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25/11/2012

(Pilote SE) Anno 1790 : un procedural policier dans le tourbillon de la fin du XVIIIe siècle

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Le polar scandinave s'exporte et est indéniablement à la mode jusque dans le petit écran. Une des séries qui symbolise le mieux le phénomène, ces dernières années, s'achève d'ailleurs ce soir même, avec la diffusion au Danemark, ce dimanche, du dernier épisode de la dernière saison (la troisième) de Forbrydelsen. Un peu plus au Nord, outre une co-production dont on attend avec impatience la saison 2 (Bron/Broen), la Suède nous a également donné de solides enquêteurs de Wallander à Kommissarie Winter. Et l'an dernier, la chaîne SVT avait même décliné le polar nordique sous un angle particulier : le period drama.

Le procedural policier historique est une fiction qui ne manque pas d'atouts, mais le défi réside souvent dans le fait de trouver le juste milieu entre l'exploitation du background historique et la construction des intrigues à résoudre. Copper s'y est risquée à sa manière cet été, Ripper Street sur la BBC s'y essaiera bientôt. Cependant Anno 1790 avait un atout supplémentaire pour aiguiser la curiosité : comme son titre l'indique, ce n'est pas dans le XIXe, mais bien dans le XVIIIe siècle qu'elle nous transporte. Elle compte une saison de 10 épisodes en tout, d'1 heure chacun environ.

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Anno 1790 débute à la fin de la guerre entre la Suède et la Russie cette même année 1790. Ayant étudié la médecine en France, sensible aux idées du siècle des Lumières, Johan Gustav Dåådh a servi l'armée royale suédoise en tant que chirurgien. Au cours d'une des dernières batailles, il sauve Simon Freund, qui, gravement blessé, lui demande de le ramener à Stockholm. C'est l'occasion pour lui de rencontrer Carl Fredrik Wahlstedt, responsable de l'ordre dans la ville, ainsi que son épouse, Magdalena, une belle femme aux vues très indépendantes. Initialement pressé de partir, Dåådh se laisse convaincre de rester un peu.

Le meurtre de l'inspecteur principal de la ville le conduit alors à démontrer son savoir-faire en médecine légale, mais aussi ses talents d'enquêteur : se refusant à voir un innocent condamné comme bouc-émissaire, il prend en charge les investigations. Dans sa quête de justice, il recroise aussi ses connaissances républicaines qui ne comprennent pas vraiment comment il peut ainsi servir l'ordre établi. A la suite de cette enquête, Dåådh accepte cependant la charge d'inspecteur que lui confie Wahlstedt, s'adjoignant Simon Freund comme assistant.

En dépit de leurs visions du monde et de leurs opinions très différentes, les deux hommes vont tenter de résoudre les affaires criminelles qui éclatent en ville, tout en naviguant dans le tourbillon politique de l'époque.

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Entremêlant les ingrédients du period drama et du polar sombre avec assurance, mais aussi un certain conservatisme, Anno 1790 décline le genre policier dans un XVIIIe siècle qui lui permet de traiter de thèmes propres à son époque. Elle évoque ainsi dès le pilote la brutalité des interrogatoires de police (même si le roi a, semble-t-il, interdit le recours à la torture), ou encore l'exacerbation des tensions sociales entre une notabilité privilégiée et des gens du commun pauvres. Elle s'intéresse aussi tout particulièrement aux soubressauts politiques du moment, face à un pouvoir établi qui se crispe sur ses positions et ses acquis, tandis que se diffusent des idées nouvelles au sein de la population. En son centre, le personnage de Dåådh opère une surprenante synthèse offrant bien des contradictions : il apporte son concours au maintien de l'ordre, alors même que ses opinions et ses croyances l'inciteraient à s'éloigner des autorités. Tous ces éléments permettent à Anno 1790 de se constituer un univers dense, avec de multiples problématiques, sur lequel vient se greffer des enquêtes policières qui, elles, sont souvent extrêmement classiques, mettant en scène des motivations universelles transcendant les époques.

Seulement, en dépit des ambitions manifestes affichées, Anno 1790 ne réussit pas complètement à jouer sur tous ces tableaux. Certes l'exotisme de l'historique permet à ses enquêtes d'avoir un certain charme, même si elles peuvent être assez prévisibles. En revanche, l'impression d'une fiction trop calibrée est plus problématique du côté de ses personnages. Figures relativement unidimensionnelles - dans les premiers épisodes du moins, il manque une intensité et une vraie dynamique dans leurs échanges. Les limites du fonctionnement du duo principal sont assez symptomatiques : associer deux personnes très dissemblables, c'est une recette qui a toujours marché. Mais pour opposer l'humanisme éclairé et rationnel de Dåådh au conservatisme religieux de Freund, il faut qu'il y ait du répondant de part et d'autre. Or les deux ne sont jamais placés sur un pied d'égalité. Alcoolique, subissant les évènements, Freund apparaît plus comme un faire-valoir, et les discussions ne vont que dans un sens. De même, l'idée d'une relation entre Dåådh et Magdalena est introduite si vite, avec si peu de subtilité, qu'il est difficile de s'investir dans une perspective sentimentale où les émotions sont absentes. Manquant de nuances, de personnages abrasifs faillibles ou paradoxaux, en un mot, plus humains, Anno 1790 a tout misé sur l'univers qu'elle pose, en oubliant une règle basique : fidéliser un téléspectateur passe nécessairement par un travail abouti y compris sur les différents protagonistes.

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Sur la forme, l'ambition - et la froideur - de Anno 1790 se ressentent également avec force. Elle dispose d'une réalisation maîtrisée, où la photographie apparaît travaillée, jouant sur les teintes dominantes pour apporter un cachet d'époque à l'image. Tous ces effets fonctionnent, même si l'on peut regretter une tendance à trop en faire, la série devenant un polar noir au sens premier du terme pour certaines scènes à cause d'une impression d'éclairage à la seule bougie qui rend l'image très (trop?) sombre. Reste que l'expérimentation n'est pas inintéressante, et Anno 1790, avec sa volonté d'imprimer sa propre ambiance, se construit une identité au sein des period dramas. La série dispose en plus d'un excellent générique - qui est sans doute une des choses qu'elle réussit le mieux (cf. la 1ère vidéo ci-dessous) : il pose bien la tonalité et on peut le rapprocher du générique de Copper au niveau des effets visuels. On lui en pardonnera même de mettre en scène une peinture représentant la Révolution de 1830 pour évoquer celle de 1789...

Enfin, Anno 1790 dispose d'un casting assez correct, même si les acteurs, du fait de rôles finalement trop rigides et calibrés, peinent un peu à s'émanciper. On les voudrait plus tranchants. Peter Eggers sait cependant rapidement trouver ses marques, dans ce rôle de chirurgien improvisé enquêteur qui, tout en s'intéressant aux destins d'habitants pour lesquels il peut faire quelque chose, n'en oublie pas moins le tableau politique d'ensemble et ses sympathies républicaines. A ses côtés, Joel Spira complète leur duo dissemblable, opposant un scientifique matérialiste à un conservateur très croyant. Linda Zilliacus, autour de laquelle tourne le héros, est sans doute celle qui a le plus de mal à se défaire du rôle trop lisse et convenu qui lui est confié. On retrouve également à l'affiche Johan H:son Kjellgren, Richard Turpin, Josef Säterhagen, Cecilia Nilsson, Jessica Zandén, Thorsten Flinck, Cecilia Forss et Philip Zandén.

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Bilan : Polar historique ayant pour lui de nous plonger dans le tourbillon d'idées nouvelles que représente la fin du XVIIIe siècle, Anno 1790 est une fiction policière qui, au-delà de ce mélange des genres, reste pourtant extrêmement classique. Se reposant peut-être trop sur la densité de son univers et sur sa dimension historique, la série demeure sur des plate-bandes trop traditionnelles pour être pleinement satisfaisantes. Il manque ainsi à son écriture un souffle et une nuance qui lui auraient permis de pleinement se réapproprier son cadre particulier. La suite de la saison lui permettra peut-être de mûrir sur ce plan-là. En attendant, elle devrait cependant satisfaire les amateurs du double genre qu'elle investit. Et ceux à qui le suédois manque.


NOTE : 6,75/10


Le générique de la série :


Une bande-annonce de la série :
 

Commentaires

Ah, j'aurais peut-être tenté la série après avoir beaucoup apprécié Garrow's Law ou encore City of Vice, mais ce que tu m'en dis me refroidis...J'attendrai d'autres séries pour me relancer dans le polar historique !

Écrit par : JainaXF | 25/11/2012

@ JainaXF : Le pilote est assez fidèle à la série pour ce que j'en ai vu (j'en suis à la mi-saison). Donc à la limite, juste tester pour voir si tu accroches plus que moi (pourtant, je suis sacrément bon public pour ce genre de fiction, et j'ai moi aussi adoré Garrow's Law et City of Vice), cela n'engage à rien.
En policier historique, je croise très fort les doigts prochainement pour Ripper Street,, sachant que la présence de Matthew Macfadyen oeuvre pour me pré-conquérir d'avance. J'espère tant que mes attentes ne seront pas déçues ! O;-)

Écrit par : Livia | 25/11/2012

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