La nouvelle saison de Spooks démarre vraiment avec ce deuxième épisode qui, tout en restant en terrain (très, voire trop ?) connu, exploite efficacement une intrigue solide, somme toute assez classique, où toutes les parties se livrent à un jeu d'échecs mortel, où chaque camp manipule l'autre et où les Britanniques sont, pour une fois, assez peu inspirés, un brin dépassés par les évènements, marionnettes indirectes d'une partie où CIA (Etats-Unis) et FSB (Russie) mènent la danse en coulisses.
Les ennuis Britanniques débutent avec l'explosion d'une importante usine de gaz. Cette catastrophe remet en cause tout l'approvisionnement gazier du pays, menaçant de le plonger dans une crise énergétique sans précédent. Il est donc nécessaire et urgent de signer un nouveau contrat d'acheminement de cette matière première avec un des gros exportateurs de gaz. Malheureusement, seuls deux pays sont en mesure de répondre à la demande Anglaise : les Russes, qui réclament un prix déraisonnable, décidés à exploiter la précarité de leur situation ; et les... Tazbeks. Régime de fer, le Tazbekstan est une dictature où les droits de l'homme ne sont que chimère et où les pires excès ont lieu. Laissant de côté toute considération humanitaire, se voulant "pragmatiques", c'est donc vers les officiels Tazbeks que les Britanniques se tournent, espérant conclure un accord rapide avec un régime qui a besoin d'appuis internationaux. Mais les choses vont rapidement évoluer hors de contrôle.
En effet, complexifiant la situation, un des membres de la délégation Tazbek, Urazov, une caricature du "méchant" (meurtrier et violeur), joue sur de multiples tableaux, venant considérablement compliquer la tâche du MI-5. D'une part, il profite de son passage à Londres pour tenter d'achever une vendetta contre une famille dont il a exterminé les membres dans son pays, à l'exception d'une jeune femme, Bibi. D'autre part, il mise sur son propre agenda et vise à assouvir ses ambitions de pouvoir. Face à une unité du MI-5 pas encore pleinement remis des derniers évènements, avec notamment un Harry qui repousse les limites de la morale bien plus loin qu'à l'habitude, tout devient rapidement confus. Sacrifiant tout principe dans le but d'obtenir le contrat de gaz, le MI-5 semble plus ou moins décider à laisser une marge d'action, normalement inacceptable, à Urazov. Un journaliste est tué. Bibi échappe de justesse à une tentative d'enlèvement.
Mais derrière les ambitions d'un seul homme, l'enjeu du gaz Tazbek est en réalité bien plus complexe qu'une simple question d'énergie. Derrière les Britanniques, les grandes puissances Américaines et Russes font pression pour maintenir le régime dictatorial dans l'isolement et éviter qu'il ne trouve un point d'appui en Europe. Les Etats-Unis, à travers leur nouvelle agent de la CIA, Sarah, font un travail de sape silencieux. Ils distillent des informations sur les négociations en cours à la presse. Ayant peu apprécié la petite manipulation du premier épisode, Sarah profite de ce conflit d'intérêts entre les deux pays pour remettre les points sur les "i" et s'imposer comme une source d'ennuis, tout autant qu'une alliée indispensable. A ce jeu de poker menteur, les Britanniques, omnubilés par le gaz, se laissent manipuler, réagissant sans jamais retrouver l'initiative. Le MI-5 finit par orchestrer le meurtre d'Urazov, devenu trop gênant, instrumentalisant Bibi, pour se retrouver finalement exposé par une opération du FSB qui force les Tazbeks à rompre les relations. En fin de compte, il faudra adresser une supplique aux "amis" Américains, pour s'adresser aux "amis" Russes, et passer l'accord gazier avec eux, aux conditions de prix Tazbek et, au passage, en échange du plan de vol du président Tazbek quittant l'Angleterre...
Cette clôture sur un étrange pseudo "gagnant-gagnant" laisse un arrière-goût un peu amer, mais permet à l'Angleterre, aux Etats-Unis et à la Russie d'obtenir chacun ce qu'il désirait, au terme d'un jeu d'échecs passionnant aux multiples rebondissements. Cette intrigue est rondement menée et se révèle très plaisante à suivre, à défaut d'être bien originale. C'est du pur Spooks, de ces manipulations obscures jusqu'à cette fin qui nous brise le coeur pour Jo, la jeune femme assistant impuissante au suicide de Bibi après la mort d'Urazov. Par vraiment de happy end donc, comme d'habitude, simplement la mise en place d'un nouvel équilibre entre grandes puissances, avec des pions sacrifiés pour l'atteindre.
L'aspect le plus réussi de l'épisode réside sans doute dans le traitement des conséquences de l'épisode précédent. Ruth n'est pas repartie ; elle a laissé son beau-fils retourner en famille. A travers quelques scènes, l'ambiguïté de sa relation avec Harry est particulièrement bien dépeinte : de la colère froide, cet impossible pardon pour avoir pris la décision ayant conduit à l'exécution de son mari ; mais aussi du réalisme, une analyse de situation où Ruth est bien consciente de l'alternative qui s'offrait à Harry. Pas de pardon, mais pas de haine ouverte non plus. Ils sont tous les deux très secoués ; Harry se montrant jusqu'au-boutiste comme jamais pour décider du sort de Bibi, qu'il est d'abord prêt à sacrifier sur l'autel énergétique du gaz. Les plaies ne se guériront pas en quelques jours. Et finalement, les scénaristes réussissent ici, bien mieux que pour les retrouvailles de la semaine passée, à introduire une subtilité et une valse d'hésitation qui sonnent justes à l'écran.
Du côté des personnages, justement, l'équipe apparaît désunie comme jamais. Il manque un esprit d'équipe, la cohésion passée, le tout ayant été rompu par tous ces bouleversements de personnel. Face à ce besoin de main d'oeuvre, c'est un remplacement pour Malcolm qui est introduit, Tariq (Shazad Latif). La trentaine, et un visage plutôt frais, pas encore marqué par toutes les tragédies que l'on peut lire dans les regards lourds des autres agents, on retrouve en lui une innocence et un enthousiasme que l'on n'avait plus vu depuis pas mal de temps au QG du MI-5. Ce n'est pas un mal.
Mais c'est une autre rapide évolution qui m'a fait lever les yeux au ciel d'exaspération. Une histoire sentimentale que l'on sentait venir avec la subtilité et la délicatesse d'un éléphant évoluant dans un magasin de porcelaine, mais que je n'osais pas imaginer se concrétiser si vite. Les scénaristes profitent en effet de la fin de l'épisode pour nous parachuter l'officialisation d'une relation plus seulement professionnelle entre Lucas et Christine 2.0 Sarah. Quelques brèves rencontres, agrémentées d'un flirt anodin, auront donc rapidement conduit à l'hôtel. A mes yeux, le duo manque pour l'instant d'alchimie ; ajoutons à cela l'antipathie à l'égard de Sarah, nourrie tout au long de l'épisode, accentuée par cet air d'arrogance dont elle semble ne jamais se départir, et j'ai pour le moment beaucoup de mal à trouver une crédibilité à cette histoire. Les scénaristes ont précipité une situation qui ressemble surtout à une romance sur papier glacé, complètement déshumanisée. On est loin des errements amoureux, mais aux implications sentimentales toujours très fortes, d'un Tom des premières saisons, par exemple. Cet aspect reste peut-être corrigible, mais, pour le moment, je suis sceptique.
Bilan : Un épisode à la fois solide et très classique, du pur Spooks comme la série sait si bien le faire, sans réelle originalité, mais avec une trame forte, à rebondissements multiples et sans manichéisme. Un petit coktail prenant qui nous skotche devant notre petit écran pour tout l'épisode, grâce à des jeux d'espions à leur apogée, dans une partie d'échecs mortelle où les Britanniques sont, cette fois-ci, assez peu réactifs, subissant les évènements, plutôt que les influençant.
Sans être exceptionnel, l'épisode remplit donc son contrat sans pour autant que le téléspectateur ne parvienne à se départir de cette impression lancinante de "déjà vu". Si on ajoute en plus à cela cette petite dose de flirt inter-agences, on se promène vraiment sur des sentiers connus. Cependant, plus enthousiasmant que le précédent, il ne faut pas bouder notre plaisir !
NOTE : 8,5/10
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