19/06/2011
(Mini-série UK) The Shadow Line : un thriller à part sous haute tension
Si les "thrillers" ne manquent pas dans notre petit écran, il y en a peu qui peuvent se vanter de véritablement atteindre leur but en marquant le téléspectateur. C'est d'autant plus agréable lorsque vous tombez sur une période où les thrillers réussis s'enchaînent comme c'est le cas ces derniers temps dans mes programmes. Non seulement White Christmas aura provoqué chez moi une quasi-nuit blanche pour cause de taux d'adrénaline incapable de redescendre et d'esprit tourneboulé, mais de plus, ces dernières semaines, était diffusée outre-Manche une série qui aura mis mes nerfs à rude épreuve. : The Shadow Line.
Programmée en Angleterre, sur BBC2, du 5 mai au 16 juin 2011, cette mini-série compte un total de sept épisodes d'une heure chacun. Bénéficiant d'un solide casting (de Stephen Rea à Christopher Eccleston) et d'une esthétique à part, The Shadow Line est un thriller admirablement mis en scène, qui parvient à une tension d'une intensité aussi rare qu'éprouvante. Une fiction vraiment intéressante à plus d'un titre qui mérite sans aucun doute le détour.
L'histoire de The Shadow Line s'ouvre sur la découverte d'une scène de crime. Harvey Wratten, dirigeant d'une des organisations de trafic de drogue les plus puissantes d'Angleterre, venait d'être relâché de prison à la suite d'un pardon royal accordé de manière très surprenante. Mais c'est son cadavre que la police découvre quelques heures après sa libération, abandonné dans une voiture qui semble avoir été le cadre d'une froide et brutale exécution. La liste de ceux qui pouvaient en vouloir ou avoir intérêt à voir mort ce chef de cartel est particulièrement longue, et c'est l'enquête de ce meurtre qui va servir de fil rouge à la mini-série.
Car de part et d'autre de cette frontière parfois si trouble de la légalité et de la morale, qualifiée si justement de shadow line, chacun s'active suite à ce décès. Du côté de la police, l'enquête est confiée au DI Jonah Gabriel, lequel se remet tout juste d'une fusillade dans laquelle son partenaire a été tué, tandis que la balle meurtrière est venue se ficher dans sa boîte crânienne. Conséquence de cela, il souffre d'une amnésie partielle, n'ayant pas de souvenirs des événements de la soirée fatidique, faisant face à une crise identitaire qui sape ses certitudes.
Parallèlement, l'organisation de Wratten doit également se remettre du brusque décès de sa tête pensante. C'est à un homme de l'ombre, Joseph Bede, qu'échouent les responsabilités immédiates pour poursuivre les affaires d'importation de drogue, alors même que le comptable de l'organisation, Glickman, demeure mystérieusement injoignable. Tandis que le neveu de Wratten, Jay, difficilement contrôlable, se charge de mener de son côté une enquête personnelle pour découvrir qui a abattu son oncle, un autre homme remonte les différentes pistes dans l'ombre, un mystérieux Gatehouse.
Loin d'être une simple fiction d'enquête policière, The Shadow Line s'impose dans le registre du thriller avec une maîtrise et une efficacité à souligner. Suivant le fil rouge du meurtre de Harvey Wratten, initialement débutée comme une course contre-la-montre entre les différents camps pour découvrir ce qu'il s'est passé la nuit du crime, c'est une autre partie d'échecs autrement plus complexe qui se dévoile progressivement à travers les enjeux d'une réalité pleine de faux-semblants, où la frontière de la légalité et de la morale apparaît des plus troubles. Ce toutélié aussi intrigant que captivant, se construisant au gré des twists multiples, trahisons brutales et retournements de situation inattendus, va admirablement nourrir la paranoïa d'un téléspectateur dont les repères se brouillent peu à peu.
Parmi les protagonistes, ils sont d'ailleurs notablement peu nombreux à comprendre les réels tenants et aboutissants vers lesquels tend la mort de Wratten. Cela contribue à déstabiliser un téléspectateur complètement happé par des questions qui se bousculent. De plus, si la froideur ambiante, mais aussi la violence extrême de l'univers mis en scène, finissent par provoquer une relative dessensibilisation à mesure que les cadavres s'accumulent, la mini-série n'en néglige pas pour autant le développement d'une dimension plus personnelle aux destinées des personnages principaux, trouvant le juste équilibre entre les différents types d'intrigues.
Cependant, la vraie et grande réussite de The Shadow Line va résider dans sa capacité à générer une tension éprouvante, quasi-constante, qui atteint parfois des sommets. Si les nerfs du téléspectateur sont à fleur de peau, ce dernier n'en jubile pas moins par moment, grisé par le brusque rush d'adrénaline que certains passages provoquent. Car cette mini-série fait non seulement preuve d'une maîtrise narrative parfaitement millimétrée des scènes les plus tendues, mais elle sait aussi admirablement jouer de la lenteur calculée de son rythme. Théâtralisant des confrontations qui parviennent à des sommets de tensions, le suggestif se révèle bientôt aussi éprouvant que les brèves, mais complètement décomplexées, explosions de violence.
Capitalisant sur cette atmosphère à part, The Shadow Line finit sans doute par se laisser quelque peu emporter par la fascination que suscite l'intensité du tableau si glaçant qu'elle met en scène. L'histoire qui se cache derrière laissera un petit arrière-goût d'inachevé, les réponses ne satisfaisant pas pleinement. Cependant sa conclusion s'inscrit parfaitement dans la tonalité de la mini-série, nous laissant un peu groggi dans le bon sens du terme. The Shadow Line est essai de style ambitieux et prenant, certes pas exempt de certains reproches, mais l'investissement est assurément mérité. Le téléspectateur se laissera conquérir sans arrière-pensée.
Si la tension constamment palpable que The Shadow Line instaure fonctionne si bien, c'est aussi en raison du soin avec lequel la forme est traitée, encourageant justement cette ambiance à la nervosité communicative. En effet, The Shadow Line dispose d'une réalisation très travaillée, flirtant parfois avec une forme quasi-théâtrale, où la lenteur et le soin accordé aux détails se conjuguent à une image extrêmement épurée qui privilégie l'essentiel. La mini-série bénéficie en plus d'une belle photographie, dotée de teintes qui lui permettent de se construire un visuel clairement identifiable, dont l'esthétique n'est pas sans rappeler les thrillers des 70s'. Une sobriété similaire se retrouve dans sa bande-son, quasiment absente, mais où le téléspectateur retiend la musique du générique qui colle parfaitement à l'ambiance générale (il s'agit de la chanson 'Pause', par Emily Barker and The Red Clay Halo).
Enfin, The Shadow Line bénéficie d'un excellent casting. Le côté théâtral que renvoie l'ensemble n'amoindrit pas du tout des performances globalement très convaincantes. Parmi ceux qui ressortent le plus, c'est sans doute Stephen Rea (Father & Son) qui m'a marqué, incarnant un personnage glaçant doté d'un sang-froid flegmatique qui l'impose comme le personnage le plus craint de la série. Même si par moment, Rafe Spall (Desperate Romantics) n'est loin de lui voler ce dernier titre, une scène de l'épisode 2 m'ayant particulièrement traumatisée. Chiwetel Ejiofor (Trust) joue avec sobriété ce policier troublé qui a perdu ses repères avec une partie de sa mémoire et qui essaie tant bien que mal de démêler les fils inextricables du cas qu'il doit résoudre. Tandis que de l'autre côté de la ligne, Christopher Eccleston (Our Friends in the North, Doctor Who) renvoie avec beaucoup de justesse le portrait d'un criminel ordinaire, qui voit ses vies personnelle et professionnelle lui échapper. A leurs côtés, on retrouve notamment l'excellent Richard Lintern que j'ai adoré en supérieur de Gabriel, Tobias Menzies (Rome) pour lequel j'ai toujours un faible dans ce genre de rôle, Kierston Wareing (Five Daughters, The Runaway), Eve Best, Lesley Sharp, Sean Gilder ou encore Freddie Fox.
Bilan : D'une efficacité souvent éprouvante, The Shadow Line est un brillant thriller à la lenteur parfaitement calculée, où la tension est mise au service d'une réelle ambition narrative. Dotée d'une histoire excessivement complexe, elle captive l'intérêt jamais pris en défaut d'un téléspectateur qui finit par se laisser gagner par la paranoïa ambiante. Si la mini-série se laissera un peu débordée par cette atmosphère si identifiable et vraiment à part qu'elle a créée, sa demeuure amoindrissant sa portée vers la fin, elle reste une expérience indéniablement marquante, à l'occasion jubilatoire, qui renoue avec la tradition la plus épurée du thriller à suspense.
The Shadow Line saura mettre vos nerfs à rude épreuve avec une intensité qu'il est rare d'atteindre : à découvrir !
NOTE : 8,75/10
Le générique :
11:47 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bbc, the shadow line, stephen rea, rafe spall, chiwetel ejiofor, christopher eccleston, richard lintern, tobias menzies, kierston wareing, eve best, lesley sharp, sean gilder, freddie fox | Facebook |