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13/07/2010

(US) Justified, saison 1 : le charme atypique d'une série entre western et cop-show (Bilan)


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Si j'ai la critique facile envers les productions d'outre-Atlantique, il serait faux d'affirmer que je n'ai pas trouvé nouveautés téléphagiques à mon goût sur les ondes américaines depuis le début de l'année 2010. Je me suis considérablement attachée à plusieurs productions, à commencer par une série qui aura beaucoup navigué à vue, se construisant et s'affirmant progressivement au fil des 13 épisodes qui composèrent sa première saison : Justified.

Ce nouveau programme de FX, débuté sur un pilote aussi ambitieux qu'avare en indication sur la suite de la fiction (cf. ma critique publiée au mois de mars : Justified, héros anachronique d'un polar hors du temps), aura peu à peu atteint un rythme de croisière et une tonalité prenante et divertissante, pas forcément celle attendue, mais incontestablement accrocheuse ; suffisamment, en tout cas, pour que j'éprouve beaucoup de plaisir à la suivre.

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Si Justified a marqué les esprits, c'est tout d'abord grâce à l'atmosphère que les scénaristes sont parvenus à installer. Étrangement indéfinissable, entre dramaturgie théâtrale et second degré salvateur, elle se sera aisément détachée de la simple série policière, embrassant une originalité attrayante et assumée. Plus que ses protagonistes majeurs, c'est dans ses personnages secondaires et ses invités d'un jour, que la série aura trouvé cette tonalité un peu atypique. Par exemple, loin de faire de ses bad guy d'un épisode des prétextes unidimensionnels et sans âme, rapidement évacués, dont le seul objectif serait de mettre en valeur ses héros, Justified aura, au contraire, soigné sa dimension humaine de la plus intrigante des manières.

S'attachant à caractériser et individualiser toutes les figures croisées au cours d'une enquête, la série s'est révélée sans égale pour humaniser ses méchants, à travers deux ou trois petites scénes à la tonalité aussi décalée que détonnante, qui auraient été des détails anecdotiques dans n'importe quel autre show. Jouant sur cette ambiance versatile, essayant beaucoup sans toujours réussir, Justified a ainsi eu le mérite de rompre avec la tentation d'une énième déclinaison de série policière. Maniant avec habileté une autodérision revendiquée, exacerbant certains poncifs ou faisant preuve d'une surprenante subtilité à l'occasion, elle aura gagné, à travers ses expériences narratives, un style qui lui est propre et qui tranche singulièrement dans le paysage téléphagique apathique actuel.

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Au-delà de cette atmosphère qui aura souvent réservé des scènes jubilatoires au téléspectateur, la saison n'aura pas démenti mon qualificatif de "western anachronique" employé pour le pilote. La série aura conservé et exploité, avec un enthousiasme communicatif, quelques-uns de ses repères fondateurs. On y retrouvera, tout au long de la saison, des héros à la gâchette facile, une ambiance très redneck s'épanouissant dans le cadre d'un Kentucky profond qui n'aura sans doute jamais paru aussi sauvage et autonome. Elle sera ainsi parvenue à s'installer crânement dans un créneau, qui aura constitué une de ses attractions les plus solides, loin de tout environnement policé ; d'aucuns diraient "civilisé".

Pourtant, l'enjeu réel de cette première saison aura finalement été ailleurs. Justified aura en effet été parcourue d'une hésitation récurrente sur le format à adopter. Le pilote posait un ton, laissait entrevoir des potentialités, mais n'avait pas résolu une question fondamentale : formula show ou série feuilletonnante ? Une enquête par épisode, ou bien des fils rouges s'imbriquant dans le récit ? Cette problématique aura monopolisé les scénaristes tout au long d'une saison, qui aura été remplie d'hésitations et d'essais plus ou moins concluants sur le sujet. Débutée sur les bases d'un formula show traditionnel, où seule sa tonalité tranchait, la série délaissera progressivement ce schéma pour se tourner vers une approche plus feuilletonnante, où les fils rouges prirent le pas sur les "affaires d'un jour".

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Cette importante fluctuation narrative aura été l'occasion d'être le témoin privilégié d'une expérience scénaristique rare. Le téléspectateur aura en effet assisté à toutes les tergiversations d'écriture qu'aura connues une série dont le cadre n'était manifestement pas strictement fixé dès le départ. De tâtonnements hésitants en ajustements progressifs, Justified sera ainsi passée des stand-alones aux épisodes feuilletonnant. A travers cette évolution, l'enjeu était de savoir comment exploiter au mieux l'univers posé. L'option de facilité aurait consisté à simplement s'enfermer dans des stand-alones, saupoudré d'une pointe de fil rouge, prétexte à retenir l'attention des tééspectateurs sur le long terme, d'une façon très "CBS-like". Mais finalement - et heureusement ! -, les scénaristes auront su adopter une construction narrative plus ambitieuse, et, en cela, beaucoup plus satisfaisante pour le téléspectateur.

En effet, peu à peu, l'arc majeur, reprenant les thématiques notamment familiales déjà entre-aperçues dans le pilote, aura pris le pas sur tout le reste. Hautement symbolique, la boucle se referme superbement avec la conclusion de la saison, reflet de tous les évènements qui auront marqué les 12 épisodes précédents. L'explosion finale apparaît comme une conséquence, aussi directe que logique, des différents choix faits par les principaux protagonistes. Des alliances de circonstances aux étincelles des clashs, les rapports entre les personnages auront fluctué au fil de la saison. Cependant, par-delà cette volatilité humaine constante, avec les décisions prises par les uns et les autres, on se dit que Justified n'aurait pu terminer d'une autre manière sa première saison, tant finalement tout s'emboîte en une vaste confrontation inévitable, entérinant des désunions comme des retrouvailles qui coulent de source.

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Bilan : Cette première saison de Justified n'aura pas été parfaite, loin de là. Hésitante jusque dans les schémas narratifs à adopter, elle aura été le théâtre de nombreux essais et expériences de le part de scénaristes qui n'auront tranché que progressivement entre le formula show et le feuilletonnant, optant finalement opportunément pour la seconde option.

Pourtant, Justified aura séduit et m'aura procuré beaucoup de plaisir. Par sa richesse humaine et la dynamique rafraîchissante utilisée pour l'exploiter. Par sa tonalité décalée, naviguant entre une pointe de dramaturgie et une touche d'autodérision. Elle aura investi ce créneau indéfinissable du western anachronique avec classe et assurance, ne recherchant jamais un rigoureux réalisme. Tout ne fut pas pleinement maîtrisé, mais elle aura toujours mis un entrain communicatif à tenter des choses, réussissant à rendre certains passages jubilatoires.

S'il faudra voir comment la série recyclera ou progressera dans les thèmes abordés au cours de ces 13 premiers épisodes, les scénaristes pourront peut-être profiter de leur expérience pour faire que la saison 2, déjà commandée, soit plus aboutie et maîtrisée, pour permettre à la série de franchir un palier supplémentaire.


NOTE : 7,5/10


Le générique (classe !) de la série :