19/09/2010
(Pilote NZ) This is not my life : un mystérieux thriller avec une pointe de sci-fi
You may find yourself in another part of the world.
You may find yourself in a beautiful house, with a beautiful wife.
You may ask yourself, well, how did I get here ?
La téléphagie a cela de rassurant qu'elle repose sur une réalité télévisuelle particulièrement riche et éclectique. D'où, si tant est qu'on creuse un peu, il est peu probable que l'on revienne complètement bredouille de ses explorations. Comme je vous le disais jeudi, ces deux premières semaines de septembre n'ont pas été très concluantes en terme de nouveautés. Le coup de blues sériephile commençait à poindre, en attendant peut-être le vrai lancement de la rentrée, ce soir, aux Etats-Unis. Mais la nuit de vendredi m'a remis du baume au coeur. J'ai poursuivi mes voyages téléphagiques pour mon plus grand bonheur. Non seulement j'ai craqué pour un coup de coeur japonais dont j'aurais l'occasion de vous reparler ultérieurement, mais j'ai aussi mis les pieds dans une toute nouvelle contrée jusqu'alors inexplorée : la Nouvelle-Zélande. Avec la critique du jour, c'est l'occasion d'inaugurer une nouvelle catégorie "Pilotes océanie" (ce qui me permettra d'y inclure les productions australiennes).
C'est un commentaire de Melysandre, relatif aux nouveautés de la saison à découvrir, qui avait éveillé ma curiosité il y a de cela quelques semaines. Je lui adresse encore une fois tous mes remerciements car voici bien une série qui était passée inaperçue à mon radar et dont je n'avais retenu aucun écho sur les sites que j'ai l'habitude de fréquenter : elle s'appelle This is not my life. Créé par Gavin Strawhan et Rachel Lang, dont les noms sont notamment associés aux séries Go Girls et Outrageous Fortune, ce mystérieux thriller, dont 13 épisodes ont été commandés, est diffusé sur la chaîne TV One depuis le 29 juillet 2010. Et, au milieu de ces si exotiques salutations maori qui apportent une touche de dépaysement à ce show anglophone ("kia ora !"), son pilote - d'une durée d'1h30 - s'est assuré de ma fidélité pour la suite de la série.
This is not my life se déroule dans un futur proche, puisque nous sommes en 2020. C'est suffisant pour s'offrir un cadre d'anticipation soft sans basculer dans de la science-fiction gadgétisée à outrance. L'histoire débute un matin qui aurait pu être ordinaire. Alec Ross se réveille dans une chambre d'une confortable villa, sans le moindre souvenir en tête. Il ne sait ni qui il est, ni même où il est... Sur le qui-vive, il est pourtant accueilli en descendant dans la cuisine par l'image d'Epinal d'une parfaite petite famille en train de prendre son petit-déjeuner en se chamaillant. Mais s'ils s'introduisent comme tels, il ne reconnaît ni son épouse, ni ses enfants, sa mémoire demeurant désespérément vierge de toute information. Réagissant instinctivement, il panique, cherchant à s'éloigner de ce cadre étranger... pour découvrir toute une ville aux allures policées à l'excès, du nom de Waimoana. Un lieu qui n'évoque absolument rien en lui.
Ce réveil compliqué le conduit, logiquement, à l'hôpital, pour voir le médecin de famille, sur l'insistance de sa femme. On lui raconte alors qu'il a souffert d'un choc à la tête la veille, ce qui pourrait expliquer cette étrange amnésie. Une simple opération chirurgicale devrait corriger cela. Mais la méfiance d'Alec glisse peu à peu vers une sourde paranoïa que viennent alimenter certaines remarques, poussant l'homme à s'enfuir. La découverte des règles qui régissent cet endroit, l'impossibilité manifeste de le quitter rapidement évidente, nourrissent les doutes d'Alec, sans qu'il puisse cependant faire quoique ce soit lorsque les infirmiers de l'hôpital le retrouvent enfin.
Le lendemain matin, Alec se réveille dans la même maison, devant le même cadre pseudo-idyllique. Il n'a aucun souvenir des évènements du jour précédent. S'il reste un peu confus, cette fois, lorsque ses yeux se portent sur le visage de son épouse, les souvenirs reviennent en cascade. Alors qu'il reprend peu à peu confiance en la tangibilité du monde qui l'entoure, tout est remis en cause par un bien étrange enregistrement vidéo qu'il retrouve. Avant d'être repris par les infirmiers, il s'était enregistré, insistant biien sur le fait qu'il n'est pas "Alec Ross" et que "ce n'est pas sa vie"...
Dans le cadre si surveillé de Waimoana, il va devoir redoubler de prudence pour percer le mystère que cette ville dissimule, afin de découvrir qui il est vraiment, mais aussi ce qui se cache derrière le vaste mensonge que semblent être leurs vies manipulées.
L'atout majeur de This is not my life réside incontestablement dans l'efficacité avec laquelle son mystère va être posé. L'ambiance générale de la série prend rapidement un tour résolument paranoïaque, le moindre détail le plus anecdotique faisant naître la suspicion dans l'esprit d'un téléspectateur qui est prend naturellement fait et cause pour Alec Ross. Si cette atmosphère poussant à la sur-interprétation pouvait faire craindre un recours excessif aux sous-entendus, la fiction va bâtir son intrigue sur des faits tangibles. S'il demeure une part de non-dit, d'inexpliqué, si des ressorts nous échappent encore, en raison du manque de certaines informations, la série, elle, ne tergiverse pas : notre inquiétude se trouve rapidement confortée par les évènements auxquels nous assistons.
En fait, en terme de filiation téléphagique, reconnaissons qu'il règne incontestablement comme un faux air du Prisonnier sur la ville si parfaite de Waimoana. Même si son cadre lui est propre, il est difficile de ne pas faire de parallèles avec cette série - voire avec d'autres fictions déclinant ce thème de la ville factice où le héros s'inscrit en porte-à-faux, comme The Truman Show. On retrouve ainsi dans This is not my life un certain nombre de thématiques et de ressorts narratifs familiers, qu'elle est cependant en mesure de se réapproprier de manière convaincante. L'approche reste classique, mais n'en est pas moins efficace.
Au fur et à mesure que le pilote progresse, l'indubitable impression d'artificialité de la ville se renforce donc. L'évidence que quelque chose cloche s'impose à Alec, comme au téléspectateur. Dans cette culture du mystère, la force de la série va finalement résider dans sa simplicité. De façon imperturbable et solide, elle capitalise et explore son concept. Inutile de trop en faire dans un suggestif qui deviendrait rapidement lourd, pas besoin d'étirer inutilement les choses en longueur... Ce premier épisode ne perd pas de temps en exposition inutile, mené sur un rythme enlevé. Une pointe d'action, des drames, la perte de certains repères, les nerfs qui lâchent, tout s'enchaîne efficacement et les suspicions du héros se confirment.
Ce pilote apporte ainsi au téléspectateur suffisamment d'évènements concrets pour offrir de solides fondations à cette atmosphère de thriller qu'il distille. Mine de rien, c'est toute une mythologie qui s'esquisse avec un minimum de ressources. Par rapport à d'autres séries du genre qu'on a trop souvent vu s'égarer dans les méandres creuses d'une introduction pompeuse, voici une approche directe qui a le mérite d'être rafraîchissante. Qui est Harry ? Quel est ce lieu ? Comment les forces de sécurité de la ville sont-elles en mesure d'exercer une surveillance permanente sur chacun ? Et, peut-être la plus troublante des questions, qui conclut l'épisode, comment est-il possible de "remplacer" un adolescent par un autre, manipulant non seulement la mémoire de ce dernier, mais également celle de chaque habitant ? Au terme de cette heure et demie, nous aboutissons donc à un intrigant mystère. Toutes les questions, qui se bousculent dans la tête d'un héros soudain écrasé par l'ampleur du phénomène auquel il est confronté, trouvent un écho particulier auprès d'un téléspectateur à la curiosité plus qu'aiguisée. De quoi s'assurer de sa fidélité pour la suite.
Par ailleurs, un autre aspect mérite d'être salué, il s'agit de la manière dont This is not my life construit son cadre, permettant de renforcer son ambiance confusément troublante. Je ne sais pas quel est l'état de santé financier de l'industrie télévisuelle néo-zélandaise, mais il est évident que la série n'a pas à sa disposition des moyens budgétaires démesurés. Toute la difficulté va être de parvenir à mettre en scène une série de semi-anticipation, se déroulant dans une décennie, avec un minimum d'effets spéciaux.
Si la technologie subit quelques améliorations, la série n'essaye pas de se lancer dans une surenchère perdue d'avance dans cet aspect gadgétisé, n'étant pas en mesure de re-créer un cadre futuriste à la Caprica, par exemple. C'est par sa seule esthétique - particulièrement soignée - que This is not my life va parvenir à un résultat sobre mais abouti, qui est loin d'être inintéressant. Le décor est épuré, presque clinique. Une impression que renforce la photographie de la série : celle-ci se décline dans des couleurs pastels froides, à forte dominante de blanc, de bleu et de gris. Cela accentue le côté excessivement policé et lisse renvoyé par cette ville, permettant ainsi de jouer sur le contraste entre cette apparente perfection qui sonne faux et les secrets qui sommeillent derrière, masquant des réalités plus perturbantes.
Sur la forme, This is not my life propose donc une oeuvre travaillée et recherchée. Ses moyens limités ne l'empêchent pas de faire preuve d'initiative et de savoir pleinement exploiter tout le potentiel qu'elle a à disposition pour délivrer un cadre qui apporte une réelle valeur ajoutée. De manière générale, la réalisation demeure classique, tout en s'offrant un certain nombre de plans plus larges qui illustrent l'effort réalisé pour poser une ambiance. Si la bande-son, surtout instrumentale, n'est pas des plus maîtrisée, donnant parfois l'impression d'être un peu brouillonne, elle ne dépareille cependant pas.
Quant au casting, la performance d'ensemble est globalement solide. On retrouve en tête d'affiche un acteur familier des téléphages, Charles Mesure (Xena/Hercule, Preuve à l'appui, Outrageus Fortune, V). Si j'étais un peu sceptique au départ, j'ai été assez agréablement surprise par la densité de son jeu ; il s'impose en effet de façon plutôt subtile et assez crédible. A ses côtés, Tandi Wright (Seven Periods with Mr Gormsby, Serial killers) incarne sa femme. Tania Nolan (Go Girls) joue une docteur des plus troublantes.
Bilan : Construit comme un thriller, le pilote de This is not my life se charge de nous introduire dans un mystère des plus intrigants. Posant efficacement les bases de sa mythologie, l'épisode exploite pleinement tous les (modestes) moyens qui sont à sa disposition pour aiguiser la curiosité d'un téléspectateur rapidement happé par cette ambiance paranoïaque et inquiétante. Derrière ses faux airs d'un Prisonnier où viendrait poindre une touche d'anticipation futuriste, il est impossible de savoir dès à présent quelle orientation prendra This is not my life. Basculera-t-elle pleinement dans la sphère de la science-fiction ? Est-ce une intervention humaine ou venue d'ailleurs qui se cache derrière la ville de Waimoana et ses allures paradisiaques ? Voici en tout cas une fondation solide pour débuter une série.
En résumé, This is not my life est une agréable surprise et une première incursion réussie dans la télévision néo-zélandaise. Elle sait capitaliser sur son concept de départ très fort sans tergiverser. C'est aussi dans cette simplicité et cette sobriété que réside sa force, évitant la tentation à laquelle ne surent pas résister d'autres fictions du genre trop promptes à étaler des ambitions pompeuses qu'elles ne purent jamais confirmer.
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :
10:21 Publié dans (Séries Océanie) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : nouvelle-zélande, tv one, this is not my life, charles mesure, tania nolan, tandi wright | Facebook |