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04/01/2014

(SE/DAN) Bron/Broen (The Bridge), saison 2 : une lutte intime vers un échec inéluctable

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Pour ouvrir de la meilleure des façons cette année 2014, je vous propose de prendre la direction de la Scandinavie, entre Danemark et Suède, pour revenir sur une des séries les plus marquantes que j'ai eu l'occasion de visionner ces derniers mois. En 2013, Bron/Broen a surtout fait parler d'elle par l'exportation de son format : un premier remake américain (The Bridge) a été proposé au cours de l'été sur la chaîne FX, déplaçant l'intrigue à la frontière des Etats-Unis et du Mexique. Puis un second, franco-anglais, cette fois, (The Tunnel) a été diffusé cet automne en transposant l'action dans le tunnel sous la Manche.

De quoi presque occulter le fait qu'arrivait cet automne, en Suède et au Danemark, deux ans après, la seconde saison de la série originale. Ce serait pourtant passer à côté de dix bien belles heures de télévision que de négliger cette version scandinave. En effet, cette saison 2 est une confirmation, une consécration même, par l'aboutissement narratif auquel la série parvient. Si une saison 3 est en cours d'écriture, Bron/Broen s'est offert une magnifique suite -pouvant également faire office de conclusion.

En ce qui concerne la diffusion internationale, notez que cette saison 2 débute justement ce soir (samedi 4 janvier 2014) sur BBC4 en Angleterre (avec une sortie DVD prévue pour février 2014). En France, c'est la saison 1 qui arrive sur Canal+Séries à partir du 6 janvier prochain. N'hésitez donc pas.

[La review qui suit contient des spoilers concernant les saisons 1 & 2 : ne pas lire si vous ne les avez pas visionnées.]

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Bron/Broen reprend le fil de son histoire plus d'un an après la fin de la première saison. Si elle a tout de la digne représentante du genre policier, cette seconde saison souligne combien il serait réducteur de la présenter sous ce seul versant. C'est, certes, un polar scandinave à la narration feuilletonnante éclatée qui orchestre différentes destinées autour d'un fil rouge criminel, au sein duquel se retrouve une dimension politique - environnementale - semblable au schéma suivi lors de la première saison. Cette trame est une nouvelle fois rondement menée, avec des changements de perspectives bien introduits : face à une maîtrise narrative rarement prise en défaut, on peut tout au plus discuter le point d'interrogation que laisse au téléspectateur l'ultime scène qui conclut l'épopée criminelle du dernier responsable connu des événements relatés. Mais par-delà l'efficacité dont elle fait preuve dans ce registre, Bron/Broen est bien plus qu'une fiction d'enquête.

En effet, la série est entièrement portée et dédiée à la dynamique qui lie son duo principal. La saison 1 avait fait le choix d'explorer, avec réussite, une recette très familière, celle de l'association professionnelle de deux personnages très différentes qui, peu à peu, trouvent un terrain d'entente et entre lesquelles une complémentarité et même une amitié naissent. Lorsque la nouvelle saison débute, Saga et Martin ne se sont pas revus depuis l'enterrement d'August. Saga a poursuivi sa vie, tandis que Martin tente comme il peut de retrouver la sienne et de se remettre de la mort de son fils. Malgré le drame passé, les deux policiers retrouvent quasi-instantanément les rapports construits entre eux l'année précédente. Leur caractérisation et la mise en scène subtile de leurs rapports restent une des grandes forces de la série. En marge de l'investigation, ils se conseillent, s'influencent, tentent de se protéger, capables d'échanger et de se parler sans tabou : Martin doit faire face au deuil, à sa vie de famille qu'il peut peut-être encore sauver ; Saga expérimente la vie de couple et sa faculté à construire plus avant une relation amoureuse. C'est l'occasion pour la série d'explorer différentes facettes de ces personnages, laissant entrevoir toute la vulnérabilité qui sommeille derrière la surface policière endurcie.

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S'inscrivant dans la directe continuité des événements passés, cette saison 2 est en fait une histoire d'échecs apparaissant inéluctables. En dix épisodes, c'est une tragédie à laquelle on assiste, dont la dimension poignante et déchirante n'est que plus mise en valeur par l'extrême sobriété dont fait preuve l'écriture de Bron/Broen. Il y a un réalisme brut, une authenticité dans les réactions de chacun, qui n'en marque que plus le téléspectateur. Tout au long de la saison, en parallèle du fil rouge criminel à résoudre, une lutte autrement plus intime prend place : Saga et Martin se débattent, tentent d'évoluer... Sans succès. Ainsi, Saga assimile-t-elle des livres sur la gestion d'une cohabitation, sans parvenir à comprendre ces codes de socialisation qui lui échappent ; elle ne peut modifier qui elle est, n'y échapper au besoin de se préserver un espace. Cela anéantira son couple. De son côté, pour dépasser sa douleur, Martin fait le choix de la confrontation avec celui qui a brisé sa vie ; mais l'illusion de l'avoir touché sera balayée par la réalisation que le cocon familial qu'il espérait retrouver n'est plus.

Le dernier épisode de la saison, le plus éprouvant -une nouvelle fois-, n'est pas seulement la conclusion d'une saison, il vient refermer un arc qui couvre les deux saisons. Il entérine un retour au point de départ de la série, venant constater que ni Saga, ni Martin n'ont réussi à progresser. Leurs tentatives ont été vaines. Martin cède à la vengeance qu'il n'avait pas commise à la fin de la saison dernière : il tue le meurtrier de son fils. Or Saga comprend, seule, comment il s'y est pris. Elle aurait pu ne rien dire, personne ne se préoccupant vraiment du sort de cet homme. Seulement la jeune femme est fidèle à elle-même, retrouvant cette intransigeance qui reste une de ses caractéristiques. Elle collecte les preuves et fait son rapport, comme elle l'avait fait lors du pilote de la série pour un incident autrement plus anecdotique. C'est ainsi qu'elle dénonce aux autorités celui qu'elle reconnaît être son seul ami, détruisant par là-même l'unique relation humaine -si précieuse donc!- qu'elle avait réussi à nouer. Sans ciller, les scénaristes sont allés au bout de leur exploration de ce duo, en optant pour l'issue la plus implacable et la moins artificielle : celle qui semblait finalement inéluctable...

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La noirceur des développements de cette saison 2 -fidèle à la tonalité posée dans la première- se retrouve dans la photographie de la série, laquelle paraît comme décliner à l'infini des tons de gris aux nuances insoupçonnées. La réalisation est impeccable, sachant parfaitement user de plans larges et mettre en valeur un paysage frontalier, entre Suède et Danemark, qui fait partie intégrante de l'atmosphère du récit. Bron/Broen confirme être une oeuvre esthétiquement très aboutie dont le visionnage constitue une véritable expérience visuelle. Cet aspect se combine avec une bande-son où la sobriété prédomine, superbement incarné par un générique toujours aussi marquant, avec une chanson qui hante durablement le téléspectateur et représente si bien l'identité de la série (cf. la première vidéo ci-dessous).

Si la justesse de Bron/Broen trouve sa source dans les qualités de son écriture, ce sont aussi les performances d'acteurs qui parachèvent cet équilibre de ton. Dans des registres très différents, Sofia Helin et Kim Bodnia sont tous deux impressionnants. Magnifiques même. Tout en suscitant l'investissement émotionnel du téléspectateur, ils vont, chacun à leur manière, avec une retenue remarquable et sans jamais céder à la tentation d'en faire trop, nous faire partager leurs épreuves personnelles. Bouleverser le téléspectateur ne sera d'ailleurs pas leur monopole, notamment dans l'ultime épisode où Vickie Bak Laursen délivrera quelques scènes extrêmement poignantes avec son personnage de Pernille, une policière. A leurs côtés, on peut citer les retours de Sarah Boberg, Lars Simonsen, Puk Scharbau et Rafael Petterson, mais aussi les arrivées de Henrik Lundström, Tova Magnusson, Sven Ahlström ou encore Camilla Bendix.

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Bilan : Si Bron/Broen confirme être une solide série policière, polar scandinave à l'intrigue éclatée réunie en un toutélié maîtrisé, le coeur et la grandeur de la série reposent sur son exploration d'un duo principal, dont les rapports et les destins croisés confèrent une dimension supplémentaire au récit. Derrière la collaboration professionnelle difficile devenue une amitié, c'est une histoire de luttes intimes, de changements personnels impossibles. La dimension tragique de la saison ressort particulièrement par la construction narrative suivie : malgré les tergiversations et les efforts de Saga et de Martin, tout semble inéluctablement les conduire aux ultimes prises de décision dont nous serons témoins, retour à un point de départ aussi déchirant qu'inexorable. En lien direct avec les événements de la première saison, on assiste donc à une vraie conclusion d'ensemble de l'arc narratif ouvert vingt épisodes plus tôt.

L'éventualité d'une saison 3 soulève par conséquent bien des questions, dans la mesure où la dynamique qui fondait la série jusqu'à présent n'est plus. Cependant les scénaristes ont pour le moment si bien su maîtriser leur sujet, qu'il est impossible de ne pas leur faire confiance pour envisager une suite. Surtout, il est bien difficile d'envisager de refermer définitivement ce magnifique chapitre sériephile qu'est Bron/Broen. A suivre donc...


NOTE : 8,75/10


Le générique de cette saison 2 :


Une bande-annonce de la série :


Commentaires

Deux trois trucs m'ont tout de même gênée cette saison quand elle a voulu mettre au jour le passé de Saga, comme cela ne pouvait venir spontanément d'elle,il a fallu emprunter des biais parfois capillotractés : par ex le coup de la baby-sitter qui s'occupe des enfants et les empoisonne, il fallait quand même y arriver !
Autrement bien d'accord, un finale éprouvant encore une fois oui, une conclusion intéressante et dans l'ensemble il faut s'accrocher, j'imagine que ces qualités peuvent aussi rebuter (si sombre).

Écrit par : watcher | 04/01/2014

Oyo bonne année à toutes et à tous,
j avais un certain plaisir à retrouver le couple maintenant légendaire de Bron.
qu elle fut pas ma déception dans l écriture a vouloir pousser à bout les rapports des 2 principaux protagonistes leur relation en devient peu crédible meme dans leur vie perso respective. Je parle meme pas du choix des acteurs secondaire fades. fatigué aussi du terrorisme vert déjà servit dans la premiere saison Helin & Bodnia nagent parfois surnagent surtout sur la fin tellement convenue et peu crédible.
les auteurs n ont certainement pas le talent d écriture de Borgen ou de Forbrydelsen (arreté trop tôt à mon gout)
comme c est partie Bron restera un one shot d une saison.
Ride On

Écrit par : Dibs | 05/01/2014

Bel article qui résume mes impressions lors de cette deuxième saison. Le final est courageux dans son genre... Vivement la saison 3, même si la série risque d'être désormais bien différente.

Écrit par : Julien | 05/01/2014

@ Watcher : Il y a des points capillotractés, je le reconnais. Mais dans l'ensemble, j'aurais tendance à dire, "la finalité justifie les moyens". Il y a une vision d'ensemble à l'oeuvre, une volonté de continuer à exploiter plus avant les personnages, qui peut légitimer certaines voies prises (comme la péripétie que tu évoques).
Mais plus que tout, je crois que c'est la noirceur que tu évoques, en plus du fait qu'on soit dans la directe continuité de la première saison, qui m'a vraiment marqué.


@ Dibs : Je vois qu'on n'a pas du tout vécu la saison de la même manière. Intéressant de confronter des vues complètement opposées.
Pour moi, le schéma de la s1 n'était pas répétable pour la bonne raison que la dimension "politique" initiale de l'affaire avait finalement trouvé un twist personnel. Il était fort peu probable d'envisager de reproduire une telle construction. Le choix que les scénaristes ont fait m'a conquise parce qu'ils ont choisi de s'inscrire dans la directe continuité de la saison passée, et tout en usant toujours d'un cadre de polar, de faire avant tout un drama consacré à ces deux personnages. Le terrorisme vert n'est pas l'enjeu ; c'est la tragédie que représentent les trajectoires croisées de Saga et Martin qui l'est. Et personnellement j'ai pleinement à la manière dont leurs rapports sont explorés et éprouvés. Je craignais cette saison 2, et finalement, en étant capable d'évoluer, les scénaristes ont réussi à poursuivre un concept qui normalement aurait justement dû être un one-shot policier, par un solide drama humain.


@ Julien : L'idée d'une saison 3 me laisse pleine d'interrogations. Je ne sais même pas comment elle peut être envisagée. Mais en ayant adhéré à cette saison, on se dit que les scénaristes peuvent avoir plus d'un tour dans leur sac pour continuer à faire évoluer leur concept !

Écrit par : Livia | 17/01/2014

Je trouve la fin étrange. Donc il reste un coupable non identifié/arrêté. Ca me laisse perplexe, mais on dirait que je suis le seul.

Écrit par : k3c | 19/01/2014

@ k3c : Tu n'es pas seul, rassure-toi ! Je me suis posée aussi la question, c'est que j'indique dans ma review en écrivant que l'on peut "discuter le point d'interrogation que laisse au téléspectateur l'ultime scène qui conclut l'épopée criminelle du dernier responsable connu des événements relatés". ;)

Sur la page wikipedia anglaise, il est indiqué dans une note de bas de page, au sujet de cette résolution :
"In an on-line chat arranged by SVT immediately after the final episode, the lead writer Hans Rosenfeldt stated that it was of no significance who this shadowy person was." Chatta med seriens skapare, 25 November 2013".

J'en ai discuté avec quelqu'un sur twitter, et on est arrivé à la conclusion que ça pouvait être cette façon toute scandinave des fins insatisfaisantes où justice n'est pas pleinement faite. Pour parachever l'amertume et la noirceur que laissent cette seconde saison.
Cela peut aussi souligner que l'enjeu de la saison n'était pas tant l'intrigue policière, que bien le drame humain qui se nouait derrière les deux protagonistes principaux.
En résumé, c'est aussi une question qui m'a pas mal occupé après le visionnage du dernier épisode ! Toute interprétation complémentaire est acceptée. :)

Écrit par : Livia | 19/01/2014

"J'en ai discuté avec quelqu'un sur twitter, et on est arrivé à la conclusion que ça pouvait être cette façon toute scandinave des fins insatisfaisantes où justice n'est pas pleinement faite."

En matière de séries télévisuelles peut-être. Mais si on élargit le spectre, ça n'a rien de particulièrement scandinave.
Je dirais même que c'est un classique du genre noir.

"Cela peut aussi souligner que l'enjeu de la saison n'était pas tant l'intrigue policière, que bien le drame humain qui se nouait derrière les deux protagonistes principaux."

De toute façon, dans le genre noir, c'est rarement l'enquête elle-même qui prime.
Mais plutôt une exploration de thématiques sociétales qui posent problème et de l'interaction des personnages avec leur environnement.
Avec le plus souvent une vision du monde pessimiste et désenchantée et des protagonistes jouant un rôle de tragédie.

Ce qui a pu dérouter dans Bron, c'est qu'on est passé du thriller au noir entre les deux saisons.

Écrit par : Fred | 19/01/2014

Pour moi, concernant la fin, c' est tout simple.
Il ne s' agit pas de la traque d' une personne, mais d' un réseau. Et cette fin, nous aiguille juste sur le niveau d' importance de celui-ci.

Durant toute la saison, l' enquête progresse palier par palier (SPOIL: du groupuscule à la multinationale). Et on se rend compte au final, que cela se passe dans des sphères encore plus hautes.

Je n' ai pas du tout été frustré par la fin, mais plutôt excité, que le poisson soit si gros. Conspirationnisme quand tu nous tient ^^.

Écrit par : Trankill | 20/01/2014

Juste pour info, le travail sur la saison 3 a déjà commencé (cf. par exemple interview de Sofia Helin The Independent : http://www.independent.co.uk/arts-entertainment/tv/features/the-view-from-the-bridge-sofia-helin-on-weird-sex-and-playing-tvs-most-awkward-copper-9016735.html)

Écrit par : Mayfield | 03/02/2014

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