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27/02/2010

(US) The Black Donnellys : Family above all

"The gates of hell are open night and day; Smooth the descent, and easy is the way." (Virgil)
(Citation d'ouverture de l'épisode 13, "Easy is the way")

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Parfois, la téléphagie nous conduit sur des chemins quelque peu masochistes. Se replonger dans des productions qui n'ont pas été entièrement diffusées, qui ont été conduites au cimetière des séries en moins de temps qu'il ne faut pour les laisser s'installer dans une case horaire, voilà le côté sombre du quotidien du sériephile. Car le coeur du téléphage ne suit pas toujours - loin s'en faut - les dures réalités des audiences. Combien de coups de coeur pour des fictions si vite annulées qu'il ne reste plus qu'à se tourner vers les DVD, en jouant de façon compulsive avec sa télécommande, afin de se remémorer quelques bons souvenirs et tout un ensemble de potentialités sacrifiées sur l'autel de l'audimat ?

Parmi mes plus grands crève-coeurs de ses dernières années figurent une brève série de NBC, petite incursion rafraîchissante et prenante de l'autre côté de la barrière de la loi, qui aurait mérité bien mieux : The Black Donnellys. Diffusée au printemps 2007, la série subit un enterrement de première classe (son annulation était plus ou moins déjà pressentie avant même la diffusion), qui me chagrina au plus haut au point. Ce fut mon plus grand regret de la saison 2006-2007. A l'époque, je n'avais eu le courage que de regarder quelques épisodes, puis je préférais passer à autre chose avant de trop m'attacher. Mais, il y a quelques semaines, je suis tombée sur le coffret DVD de l'intégrale de la série - soit 13 épisodes - à un prix très raisonnable. Le temps ayant adouci - mais sans la faire disparaître entièrement - l'amertume de son annulation, je saisissais sans arrière-pensée cette opportunité de découvrir (enfin) intégralement cette fiction. Depuis, mes regrets sont revenus, mais je ne regrette pas d'avoir pris le temps de savourer ces 13 épisodes.

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Créée par Paul Haggis et Robert Moresco, The Black Donnellys raconte l'histoire de quatre frères, d'origine irlandaise, qui vivent dans un quartier populaire de New York, Hell's Kitchen. Habitués des petits larcins, les circonstances vont peu à peu les entraîner dans de dangereuses intrigues touchant au crime organisé. Essayant de survivre tout en se retrouvant embarquer dans des histoires qui les dépassent parfois, leur priorité va demeurer la même au fil des épreuves : rester unis et se protéger les uns les autres. En guise d'anecdote, il faut préciser que si la série se déroule dans le présent, son titre fait cependant référence à un fait divers célèbre de la fin du XIXe siècle. Dans l'Ontario canadien, les vrais "Black Donnellys" connurent un destin funeste en 1880, où cinq membres de la famille furent massacrés au cours de représailles.

Le casting se révèle homogène et plutôt convaincant. Les quatre frères sont incarnés par des acteurs qui avaient surtout été cantonnés à des rôles de guest-stars auparavant. Le téléspectateur les découvre donc en grande partie en même temps que la série. Ils parviennent très bien à mettre en valeur tant leurs différences que ce lien indestructible qui les unit. Jonathan Tucker (Tommy) est plus ou moins leur leader, doté d'un sens des responsabilités très développé ; Tom Guiry (Jimmy), celui qui verse dans les drogues et les intrigues dangereuses ; Billy Lush (Kevin) (Generation Kill), l'as pour s'attirer des ennuis, avec un côté débrouillard, mais loser, qui le lâche pas ; et, enfin, Michael Stahl-David (Sean), le plus jeune frère, apprenti play-boy plus en retrait. A leurs côtés, Olivia Wilde (House MD) représente l'intérêt amoureux, amie de toujours de la famille. Parmi les autres têtes connues, on retrouve notamment Kirk Acevedo (Oz, Band of Brothers, Fringe) qui joue le chef local de la mafia italienne. Enfin, Keith Nobbs est le narrateur extérieur de l'histoire, un ami des frères qui raconte, a posteriori, du fond de sa cellule, l'engrenage criminel dans lequel les Donnellys ont été pris.

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The Black Donnellys se place habilement à la croisée des genres, entre histoires de famille, instants d'insouciance très légers et drames pesants, où la réalité se heurte, parfois de façon très cruelle, aux rêves et projets de chacun des personnages. C'est une série de gangsters, nous immergeant dans les eaux troubles du crime organisé. Cependant, elle s'inscrit dans une tradition narrative plutôt "old school". En effet, même si elle est sensée se passer en 2005, l'ambiance de quartier qu'elle décrit évoque plus le début des années 90. Pour autant, et peut-être grâce à cela, le téléspectateur n'a aucune peine à se laisser entraîner dans ce récit au dynamisme contagieux. 

Sa richesse réside dans l'intensité des relations humaines mises en scène, qui s'imposent rapidement comme le véritable coeur de cette fiction. En effet, si les intrigues, plus ou moins criminelles, sont parfaitement intégrées et se révèlent très solides, rythmant énergiquement la narration, l'ambiance repose surtout sur les personnalités très diverses des personnages et sur leurs intéractions. Il se dégage de l'ensemble une indéfinissable fraîcheur et une spontanéité très appréciable pour le téléspectateur, qui manifeste un attachement quasi-immédiat pour cet univers haut en couleurs, entre faux roman noir et vrai drame mettant en avant une humanité avec ses forces et ses travers.

L'exposé des relations intenses, tout aussi fusionnelles que conflictuelles, qui existent entre les frères, constitue incontestablement un des points forts, très accrocheurs, de la série. Souvent extrêmes, jamais unidimensionnelles, ni manichéennes, on y retrouve une explosivité, mais aussi une authenticité, vraiment prenante. Les très fortes personnalités de chacun permettent de donner du relief à leurs rapports, que rythment les ennuis qu'ils attirent invariablement.

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Au final, même si elle n'était peut-être pas faite pour un public de grands networks (toutes les productions n'ont pas la chance de Southland), la série se joue pourtant admirablement bien des contraintes que son exposition lui impose. En effet, elle parvient à nous plonger, d'une façon qui sonne très juste et réelle, dans le milieu du crime organisé new-yorkais, au sein d'un quartier où Irlandais et Italiens se disputent le leadership. Elle n'hésite pas à mettre en scène des scènes de violence ponctuées de drames, sans pour autant se départir d'une forme de dynamisme coloré qui alterne les tonalités. Plus que le fond du récit, c'est la manière dont il nous est raconté qui fait son originalité. Nous sommes loin d'une atmosphère contemplative que l'on retrouve dans les séries du câble, où les scénaristes prennent leur temps, telles Brotherhood ou les Sopranos, avec lesquelles le téléspectateur aurait tendance instinctivement à la comparer au vu de son synopsis.

Dans The Black Donnellys, tout est très rythmé. Famille et crime s'imbriquent presque naturellement à l'écran, chaque volet du récit servant et légitimant le traitement de l'autre. En ce sens, la série bénéficie d'une narration très aboutie, qui est instantanément en place dès le pilote. Le choix de faire intervenir un narrateur extérieur qui nous relate, a posteriori, l'engrenage dans lequel les frères Donnellys se sont laissés embarquer, se révèle être une bonne idée. Il permet de prendre un certain recul par rapport aux évènements racontés et de se ménager quelques effets de style pour alléger l'atmosphère quand elle devient trop pesante. Cela donne aussi initialement l'impression au téléspectateur qu'il s'agit d'une histoire qui s'est achevée : qu'il assiste à un enchaînement de faits qui a conduit les frères sur une pente dangereuse qui se termine en impasse.

Pour autant, l'annulation trop précoce de la série entraîne logiquement une absence de fin véritable. Elle ne laissera au téléspectateur que le loisir de spéculer sur une éventuelle conclusion, à partir notamment de diverses allusions cryptiques faites par le narrateur ou ses interrogateurs, sans que l'on sache à qui ou à quoi ils font vraiment référence. Une certitude : la route des Donnellys fut pavée de drames et de morts violentes, mais chacun est libre, au final, de prendre le parti qu'il souhaite. La scène finale nous laisse en pleine action, sur un suspense intense, tout en pouvant aussi constituer une forme de fin très ouverte.

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Bilan : The Black Donnellys fut une série mêlant les genres, mais aussi les tonalités sombres ou légères, de façon très habile. Les liens familiaux et intrigues criminelles s'imbriquent avec beaucoup de naturel et d'authenticité. Dotée d'un dynamisme contagieux, bénéficiant de personnages forts qui s'imposent instantanément à l'écran, elle exploite efficacement une narration assez ambitieuse et très aboutie. En conséquence, si je ne devais vous donner qu'un seul conseil : ne passez pas à côté d'un tel petit bijou par crainte d'une absence de réelle conclusion, vous ne regretterez pas la découverte !

Au fond, en dépit de ce que je râle souvent, je crois que mon problème, ce n'est pas tant que je n'aime pas les séries des grands networks US. C'est juste que toutes celles dans lesquelles j'aurais vraiment aimé m'investir sont si rapidement annulées qu'on oublie en quelques semaines jusqu'au fait qu'elles aient un jour existé... Tiens, prochainement, il faudra que je vous parle de Kings, par exemple.


NOTE : 9/10


Une brève promo diffusée par NBC :

Une bande-annonce plus longue qui expose les évènements du pilote :