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09/06/2013

(FR) Fabien de la Drôme : un western français sous la Révolution

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Parmi les projets au long court de ce blog figure l'exploration du petit écran français des décennies précédentes. Il s'agit plus précisément de ce que j'avais appelé le cycle ORTF qui, de la fascinante Brigade des Maléfices à l'enthousiasmant Voyageur des Siècles (notez qu'un épisode de cette dernière sera proposé au Comic Con' Paris le mois prochain !), en passant par Les Rois Maudits, nous a déjà permis de naviguer et de découvrir quelques jolies perles de la télévision française des années 60-70. Aujourd'hui est une petite exception puisque je vous propose de dépasser cette période : la série sur laquelle je vais revenir est plus récente, l'ORTF n'existant alors déjà plus. Sa diffusion, sur Antenne 2, date en effet de décembre 1983 : ce fut un succès puisqu'elle réunit 44% de part de marché. Comptant 7 épisodes de 50 minutes environ, elle est actuellement disponible en DVD chez Koba Films

Fabien de la Drôme est une série historique d'aventures derrière laquelle on retrouve deux scénaristes habitués du genre, Jean Cosmos (dont nous avons déjà pu apprécier le travail avec Ardéchois Coeur Fidèle) et Stellio Lorenzi (Jacquou le Croquant). Si plusieurs éléments l'avaient placée sur ma liste d'oeuvres à découvrir, la période (révolutionnaire) et son lieu d'action n'en sont pas les moindres. Comme son titre l'indique, elle se déroule en effet dans la Drôme, plus précisément la Drôme provençale. Je ne nierais pas mon affection toute particulière pour ces paysages qui m'ont vue naître et grandir. Outre ce plaisir personnel de voir transposer à l'écran un cadre qui m'est très cher, Fabien de la Drôme m'intriguait car elle était présentée, dans tous les articles que j'avais pu lire, comme un "western français". Une incursion dans un tel genre aiguisait assurément la curiosité.

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Fabien de la Drôme se déroule à la fin de la période révolutionnaire, quelques mois avant le coup d'Etat de brumaire. Nous sommes au printemps 1799 sous le Directoire. Le sort de la République apparaît une fois de plus très incertain. Sa situation militaire s'est considérablement dégradée en quelques mois, devant faire face à une nouvelle coalition européenne et aux réticences de la population à contribuer à la guerre. A l'intérieur, cela suscite un regain de troubles et d'insécurités. L'agitation royaliste se réveille, et les campagnes sont parcourues par des bandes armées aux allégeances troubles. Le régime républicain lui-même a perdu toute crédibilité : depuis sa création, le Directoire est rythmé par les coups de force et les remises en cause de sa (très relative) démocratie. C'est justement dans l'effervescence de la préparation des élections législatives de l'an VII que s'ouvre la série.

Après deux précédentes tentatives avortées, l'ambitieux Colinart a déménagé dans le sud de la Drôme. Fort de l'appui de dignitaires du régime, parmi lesquels le directeur Barras, il entend bien parvenir à entrer au Conseil des Cinq-Cents, une des deux assemblées législatives créées par la constitution de l'an III. Affairiste ayant su tirer pleinement profit des bouleversements de la décennie écoulée pour s'enrichir, il ne reculera devant aucune machination pour satisfaire ses intérêts. C'est dans ce contexte qu'un inconnu, se présentant sous le seul prénom de Fabien, arrive dans ce coin de campagne drômoise. Habile tireur et solide combattant, il se fait vite remarquer dans un coin où les échauffourées sont monnaie courante. Peu causant et solitaire, il poursuit ses propres projets : retrouver une bande royaliste qui a sévi récemment de l'autre côté du Rhône, en Ardèche...

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Le charme de Fabien de la Drôme tient tout d'abord à la manière dont la série se réapproprie habilement les codes familiers du western pour les transposer dans la France de la fin de la décennie révolutionnaire. Le cadre du Directoire sied parfaitement à un tel projet, avec ses troubles et un pouvoir central qui peine à s'imposer pour maintenir une paix intérieure lui échappant. Dix années de bouleversements juridiques et sociaux ont de plus laissé un pays profondément marqué et divisé. La série aura l'occasion d'introduire chaque camp, mettant en exergue leurs antagonismes politiques : des jacobins aux royalistes, en passant par les thermodoriens pragmatiques qui se cramponnent au pouvoir. Outre ce décor, la fiction emprunte également aux westerns quelques passages emblématiques, telles, dès le premier épisode, une attaque de diligence et les fusillades qui l'accompagnent. Enfin, le héros correspond aussi aux canons du genre. Il est un solitaire qui s'est autrefois battu pour ses idéaux : ancien de la guerre d'Indépendance américaine, c'est un babouviste compromis dans la conjuration des égaux, donc un proscrit du régime actuel. S'il débarque dans ce coin reculé de campagne drômoise, c'est pour assouvir une vengeance : il traque les responsables de la mort de sa femme et de son fils, tués par une des bandes qui effraient les locaux.

La manière convaincante dont Fabien de la Drôme se réapproprie tous les ressorts narratifs du western, avec un soin du détail appréciable, ne laissera certainement pas insensible un téléspectateur appréciant ce genre. Les scénaristes ont ici réalisé un intéressant travail de transposition. De plus, tout en bénéficiant d'une intrigue prenante, la série prend le temps de construire son ambiance, marquée par ce soleil déjà de plomb au milieu du printemps. L'histoire qu'elle déroule au cours de ses 7 épisodes est sans véritable surprise, mais elle comporte un cocktail engageant et plaisant à suivre. Oscillant entre quête de vengeance et de justice, elle se caractérise par des séquences d'action, des amitiés qui se forgent, et même des esquisses sentimentales - même si ces dernières resteront les plus expédiées par le scénario. On peut sans doute lui reprocher quelques longueurs perceptibles vers la fin, mais rien qui n'entame les qualités premières de la fiction : elle est une vraie fresque d'aventures. Et par-delà les libertés historiques prises, un effort de reconstitution et de remise en contexte existe et parachève l'immersion du téléspectateur, grâce aux figures secondaires, tel l'ancien maire montagnard, et par quelques parenthèses parlantes de leur époque, comme les négociations sur le comptage des portes et fenêtres que requiert l'impôt récemment créé, ou encore le symbole représenté par la plantation d'arbre de la liberté, invariablement fauché par des expéditions royalistes.

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Sur la forme, le réalisateur, Michel Wyn, emprunte à son tour un certain nombre des codes traditionnels des westerns, usant de travelling, de zooms, avec une mise en scène accélérant brusquement lors des affrontements... La bande-son réveille aussi chez le téléspectateur le souvenir d'oeuvres se déroulant dans l'Ouest américain : qu'il s'agisse du thème instrumental récurrent, ou de l'accompagnement musical qui s'emballe lors des phases d'action, la fiction revendique ici pleinement son inscription dans la lignée des westerns. Si la transposition est réussie, c'est aussi parce que la caméra capture à merveille les décors sauvages, à l'herbe jaunie par le soleil, que parcourent à cheval les protagonistes. Avec ces paysages, mais aussi toutes ces sonorités qui nous immergent dans une campagne bruyante bercée par le chant des cigales, la série respire un parfum marqué de Drôme provençale (avec des incursions dans le Vaucluse). Pour l'anecdote, retenez qu'elle a notamment été tournée autour du village de Saint-May.

Enfin, Fabien de la Drôme bénéficie d'un casting homogène. Nombre des seconds rôles interprétant des locaux ont cet accent chantant du sud qui convient. C'est à un Jean-François Garreaud impeccable qu'a été confié le rôle du taciturne Fabien, incarnation du héros vengeur qui se laisse malgré lui toucher par certaines de ses rencontres, s'impliquant peu à peu dans la vie locale, sa volonté de justice le conduisant à dépasser ses seuls plans initiaux. A ses côtés, on retrouve notamment Stéphane Aznar, Béatrice Avoine, Claude Bauthéac, Gabriel Cattand, Maurice Chevit, Françoise Dorner, Pierre Vernier, Bernard Fresson, Michel Melki ou encore Catherine Ménétrier.

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Bilan : Entremêlant les codes du western traditionnel et ceux de la fresque historique dans ce cadre français emblématique qu'est celui de la Révolution, Fabien de la Drôme est une expérience télévisuelle aussi intéressante que réussie. L'ensemble est prenant et plaisant à suivre, bénéficiant d'un personnage central intriguant qui oscille entre la figure du vengeur et celle du justicier. La place octroyée aux décors contribue à construire une ambiance qui happe le téléspectateur, avec des paysages superbement mis en valeur. D'aucuns y trouveront une jolie occasion de dépaysement. Personnellement, c'est surtout l'impression d'être chez moi qui a prédominé, tant cette fiction respire le coin de Drôme provençale dans lequel elle se déroule. En résumé, avis aux amateurs de récits d'aventures, Fabien de la Drôme mérite assurément une (re)découverte.


NOTE : 7,75/10


Les premières minutes d'ouverture de la série :