08/07/2010
(Pilote UK) Identity : l'identité, au coeur du crime
Identity confirme une tendance initiée au cours du printemps : les acteurs britanniques de The Wire (Sur Ecoute) sont rentrés au bercail et investissent désormais les dernières nouveautés policières d'outre-Manche. De quoi nourrir cette fascination anglaise pour la série de HBO, laquelle s'impose en référence récurrente en Angleterre. Après Idris Elba, dans Luther sur BBC1 au printemps, c'est Aidan Gillen qui débarquait donc, ce lundi soir, sur ITV, dans Identity. Et comme la chaîne avait décidément voulu bien faire les choses question casting, elle s'est en plus assurée les services de Keeley Hawes, encore fraîchement auréolée du final de Ashes to Ashes.
Je résume donc : Aidan Gillen et Keeley Hawes à l'affiche, pour mener quelques enquêtes au cours de l'été. Vous qui commencez à me connaître un tant soit peu, avec la seule présence de ce duo phare, vous devinez pourquoi il aurait été inconcevable que je ne regarde pas Identity, peu importe que les cop-shows soient un genre que j'ai un peu déserté au cours des dernières années.
Pure série policière respectant avec une application quasi-scolaire tous les canons du genre, Identity s'est cependant efforcée en amont de trouver un angle d'attaque particulier pour ses enquêtes. C'est ainsi qu'elle a choisi de mettre en scène une unité très particulière au sein de la police, celle qui s'est spécialisée dans les crimes liés à l'identité. Dans une société moderne où règne la dématérialisation complète des informations, par le biais des nouvelles technologies, les détournements, voire les vols d'identité, sont des infractions en forte hausse.
Pour répondre à la spécificité d'un domaine pointu et très particulier, la police a créé une équipe spécialisée, chargée de lutter contre l'inflation de ces atteintes et placée sous le commandement de la DSI Martha Lawson. A ses côtés, elle a rassemblé une équipe hétéroclite de policiers aux compétences et aux modes de fonctionnement aussi différents que complémentaires, parmi lesquels figure le DI John Bloom. Après 15 ans d'infiltration dans les milieux de trafics internationaux en tout genre, notamment de drogue, le revoilà dans sa première affectation "normale", suivant directement cette longue mission très éprouvante qui a logiquement marqué l'homme.
A partir de ces ingrédients relativement classiques, la série va rapidement trouver ses marques pour s'inscrire dans le registre du cop-show le plus traditionnel qui soit.
L'enquête de l'épisode, sans surprendre, se révèle plutôt prenante et surtout très dense, n'hésitant pas à multiplier les pistes, complexifiant d'autant l'affaire. Elle permet également au téléspectateur de se familiariser avec cette thématique particulière du détournement d'identité, à travers la descente aux enfers d'un homme qui semble être la cible d'un de ces voleurs d'un nouveau genre.
En effet, de l'utilisation de son nom pour le faire crouler sous les dettes jusqu'à des achats malencontreux provoquant des tensions au sein de son couple, depuis plusieurs mois, la vie de Justin Curtis est perturbée par une intervention extérieure malveillante qui l'a plongé dans une paranoïa désespérée. Jusqu'à présent, ses appels à l'aide ont été ignorés : de nos jours, la supposée fiabilité de toutes les données informatiques stockées l'emporte sur la versatilité du témoignage humain. Mais lorsque Curtis est accusé d'avoir renversé une jeune femme, avec une voiture louée à son nom, les choses dégénèrent. Ancien soldat, il accueille les policiers à l'arme à feu tout en clamant son innocence. Une fois l'individu arrêté, Martha est interpelée par sa version de l'histoire. Son équipe va alors devoir démêler le vrai du faux dans les allégations de l'accusé, et essayer de remonter une piste aussi trouble qu'insaisissable.
Il faut reconnaître que l'enquête est bien huilée et le tout est efficacement conduit, bénéficiant de l'approche relativement originale d'un crimé lié à l'identité. Le téléspectateur suit ainsi sans déplaisir la progression de l'affaire, l'épisode maintenant son attention sans aucun temps mort, ni baisse de régime. Malheureusement, Identity se heurte rapidement à une limite structurelle, voire conceptuelle. Sa recette conserve un arrière-goût extrêmement familier : le fonctionnement de l'équipe de policiers dans son ensemble, comme le numéro de duettistes proposé par les deux personnages centraux, ne s'écarte jamais des conventions du genre. Si bien qu'elle n'apparaît être au final qu'une énième déclinaison de cop-show classique, sans réelle valeur ajoutée. Le cadre londonien est certes agréable, mais ne permet pas d'impulser une originalité suffisante qui donnerait l'occasion à la série d'imposer sa propre identité à l'écran (sans mauvais jeu de mots).
Cependant, la dernière scène de l'épisode, en plus d'introduire un potentiel fil rouge des plus intrigants, ouvre une voie pour dépasser le stade de la série trop policée que propose ce pilote. John Bloom a passé les 15 dernières années de sa carrière, sous un nom d'emprunt, à prétendre être quelqu'un qu'il n'est pas, infiltré au sein d'une organisation criminelle. S'il a fait tomber le chef trafiquant et s'il a réintégré le service normal, la fin de l'épisode nous montre qu'il n'a pas tourné complètement la page du personnage fictif qu'il jouait. Il renoue ainsi le temps d'une soirée avec ses anciennes connaissances. Dans cette ambiance festive, derrière certains regards échangés, lourds de sens, on devine des histoires pleines de non-dits, qui n'ont pas encore livré tous leurs secrets.
John Bloom n'est pas un simple policier pragmatique et très doué, comme nous l'avait démontré l'enquête du jour. Sa non-rupture avec son passé d'infiltré rejoint finalement la thématique globale de la série : les questionnements identitaires ne seront sans doute pas réservés aux seules enquêtes du jour. Ainsi, ce petit twist final apporte un nouvel éclairage au personnage de Bloom et laisse transparaître une autre voie de développement possible à Identity : celle d'explorer son thème au-delà de son lot quotidien d'affaires, en s'intéressant à la personnalité, que l'on devine complexe, de sa figure centrale.
Sur la forme, Identity est, à l'image de son contenu, parfaitement calibré. Si la réalisation reste d'une prudente neutralité, en revanche, j'ai assez bien apprécié le coloris et les teintes choisies. La photo de l'image est sobre, mais les couleurs, avec certaines accentuations les faisant ressortir, jouent sur une pointe d'ambiance nostalgique auprès du téléspectateur. C'est un aspect que j'ai bien apprécié, même si cela n'est qu'un détail technique assez diffus.
Enfin, côté casting, l'équipe est homogène et convaincante. Comme je l'ai déjà mentionné, la double présence de Keeley Hawes (Spooks, Ashes to Ashes) et d'Aidan Gillen (The Wire/Sur Ecoute) suffit à mon bonheur. A leurs côtés, on retrouve notamment Holly Aird (Monday Monday), Elyes Gabel (Dead Set), Shaun Parkes (Harley Street, Moses Jones), mais aussi Patrick Baladi (Party Animals, Mistresses) en supérieur très méfiant.
Bilan : Identity propose un pilote efficace, de facture très classique, sans doute même, "trop" classique. La série apparaît comme une sorte d'énième variante du cop-show traditionnel, avec comme pointe d'originalité, le cadre global entourant ses enquêtes concernant des crimes avec, en leur centre, un enjeu à la sensibilité très moderne, celui de l'identité. Cela se suit sans déplaisir, mais sans réellement s'imposer auprès d'un téléspectateur qui aura peut-être tendance à être d'autant plus conciliant si, comme moi, il apprécie le casting. Cependant, l'entrée en matière est très correcte. Et, surtout, la fin de l'épisode ouvre un fil rouge des plus intrigants sur le personnage de Bloom. Qui sait, peut-être Identity a-t-elle les moyens d'aller au-delà du simple formula show proprement calibré, entrevu dans ce pilote. Dans tous les cas, les amateurs de séries policières devraient sans nul doute y trouver leur compte.
NOTE : 6/10
La bande-annonce de la série :
21:07 Publié dans (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : itv, identity, keeley hawes, aidan gillen, holly aird, elyes gabel, shaun parkes, patrick baladi | Facebook |
29/05/2010
(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 8 (Series Finale)
I, I can remember
(I remember)
Standing by the wall
(By the wall)
And the guns, shot above our heads
(Over our heads)
And we kissed, as though nothing could fall
(Nothing could fall)
And the shame, was on the other side
Oh, we can beat them, forever and ever
Then we could be heroes just for one day
We can be heroes
We can be heroes
We can be heroes just for one day
We can be heroes
Alors que la planète téléphagique entière a fait ses adieux à Lost en début de semaine et débat âprement depuis des tenants et aboutissants du series finale, je vais revenir sur mon deuil sériephile à moi : Ashes to Ashes s'est donc terminée vendredi dernier en Angleterre, clôturant avec son dernier épisode l'intégralité de l'arc ouvert, il y a cinq années de cela, par Life on Mars. Car ce finale fait bel et bien office de conclusion mythologique pour l'intégralité de la franchise, replaçant sous un jour nouveau Ashes to Ashes comme Life on Mars. Par bien des points, l'existence seule de cet épisode-là aura justifié que tout fan de Life on Mars suive son spin-off, peu importe les réticences initiales de la première saison.
En résumé, que retenir de cette fin ? Oui, on a eu toutes les réponses, délivrées avec cette dose d'innocence et d'émotionnel propre à la série. Oui, j'ai fini avec une pyramide de kleenex sur ma table de salon, construite au cours du visionnage des vingt dernières minutes. Et, au milieu de tout ce tourbillon d'émotions, oui, je pense être satisfaite de la manière dont tout cela s'est achevé.
Pour faire cette review, j'ai revu l'épisode, mais je ne suis pas allée lire d'articles sur le sujet. Par conséquent, c'est ma compréhension personnelle que je vous propose. Toute personne n'ayant pas encore vu l'épisode, ou bien songeant un jour à découvrir Life on Mars et/ou Ashes to Ashes est priée de ne pas s'aventurer plus loin. *SPOILERS*
Plus que jamais les intrigues policières apparaissent anecdotiques dans cet épisode, un prétexte à occuper, tandis que les enjeux véritables se révèlent ailleurs. Suite à la désertion d'Alex dans l'épisode précédent, alors qu'elle et Gene semblaient sur le point de céder à leur attraction réciproque, la tension entre les deux policiers est à son comble. Trop de non-dits, trop de frustrations, pour pouvoir ne serait-ce que mener à bien leur quotidien professionnel habituel. Le triple meurtre et le trafic qui est mis à jour peinent d'ailleurs à retenir l'attention de l'équipe, comme du téléspectateur. A quoi bon retarder l'inévitable ? Shaz, Ray et Chris perçoivent tous trois que quelque chose est en train de se produire et qu'ils arrivent à une fin, sans comprendre, ni pouvoir expliquer, ce ressenti. Alex veut elle-aussi en finir avec ses doutes, mais, elle, sait où creuser. Et Keats, de plus en plus incontrôlable, voit son masque maniéré se fissurer peu à peu. C'est logiquement ce dernier qui va précipiter les évènements.
Alex décide finalement de se rendre à Farringfield Green, dans cette ferme isolée qui revient si souvent dans ses visions, derrière laquelle, dans le pré, un cadavre avait été découvert, le jour où elle a plongé dans le coma, dans le présent. Ce lieu est lié à la figure du policier décédé qui la hante. Elle retrouve ainsi, sur l'épouvantail qui trône au milieu du champ, le numéro de matricule qui l'obsède depuis des jours "6620". Mais qui est donc enterré là ? Averti par Keats qui est désormais décidé à briser les règles de l'univers dans lequel ils évoluent, Gene s'est précipité sur place. Sa confrontation avec une Alex qui veut, plus que tout, la vérité offre une décharge émotionnelle poignante, prélude à une cascade de prises de conscience qui ne pourront laisser le téléspectateur insensible.
C'est dans cette petite maison encore décorée de drapeaux britanniques que l'univers de Ashes to Ashes achève de basculer dans le fantastique. La carte d'identité du cadavre a donné toutes les réponses dont Alex avait besoin en indiquant le nom de la victime. Gene raconte l'histoire d'un jeune policier, un bleu non encore formé, lâché par son partenaire pour faire ses premières armes, et qui rencontrera son destin le jour du couronnement de la Reine, en 1953. Ce policier dont le cadavre fut enterré à la va-vite dans ce champ par son meurtrier, c'était Gene Hunt. Pourquoi ne pas l'avoir confié plus tôt à Alex, qui n'a cessé de lui tendre des perches et d'évoquer, en miroir, sa propre situation ? Comme tous ceux évoluant trop longtemps dans cette réalité, les souvenirs s'effacent progressivement ; à un moment donné, Gene s'est lui-même perdu dans cette re-création policière, oubliant les détails d'où il venait, mais pas la mission qui lui incombe.
L'univers des 80s' apparaît alors progressivement mis entre parenthèses ; les protagonistes se détachent de ce qui n'est plus que fiction pour renouer avec ce qu'ils sont et leur passé. A la différence d'Alex - peut-être parce qu'elle était dans le coma -, Ray, Chris et Shaz se sont si bien intégrés dans cet univers recréé pour eux, qu'ils ont tout oublié. Keats va faire preuve d'une cruauté doublée d'un machiavélisme glaçant pour générer l'électrochoc qui leur ramènera tous leurs souvenirs. Sa mise en scène pour les forcer à revivre ce traumatisme est inqualifiable : il leur laisse des cassettes où chacun pourra assister à nouveau, en vidéo, à ses derniers instants. Car, pour eux, pas d'incertitude comme pour Alex, tous sont morts. Ray s'est suicidé, la culpabilité d'une bavure couverte aura été trop forte. Chris a été abattu au cours d'une fusillade, ayant suivi aveuglement les ordres de son supérieur. Shaz a été poignardée alors qu'elle interrompait un simple voleur. Si le choc silencieux enregistré par Ray et Chris est poignant, tout en correspondant parfaitement aux personnages, le cri de détresse de Shaz déchire le coeur du téléspectateur, la frustration, d'une vie terminée trop tôt - à 26 ans - et de tout ce potentiel qu'elle n'accomplira pas, la submergeant.
C'est alors que la vraie nature de Keats se fait jour, expliquant son acharnement depuis le début de la saison. Il voulait briser l'équipe, séparer chaque membre de l'aile protectrice de Gene. En pointant la fictivité de l'univers dans lequel ils évoluent, soulignant que ce quotidien ne peut exister que grâce à ce que Gene y apporte et à la cohérence et cohésion qu'il y impose, Keats veut retourner leur loyauté contre leur ancien chef. Son hystérie relative lorsqu'il orchestre la confrontation entre Gene et ses anciens subordonnés ne plaide guère en sa faveur. Mais il profite du choc causé par le retour de leurs souvenirs pour s'engouffrer dans la brèche créée par leurs doutes et leur désorientation. Il leur offre un transfert d'équipe symbolique : il s'agit de le rejoindre et d'en finir avec la frustration quotidienne de ce commissariat, pour poursuivre cette fiction suivant leurs souhaits.
Ce discours, chargé de "tentations" de Keats, pose de manière claire les différents camps en présence. Ce sera la transposition dans l'univers d'Ashes to Ashes du Malin. L'image des ascenseurs vers lesquels Keats entraîne les trois policiers complète parfaitement ce tableau : c'est une mise en scène symbolique qui rationalise, dans l'univers policier ainsi recréé, la lutte qui se déroule actuellement. Cette réalité n'est qu'un point de passage, entre la vie et la mort, entre les différentes destinations que l'au-delà offre. Le choix appartient à chacun : le Paradis ou l'Enfer, et dans cet entre-deux où se déroule la série, qu'y voir sinon une forme de "Purgatoire", un lieu permettant une introspection et de faire la paix avec soi-même ?
Toutes les possibilités sont encore ouvertes à chacun. Décider de rompre avec l'artificialité de ce quotidien policier et embrasser la carrière fantasmée promise par Keats, ou faire le choix de la loyauté envers la figure centrale du guide que constitue Gene Hunt. A la différence de Shaz, Chris et Ray, Alex a choisi, au moins inconsciemment, son camp il y a longtemps. Ayant eu plus de temps pour réfléchir et prendre du recul, toutes les pièces du puzzle s'emboîtent sous ses yeux avec aisance. Elle voit Keats pour ce qu'il est et prend pleinement conscience de l'importance de Gene, sans que celui-ci n'ait besoin de formaliser par des explications trop longues son action. La force de l'épisode est d'ailleurs de savoir basculer dans l'implicite quand il le fait, avec une retenue chargée de non-dits tout aussi parlants lors de certains passages mythologiques cruciaux.
Si Alex a toujours pensé qu'elle avait un rôle à jouer dans cet univers, elle se découvre la mission la plus importante face à un Gene, devenu l'ombre de lui-même après les départs de ses trois subordonnés. A quoi bon poursuivre son action, continuer de prétendre, alors que l'objectif de celle-ci - guider des âmes égarées - paraît désormais hors d'atteinte. La futilité de l'intrigue policière en cours est trop criante pour s'y intéresser. Mais Alex n'a pas seulement choisi la fidélité, elle s'impose également comme un soutien, capable de remotiver Gene Hunt, de le persuader que la loyauté des autres l'emportera sur les tentations chimériques inaccessibles de Keats.
La force des liens créés au sein de l'équipe sera réactivée par un discours inspiré, délivré par Gene à la radio, d'une étonnante simplicité et d'une franchise émouvante. La certitude du quotidien, l'importance de cette confiance placée en leur chef qui ne leur a jamais fait faux-bond, l'emportera sur les mirages promis par Keats. Chacun reprendra sa place dans l'équipe au moment où cela sera nécessaire, pour mener à bien l'opération de police prévue. Ce retour de Shaz, Chris et Ray ne signifie pas que leur routine est destinée à perdurer ; il entérine seulement le choix qu'ils font. Le refus de suivre Keats et la décision de faire confiance à Gene. La "mort" du quatro rouge du Guv est à ce titre hautement symbolique, soulignant qu'une ère se referme, en conscience.
Les scènes finales permettent de retrouver un lieu dont il a été fait plusieurs fois mentions, le "pub". Au fond, quoi de plus adéquat qu'un bar, dans cette déclinaison policière du "purgatoire", pour marquer le lieu où chacun se retrouve et incarner le passage ? Aucun lieu ne paraît plus symboliquement sacré que ce fameux pub, d'où retentit par la porte qui s'entre-ouvre les premières notes d'une mélodie que tout téléspectateur gardera sans doute à jamais associer à cette série : "Life on Mars". C'est là où Gene a accompagné Sam pour la dernière fois, comme il a essayé de l'expliquer à Alex sans qu'elle comprenne sur le moment toute la portée de cette affirmation. Lui et Annie y ont conclu leur périple, c'est désormais au tour des autres membres de l'équipe de les y rejoindre.
Seulement ils n'y pénètreront pas tous ensemble. Shaz, Chris et Ray sont désormais bel et bien prêts à franchir cette ultime étape de leur vie. Les différents épisodes de la saison leur ont permis justement de s'affirmer et de se réconcilier avec eux-mêmes, vis-à-vis de leurs propres travers et frustrations laissées en jachère par une vie trop courte. Voilà pourquoi les accords de la fameuse musique de David Bowie ont retenti à la fin de plusieurs enquêtes profondément introspectives, pour chacun d'entre eux. Ils franchiront ensemble cette dernière porte, confortés dans leur vécu par les évènements de cette réalité, de ce quotidien proposé par Gene.
Le téléspectateur ne peut alors que ressentir un pincement de coeur, mêlé d'une certaine de forme de fierté, à les voir ainsi pénétrer dans le bar, en paix avec eux-même et avec leur destin.
Puis vient une autre discussion inévitable, peut-être encore plus douloureuse. Jusqu'à présent la conscience de sa propre situation, a permis à Alex de s'impliquer et d'aider Gene, tout en s'octroyant un statut d'observateur extérieur. Pour elle, tout est bien posé : elle est dans le coma et doit tout faire pour reprendre conscience, pour sa fille. Elle a si bien intériorisé cet objectif, que cette mission demeure son évidence et que toutes ces actions ont toujours été orientées vers ce but. Elle est dans cet entre-deux et doit repartir non pas vers le pub, mais dans le monde des vivants, en accomplissant pour cela un certain nombre d'actions symboliques.
Seulement il y a une donnée qu'Alex n'a pas prise en compte ; c'est que, peut-être, à la manière de chacun, elle s'est trouvée une place cohérente dans cette réalité - en prenant en compte son éventuel caractère fictif - et a occulté, oublié, certains éléments. Toute construction logique et rationnelle trouve forcément ses limites ici. Plus que Gene, c'est aussi le pressing de Keats qui lui fait prendre conscience d'un détail anecdotique pourtant déterminant : une heure qui revient toujours, comme si quelque chose s'était brisé à 9:06. Dans la chambre d'hôpital immuable de ses visions, il est toujours cette heure-là. Par rapport au monde des vivants, le temps n'a pas de réalité dans cet "entre-deux".
Tandis qu'Alex se débattait dans cet univers des années 80, cherchant une façon de s'en sortir, rationnalisant ce qui lui arrivait, ses visions de la réalité ne changeaient pas. Comme une ultime image, un dernier souvenir, elle gisait toujours dans une chambre d'hôpital, où l'heure ne changeait pas. Car toute la lutte acharnée d'Alex dans ce monde n'équivaut qu'à une fraction de seconde dans la réalité. Une fraction de seconde qui s'éternise, qui ne progressera, car elle est celle de la fin de sa vie, du propre passage d'Alex dans l'au-delà. Ses péripéties représentaient son propre parcours dans l'entre-deux, et non pas une intervention ponctuelle qui lui permettrait de repartir ensuite.
La scène où Alex réalise soudain cette vérité et comprend qu'elle est, elle-aussi, morte, est particulièrement touchante. Elle se décompose sous les yeux de Gene, qui n'a jamais été aussi compréhensif, faisant preuve d'une empathie également très touchante, à l'égard d'Alex. La jeune femme, à l'image de ses trois collègues, a également terminé son voyage dans cet entre-deux, réalisant ce qu'elle devait y accomplir. Ses adieux à Gene jouent sur la fibre émotionnel d'un téléspectateur qui a déjà depuis longtemps abandonné l'espoir de rester stoïque devant son petit écran. Un bref baiser échangé, comme un dernier parachèvement à tout ce qui a pu être initié dans cette réalité, et Alex pénètre à son tour dans le bar, laissant Gene seul dans la nuit. Sa mission auprès de ces quatre policiers s'est terminée... d'autres viendront.
Bilan : Ashes to Ashes - et pourrait-on dire, Life on Mars - aura réussi sa résolution mythologique, choisissant de délivrer une conclusion d'une forte intensité émotionnelle mais sans occulter la délivrance de réponses attendues. Si les thématiques abordées se révèlent finalement assez classiques, elles s'inscrivent dans une logique parfaite, déconstruisant a posteriori un certain nombre de ressorts scénaristiques et jetant une lumière nouvelle sur l'ensemble. C'est une vraie et belle fin qui est offerte à la franchise, tout en conservant sa tonalité propre et cette naïveté d'écriture qui lui confère une charme un peu désuet, atypique dans le paysage téléphagique actuel.
Finalement, au-delà du vide soudain créé par la fin de la série, on ressort de cette conclusion avec une envie majeure : revisionner la série depuis le départ, depuis Life on Mars, pour pouvoir interpréter tous ces évènements à la lumière de cette révélation finale, mais aussi pour retrouver cette ambiance indéfinissable qui parvient à toucher le téléspectateur comme rarement une série a su le faire.
NOTE : 9/10
17:41 Publié dans Ashes to Ashes / Life on Mars | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : bbc, ashes to ashes, life on mars, keeley hawes, philip glenister | Facebook |
21/05/2010
(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 7
Encore quelques heures, et nous y sommes. The end of an era.
Ce soir, une des mythologies téléphagiques les plus fascinantes de ces dernières années va arriver à sa conclusion et peut-être nous fournir des réponses tant attendues. BBC1 diffuse en effet le dernier épisode de Ashes to Ashes. Ce n'est pas seulement la fin de ce spin-off que nous allons vivre, c'est une résolution de l'énigme que constitue l'intégralité de cette franchise inaugurée il y a cinq années, avec Life on Mars, qui devrait nous être proposée. Comme tout series finale à dimension mythologique, pour le téléspectateur, l'impatience se dispute à l'appréhension : les réponses seront-elles à la hauteur ? Le dernier chapitre permettra-t-il à la série de terminer en beauté et de lui octroyer une place de choix dans la production télévisée d'outre-Manche ?
En attendant, vendredi dernier, le septième épisode, avant-dernier de la série, posait clairement les enjeux à venir ; du sort de Sam Tyler jusqu'à celui des membres de l'équipe de Gene Hunt, les questions se bousculaient à la fin de cette heure complexe et fascinante de télévision comme on l'aime.
L'intrigue du jour nous replace pleinement dans le contexte des années 80, en évoquant la situation d'une Afrique du Sud déchirée par l'Apartheid, avec comme dilemme posé aux policiers le cas de l'ANC, qui, suivant leur perspective, est officiellement une organisation terroriste, mais qui mène un combat juste de revendication des droits. Entre préjugés où flottent un relens de racisme et la culpabilité libérale mise en exergue par Alex, les positions seront finalement bien plus nuancées que le premier portrait dressé, caricatural, ne le laisserait penser ; l'ambiance électrique s'explique en partie par le fait que l'affaire intervient alors que le traumatisme de la mort de Viv demeure comme une plaie béante et infectée, au sein du commissariat.
Un immigré sud-africain, policier infiltré au sein d'un groupe de l'ANC basé en Angleterre, est tué de plusieurs coups de couteau dans les locaux de l'organisation. Encore une fois, l'intérêt de l'histoire ne repose pas sur un éventuel suspense quant à la découverte du coupable, ou plutôt de la coupable, mais plutôt dans la façon dont l'intrigue va marquer nos héros, et plus précisément Chris. Car après les émancipations symboliques de Shaz et de Ray, la réelle interrogation est de savoir si Chris, toujours si effacé, se soumettant instinctivement au tempérament explosif de Gene Hunt, peut, comme ses deux collègues, gagner son indépendance et, d'une certaine manière, peut-être sa liberté. Prouver qu'il dispose de son libre-arbitre et qu'il peut prendre des décisions, en les assumant jusqu'à s'opposer frontalement à un Gene Hunt qui n'a jamais été aussi irascible que durant cet épisode.
Si la coupable semble rapidement toute désignée, ce n'est même pas elle qui va retenir l'attention des policiers. Gene souhaite décapiter la tête de cette cellule de l'ANC, persuadé qu'ils s'apprêtent à commettre des attentats sur le sol britannique, exportant ainsi leur conflit. Au final, ses efforts se révèleront doublement vains. L'attentat - manqué - aura lieu ; et le leader du groupe, refusant d'abandonner la jeune meutrière, se dénoncera à sa plac. Cet enchaînement qui s'apparente plus à un échec pour Gene va pourtant être propice à des prises de conscience, peut-être salvatrices.
D'une part, Alex brise explicitement sa règle de ne jamais évoquer le futur devant ceux qui l'entourent, en annonçant au sud-africain désillusionné la libération prochaine de Nelson Mandela, puis son accession à la présidence. Le simple fait que l'homme interroge ensuite Chris sur Alex prouve que cette révélation "spoiler" l'a plus marqué qu'on ne pourrait le croire ; peut-être suffisamment pour le convaincre de poursuivre sa route, où que celle-ci soit ou le conduise. Car, d'autre part, l'homme s'impose comme un catalyseur pour le personnage de Chris. En partageant avec lui son expérience passée, il s'humanise aux yeux du jeune policier qui trouve dans ce récit une émulation lui permettant, pour la première fois, de se détacher de l'autoritarisme de Gene Hunt, afin d'imposer ses propres convictions.
Chris libèrera ainsi le combattant de l'ANC, allant à l'encontre des ordres de son chef. La dernière rencontre qui aura lieu entre les deux hommes, à l'extérieur, sera chargée de symbolique. Chris y confirme la maturation à laquelle il est parvenu au cours de l'épisode, tandis que le sud-africain laisse le téléspectateur songeur. Son passage au commissariat, sa discussion avec Alex, paraît l'avoir revigoré. Il paraît retrouver le sens de ses priorités et une raison de vivre, ou de poursuivre son chemin... Il disparaîtra dans la nuit, trop brusquement pour cela soit naturel. Qui était-il ? Un individu de passage dans cette réalité, comme Alex ? Quoiqu'il en soit, il aura autant servi de guide pour Chris, qu'il n'aura bénéficié du contact compréhensif de ce dernier et d'Alex.
En somme, l'émancipation de Chris est l'évolution majeure de l'épisode, car elle s'inscrit dans la mythologie globale de la série. Comme Shaz, comme Ray, plus tôt dans la saison, va retentir derrière lui, en fond sonore, au cours d'une scène au bar, le début de la musique de "Life on Mars". Il est le dernier membre à s'affirmer vis-à-vis de Gene, dans ce qui ressemble à une épreuve initiatique. Désormais, comme ses deux collègues, Chris se retrouve confronté à cette impression de fin du monde, à cette dilution de la réalité dans laquelle ils évoluent.
Mais quoiqu'il advienne, quoique cela signifie, Shaz, Ray et Chris seront ensemble. C'est sans doute le plus important.
Globalement, c'est toute la mythologie de la série qui s'accélère, les intrigues du jour n'étant plus que prétextes anecdotiques pour façonner les réactions et évolutions de nos héros. Ainsi, en parallèle, Keats se montre de plus en plus pressant, de moins en moins diplomate, et son apparence de maîtrise de soi et de fausse sympathie se craquelle à vue d'oeil, laissant transparaître une agressivité qui souligne une évidente nervosité. Les évènements de l'épisode précédent ont logiquement laissé des traces dans la mémoire du téléspectateur qui le regarde sous un jour nouveau, mais également dans son attitude, plus distante. L'échéance approche. Quelqu'elle soit. Et avant la confrontation finale, il souhaite disposer de tous les atouts possibles, à commencer par ceux possédés par Alex.
Il presse donc la jeune femme afin qu'elle choisisse son camp, et lui fournisse les éléments à charge qu'elle a pu réunir contre Gene Hunt. Les rapports d'Alex avec son supérieur ont toujours été centraux dans Ashes to Ashes, formant une des fondations de la série. Alors que tout touche à son terme, logiquement, c'est dans cette relation que tout va se jouer. Dans cet épisode, mythologie et affections se mélangent en un tourbillon qui menace d'entraîner notre duo. Derrière les sentiments évidents, mis en scène de façon très touchante au cours de cette fin de soirée dans l'appartement d'Alex, il y a le point d'interrogation que constitue le sort de Sam, qui s'apparente à une épée de Damoclès sur leurs rapports, mais aussi, plus largement, sur l'ensemble de cette réalité, pouvant potentiellement tout bouleverser.
Devant l'insistance d'Alex, parce qu'il est conscient, lui aussi, qu'il n'est plus possible de reculer, Gene lui propose une version de l'histoire au cours d'un dîner, quelque part entre le rendez-vous galant et le semi-interrogatoire. Sam ne serait en fait pas mort dans cet accident qui n'aurait servi qu'à couvrir son départ... vers où, vers quoi, Gene ne le sait pas. A supposer qu'il dise la vérité, on pourrait trouver ici un parallèle avec la volatilisation du sud-africain en fin d'épisode. Au fond, ce qui est demandé à Alex, c'est de croire sans avoir de preuve formelle. Il faut avoir la "foi", mot qui revient à plusieurs reprises depuis quelques épisodes. Référence religieuse qui nous renvoie à la mythologie générale de la série, où les parallèles symboliques ne manquent pas, ou simple qualificatif innocent, coïncidence juste troublante ? Je pense que nous en sommes arrivés à un stade où plus aucun élément n'intervient de façon innocente. Tout est connecté ; les pièces du puzzle sont devant nous, le téléspectateur ne sait simplement pas encore comment les agencer.
Si l'arrivée de Keats viendra rompre la magie du moment d'intimité que partagèrent Alex et Gene après qu'ils aient aplani toutes les tensions ayant empoisonné leur relation cette saison, elle ressemble plus à un ultime soubresaut désespéré, une dernière tentative de la part du policier d'amener Alex à douter, à rompre la confiance que Gene place en elle. Mais tout n'est-il pas déjà joué ? Depuis le début de la saison, Keats a mis tout en oeuvre pour briser le lien qui unit les deux policiers, Alex a enquêté, Gene a traversé de difficiles épreuves, mais ils se retrouvent pourtant cette soirée-là dans l'appartement d'Alex, comme si tous les efforts de Keats n'avaient servis à rien. Alex n'a-t-elle pas, inconsciemment, toujours choisi son camp, quelque soient les soupçons qu'elle ait pu nourrir à l'encontre de Gene ? A elle d'être honnête avec elle-même.
Tout apparaît déjà presque écrit. Le téléspectateur a l'impression diffuse d'avoir déjà de nombreuses clés pour résoudre cette énigme posée par Ashes to Ashes. Les derniers épisodes ont été d'une richesse mythologique vertigineuse, fascinants et troublants ; et, au bout du compte, le sentiment qui domine est l'impression que la boucle est en train d'être bouclée. Nous sommes à la fin d'une ère, nous ignorons quelle est cette ère.
Les hallucinations auditives de Ray, Shaz et Chris ne sont qu'un indice encore flou. Mais cette réalité des années 80 renvoie de plus en plus l'image d'un simple lieu de passage, que symbolise cette vaste porte gothique s'ouvrant sur les étoiles, au seuil de laquelle se tiennent les trois policiers, en fin d'épisode. Où mène-t-elle ? Marque-t-elle une fin, ce néant ressenti par Ray ? "Où sont-ils", "où vont-ils", seront peut-être les deux questions les plus importantes pour la destinée de tous nos héros dans la dernière ligne droite qu'ils leur restent à parcourir.
Bilan : Ce septième épisode de Ashes to Ashes continue d'abattre nos certitudes, faisant progresser un peu plus la série sur la voie du fantastique, complexifiant la mythologie et prenant un malin plaisir à prendre au dépourvu le téléspectateur. Les fondations de cette réalité des années 80 s'effondrent peu à peu, pas seulement au commissariat, mais des failles apparaissent également dans le décor de cet univers, Ray, Chris et Shaz en étant les témoins privilégiés. Dans le même temps, comme s'ils se situaient à un autre niveau, la confrontation entre Keats et Gene Hunt s'intensifie ; plaçant Alex dans l'obligation de faire un choix, un choix qui sera basé sur son coeur, car aucune certitude matérielle ne subsiste dans cette réalité.
La mythologie de Ashes to Ashes s'est révélée de plus en plus intrigante et prenante au fil de la saison, les scénaristes réussissant habilement à générer une attente de plus en plus grande ; le téléspectateur n'espère plus qu'une chose : une chute finale à la hauteur !
NOTE : 9/10
20:45 Publié dans Ashes to Ashes / Life on Mars | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bbc, ashes to ashes, keeley hawes, philip glenister | Facebook |
15/05/2010
(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 6
L'échéance se rapproche et les tensions construites tout au long de la saison s'exacerbent. Ce sixième épisode d'Ashes to Ashes, d'une richesse mythologique vertigineuse, brouille les cartes et nos certitudes, proposant un épisode inattendu en bien des points, chargé de symboliques de plus en plus omniprésentes. Le téléspectateur en ressort troublé comme rarement, l'esprit perdu dans des théories les plus abracadabrantesqes et des hypothèses qu'il retourne dans tous les sens... Etonnant épisode donc, perturbant et magistralement mené, qui va nous conduire à une issue tragique aussi originale que marquante.
La construction de l'épisode rejoint le schéma narratif classique de la série, au sens où, l'évènement auquel nos héros sont confrontés sert de révélateur pour mettre en lumière la dynamique d'équipe et accentuer ses failles éventuelles. En l'espèce, ce sont des évasion et mutinerie à l'intérieur de la prison de la ville qui vont être les catalyseurs d'un engrenage létal. La thématique de la loyauté de chacun des policiers officiant dans l'équipe de Gene Hunt demeure centrale, déclinaison sans doute déterminante d'un affrontement fatal en cours dont le téléspectateur ne cerne pas encore tous les enjeux réels.
Cet épisode marque une nouvelle étape dans la confrontation entre Gene Hunt et Jim Keats, au cours duquel la faillite du premier place le second en position de force. En effet, Gene échoue à plusieurs niveaux. La scène de l'assaut de la prison, dont il assure le commandement, d'un surréalisme tout Ashes-ien, sur fond musical de Sunday Bloody Sunday, se clôture sur un échec des plus cinglants. La mutinerie se transforme en prise d'otages, Viv étant laissé sur place lors du replis des troupes policières. Ce personnage va d'ailleurs symboliser tout ce qui s'enraye et déraille au cours de cet épisode. Dans ses priorités, le lien familial a malheureusement primé sur le lien policier. Jamais il n'aura l'occasion de s'en expliquer, ni d'être absous. De la plus symbolique des manières, Gene échoue à son égard par trois fois au cours de l'épisode dans sa mission de responsable de ses hommes : tout d'abord, il ne peut l'empêcher de commettre l'irréparable, pour essayer de sauver son cousin ; il le laisse ensuite en arrière, aux mains des mutins, lorsque l'assaut tourne mal... et enfin, il ne peut le sauver à la fin, Viv payant de sa vie ces évènements.
Un personnage, même secondaire, qui décède constitue en soit un choc dans l'univers souvent policé d'Ashes to Ashes, où les interventions, dont la mise en scène est marquée d'une profonde nostalgie 80s', sont souvent chaotiques, mais où les membres appartenant à l'équipe de Gene ont toujours été assimilés à des piliers inaltérables. Ils peuvent vaciller, les tensions peuvent éclater, mais ils semblent toujours intégrer à ce cadre prédéfini qu'est cette réalité dans laquelle Alex a été parachuté. Dans cette perspective, ils ont toujours paru intouchables, ne pouvant, au bout du compte, être remis en cause. Or, avec la mort de Viv, un tournant s'opère dans la stabilité de cet univers : la série franchit une étape supplémentaire à un niveau avant tout mythologique. Et c'est un processus au cours duquel l'influence de Jim Keats est aussi inquiétante qu'incontournable.
Si la fin tragique marque une rupture avec l'image d'univers préconstitué et immuabe, l'élément le plus important de l'épisode se rattache aux actions de Jim Keats. Tout n'est que conséquence de ses initiatives. Ce dernier, de façon bien plus directe que par le passé, manipule et orchestre les évènements de façon à conduire à cette conclusion, cherchant à saper toujours plus les fondations de l'unité de police officiant sous les ordres de Gene Hunt. Si Alex n'a pas encore une vision claire des camps et des enjeux en présence, les masques commencent cependant à tomber.
Le téléspectateur est le témoin privilégié du glissement qui est en train de se produire. En effet, le personnage de Keats a pu jusqu'à présent entretenir une certaine ambivalence, se construisant une aura de mystère autour de lui, tandis que nous observions, intrigués, sa croisade entreprise contre Gene Hunt. Or, avec ce sixième épisode, l'affrontement gagne un autre niveau. Viv n'est qu'un pion sacrifiable, dans une partie d'échecs que nous ne nous comprenons pas encore, mais qui concerne, sans nul doute, le coeur de l'énigme que renferme cet univers policier des 80s recréé sous nos yeux.
Toutes les actions de Keats, au cours de l'épisode, visent à obtenir une tragédie. Par sa présence faussement passive, il empêche Viv de se confier à Gene au début, il sème ensuite les graines du doute dans les esprits des membres de l'équipe à l'encontre de leur chef ; enfin, il appuie sur les blessures fraîches des échecs de ce dernier pour l'enfoncer... Mais, la scène où l'affrontement qui a lieu prend une toute autre dimension, c'est lors du dernier face-à-face avec un Viv mourant. Keats est le premier à arriver sur les lieux. Se penchant sur le blessé, il pose ses mains sur sa nuque. On pourrait croire, vu de loin, que c'est une forme de réconfort, mais l'impression laissée au téléspectateur est toute autre. Comment le décrire ? C'est comme si Keats faisait passer Viv dans l'au-delà, accélérant le processus ou aspirant sa vie. Keats l'éjecte de cette réalité. Lorsque Gene arrive, il est déjà trop tard. Viv est mort, ou, du moins, n'est plus de ce monde/cette réalité. D'une manière un peu similaire, Gene prendra la tête de Viv entre ses mains, pour essayer vainement de le réveiller. La question de Keats, "What are you trying to achieve ?", posée sur un ton presque narquois, laisse place à tant d'interprétations possibles, qui se bouscule dans la tête d'un téléspetateur interloqué. Gene aurait-il pu tenter d'inverser le processus ? Est-ce une simple question rhétorique ou, plus largement, une interrogation sur le pourquoi de continuer une lutte que Keats considère perdue d'avance pour Gene ?
Toujours est-il que le personnage de Keats prend une allure encore plus inquiétence que ses ambiguïtés passées. Ses interventions sont désormais de plus en plus directes. Le maintien des apparences est de plus en plus secondaire ; car une fin approche incontestablement. Mais la fin de quoi ? De qui ?
Quelque soit cette issue, les choix d'Alex auront une influence sur celle-ci. Keats la presse de partager avec lui ses découvertes sur la mort de Sam et d'autres éléments troublants qu'elle a pu découvrir au cours de son investigation. Exploitant la moindre parcelle de doute de la jeune femme, Keats cherche à réveiller et à nourrir ses suspicions instinctives afin de lui faire changer de camp. Lui faire soupçonner suffisamment Gene pour qu'elle soit prête à abandonner toute loyauté et à se confier à Keats, renversant les rapports de force actuellement existants. Le projet semble d'autant plus envisageable que la relation existant entre Alex et Gene est devenue au mieux chaotique, au pire, assortie d'une méfiance réciproque. Nous sommes très loin des flirts des débuts de Ashes to Ashes, de cette tension sexuelle qui pouvait exister dans certaines scènes. Les deux personnages se sont éloignés, chacun poursuivant des objectifs différents qu'il n'a pas pu ou su partager avec l'autre. La complémentarité professionnelle existe toujours ; la complicité a cependant laissé place à un fossé qui se creuse chaque épisode un peu plus. On tend vers le moment où Alex ne pourra plus reculer et devra faire un choix : avoir foi en Gene et lui offrir sa confiance aveugle, ou rejoindre Keats et l'oeuvre destructrice qu'il est en train de réaliser.
Dans cet épisode, le regain de tension ne provient pas tant des erreurs de Gene dans sa gestion des évènements, que d'un nouvel intervenant qui vient brouiller un peu plus des cartes déjà très floues. Un détenu est parvenu à s'évader. Il s'agit d'un petit escroc, Thordy, qui a la particularité d'avoir été la dernière arrestation de Sam Tyler avant sa mort. Mais, surtout, ce dernier prétend être Sam lui-même. Un Sam mis hors-jeu pour avoir touché la vérité. Est-ce un mensonge pour semer le doute dans l'esprit d'Alex ? Est-il sincèrement convaincu de cela ? Ses affirmations peuvent-elles être vraies ? Il sème en tout cas le trouble chez Alex, en évoquant certains symptômes très caractéristiques de la situation de cette dernière. Mais le futur est trop dilué dans sa mémoire pour qu'il puisse y puiser des informations concrètes pour confirmer sa version. Il affirme cependant avoir résolu l'énigme de cette réalité, avoir compris sa nature ; et c'est cela, qui lui fut fatal. Considérant avec désinvolture et détachement tout ce qui appartient à cet univers, il propose à Alex un marché : la vérité contre sa liberté. Si l'indice finalement donné par Thordy n'apporte pas de réponse immédiate, cette offre permet de vérifier vers qui la jeune femme continue de se tourner en dernier ressort. Elle re-affirme (pour le moment du moins) sa loyauté envers Gene lorsque cela est important, puisque c'est en collaboration et en accord avec lui qu'elle libère Thordy.
Une fidélité aux fondations parfois tremblante cette saison, mais qui pour le moment n'a bel et bien pas été remise en cause au cours de la saison.
Ainsi, l'épisode propose une réelle accélération dans l'exploration mythologique de la série. Sa richesse vertigineuse en symboliques des plus diverses, qu'il s'agisse de références dans les dialogues, les chansons ou bien encore simplement le simple cadre de certaines images, rend un revisionnage sans doute nécessaire pour pouvoir pleinement les recenser et les apprécier à leur juste valeur. Pour le moment, elles attisent surtout les questionnements d'un téléspectateur presque déstabilisé par une telle intensité. Le final approche, les réponses également. Mais ce qui marque pour le moment, c'est l'impression d'arriver au bout d'un cycle, à la fin d'une histoire.
L'enjeu n'est plus le sort d'Alex, il n'est plus un hypothétique retour dans un présent presque oublié, même si elle le mentionne parfois comme un simple réflexe. Désormais, ce qui est au coeur de tout, c'est le devenir de cet univers des années 80. Ses fondations semblent en effet se fissurer sous nos yeux. Ou, plus encore, cette réalité paraît se dissoudre sur place. Avec ce sixième épisode, nous ne sommes plus dans le domaine abstrait et incertain des visions. La mention des étoiles, qui continue d'être récurrente, demeure un indice, s'apparentant à des failles dans ce décor qui peine à se maintenir. Mais, maintenant, les joueurs qui paraissent "actifs" dans cette partie d'échecs dont nous ignorons encore la nature, à savoir Gene Hunt, mais aussi Jim Keats, agissent véritablement sur cet univers. La mort de Viv, sa "mise hors-jeu", ou peu importe le qualificatif auquel il faut recourir, marque la fin de l'impression d'immutabilité qui régnait autour de Gene. Elle met à jour une faille, prouvant que les choses sont passées à un autre niveau. A cela s'ajoute, l'utilisation de phrases toujours plus ambiguës, chargées en double sens, dont la portée mythologique reste encore à révéler, mais qui épaississent toujours plus le mystère.
Les thématiques de la vie et de la mort sont plus que jamais au coeur de tout. La fin de Viv confirme la fin de la stabilité de cette réalité des années 80, en exposant en plus au grand jour ce thème jusqu'à présent sous-entendu. L'univers de Ashes to Ashes va-t-il se dissoudre et s'ouvrir sur ces étoiles, porte sur le néant ? Quels sont les réels enjeux en cause ?
Bilan : Avec ce sixième épisode, Ashes to Ashes capitalise pleinement sur le mystère qui constitue son coeur. Preuve de la maturité des scénaristes, l'épisode se révèle d'une richesse mythologique à la fois troublante et fascinante, déstabilisant volontairement le téléspectateur, tandis que toutes nos certitudes, tous les piliers que nous connaissions, disparaissent peu à peu, laissant entre-apercevoir une partie d'échecs mystérieuse dont nous ne connaissons ni la nature, ni les enjeux. Tout se dissout, l'ordre et le chaos ne paraissent plus l'apanage d'un seul camp. Ce tourbillon entraîne le téléspectateur avec beaucoup d'efficacité. Bluffant.
NOTE : 9/10
12:26 Publié dans Ashes to Ashes / Life on Mars | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ashes to ashes, bbc, philip glenister, keeley hawes | Facebook |
08/05/2010
(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 5
If I am dead, as dead I well may be
ye'll come and find the place where I am lying
And kneel and say an "Ave" there for me.
Ashes to Ashes nous propose avec ce cinquième épisode un scénario des plus solides, qui exploite pleinement le potentiel inhérent au concept sur lequel se fonde la série. Tandis que l'intrigue se concentre une nouvelle fois sur les confrontations au sein même de la police, en arrière-plan, la mythologie semble s'accélérer, se faisant plus pressante, s'emparant des divergences policières. Reste que si le compte-à-rebours avant le series finale s'accélère avec des épisodes tels que celui-ci, le téléspectateur n'est pas si pressé d'y être : on a envie de savourer encore un petit peu ce show à dimension si humaine.
En plus de générer une attente toujours plus impatiente, l'intrigue du jour se révèle très plaisante à suivre. L'arrivée des policiers de Manchester est surtout une occasion pour l'équipe de présenter un front uni. C'était devenu plus rare ces derniers temps, où les suspicions des uns, les crises existentielles des autres, avaient fini par quelque peu enrayer la mécanique, tiraillée mais toujours huilée, des premières saisons. Confrontés à la concurrence de deux enquêteurs qui viennent marcher sur leurs plates-bandes et régler des comptes plutôt louches, nos héros réagissent en équipe soudée. Les voir ainsi tous intéragir de façon homogène, offrant des passages de franche complicité d'où se dégage une réelle cohésion, cela fait plaisir à voir. Chacun est à sa place, personne ne sort du lot, et tout ce petit monde remplit pleinement son rôle.
Certes, cela renforce aussi l'impression que le temps est compté. Par certains côtés, cette dimension humaine ainsi mise en avant prend des allures de discret hommage à ces personnages qui ont donné une âme à la série. C'est sans doute cet aspect que je retiendrais en priorité au sein d'une enquête policière qui ne démérite pourtant pas. Loin de là. A l'ingrédient récurrent du policier corrompu, s'ajoute la référence à Manchester... La modernisation des méthodes policières et l'introduction d'un nouveau cadre règlementaire plus rigide demeurent une des thématiques fil rouge de la saison. Comment ne pas mettre en parallèle le sort de l'officier supérieur et ce qui attend Gene si Keats réussit dans la croisade qu'il mène actuellement ?
Ce qui frappe désormais, c'est que la police ne propose plus le cadre manichéen des débuts, où la ligne jaune était perceptible entre ripoux et officiers ayant à coeur un certain intérêt public, la fin justifiant parfois les moyens pour ces derniers. Désormais, au-delà du problème de la corruption, se dégage un mouvement de fond, de remise en cause d'une certaine conception de ce métier. Comme si l'échiquier qui se jouait sous nos yeux avait acquis une nouvelle dimension. C'est d'autant plus intriguant d'assister à cette complexification progressive que tout cela doit être relié d'une façon ou d'une autre à la mythologie même de la série.
D'ailleurs, aussi prudent soit-il, l'épisode nous offre cependant quelques ouvertures mythologiques. Mon attachement aux personnages fait que j'apprécie toujours les associations inhabituelles que les scénaristes peuvent imaginer, permettant de découvrir sous un nouveau jour certains des protagonistes. En l'espèce, l'épisode rapproche Ray et Shaz. Il y a tout d'abord la vision de Ray d'un champ d'étoiles à perte de vue. Troublé, il a eu l'impression, durant un bref moment, qu'il n'y avait plus rien, le néant s'étendant devant lui. Or ces étoiles tracassent Shaz depuis plusieurs épisodes déjà.
Sans que nous en comprenions pour le moment la signification, cette "hallucination" commune n'est pas seulement un indice mythologique ou métaphorique sur la nature de cet univers des années 80, elle souligne également que Shaz et Ray partagent une situation similaire, quel qu'elle soit. Instinctivement, on est porté à voir une réponse possible dans la chanson qu'ils délivrent, ensemble, au gala de police, formant un duo improvisé des plus touchants. La symbolique des paroles du titre y résonnent d'une façon très particulière, offrant matière à spéculer au téléspectateur :
"If I am dead, as dead I well may be
ye'll come and find the place where I am lying
And kneel and say an "Ave" there for me.
And I shall hear, tho' soft you tread above me
And all my grave will warmer, sweeter be
For ye shall bend and tell me that you love me
And I shall sleep in peace until you come to me.
Oh Danny boy, oh Danny boy, I love you so."
Que cela ait un lien avec les visions de policiers morts d'Alex, ou qu'il s'agisse d'une référence plus générale et directe au coeur de la mythologie, c'est en tout cas un élément très concret.
Reste, toujours sur cette voie, que quelques alarmes se sont allumées dans ma tête au cours de l'épisode, notamment lorsque Ray, évoquant sa vision des étoiles, emploie un mot qui fait instinctivement penser, pour ceux qui l'ont vue, à la résolution d'une autre déclinaison de la franchise : la version américaine de Life on Mars. Ashes to Ashes va-t-elle s'orienter dans cette même direction ? Disons honnêtement que j'ai quand même eu beaucoup de mal à admettre la fin proposée par la collègue américaine. Les indices distillés pour le moment n'exclut pas la possibilité d'une telle conclusion, et j'ai un peu peur que ce type de dénouement me déçoive. Certes, je veux des réponses, mais je commence à craindre que la démystification du mystère qui entoure encore la version anglaise ne soit pas à la hauteur des attentes.
Bilan : Un bon épisode de Ashes to Ashes, qui trouve un équilibre convaincant entre enquête du jour et mythologie, distillant des indices en prévision du final à venir et nourrissant efficacement la curiosité du téléspectateur. Plaisant à suivre, doté d'une dimension humaine très bien mise en valeur, il donnerait envie de voir se prolonger un peu plus cette ambiance indéfinissable à laquelle la série parvient par intermittence.
NOTE : 8,5/10
19:31 Publié dans Ashes to Ashes / Life on Mars | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bbc, ashes to ashes, keeley hawes, philip glenister | Facebook |