21/12/2011
(K-Drama) The Sandglass : trois amis dans la tourmente politique sud-coréenne des années 70 et 80
C'est un mercredi asiatique consacré à un classique que je vous propose aujourd'hui ; un de ces classiques qui n'a pas usurpé la réputation qui le précède. Pour être honnête, j'ai longtemps attendu, secrètement espéré, avoir un jour l'occasion de regarder un drama comme The Sandglass, une série qui traite sans détour de l'Histoire récente de la Corée du Sud, mêlant politique, mafia et destinées personnelles. Cette fiction concentre en son sein tous les ingrédients et grandes dynamiques qui font la force du petit écran sud-coréen. C'est sans conteste un des meilleurs k-dramas qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent, et indéniablement un des plus marquants.
Il faut croire que je n'avais sans doute pas cherché dans la bonne direction pour découvrir ce genre de fictions, puisque The Sandglass est aussi désormais le plus ancien drama que j'ai visionné. Il fut en effet diffusé sur SBS du 10 janvier au 16 février 1995, chaque semaine du lundi au jeudi soir. Comportant un total de 24 épisodes, il reste un de ces "national dramas" qui ont marqué tout un pays, et ses taux d'audience demeurent à ce jour parmi les plus élevés des séries sud-coréennes : son dernier épisode atteignit presque 65% de part de marché. Certes, l'aura qui entoure The Sandglass, notamment en raison des évènements qu'elle porta à l'écran, est imposante, mais c'est aussi un drama particulièrement abouti représentant tout un savoir-faire.
The Sandglass raconte la vie de trois jeunes gens, de leur adolescence jusqu'à l'âge adulte, plongés dans le tumulte politique sud-coréen des années 70 et de la première moitié des années 80.
Tae Soo et Woo Suk se sont connus sur les bancs du lycée. Rien ne semblait a priori les destiner à forger cette amitié qui résistera à toutes les épreuves : Tae Soo est le fils d'une courtisane, laissant le plus souvent ses poings s'exprimer pour lui, tandis que Woo Suk fait figure d'élève modèle, issu d'une famille de paysans austères, dont le père rigide entend bien le voir gravir les échelons de la hiérarchie sociale. Si pendant un temps, Woo Suk détournera Tae Soo de son inclinaison pour l'argent facile, les deux amis verront leurs chemins se séparer définitivement à la sortie du lycée. Le passé communiste du père de Tae Soo l'empêchera d'embrasser la carrière militaire dont il rêvait, le rejetant irrémédiablement dans la vie de gangster, tandis que dans le même temps, Woo Suk entre à l'université ambitionnant de devenir procureur.
C'est à la fac que le désormais étudiant en droit va croiser la route de Hye Rin, une jeune femme engagée politiquement dans toute cette agitation qui gagne alors les universités sud-coréennes. Ce qu'elle ne révèlera que plus tard, c'est qu'elle est aussi la fille d'un très riche propriétaire de casinos, bien introduit auprès des instances dirigeantes du régime. C'est grâce à Woo Suk que Hye Rin rencontre Tae Soo, au cours d'une visite de ce dernier à son ami. Le choix de carrière de Tae Soo, désormais arrêté dans le banditisme, déçoit par Woo Suk, cependant Hye Rin n'est pas insensible à ce jeune homme aux activités troubles, mais plein d'assurance. Les trois jeunes gens partageront ainsi quelques temps d'insouciance, vite rattrapés par la réalité d'une Corée du Sud en ébullition. Si les circonstances les précipiteront dans des camps opposés, ils ne perdront jamais de vue l'amitié qui les aura unis et qui restera toujours une constante de leurs vies.
The Sandglass se démarque tout d'abord par la richesse de son histoire et des thématiques que cette dernière va lui permettre d'aborder. Dans la première partie du drama, les vies des personnages principaux se confondent avec les remous de l'Histoire du pays, dressant un portrait détaillé et nuancé de la Corée du Sud durant sa dernière décennie d'autoritarisme. Du milieu des années 70 jusqu'au début des années 80, sous la dictature du général Park Chung Hee, puis du nouvel homme fort qui lui succède, Chun Doo Hwan, la série s'intéresse plus particulièrement aux mouvements de démocratisation qui parcourent la société et notamment le milieu universitaire, tout en mettant également en lumière la répression ferme dont ils font l'objet. Si l'agitation reste circonscrite jusqu'en 1979, l'assassinat du président Park par le directeur de la KCIA à la fin de l'année ouvre une période d'incertitude au cours de laquelle les aspirations démocratiques trouvent à s'exprimer. Elles ne seront que plus durement réprimés par le nouveau régime.
Durant ce printemps 1980, un des passages les plus marquants du drama reste sans conteste son récit du soulèvement et du massacre de Kwangju, en mai 1980. L'intervention militaire dans cette ville insurgée fit plusieurs centaines de morts, le bilan restant toujours incertain. Longtemps passés sous silence, la version officielle des évènements parlait alors de troubles causés par des sympathisants nord-coréens. Pour bien comprendre l'impact qu'a pu avoir la diffusion de The Sandglass, il faut se replacer à l'époque de sa diffusion : en 1995, la série permit aux téléspectateurs sud-coréens de découvrir dans leur petit écran la réalité de Kwangju, en proposant une reconstitution minutieuse basée sur des récits de témoins. Le drama quitte ici le cadre du simple divertissement pour restaurer une mémoire occultée. Contribuant à libérer la parole autour de ces blessures du passé, les sujets ainsi traités confère à cette oeuvre une dimension particulière.
S'il écrit avec ses personnages des pages d'Histoire qui interpellent, The Sandglass demeure un drama qui entremêle habilement la grande et les petites histoires. Sa réussite est justement d'être le récit de trois destinées personnelles, imbriquées dans un grand portrait plus vaste, à la fois social et politique, de la Corée du Sud de l'époque. Ainsi, si Woo Suk restera toujours concentré sur ses études, ne prenant pas part aux protestations, l'implication politique de Hye Rin nous permet de découvrir les réseaux étudiants de protestations, la série éclairant surtout leur répression par le régime dictatorial en place. Les arrestations, les tortures, mais aussi le fonctionnement des cercles de pouvoir et d'influence à cette époque, rien n'est passé sous silence. Il y a dans ce drama une volonté manifeste de réalisme qui donne une portée considérable à son propos.
Représentatifs du parti pris narratif des scénaristes, les épisodes 7 et 8, consacrés au soulèvement de Kwangju, sont ainsi d'une intensité dramatique aussi impressionnante que marquante. Les dynamiques de fond de la série y apparaissent déjà parfaitement maîtrisées. Les destinées de chacun se croisent et s'entre-choquent : tandis que Woo Suk effectue son service militaire dans les forces d'intervention qui sont envoyées sur place, Tae Soo se bat aux côtés des habitants, entraîné par un de ses amis, alors même qu'il avait jusqu'à présent oeuvré pour le parti au pouvoir dans des opérations commando contre l'opposition. En introduisant ses protagonistes de part et d'autre du champ de l'affrontement, le drama multiplie les points de vue et permet de ne jamais tomber dans le manichéisme. C'est une constante tout au long de la série : elle laisse les protagonistes seuls face à leur décision et à leur conscience ; aucun jugement n'est jamais exprimé. Toutes ces destinées reflètent avant tout les déchirements qu'ont vécu les habitants du pays. Et si le drama revêt souvent des accents tragiques, il semble aussi toujours parcouru par un véritable souffle épique qui captive le téléspectateur.
La seconde partie de The Sandglass quitte le devant de la scène, pour nous immerger dans les coulisses du pouvoir. Elle se réapproprie alors habilement les codes narratifs des fictions de gangsters. A l'action et à la spontanéité de la jeunesse succèdent des pourparlers et des négociations, toujours arbitrés par des rapports de force mouvants. La série scelle ainsi le passage à l'âge adulte des personnages : marqués par les évènements dont ils ont pu être les acteurs ou les témoins dans leur jeunesse, leur accession aux responsabilités s'opère dans le tourbillon des changements qu'occasionne la cinquième République. Dépeignant l'ouverture progressive et timide vers une démocratisation qui ne sera consacrée qu'à la fin des années 80, The Sandglass conserve intact son savoir-faire pour parvenir à nous impliquer dans le sort individuel de ses personnages, tout en éclairant plus largement la situation du pays.
Le portrait que la série dresse des élites reste très sombre et sans illusion, n'hésitant pas à détailler les systèmes de corruption généralisée qui ont cours pour se maintenir au pouvoir. A nouveau, une efficace distribution des rôles s'opère parmi les personnages, permettant d'aborder les différents sujets sous tous les angles : tandis que Hye Rin investit sib rôle d'héritière, ambitionnant de légaliser le commerce des casinos, Woo Suk devient procureur. Il souhaite s'attaquer à cette mafia institutionalisée par les liens qu'elle a noués avec les instances dirigeantes. Or Tae Soo s'est lui justement imposé au sein de cette pègre qui reste instrumentalisée par les cercles du pouvoir. Les choix qu'ils seront amenés à faire, dictés par leurs principes mais aussi leurs sentiments, les conduiront tous à se heurter à ce système dont l'opacité et l'influence semblent demeurer inébranlables.
Mais au-delà de toutes ces turbulences politiques, The Sandglass est une histoire d'amitié. Une loyauté indéfectible unira jusqu'au bout ces trois jeunes gens emportés par les mutations d'un pays, et qui resteront fidèles à eux-mêmes jusqu'au bout. Le souci de réalisme se retrouve dans la manière dont sont dépeintes leurs relations. C'est avec beaucoup de subtilités et de nuances que la série esquisse un triangle amoureux qui ne tombera jamais dans la caricature ; les expériences de vie éloigneront logiquement Woo Suk, tandis qu'un lien très fort se nouera entre Hye Rin et Tae Soo. Si le drama n'a pas son pareil pour nous faire partager leurs doutes, la force de ces histoires sentimentales tient au fait que les scénaristes ne cherchent pas à faire rêver de façon utopique : nous ne sommes pas dans une comédie romantique, leur affection réciproque n'occultera jamais les disparités sociales et les milieux différents que chacun incarne.
L'amour entre Hye Rin et Tae Soo, destiné à rester contrarié, rejoint la tonalité d'ensemble d'une série où le parfum de tragédie n'est jamais loin ; ce n'est pas la fatalité qui est ainsi soulignée, simplement les aléas d'une vie en ces périodes très tourmentées. Sachant constamment se renouveler, évoluant avec logique au gré des décisions prises et ne tombant jamais dans une répétition des mêmes schémas, les rapports entre les trois protagonistes se distendront, mais leur lien ne disparaîtra jamais. Respectant jusqu'au bout son parti pris de ne rien édulcorer, l'épisode final offrira la conclusion la plus logique et légitime, mais aussi la plus poignante et déchirante à ces amitiés. Le respect demeurera jusqu'au bout indéfectible, mais les choix de vies finiront logiquement par les opposer. La fin de The Sandglass marque durablement le téléspectateur, et apparaît vraiment à la hauteur de la qualité et de l'intensité d'un drama qui se vit aux côtés de ses personnages.
Solide sur le fond, The Sandglass l'est également sur la forme. La série bénéficie d'une réalisation impeccable qui se démarque tant par sa maîtrise d'ensemble, que par sa capacité à en dire beaucoup sans avoir besoin que les protagonistes prononcent la moindre parole. La caméra n'a pas son pareil pour jouer sur la symbolique des mises en scène : elle sait pleinement occuper l'espace de chaque scène, mais également vraiment bien mettre en valeur un simple échange de regards ou un silence qui sera aussi explicite et fort que bien des lignes de dialogues. La série emploie d'ailleurs opportunément toutes les techniques de narration, notamment certains montages en parallèle qui rendent plusieurs scènes vraiment marquantes.
De plus, le drama dispose d'une superbe bande-son. Outre un thème musical qui oscille entre mélancolie et déchirement, correspondant parfaitement à l'ambiance générale, retentit également, généralement une fois par épisode, une chanson phare un peu surprenante, puisqu'elle est russe : il s'agit de Zhuravli (Cranes), par Joseph Kobzon, dont les paroles originales sont dédiées aux soldats soviétiques tués. Se confondant complètement avec la tonalité de The Sandglass, elle apporte une dimension émotionnelle supplémentaire aux passages qu'elle accompagne et restera toujours associée à la série.
Enfin, ce drama rassemble un impressionnant casting qui va contribuer à donner une âme à toute cette galerie de personnages, principaux comme secondaires. Au sein du trio central, c'est sans doute Choi Min Soo (South of the Sun, The Legend, Warrior Baek Dong Soo), dans un rôle aux accents fatalistes, qui s'avère le plus impressionnant, incarnant un personnage plein d'assurance qui va grimper avec détermination les échelons de la hiérarchie mafieuse, tout en restant fidèle à lui-même et à son histoire jusqu'au bout. A ses côtés, Park Sang Won (Eyes of Dawn, The Legend, Dream) incarne avec sobriété, et tout autant de loyauté, ce jeune homme modèle, pour qui la réforme du système passera par l'intérieur des institutions. Enfin, complétant ce triangle, Ko Hyun Jung (What's Up Fox ?, Queen Seon Duk, Daemul) aura sans doute eu la figure la plus changeante de ce drama, perdant bien des illusions et un instant son âme dans son accès aux responsabilités ; mais l'actrice aura parfaitement su retranscrire la force de caractère constante de la jeune femme.
Cependant, The Sandglass ne serait pas complet sans ses acteurs secondaires, extrêmement solides, qui interviennent tout au long du drama. Ils sont à la hauteur de la qualité des rôles qui leur sont proposés : la série est en effet une de ces fictions où aucun protagoniste n'est manichéen, ni les principaux, ni les secondaires. Chacun est caractérisé avec sa part de nuances, apportant une consistance supplémentaire au récit proposé. Parmi les plus représentatifs, il faut citer Lee Jung Jae (Air City, Triple), figure forcément tragique à la loyauté inébranlable, qui marque de sa seule présence ses nombreuses scènes dans lesquelles il ne prononce pourtant quasiment aucune parole. On croise également Park Geun Hyung, Jung Sung Mo, Jo Min Soo, Lee Seung Yun, Kim Jong Gyul, Jo Kyung Hwan, Kim Byung Gi, Jo Hyung Ki, Lee Doo Il, Kim In Moon, Jang Hang Sun, Kim Young Ae, Im Hyun Sik ou encore Kim Jung Hyun.
Nothing has been solved yet.
...
And my friend asks me 'when?'..
And I answer, 'it's not done yet'..
Perhaps there's no end to this.
But that doesn't matter.
A friend of mine who's left earlier said to me,
'what is important is AFTER'..
'what matters is..'
'how you live AFTER that.'
'and don't you forget that.'
Bilan : Fresque épique passionnante, à la richesse et à la qualité narrative constantes, The Sandglass est une oeuvre ambitieuse et aboutie qui concentre parfaitement tout le savoir-faire du petit écran sud-coréen. Tout en impliquant émotionnellement le téléspectateur dans les destinées mouvementées de ses trois personnages principaux, la série esquisse un portrait nuancé et complet, à la fois social et politique, de la Corée du Sud et de ses habitants au cours des décennies charnières 70s-80s'. Au-delà de son très intéressant sujet, la dimension particulière de The Sandglass tient également à ce travail de mémoire qu'elle entreprend, symbolisé par l'image du sablier qui s'écoule, la série appelant à se tourner vers le futur et à faire la paix avec le passé.
Pour les amateurs de k-dramas, et plus généralement pour tous ceux qui s'intéressent à ce pays, ce drama est tout simplement incontournable... Que dis-je, indispensable ! A voir !
NOTE : 9/10
Le générique :
La chanson (russe !) phare de l'OST, Cranes :
07:11 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : k-drama, the sandglass, sbs, choi min soo, park sang won, ko hyun jung, lee jung jae, park geun hyung, jung sung mo, jo min soo, lee seung yun, kim jong gyul, jo kyung hwan, kim byung gi, jo hyung ki, lee doo il, kim in moon, jang hang sun, kim young ae, im hyun sik, kim jung hyun | Facebook |
03/08/2011
(K-Drama / Pilote) Myung Wol the Spy : une improbable comédie romantique d'espionnage
En ce premier mercredi asiatique du mois d'août, poursuivons la découverte des nouveautés sud-coréennes de juillet ! Parfois, en lisant certains synopsis, on se demande confusément ce qui est passé par la tête du scénariste lorsqu'il a imaginé le concept. A première vue, l'idée derrière Myung Wol the Spy apparaissait aussi improbable que pourvue d'un potentiel certain (lequel avait forcément aiguisé ma curiosité). La série offre en effet un mélange de deux thématiques prisées : l'exploitation du filon commercial que représente l'Hallyu croisé avec des codes propres aux fictions d'espionnage rendues possible par la situation géopolitique coréenne.
Diffusé depuis le 11 juillet 2011, sur la chaîne KBS2, Myung Wol the Spy est un drama surprenant, mais dans le bon sens du terme. En allant jusqu'au bout dans ce jeu consistant à repousser constamment les limites de ses intrigues, la série s'assume pleinement dans un registre de divertissement dispersé et agréable à suivre. Consciente de disposer d'un équilibre précaire et parfois vacillant, cette comédie, par son assurance, se révèle des plus plaisantes en cette période estivale.
Myung Wol the Spy débute en Corée du Nord. Han Myung Wol est une jeune femme déterminée, mais parfois trop impulsive, qui ambitionne de suivre les pas de son père et de rentrer dans la division des services secrets. Ayant échoué au test d'entrée, pour le moment, elle demeure un officier des forces militaires spéciales nord-coréennes. Le problème auquel sont confrontés ses supérieurs est actuellement celui de la bataille culturelle qu'est en train de gagner la Corée du Sud : l'Hallyu s'étend en effet en Asie, et trouve même un chemin jusqu'à son voisin du Nord, où la contrebande de dramas se développe. Loin d'être circonscrit à une minorité, certains dignitaires militaires du régime - ou leur famille - ne sont d'ailleurs pas insensibles au phénomène, même si les ordres officiels sont de fermement lutter contre.
C'est dan ce contexte que Myung Wol est officieusement envoyée à Singapour, pour escorter la fille de son supérieur au concert d'une des grandes stars de l'Hallyu, Gang-U. Le voyage avait aussi un autre objectif, son collègue tentant de dérober une antiquité mystérieuse, vieux livre qui focalise l'attention de bien des personnes, mais que Gang-U réussit à acheter. L'échec et les erreurs du séjour à Singapour remettent en cause les rêves de services secrets de Myung Wol. Elle décide alors de prendre les choses en main et de partir pour la Corée du Sud ; une escapade que ses supérieurs n'apprécient guère. Alors qu'elle souhaitait avant tout récupérer l'antiquité, voire éliminer une personne symbolisant une culture qu'il faut combattre, un nouvel ordre lui est adressé après qu'elle ait sauvé Gang-U d'un accident en plein tournage : elle doit séduire et épouser la star sud-coréenne, pour ensuite la convaincre de faire volontairement défection au Nord.
Voilà bien une mission qui a tous les caractères d'une mission impossible !
La seule lecture du synopsis laisse entrevoir la tonalité à part de cette série. Myung Wol the Spy est un drama qui se réapproprie des codes classiques des différents genres effleurés pour en faire un cocktail rom-com aussi inattendu que détonant. Vaguement déjanté, il fait sien le qualificatif d'"improbable". Multipliant les pistes pour exploiter pleinement toutes les facettes imaginables de son idée de départ, celle de tenter marier une espionne nord-coréenne à une star de l'Hallyu, la série propose une narration rythmée, tourbillonnante et virevoltante.
L'attrait du drama, mais aussi sans doute sa limite, va justement être de se poser un peu à la croisée des styles pour mieux mêler le romantique et l'espionnage dans un emballage extérieur de comédie. S'il ne se visionne pas au premier degré, il ne tombe pas non plus dans le versant inverse d'une parodie dénuée d'épaisseur dramatique, esquissant rapidement une part d'ambivalence dans ses personnages. Reste cependant que la série semble souvent s'amuser à défier toute logique, voire toute cohérence, ce qui peut dans un premier temps quelque peu déstabiliser. Si la recette fonctionne pourtant au cours de ces premiers épisodes, le drama le doit à sa façon d'assumer presque crânement ses excès et le créneau qu'il investit.
Avec une assurance communicative, presque provocateur dans sa façon de mettre en scène certaines coïncidences ou d'imaginer des intrigues (la quête de la vieille antiquité, par exemple), Myung Wol the Spy cultive son décalage. Assez paradoxalement, il fait de l'absence - ou plutôt de son refus conscient - de maîtrise de son scénario, non pas une faute, mais un vrai atout qu'il va travailler. Délivrant une partition un peu folle et prenant un malin plaisir à se disperser dans tous les sens, il importe peu que son scénario ne soit pas des plus aboutis.
Il y a d'ailleurs sans doute une part d'illusion dans l'image brouillonne renvoyée, car cette dynamique ne doit pas grand chose au hasard ; la part de spontané et celle de calculé restent cependant à déterminer. Défiant toute tentative de rationalisation, il emporte le téléspectateur dans son univers à part. Lui faisant fermer les yeux sur les failles des intrigues, il lui est facilement possible d'apprécier l'ensemble pour ce qu'il est : un divertissement qui surfe assurément sur une corde raide, mais qui pour le moment remplit la mission première qu'il s'était fixé, celle de faire passer une heure agréable devant son petit écran, sans qu'on s'ennuie une seule seconde.
Sur la forme, Myung Wol the Spy s'applique à respecter son registre de divertissement improbable : la réalisation est dynamique, la photographie claire et, surtout, colorée. L'ensemble apparaît donc très vivant, avec un entrain communicatif. Pour agrémenter cette ambiance, la bande-son du drama s'attache à décliner, dans toutes les versions possibles et imaginables, le thème musical classique de Mission Impossible qui retentit dès qu'un défi se pose à un des agents secrets. Cependant, la série prend aussi le temps d'introduire quelques chansons originales, plus douces et mélancoliques, qui vont accompagner les passages moins rocambolesques.
Enfin, Myung Wol the Spy rassemble un casting des plus corrects. Il est emmené par un duo marquant, dont les échanges burlesques ou inattendus fonctionnent très bien à l'écran, composé de Han Ye Seul (à qui j'ai pardonné l'égarement Nine Tailed-Fox, vue depuis dans Tazza ou encore Will it snow for Christmas) et d'Eric (Strongest Chil Woo, Que Sera, Sera). C'est peu dire que ce dernier se prend au jeu de la star de l'Hallyu qu'il incarne, jusqu'à avoir créé un compte twitter alternatif pour son personnage (ce qui reflète bien d'ailleurs la dimension joyeusement improbable du drama). Ils sont épaulés par deux acteurs à l'égard desquels je serais plus mitigée : si Jang Hee Jin (Seoul Warrior Story) fait ce qu'on attend d'elle, j'avoue ne pas trop apprécier Lee Jin Wook (Alone in Love, City of glass, Air City) même s'il correspond sans nul doute à l'officier nord-coréen qu'il incarne. Les rôles plus secondaires, dévolus à des personnages plus décalés, sont plutôt bien pourvus : on y croise Lee Duk Hwa, Jo Hyung Ki, Yoo Ji In, Lee Kyun, Park Hyun Sook, Shin Seung Hwan, Lee Da Hee, Lee Byung Joon ou encore Lee Ji Hoon.
Bilan : Aussi confusément que délicieusement improbable, Myung Wol the Spy est un divertissement décalé, qui exploite, avec un second degré travaillé mais jamais complètement parodique, le concept surprenant qui lui sert de base. Rejouant de façon assez savoureuse les codes de la comédie romantique, se les appropriant pour mieux les détourner, le drama semble prendre un malin plaisir à partir dans tous les sens, assumant ses dispersions narratives pour mieux flirter avec une folie douce qui lui sied très bien, tant qu'il parviendra à maintenir l'équilibre sur-vitaminé, précaire et précieux, qu'il paraît avoir trouvé.
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce de la série :
Une chanson de l'OST :
07:58 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : k-drama, myung wol the spy, kbs2, han ye seul, eric, lee jin wook, jang hee jin, lee duk hwa, jo hyung ki, yoo ji in, lee kyun, park hyn sook, shin seung hwan, lee da hee, lee byung joon, lee ji hoon | Facebook |