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01/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 9 : Cold Blood (2)

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Il était dit que mon stock de kleenex descendrait considérablement la semaine téléphagique dernière. Cette deuxième partie de la confrontation des humains avec les Silurians, plus dynamique que la première, se sera déroulée de façon agréable, presque ronronnante jusqu'aux dernières minutes, où tout s'est emballé et où, encore une fois, la chute finale rehausse l'ensemble et vous donne envie de tout revoir afin d'apprécier pleinement cette dernière aventure pour un des personnages auquel le téléspectateur s'était, mine de rien, attaché. Il règne sur cette saison un parfum d'imprévisibilité : la marque du changement de scénariste est à chaque épisode plus visible, invitant le téléspectateur à oublier ses habitudes passées lorsqu'il visionne la série.

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Les premiers contacts avec les Silurians, qui ne se déroulent pas derrière une arme ou un bistouri, confirment le parallèle instinctif que l'on avait fait entre les Homo Reptilia et les êtres humains. Surtout, les scénaristes optent pour une reproduction de la dichotomie traditionnelle, que l'on retrouve souvent appliquée aux humains : chaque représentant des Silurians incarne un stéréotype, bien prédéfini, et très familier. Il y a la militaire va-t-en guerre facilement aveuglée par ses émotions, le scientifique instinctivement pacifique et ouvert d'esprit et le vieux sage en membre avisé de l'assemblée dirigeante. Le téléspectateur, comme les personnages, se situent donc en terrain connu ; l'originalité du sujet va venir de la thématique sous-tendant cette première rencontre "officielle" : un hypothétique partage de la Terre, entre les deux races qui en sont originaires.

La première partie de l'épisode se révèle agréablement rythmée, riche en réparties, en courses-poursuites et en retournements de situations aux derniers moments. Les sauvetages in extremis se multiplient, avec une maîtrise éprouvée, si bien qu'il est aisé pour le téléspectateur de se détacher également de ces enjeux très pragmatiques et, sans réellement s'inquiéter pour quiconque, de surtout savourer tout cela comme un divertissement aventureux. Une façon efficace d'endormir notre vigilance qui sera ensuite prise au dépourvu.

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Car le drame n'est jamais loin, peu importe que l'apparente légèreté de l'atmosphère nous le fasse un temps oublier. A la surface, le trio gardant Alaya va malheureusement échouer dans la tâche que le Docteur leur avait confié : la garder vivante pour un futur échange. Or, comme la Silurian l'avait elle-même prédit avec une assurance déstabilisante, l'un d'eux la tuera. Se laissant emporter par ses émotions et son inquiétude pour son fils et son mari, c'est la nature la plus primaire de la mère qui ressort, allant jusqu'à la torturer mortellement avec un tazer. Nous suivons ici une certaine continuité : la femme avait déjà voulu s'armer dans le premier épisode. On devine qu'elle réagit comme elle croit devoir le faire, submergée par ses émotions. Ce sont ses plus bas instincts qui ressortent ; cette part sombre de la nature humaine qui n'a rien à envier à Alaya.

Malheureusement, ce drame va précipiter les évènements, initiant un engrenage fatal. Alaya était la soeur de la dirigeante militaire qui conduit les Silurians. Sa mort entérine une vendetta dont les similitudes avec les propres réactions humaines sont criantes. Toute la faiblesse de l'humanité, comme de la civilisation Silurian, se trouve ainsi résumée dans ces échanges stériles de rejet réciproque de responsabilité, menant à une escalade des tensions des plus dangereuses. L'épisode traite les deux races de façon assez équitable ; la douleur de la militaire, lorsqu'elle se retrouve face au cadavre de sa soeur, "l'humanise" bien plus que tous les parallèles antérieurs. Cependant, cette victime va non seulement entraîner une réaction en chaîne fatale, elle enterre également avec elle tout espoir de paix immédiate entre les deux peuples.

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Car humains et Silurians ont bel et bien frôlé la possibiilté d'une coexistence pacifique. Le Docteur le souligne avec une excitation mal contenue : nous ne sommes pas sur un point fixe de l'Histoire. Le devenir des deux races n'est pas scellé ; aucune prédestination, ce sont eux qui créent leur propre futur. Les pourparlers mettent cependant surtout en exergue les difficultés actuelles à pouvoir faire admettre un partage des ressources (au-delà même de la planète). Les humains sont-ils prêts, suffisamment avancés dans leurs idées, mais aussi dans leur technologie, pour prendre en charge, à leur côté, les hommes-reptiles ? Le téléspectateur en doute, comme les deux jeunes femmes intronisées "ambassadrices humaines" par le Docteur.

La tragédie du sort d'Alaya referme tout espoir de ce côté-là. Mais le Docteur intervient, promettant que, dans 1000 ans, la Terre sera prête à accueillir leur retour. Il faudra habituer tout un chacun à cette idée ; une légende, un mythe, qui permettrait de couvrir les Silurians lorsqu'ils adresseront leurs revendications aux êtres humains. La voix du narrateur, en début et fin d'épisode, nous confirme ce déroulement ; cependant, même si ce procédé de narration est assez souvent utilise dans la série, j'ai trouvé personnellement que c'était un effet de style dispensable au vu de l'histoire. Il essaye d'accentuer la portée historique de l'évènement, comme si le scénariste craignait que le peu de résultat concret la fasse manquer au téléspectateur, mais il permet aussi de donner un avertissement initial au téléspectateur, avertissement qui ne sera compris qu'à la toute fin de l'épisode.

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En effet, au-delà de la fin prématurée des négociations Humains-Silurians, la mort d'Alaya -cette part de faiblesse de l'humanité qu'elle aura soulignée- aura des conséquences bien plus concrètes et dramatiques que le téléspectateur insouciant aurait pu le croire dans un premier temps, en dépit de quelques plans de caméra, trop insistants sur le mariage à venir et le futur promis à Amy et Rory, pour ne pas éveiller quelques soupçons. Nous sommes à un point "pivôt" de la ligne du temps, les rouages du futur bougent autour d'eux. Rien n'est fixé dans cette aventure. Pas même la vision du couple se baladant et leur faisant de grands signes de l'autre côté de la colline, des années après ces évènements.

La soeur d'Alaya, mourante, aura le temps d'intercepter nos amis avant qu'ils ne pénètrent dans le Tardis. Ils ont notamment été ralentis par cette faille spatio-temporelle qui semble les poursuivre et apparaît à côté du vaisseau. C'est la loyauté de ses compagnons envers le Docteur qui entrera une fois de plus en action, poussant Rory à plonger pour le protéger du tir qui lui est destiné. Cela nous rappele brutalement combien les voyages au côté du Time Lord peuvent être dangereux, même dans les moments qui nous apparaîtraient plus anecdotiques, même quand l'adrénaline change tout cela en une forme de jeu... jusqu'à ce type de drame.

Comme un mauvais remake de l'aventure précédente, Amy voit Rory mourir sous ses yeux. Le parallèle entre les deux épisodes est d'autant plus cruel que le premier drame avait fait réaliser à Amy l'importance de son fiancé ; et que, cette fois, à la différence des manipulations de rêves, nous sommes bien dans la réalité.

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La douleur est double. Celle, personnelle, du téléspectateur qui, en quelques épisodes, avait trouvé bien difficile de ne pas s'attacher à ce personnage sympathique, spontané et rationnel, qui s'était instinctivement intégré à la dynamique à bord du Tardis. Celle, déchirante, d'Amy, qui a encore plus de force en raison de l'écho de l'épisode précédent. La scène est d'autant plus bouleversante qu'elle évoque implicitement le sacrifice fait par la jeune femme dans l'univers "rêvé". Lorsque la lumière de la faille spatio-temporelle touche le corps de Rory, il devient impératif de partir très vite, mais surtout de malheureusement l'abandonner sur place. Les quelques scènes qui suivent sont d'une intensité émotionnelle rare, portée par de très solides performances d'acteur, Karen Gillan prouvant qu'elle peut jouer dans le registre de l'émotionnel avec beaucoup de conviction.

A l'image des soldats du LIe siècle, dont le souvenir-même de leur existence avait été effacé des mémoires de leurs camarades, un sort semblable attend Rory happé par cette lumière blanche. Seulement, si Amy avait conservé la mémoire dans le futur, car ceux qui avaient disparu n'appartenait pas à sa ligne de temps, ici, elle prend la place des soldats, qui oubliaient sans s'en rendre compte leurs collègues. Les moments où le Docteur tente de sauver le souvenir de Rory dans la mémoire d'Amy sont d'une force dramatique poignante ; et ce d'autant qu'il n'y réussira malheureusement pas.

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Plus que le choc de la mort de Rory, le plus cruel reste encore l'éradication de son existence, du souvenir de qui il a été, de ce qu'il a pu apporter à son entourage, à ceux qu'il aimait. Ce n'est pas un décès traditionnel, qui laisserait une absence béante et un deuil difficile à gérer, mais parfaitement compréhensible. Non, cette mort de Rory est plus insidieuse, plus dévastatrice pour le téléspectateur, mais aussi pour le Docteur, car nous voilà propulsé en observateur extérieur, dernier témoin silencieux de qui fut ce personnage.

Se détachant du schéma narratif classique jusqu'à présent suivi, le scénariste bouleverse toutes les conventions du genre, coupant immédiatement tout devoir de mémoire et hommage possible. Non, Amy n'aura pas de période de deuil, rien pour lui permettre de conserver les sentiments, les moments uniques qu'elle a pu partager avec Rory (sauf peut-être l'alliance laissée dans le Tardis ?). Re-écrire sa vie sans la présence d'un être qui fut à ses côtés depuis son enfance, la priver des seuls moments de joie qu'elle avait pu connaître au cours de la décennie qui s'achève, quelle sentence pourrait être plus cruelle pour la jeune femme ? Elle est d'autant plus douloureuse pour le Docteur et le téléspectateur qu'elle n'en sait rien. Rory rejoint les si nombreux regrets qui peuplent la mémoire du Time Lord, un poids supplémentaire, mais aussi le seul endroit dans l'univers où son souvenir demeure vivant.

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Si la récurrente présence de la faille avait, en dépit du passage mouvementé au LIe siècle, toujours paru un peu abstraite, l'épisode se charge d'assurer une prise de conscience brutale au téléspectateur. Elle est toujours là, poursuivant une action qui apparaît presque inéluctable, laissant jusqu'au Docteur impuissant face à sa cruelle action d'éradication. Au-delà de la mise en exergue de son danger, nous est proposée une nouvelle avancée mythologique.

Ce que je trouve intéressant, c'est que la finalité de la saison, ce mystère de la faille, ne se contente pas d'être exploité avec le recours à de simples indices : la faille joue un rôle actif dans le déroulement des aventures, influant directement sur les personnages. A mesure que le mystère s'épaissit, le téléspectateur prend pleinement conscience que le toutélié de cette saison est bien plus fusionnel, s'accentuant au fil des épisodes, que lors des saisons passées. On y sent la marque de la nouvelle équipe et j'avoue que ce traitement scénaristique, plus "feuilletonesque", me plaît bien et m'intrigue de plus en plus.

Reste que, chez le Docteur, la frustration de l'ignorance suscite une curiosité jamais démentie qui, une fois de plus, va rentrer en action. Beaucoup trop de monde paraisse savoir ce qu'il se passe, sans que le Docteur le sache. Comment cela est-il possible ? Pourquoi un Time Lord comme lui n'aurait pas accès à ce secret ? Le Docteur glissera une main dans la faille spatio-temporelle -protégé par un seul mouchoir?-, dans le but de rechercher ce qui est en son centre, ce qu'elle cache. Quelle est la cause de cet anéantissement progressif de l'univers, de cette "explosion", comme la qualifie le Docteur ? Ce qu'il en retire n'est pas fait pour calmer ses inquiétudes : le débris qu'il extrait encore fumant délivre une information troublante et effrayante qu'il garde pour lui : un bout de son Tardis.

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Bilan : Après une première partie, plus d'exposition, qu'il avait été difficile de cerner indépendamment, Cold Blood nous propose un bel épisode de Doctor Who. Il offre de la belle science-fiction métaphorique à souhait avec les parallèles qu'il établit entre les humains et les Silurians. Il confère aussi une certaine dualité à tous les personnages qui continuent d'être explorés. Et il se conclue sur une fin déchirante qui entérine aussi le changement de style narratif que la série a connu cette saison. Tuer un personnage principal. En cours de saison. C'est plus qu'au cours des 4 saisons précédentes. Cela déstabilise les habitudes du téléspectateur et confirme le caractère central de la faille spatio-temporelle : nous ne sommes pas dans un schéma où les scénaristes distillent des indices en prévision du final, elle agit déjà dans le quotidien de nos héros, de la plus cruelle des manières. Le sort de Rory faisant en plus écho à l'aventure précédente, il faut saluer la construction d'ensemble de la saison, menée de façon plus feuilletonesque, mais avec beaucoup de rigueur. Au sortir de Cold Blood, on ne peut que être impatients de découvrir les enchaînements à venir.


NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode (Bill Nighy! Van Gogh!) :

Commentaires

Je me demande si l'absence de Rory dans le passé d'Amy est censé changer quelque chose à sa personnalité : comme tu le dis, elle le connaît depuis l'enfance, il a forcément fortement influer sur ce qu'elle est "aujourd'hui"...

Écrit par : Saru | 01/06/2010

Cette saison de Doctor Who me donne suffisamment mal à la tête ! Je n'ose pas me poser trop de questions ; pour le moment, j'avoue que je suis surtout occupée à savourer. :-)

Écrit par : Livia | 04/06/2010

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