés plus underground pour lesquelles la série pourra servir de tremplin. Si intégrer ce type de musiques dans les épisodes est souvent un réflexe et semble s'imposer comme une évidence autant qu'une nécessité, il s'agit d'un outil à manier avec précaution et retenue. Combien de productions noyées sous une bande-son omniprésente, dans laquelle la faiblesse de son contenu achève de se diluer dès les premières notes d'un épisode transformé en long clip de 40 minutes ? Il faut garder à l'esprit qu'on n'en fait jamais trop peu, mais il est très facile de tomber dans l'excès opposé.

Un premier type d'utilisation de chansons, dans ce cadre, va être celui qui permet de souligner un passage particulier d'un épisode. La musique sera alors le moyen d'atteindre un degré d'intensité émotionel supplémentaire, marquant de façon encore plus profonde le ressenti d'un téléspectateur qui se laisse transporter par la force de la scène. Combien de moments téléphagiques à jamais associer à la musique qui retentit derrière ? Ainsi, les premières notes d'Only Time, par Enya, semblent destinées à toujours me transporter dans ce souvenir poignant et lacrymal que constitua la mort de Bobby, dans New York 911 (Third Watch). 

Autre mort ayant été magnifiée par l'utilisation d'une musique en arrière-plan, celle de Mark Green, dans Urgences, dont le visionnage provoque toujours chez moi un pincement de coeur :

Somewhere over the rainbow, par Israel Kamakawiwo'ole.
Urgences, 8.21


Autre façon de marquer musicalement et téléphagiquement les esprits, ce sera par le biais d'une conclusion musicale réussie. C'est-à-dire lorsque la chanson, dans ses propos comme dans son style, parvient ne faire qu'un, avec cette dernière scène pour véritablement la sublimer. Dans cette optique, une des utilisations les plus inspirées de ces dernières années se trouve à la fin de la mini-série Generation Kill. Cette fiction avait fait le choix narratif, pour coller à l'interdiction de lecteurs mp3 au sein des marines, de ne pas inclure d'éléments musicaux au cours de la série. Seule exception, retentissant de façon encore plus tranchante, la scène finale qui se clôture sur l'air de The Man comes around, de Johnny Cash, tandis que les soldats visionnent le montage amateur d'un film sur leur campagne militaire réalisé par l'un d'entre eux. Rarement choix musical aura sonné aussi juste.

The Man comes around, par Johnny Cash
Generation Kill finale

L'autre exemple de final musical qui me vient à l'esprit est un grand classique : celui de Six Feet Under, dont les scènes de vie future (et de morts) qui défilent le long de la route empruntée par Claire atteignent un niveau supplémentaire grâce au fond musical qui les accompagne. Quand musique et série ne font qu'un.

Breath me, par Sia
Six Feet Under
finale


Les séries peuvent donc intégrer dans leur bande-son des chansons en guise d'accompagnement, mais elles peuvent également franchir l'ultime barrière et se décider à faire directement chanter ses personnages. Cela peut prendre la forme d'un évènement exceptionnel, en bousculant la narration traditionnelle et en faisant adopter le format d'une comédie musicale lors d'un épisode spécial, tel qu'avait pu le faire Buffy par exemple. Ou bien, les scénaristes peuvent aussi décider d'une rupture au sein même du récit d'un épisode classique, qui comportera une chanson à forte portée symbolique. Ce fut le cas plus récemment dans un épisode de Terminator : The Sarah Connor Chronicles, où deux personnages reprennent une vieille ritournelle écossaise, tandis que parallèlement, d'importants évènements se déroulent pour les protagonistes principaux. Cette scène est une belle illustration d'une initiative décalée originale et réussie.

Donald, where's your trousers ?
Terminator : The Sarah Connor Chronicles, 2.21


Toujours dans l'optique de faire chanter ses personnages - sans aller jusqu'à embrasser complètement le modèle comédie musicale à la manière de Glee l'an passé -, l'attirance vers les shows musicaux de David E. Kelley n'a jamais été un secret téléphagique bien gardé. La série qui lui a permis de pleinement mettre en scène ces élans musicaux est Ally McBeal, où la loufoquerie générale de l'univers créé (avec la contamination générale des téléspectateurs par les rythmes de Barry White) et le bar qui offrait un lieu de réunion propice aux performances musicales publiques ont grandement contribué à enrichir les soundtracks de ce legal drama qui s'est amusé de bien des conventions.

Qui se souvient encore de la chorégraphie ?

You're the first, the last, my everything, par Barry White
Ally McBeal

Ally McBeal nous a en plus offert quelques duos inédits, ayant une classe folle (et voilà d'où vient mon amour pour Robert Downey Jr.) :

Robert Downey Jr & Sting, Every breath you take (Ally McBeal)

 

Tous ces exemples n'ont rien d'exhaustif et sont très subjectifs, mais voilà brièvement présentée la manière dont j'aborderai le volet musical des séries si j'avais à faire cet exposé. Je retiendrais tout particulièrement la diversité des façons par le biais desquelles les séries peuvent se décliner dans un univers musical qui leur est propre. L'important reste de ne jamais rompre ce lien devant se créer entre la série et sa bande-son, qu'il s'agisse de compositions originales ou de chansons d'artistes confirmés. Le choix des genres musicaux, comme des thématiques mêmes des chansons, est particulièrement important.

On oublie encore trop souvent que construire et façonner une identité musicale pour une série, ce n'est pas seulement superposer une chanson sympathique aux images vidéos qui défilent... Mais, au milieu des ratés a-créatifs toujours trop présents chaque saison et que l'on oubliera sitôt l'épisode fini d'être visionné, il existe également de petites perles musicales et des associations séries/musiques qui vont contribuer à marquer grandement l'histoire téléphagique de chacun d'entre nous. Ce billet a été conçu comme un hommage à ces instants magiques où ces deux sphères culturelles se rejoignent pour ne faire plus qu'une.

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Et vous, comment vivez-vous le volet musical des séries ? Est-ce pour vous un aspect important, ou plutôt anecdotique ? Quels sont les passages où cette alliance musique+série a pu marquer votre passion ?


[Ce billet était consacré uniquement aux séries occidentales, et plus précisément américaines, avec une pointe d'anglicisme. La seconde partie de cet article sur "Les séries et la musique" arrivera dans les jours qui viennent et portera sur un pays où la maîtrise de l'univers musical de ses productions télévisées est sans doute la plus aboutie : la Corée du Sud. Elle méritait pour cela un article à part.]

04/09/2010

[TV Meme] Day 3. Your favorite new show (aired this tv season).

Question qui tombe à un moment particulier, le hasard me faisant y répondre début septembre, alors que la nouvelle saison US s'apprête à débuter. Reste que je n'ai pas trop su comment délimiter le "this tv season" : faut-il prendre en compte toute la saison 2009-2010 depuis septembre dernier ? Seulement l'été ? Et comment imbrique-t-on les saisons asiatiques là-dedans ? Après de longs dilemmes méthodologiques, puis tout autant de tergiversations pour arriver à choisir, je me suis arrêtée sur la série qui a sans doute généré en moi le plus de plaisir. Même si elle fut brève, s'apparentant presque autant à une promesse pour le futur qu'à une réelle installation présente. Mais elle a incontestablement illuminé mon été téléphagique.

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Sherlock

(2010 - BBC1)

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"I'm not a psychopath, I'm a high-functioning sociopath." (Sherlock Holmes)


Parce que les classiques ne meurent jamais. (Et hop, c'est le moment de faire un petit tour à la bibliothèque pour se replonger dans le canon Holmes-ien.)
Parce que tous les anti-héros surdoués asociaux qui peuplent notre petit écran de nos jours (le docteur House vous salue) sont des héritiers, à des degrés divers, d'Arthur Conan Doyle, il était donc grand temps et logique de permettre à l'original de se rappeler au bon souvenir de chacun. Surtout en y mettant autant de conviction.
Parce qu'il est tellement rare de voir une adaptation littéraire, doublée d'une modernisation, aussi bien menée et aboutie, capable de préserver l'esprit et l'ambiance de l'oeuvre originale, tout en étant en mesure de transposer et de tirer le meilleur parti du nouveau cadre moderne.
Parce qu'il est impossible de bouder ce plaisir à l'état pur que provoquent les délicieux dialogues, superbement enlevés et ciselés, qui rythment cette série.
Parce que des scénarios écrits par Steven Moffat (1er épisode) et Mark Gatiss (3e épisode), c'est un moment de communion téléphagique qu'il serait blashpématoire de rater.
Parce que Benedict Crumberbatch surprend agréablement dans un rôle qu'il investit avec une maîtrise admirable, présentant une incarnation convaincante de Sherlock Holmes, tour à tour brillant, excentrique, versatile ou orgueilleux.
Parce que les petits thèmes musicaux qui accompagnent certaines scènes sont entraînants à souhait (si même la forme est à la hauteur...).
Parce que vous avez une longue année pour rattraper les 3 épisodes de 90 minutes que comporte la première saison : la seconde n'arrivera pas avant l'automne 2011 sur BBC1.
Parce que vous n'aurez absolument aucune excuse pour ne pas la tenter si vous habitez en France : la série aura même droit à une diffusion en clair sur la TNT, elle est annoncée sur France 4.


La bande-annonce de la série :


Steven Moffat and Mark Gatiss interview (sur la création d'un Sherlock Holmes moderne) :


Benedict Cumberbatch dans BBC Breakfast (interview) :

01/09/2010

(Pilote / K-Drama) My Girlfriend is a Gumiho : une comédie légère autour du plus improbable des duos


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La "saine concurrence", version chaînes sud-coréennes, c'est aussi une certaine tendance à lancer concomitamment des projets surfant sur des sujets proches, même si leur traitement peut ensuite se révéler très différent.  Tenez, pas plus tard que cette semaine, en lisant la news sur le projet mis en chantier par KBS autour d'un drama intitulé President, on se disait quand même que ce n'était pas si éloigné, du moins dans le sujet, d'un autre projet, développé actuellement (et aux dates de tournage constamment repoussées) par SBS, intitulé Daemul. La perspective d'aller découvrir les coulisses de la Maison Bleue à travers deux approches très différentes est bien évidemment excitante, mais cela ne change rien à cette impression qu'il y a comme un écho dans la sphère de l'entertainment sud-coréen.

Cet été, les dramas ont aussi fonctionné par paire. La guerre de Corée y a eu tout d'abord droit (Comrades / Road Number One). Et, enfin, c'est aussi le sort qui a été réservé au mythe du gumiho. On pourrait fustiger un problème sur le plan de la création, mais, au vu des résultats, ce reproche tombe peut-être de lui-même... En fait, c'est surtout l'occasion de constater la diversité de traitements possibles que peut offrir un même sujet. Le cas du gumiho l'illustre bien. Tandis que KBS2 optait pour une approche plus dramatique, avec un cadre historique, SBS ne visait sans doute pas exactement la même cible en lançant le 11 août 2010 sa propre révision du mythe, signée par les soeurs Hong (My Girl, Hong Gil Dong, You're Beautiful). My Girlfriend is a Gumiho se présentait a priori comme une comédie toute légère, aux allures innocentes. C'était d'ailleurs dans ce dernier aspect que résidait ma principale crainte, avant de me lancer dans la découverte de ce nouveau drama. Je sais par expérience que l'excès de légèreté peut parfois m'empêcher d'apprécier une série.

Au final, après deux épisodes, mes hésitations premières ont été en partie confirmées. J'ai pourtant passé un moment assez sympathique devant mon petit écran, même si je ne suis pas (encore ?) vraiment sous le charme (mes oreilles, en revanche, le sont de l'OST).

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My Girlfriend is a Gumiho est une comédie dont le concept de départ est parfaitement résumé dans son titre. Il s'agit de l'association d'une paire improbable, dont les étincelles vont rythmer le drama au fil de l'évolution respective de nos deux héros et du fait que se côtoyer l'un l'autre leur apprendra sans doute certaines choses. Ainsi présenté, il est clair que cette série ne va pas révolutionner les codes narratifs du genre : nous avons là une dynamique dans la plus pure tradition des comédies romantiques coréennes. Mais, pour mettre un peu de piment à l'ensemble, il y a quand même un sacré twist original : l'introduction d'un élément de fantastique qui permet, dans le même temps, une modernisation du mythe du gumiho.

Dans ce drama, l'histoire de notre créature légendaire débute il y a cinq siècles, lorsqu'elle fut relâchée sur la Terre par une des déesses du panthéon polythéiste de l'époque. Faisant tourner toutes les têtes masculines de Joseon au point de mettre en péril le royaume, la déesse, répondant aux suppliques de ses fidèles, lui retira ses attributs en la privant de ses neufs queues et captura la belle et troublante gumiho pour la figer dans un dessin. Cinq cents ans passèrent. Le monde moderne arriva. Et la peinture, dans laquelle la gumiho était prisonnière, devint un objet relevant du patrimoine culturel, conservé dans une maisonnée dépendant d'un temple. La belle aurait pu se morfondre encore longtemps, si les circonstances n'avaient pas placé sur sa route, un jeune homme, un brin dispersé.

Cha Dae Woong est en effet un étudiant, quelque peu rêveur, excessivement spontané, avec une tendance certaine à fuir les responsabilités comme les obligations. Beaucoup de prédispositions pour pleinement profiter du compte en banque bien fourni de grand-père, moins pour satisfaire les exigences de vie de ce dernier. Après une énième remise au point ponctuée par une fuite dans un style bien à lui, Dae Woong se retrouve finalement dans ce petit coin oublié, face à ce dessin... Se laissant convaincre, au cours d'une nuit d'orage, par la voix qui le presse de dessiner neuf queues au renard de la peinture, il libère ainsi sans le vouloir la gumiho. Mais, dans la précipitation, en s'échappant ensuite dans les bois, Dae Woong fait une lourde chute qui le laisse presque mourant. Comme il l'a libérée, la gumiho décide de le sauver en lui donnant une perle de son pouvoir, scellant ainsi le lien qui va unir ces deux êtres dont l'association forcée paraît a priori si improbable.

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La première caractéristique de My Girlfriend is a Gumiho qui est à la fois un de ses atouts, mais aussi une de ses immédiates limites, c'est l'instantanée sensation de légèreté qui se dégage de l'ensemble du drama. Nul doute que les scénaristes se positionnent ici dans le registre d'une comédie où, derrière l'apparente simplicité, s'installe une construction narrative alambiquée à souhait, parfaitement assumée et mise en scène sans arrière-pensée. Les retournements de situations et autres petits gags ne chercheront pas à faire dans l'originalité, ni dans la subtilité. On n'échappera pas à divers poncifs. Mais alors que dans d'autres dramas, certains passages auraient pu paraître franchement poussifs, voire indigestes, dans My Girlfriend is a Gumiho, le style lui permet de bénéficier d'un téléspectateur finalement plus réceptif ou conciliant (c'est selon). Car
tout ceci est en quelque sorte canalisé par une désarmante innocence d'écriture assez caractéristique de ce type de drama, qui confère aux situations mises en scène une sensation diffuse de fraîcheur.

S'imposer dans ce registre léger à l'excès permet à la série de pouvoir se reposer sur ce qui est sans doute son attrait majeur pour capter l'affectif du téléspectateur, à savoir, son couple principal. Fort logiquement, les rapports de ces deux personnages s'avèrent fortement chaotiques et hautement explosifs. Nul n'aurait pu imaginer une autre situation. Le rapport de force étant ce qu'il est - et la frayeur de Dae Woong de se retrouver face à une créature légendaire se trouvant décuplée par la découverte de la gravité des blessures qu'elle a permis de soigner -, s'installe entre eux une dynamique plaisante à suivre. Le twist fantastique permet une redistribution des cartes pas inintéressante pour une comédie romantique, même si on peut rapprocher la gumiho de la figure de la "femme forte" dans certaines fictions du genre. Reste qu'il y a cette pointe d'originalité : la vie de Dae Woong dépend désormais de sa capacité à satisfaire cette si troublante, mais pas forcément douce, gumiho. Les besoins de cette dernière sont d'ailleurs pour le moment d'un ordre purement et bassement alimentaire, permettant un running-gag récurrent autour des envies de viande de la belle. Tout cela s'emboîte de façon sympathique. Cela ne vole pas haut, ne présente pas de grandes ambitions, mais il y a une dimension humaine tout en candeur qui permet à la série d'imposer son ambiance et ses choix scénaristiques.

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Cependant, si sa légèreté offre la possibilité à My Girlfriend is a Gumiho de passer certains écueils sans encombre, le revers de la médaille est qu'elle confine d'emblée le drama dans une sphère narrative très restreinte. L'histoire, fonctionnant par à-coup, manque d'épaisseur, voire de consistance : on se perd un peu au milieu de la volatilité des multiples twists et retournements de situations. Il s'agit de s'amuser sans se prendre au sérieux (ou alors les sangliers seraient devenus carnivores en Corée ?). Ces enchaînements d'évènements, suivant un rythme opportunément élevé, paraissent parfois un peu excessifs, semant le téléspectateur en cours de route. Cette exploitation poussée de la fibre divertissement/comédie est encore plus criante en ce qui concerne les personnages secondaires, caricaturaux à l'extrême, qui se voient attribuer un rôle de faire-valoir des héros ou simplement de détenteurs de petites intrigues parallèles assez lourdement écrites (la tante).

Tout cela donne au final un ensemble pas toujours pleinement équilibré ; mais, surtout, ce qui est le plus dommageable, c'est que ces éléments inscrivent le drama dans le registre du "vite visionné, vite oublié". Le couple principal est attachant, le cocktail prend bien entre eux, et, de manière générale, la tonalité d'ensemble se suit avec plaisir, mais il manque quelque chose, un liant, une consistance, pour s'assurer du caractère marquant de la série. Pour proposer autre chose qu'un "visionnage sans conséquence", le drama devra sans doute essayer de gagner en nuances et en subtilités d'écriture.

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Si My Girlfriend is a Gumiho est parfois un peu juste en terme de contenu, elle est en revanche, sur la forme, en tout point aboutie et soignée. La réalisation alterne entre plans rapprochés et prises de vue d'ensemble, délivrant de magnifiques images, toujours très esthétiques et parfois mêmes assez poétiques. Les scènes dans le passé, notamment, sont particulièrement bien réussies. Au-delà de ce beau cadre ainsi porté à l'écran, le drama bénéficie d'un autre atout important : une superbe bande-son (mais c'est une caractéristique plus que récurrente des dramas sud-coréens), avec plusieurs chansons thématiques déjà marquantes et une utilisation inspirée qui permet de souligner la portée de certains passages. Voici donc un drama admirablement bien maîtrisé sur la forme.

Enfin, côté casting, comme nous nous situons dans le registre de la comédie, logiquement nous retrouvons une certaine tendance à verser dans le sur-jeu. Cela se ressent particulièrement du côté des acteurs secondaires, sans doute accentué par le creux de leurs storylines. En ce qui concerne les acteurs principaux, Shin Min Ah (A love to kill, The Devil) illumine l'écran à la manière de la gumiho qu'elle est sensée incarner. Jouant sur le décalage entre son apparence et sa nature de créature légendaire (son rapport à la viande, etc.), elle pétille en apportant une fraîcheur très agréable. Pour compléter le duo, Lee Seung Ki (Shining Inheritance) reprend un rôle nécessitant moins de retenue. Le personnage est théâtral, volontairement excessif dans ses réactions, si bien qu'il est logique que l'acteur investisse ce registre comique. A leurs côtés, la faible exploitation des autres acteurs ne leur permet pas pour l'instant de véritablement briller, même si Byun Hee Bong (My Girl, The Sons of Sol Pharmacy House) m'a décrochée quelques sourires, face aux attitudes qu'il peut adopter face à son petit-fils. On retrouve également à l'affiche No Min Woo (Pasta), Park Soo Jin (Loving you a thousand times, Queen Seon Deok) ou encore Yoon Yoo Sun (Robber, Queen Seon Deok).

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Bilan : My Girlfriend is a Gumiho s'impose instantanément comme une comédie très légère. Elle capitalise sur la sympathie qui se forme autour d'un duo principal très attachant, dont la dynamique insuffle une certaine fraîcheur à l'ensemble. Bénéficiant d'une écriture d'une désarmante innocence, ce drama se révèle plaisant à suivre, sans pour autant véritablement marquer. On se situe pour le moment dans le registre du "visionnage sans conséquence", n'échappant pas à certains lourds poncifs "comiques" et à un relatif manque d'épaisseur des intrigues qui s'avère parfois un peu gênant.

Au fond, l'appréciation de My Girlfriend is a Gumiho dépendra sans doute en partie d'un choix volontaire et conscient du téléspectateur : sa capacité à embrasser cette innocente fable amoureuse, sans arrière-pensée et sans exiger plus de densité. Pour s'inscrire dans la durée, il faudra surveiller si, à mesure que les storylines se complexifient et se croisent, la série est capable de gagner en consistance.


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce de la série :


Une des chansons de l'OST, interprétée par Lee Seung Ki (l'acteur principal), intitulée "Losing my mind" (avec sous-titres anglais) :