12/02/2012
(Pilote SE) Äkta Människor : une intéressante série de science-fiction sur le thème des robots
Mon exploration téléphagique en territoire scandinave se poursuit, avec encore une fois son lot de belles découvertes ! C'est ainsi que My Télé is Rich! s'ouvre officiellement aujourd'hui à un nouveau pays d'Europe du Nord : la Suède. Et ce n'est même pas pour ces fameux polars sombres qui font la renommée de ces contrées qu'elle est à l'honneur, mais pour une série actuellement en cours de diffusion d'un genre que l'on ne se serait pas forcément attendu à croiser dans son petit écran : de la science-fiction ! Un grand merci à Ladyteruki pour ses conseils avisés !
Äkta Människor (Real Humans) est une série qui a débuté sur la chaîne suédoise SVT1 le 22 janvier 2012. Écrite par Lars Lundström, et réalisé par Harald Hamrell et Levan Akin, sa première saison comptera 10 épisodes, d'une durée d'1 heure chacun environ. Nous rappelant que le thème des robots reste un classique indémodable et plein de potentiel, c'est une revisitation nordique de ce sujet qui nous est ici proposée. Dotée d'un univers travaillé, la série se révèle vraiment intéressante. Après avoir visionné quasiment d'une traite les trois premiers épisodes, j'attends impatiemment la suite !
Äkta Människor se déroule dans une Suède située dans un monde parallèle, ou dans un futur proche, où sont désormais commercialisés à grande échelle des robots humanoïdes, appelés Hubots. Ces derniers se sont petit à petit imposés comme les substituts parfaits pour les tâches les plus diverses, allant de la gestion du quotidien ménager et culinaire de la maison familiale, jusqu'aux activités professionnelles pénibles/répétitives ou nécessitant une rigueur où la faillibilité humaine est parfois prise en défaut. Théoriquement, les hubots permettent donc de dégager du temps libre ou d'assister efficacement leurs propriétaires.
Cependant, leurs programmes devenant de plus en plus performants et évolutifs, leur utilisation soulève désormais de nouvelles problématiques et des questionnements qui divisent la population. Tandis que certains humains s'attachent à leur hubot plus que de raison, d'autres prennent peur en les voyant s'immiscer dans le quotidien et remplacer les humains du travail jusque dans leurs relations sociales. De plus, si les hubots sont juridiquement considérés comme des choses et peuvent être exploités sans la moindre considération, en simple outil fonctionnel dont il faut profiter, il y en a parmi eux qui s'affranchissent des limites de leur programmation pour revendiquer des droits. Quelle place donner aux hubots ? En filigrane, la question située en arrière-plan est tout simplement : qu'est-ce qui peut définir notre appartenance à l'humanité ?
Les débuts d'Äkta Människor posent les bases d'une série très riche qui entend pleinement s'approprier son sujet. Exploitant son format télévisuel, elle adopte une narration feuilletonnante. Après une entrée en matière très sombre - digne d'un polar nordique, pourrait-on dire -, qui pose immédiatement les enjeux des rapports entre humains et hubots, la série prend ensuite le temps d'installer son univers. Le rythme est volontairement lent, mais la densité du récit compense les quelques petites longueurs. Car c'est une immersion aussi sobre qu'appliquée qui nous entraîne dans une Suède oscillant entre dépendance et rejet pour ses robots. Un soin particulier est accordé à la mise en scène et au moindre détail du quotidien : le décor très travaillé, comme l'illustre notamment un passage dans un magasin vendant les hubots ou encore la nécessité quotidienne qu'ont ces derniers de se recharger, nourrit la fascination du téléspectateur et apporte une réelle crédibilité au traitement du sujet.
Cette impression d'authenticité du cadre de science-fiction est renforcée par le fait qu'Äkta Människor soit une fiction chorale. Introduisant toute une galerie de protagonistes représentatifs des différentes situations personnelles auxquelles la commercialisation des hubots peut donner lieu, la série développe donc des storylines séparées, liées entre elles de telle façon qu'elles ont vocation à terme à s'entrelacer ; mais seul le téléspectateur, avec sa vision d'ensemble, en a conscience pour le moment. Cette approche, ambitieuse, permet de nous imprégner d'une atmosphère et surtout d'offrir une photographie générale de la société suédoise, des tensions qui la parcourent et des débats qui l'animent. Sans précipitation, ni surenchère, mais avec une maîtrise narrative qui permet de savoir dans quelle direction la série s'oriente, Äkta Människor laisse le téléspectateur comprendre et se familiariser avec son univers, tout en posant de solides fondations pour les développements à venir.
Bien sûr, les robots humanoïdes sont un sujet maintes fois traité, qui reste un grand classique de la science-fiction. Äkta Människor ne prétend pas renouveler ou révolutionner ce genre bien connu. Mais la série a le grand mérite d'en prendre rapidement la pleine mesure, entreprenant d'explorer toutes les facettes de cette thématique. Le questionnement central reste logiquement celui de la place et de la nature des hubots au sein d'une société quasi-schizophrène qui, tour à tour, les réifie - les séances de configuration après achat, l'entrepôt où les vieux modèles sont détruits, ou encore ces lieux underground de prostitution - ou les personnifie - la femme qui trouve dans son hubot le compagnon parfait et en quitte son mari. Éclairant bien les paradoxes, les malaises et les contradictions suscitées, la série propose un vaste kaléidoscope des différentes réactions, prenant soin aussi d'expliquer les motivations de chacun.
Dès le pilote - confirmé et précisé dans les deux épisodes suivants -, Äkta Människor embrasse ainsi tous les thèmes légitimement attendus. Nous introduisant dans le quotidien d'une famille-type, on se familiarise à ses côtés à la présence et à l'utilité d'un hubot, comprenant pourquoi ces robots ont pu s'imposer chez la plupart des Suédois. Pour autant, la série n'oublie pas l'autre versant plus négatif de ce choix de société et le ressentiment qui peut en découler. Il y a tous ces métiers où désormais les hubots ont remplacé les humains, provoquant une cohabitation difficile avec ces derniers. Il y a aussi ces hubots qui, en s'adaptant si bien aux besoins de leurs propriétaires, deviennent le centre de leur vie sociale, voire sentimentale : n'est-ce pas nouer une relation "humaine", d'amitié ou d'amour, que de se lier ainsi à son hubot ?
Mais la confiance aveugle dans ces robots doit en plus être nuancée. Non seulement certains programmes se montrent très envahissants, faisant preuve d'une ingérence potentiellement dangereuse au nom du bien de leur maître. Mais il y a aussi, à mesure que les robots se perfectionnent et tendent de plus en plus vers des réactions humaines, une volonté d'autonomie qui risque de finir par transparaître. Pour le moment, la réglementation très stricte des hubots et leur programmation posent des limites à cette aspiration, mais un petit groupe indépendant a déjà brisé ce premier carcan. S'autosuffisant et ambitionnant de se libérer des humains, ils vivent à l'écart. Or les positions, dans chaque camp, se radicalisent progressivement...
Le soin apporté au scénario en général se retrouve dans les qualités formelles de la série. La réalisation est solide, avec une belle photographie, contribuant grandement à l'atmosphère générale de la série. Pour nous donner vie à ce monde si proche mais qui, en même temps, n'est pas vraiment notre présent, Äkta Människor recourt fréquemment à une image saturée de lumière, extrêmement claire. La mise en scène conserve toujours une sobriété jamais remise en cause, jusqu'à la bande-son qui reste en arrière-plan, utilisée avec parcimonie et intervenant peu dans des images qui se suffisent presque par elles-mêmes.
Enfin, le casting s'impose naturellement à l'écran, bénéficiant de l'approche chorale choisie par la série. Même si ce n'est pas ma première incursion en Suède (les précédents essais n'avaient cependant pas été aussi concluants), Äkta Människor ne comporte que des nouvelles têtes pour moi. Pour interpréter les membres de la famille Engman, on retrouve Pia Halvorsen, Johan Paulsen, Natalie Minnevik, Kare Hedebrant et Aline Palmstierna. Lisette Pagler joue leur nouveau hubot, issue du marché noir sans qu'ils le sachent. Du côté de la faction dissidente, Andreas Wilson marche sur les pas de son père et du projet qu'il nourrissait pour les hubots, mais est prêt à tout pour retrouver Mimi/Anita, tandis qu'Eva Röse est l'inquiétante hubot qui mène le groupe. Enfin, Leif Andrée va être celui que les circonstances vont entraîner vers Äkta Människor (les "vrais gens") et le camp des opposants aux hubots.
Bilan : Exploitant pleinement et efficacement sa thématique robotique, Äkta Människor est une très intéressante série de science-fiction. Dotée d'une narration feuilletonnante, prenant son temps pour poser les bases de son univers, il s'agit d'une fiction chorale qui, sans révolutionner son genre, cerne bien ses enjeux et les atouts dont il dispose. Le soin apporté à la mise en scène et la précision avec laquelle nous est dépeint un véritable tableau social confèrent une assise dramatique très crédible au récit. Ces trois premiers épisodes laissent donc entrevoir un réel potentiel. La densité de l'histoire m'a beaucoup plu ; vivement la suite !
Äkta Människor est une série à découvrir pour un large public, allant des amateurs de science-fiction à tous ceux qui apprécient de solides dramas, avec un twist particulier apportant un réel plus.
NOTE : 8/10
Une bande-annonce longue (sous-titrée anglais) de la série :
Une publicité pour Hubot (qui en veut un ?) :
09:12 Publié dans (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : suède, svt, akta manniskor, andreas wilson, lisette pagler, pia halvorsen, johan paulsen, natalie minnevik, kare hedebrant, aline palmstierna, sten elfström, alexander stocks, anki larsson, leif andrée, camilla larsson, johannes bah kuhnke, fredrik silbersky, anna sise, rennie mirro, ola wahlström, marie robertson | Facebook |