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21/10/2012

(US) Babylon 5 : une puissance épique et mythologique intacte pour la fin des rêves

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Tout a commencé il y a quelques semaines devant le pilote de Last Resort. Un officier militaire, commandant d'un appareil capable de donner une autonomie défensive à son équipage, qui rompt avec sa chaîne de commandement et fait sécession, en se plaçant sur les champs de la légalité, mais aussi d'un certain honneur, dans l'esprit d'un sériephile, cette situation évoquait instinctivement une autre déclaration d'indépendance, tellement marquante dans son registre. La frustration ressentie devant le pilote de Last Resort et ses manques d'ampleur et de force avaient éveillé en moi l'envie irrépressible de retrouver un vrai passage d'anthologie. Si vous ajoutez à cela le blues d'une rentrée sériephile relativement morose dans la télévision occidentale, vous comprenez comment, hier, mes DVD de Babylon 5 se sont soudain retrouvés dans le lecteur de mon salon. J'ai regardé plusieurs épisodes d'affilée, jusqu'à parvenir au fameux Severed Dreams (3.10). Et vous ne pouvez pas imaginer combien il peut être bon de retrouver certains fondamentaux.

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Babylon 5 reste une des plus belles expériences sériephiles qu'il m'ait été donné de vivre. Tout a probablement déjà été écrit sur cette épopée de science-fiction mythique au sens premier du terme. Pour comprendre le souffle qui la parcourt, il faut commencer par rappeler cette construction narrative, allant crescendo : elle voit se développer de vastes intrigues, évoluant sur plusieurs niveaux, rassemblées dans un toutélié mythologique à l'ampleur et à la maîtrise grisantes. Cela fait sa force, même si c'est aussi une limite : la saison 1 sert plutôt d'exposition dont la légitimité se comprend avec le recul, tandis que les saisons 3 et 4 représentent un apogée dont nul ne ressort indemne. Car Babylon 5, ce sont des prophéties et des visions qui s'emboîtent, des enjeux qui se comprennent a posteriori, des réponses qui arrivent tardivement à des questions à peine formulées. C'est la mise en scène d'une lutte, mais c'est surtout l'histoire d'un avènement, d'un bouleversement qui dépasse l'entendement, celui de l'entrée dans un nouvel Âge.

Au fil des saisons, les destinées personnelles des personnages se confondent avec des enjeux d'une toute autre ampleur, touchant les réalités inaccessibles des secrets de l'univers, de sa création et de son Histoire. C'est un récit épique, avec ses vrais héros, ses actions d'éclat dont chacun murmure encore le déroulement aux quatre coins de la galaxie et ses sacrifices réalisés en conscience. L'écriture joue sur les ressorts les plus purs des épopées extraordinaires, avec leur grandeur et leur naïveté, mais ne vous y trompez pas : sa richesse dévoile une complexité dégagée de tout manichéisme qui exerce une fascination jamais démentie. C'est une série peuplée de figures magnifiques, sublimées par les évènements, évoluant aussi en fonction de leurs épreuves et puisant leur force dans une adversité insoupçonnée et inimaginable. Le soin apporté à la distribution des rôles, principaux et secondaires, où transparaît un équilibre très travaillé, qui s'affine et se nuance avec le temps, s'inscrit dans cette même lignée. 

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Severed Dreams, l'épisode de la déclaration d'indépendance, se situe à mi-chemin dans la série, 10e épisode de la saison 3 dans une fiction comptant cinq saisons. Il reste un des plus marquants, incarnant parfaitement tout ce qui fait l'essence de Babylon 5. La capacité des scénaristes à construire leurs intrigues sur le moyen ou le long terme, suscitant peu à peu les attentes, conduisant vers des confrontations inévitables, demeure une constante que cet épisode illustre à merveille. Il est en effet un point de rupture, nécessaire, programmé par les dérives dictatoriales du régime du Président Clark. Il est l'aboutissement d'un engrenage, parfaitement identifié, qui a débuté bien avant, et que l'accélération récente des évènements n'a fait que précipiter. Cet effort de contextualisation, méticuleux et riche en détails, fait mesurer combien la déclaration d'indépendance marque une nouvelle étape dans l'escalade létale du conflit terrien. 

Le téléspectateur a assisté, tout aussi glacé que les protagonistes impuissants, à la mise en place de la loi martiale, aux responsabilités confiées aux troupes de NightWatch, aux bombardements de Mars, à la sécession de plusieurs colonies refusant les ordres du pouvoir exécutif terrien, et enfin, à l'arrivée du vaisseau du général incarnant la résistance et la possibilité du coup d'Etat. Tandis que la chaîne d'informations continues ISN cesse d'émettre, chacun a conscience devant Severed Dreams que tous les évènements des épisodes précédents ont conduit à ce moment où il ne reste à Sheridan qu'une seule issue : celle de prendre position, et de signifier son désaccord par la rupture. La scène du discours d'indépendance n'a rien perdu de sa puissance après toutes ces années parce qu'elle occupe une place pivôt dans la construction d'ensemble de la série alors que l'Alliance Terrienne voit se profiler le spectre d'une guerre civile.

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Severed Dreams représente également Babylon 5 car, comme dans l'ensemble de la fiction, il y a plusieurs niveaux de lecture et d'enjeux dans les storylines qu'il met en scène. L'affrontement terrien et la déstabilisation du régime n'est qu'un conflit parmi d'autres dans une galaxie qui semble prête à s'embraser complètement. C'est une histoire bien plus vaste, celle de l'univers, qui se met en branle, et l'épisode le souligne bien. Les fameuses Ombres, ces ennemis craints, inatteignables, ont grandi dans les recoins. Delenn et certains Minbaris n'ont pas oublié la prophétie dont ils sont les gardiens. Ils ont poursuivi leur surveillance et leurs investigations, en dépit d'un haut conseil aveugle qui s'entête à nier les évidences d'un embrasement général à venir. Severed Dreams marque ainsi une nouvelle étape dans la mise en place de chaque camp, dans le rassemblement des forces qui vont devoir s'unir et dépasser leurs préoccupations égoïstes pour envisager... la survie.

La défense de la station Babylon 5, cet espoir de paix envolé devenu la voie possible vers la victoire, incarne ces enjeux et ces prises de position qui se situent à une toute autre échelle que la simple géopolitique terrienne. La série évolue ici sur un registre hautement symbolique, mettant en scène ces alliances entre les peuples qui s'esquissent et les sacrifices que chacun est prêt à accepter dans cette période qui s'annonce. Le visuel a peut-être vieilli dans cette bataille acharnée qui a lieu, mais son intensité demeure intacte, portée par une musique dans laquelle les accents épiques n'ont jamais été aussi perceptibles. Les Narns, emmenés par G'Kar, respectent leur parole et défendent la station avec l'abnégation qu'on leur connaît. L'arrivée de Delenn, au commandement d'une flotte Minbari, scelle les bases d'une nouvelle alliance, celle qui permet d'envisager à nouveau la possibilité d'un futur. Et il faut reconnaître que sa réplique cinglante se concluant par le fameux "be somewhere else" a conservé son caractère purement jubilatoire qui provoque autant de frissons qu'au premier visionnage.

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Bilan : La puissance mythologique et la construction narrative soignée de Babylon 5 fonctionnent toujours comme au premier jour. Elles se savourent peut-être encore plus d'ailleurs face à un petit écran américain où trop d'immédiateté et de besoin d'instantanéité font que l'on ne retrouve plus l'ampleur et l'intensité qui font la force de ces grands récits. C'est pour ces derniers que le format télévisuel, et la durée longue qu'il permet, prend tout son sens et sa légitimité. Sa richesse intacte, qui mériterait un article bien plus détaillé que l'éloge que j'ai trop brièvement à peine esquissé ci-dessus, explique pourquoi Babylon 5 est une série qui se doit toujours d'être découverte, même presque vingt ans après sa création. Et, en son sein, Severed Dreams reste un de ces épisodes fondamentaux, marquant une progression importante dans les intrigues, et dans lequel on retrouve toute cette multitude d'ingrédients qui ont fait la série.

Vous me pardonnerez donc cette parenthèse et ce retour en arrière aujourd'hui pour ce billet dominical. Mais pour se débarrasser des frustrations accumulées après tous les pilotes de rentrée testés ces derniers temps, replonger dans Babylon 5 a un effet revivifiant et revigorant qui fait un bien fou. De quoi se rappeler ce qu'est notre passion et les raisons de la sériephilie.


NOTE : 9,5/10


Le générique de la saison 3 :


Une des répliques cinglantes de Delenn, "Be somewhere else" :