Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/10/2013

(UK) Peaky Blinders, saison 1 : un exercice de style enthousiasmant et paradoxal dans le registre du gangster drama


peakyblinders20_zpse4be61ac.jpg

Hier soir, la BBC a annoncé officiellement (sans surprise) le renouvellement de Peaky Blinders pour une saison 2. La première s'est achevée la semaine dernière au terme de son sixième épisode. Diffusée le jeudi soir sur BBC2 en Angleterre, la série aura su rassembler une audience fidèle. Parmi les nouveautés anglophones de cette rentrée 2013, elle reste ma préférée, celle que j'attendais avec le plus d'impatience chaque semaine. Exploitant le potentiel que son pilote avait laissé entrevoir, Peaky Blinders s'est révélée être une fiction prenante, visuellement et musicalement à part, qui a trouvé sa place dans ce genre du gangster drama tout en empruntant pourtant des sentiers très balisés. Son tour de force est d'avoir su magnifier une histoire classique par son atmosphère et un casting convaincant. Le résultat est suffisamment enthousiasmant pour que je ne boude pas mon plaisir.

peakyblinders2h_zps169984d0.jpg

Birmingham dans l'après Première Guerre Mondiale était le cadre parfait pour cette série qui a réalisé avec un aplomb jamais pris en défaut un véritable exercice de style pour investir le genre du gangster drama. Traditionnelle, Peaky Blinders l'est certainement sur le fond, notamment dans les thèmes qu'elle explore. Elle a deux volets complémentaires. Il y a, d'une part, les velléités d'expansion du gang, portées par les ambitions d'un Tommy qui s'avère fin stratège. Au rythme des alliances de circonstances et des trahisons, elles conduisent à une confrontation finale annoncée. D'autre part, parallèlement à ces affrontements, la série suit les voies sensibles du cœur explorant un versant plus intime de ses personnages. Les couples s'y font sous le signe des amours impossibles, des liaisons viciées dès leur fondation. Cela donne un mélange engageant, impliquant le téléspectateur aux côtés de protagonistes dont les parcours se construisent dans les affrontements, dans la droite continuité d'une Grande Guerre jamais très loin dans les esprits.

Pour autant, Peaky Blinders n'en est pas moins une fiction paradoxale. La série captive, tout en faisant preuve d'une invariable prévisibilité. Dotée d'une belle maîtrise de l'art du twist pour se sortir de certaines situations, son écriture calibrée se contente d'une prise de risque minimale. Mettant en scène un milieu violent, elle sait susciter de la tension et proposer des scènes très intenses, mais ne compte finalement que peu de morts. Jouant sur sa faculté à formuler des menaces et à placer ses personnages dans des situations périlleuses, elle s'assure que le téléspectateur retienne son souffle devant son petit écran, sans nous mener jusqu'au point de non retour. Le simulacre d'exécution à la fin du premier épisode donnait le ton : Peaky Blinders cultive une savoureuse aura de noirceur impitoyable... sans chercher à la concrétiser, à l'image de Tommy qui saura démontrer qu'il a envers et contre tout conservé une part de son humanité perdue en France. L'illusion fonctionne avec une efficacité redoutable. Cependant, il sera intéressant de voir la résolution du cliffhanger sur lequel la saison se termine pour découvrir si les scénaristes sont prêts à embrasser un vrai bouleversement.

peakyblinders2g_zpsa09e5dae.jpg

Qu'importe si les développements du scénario, qu'il s'agisse des relations personnelles entre les personnages, ou bien des évolutions du gang, apparaissent souvent transparents, l'attrait de Peaky Blinders est ailleurs. Ce n'est pas l'éventuelle innovation ou les surprises, mais bel et bien la manière dont les storylines sont exécutées qui donne toute sa saveur au récit. La série repose sur le soin accordé à la mise en scène, sur un jeu des symboles jamais oublié ou bien encore sur une réappropriation de codes empruntés à d'autres genres. L'influence du western est manifeste - et bienvenue -, comme lors de l'affrontement final qui bascule en un instant de la perspective d'une anarchique guerre des gangs en un duel quasi-codifié qu'une allée de Tombstone n'aurait pas renié. Du côté des personnages, la saison poursuit pareillement sur les bases posées dès le pilote, assurée de ses combinaisons. Les confrontations sont très personnalisées - à l'image de l'affrontement avec l'inspecteur Campbell - et la dynamique du clan Shelby, au sein duquel Tommy et la tante Polly s'imposent, reste une valeur sûre.

C'est la construction d'une atmosphère vraiment à part qui vient sublimer tous ces ingrédients et faire entrer Peaky Blinders dans une autre dimension. La série dispose en effet d'atouts formels marquants. Bénéficiant d'une photographie très soignée, la réalisation ne manque, elle, pas d'initiatives, parfois expérimentales, tel le recours à des ralentis pour souligner l'intensité d'un moment. L'image reste toujours très travaillée. Dans le même temps, la bande-son, à l'anachronisme assumé, déroute un temps, avant d'entraîner le téléspectateur dans son ambiance, portée par une musique d'ouverture parfaitement choisie. Cela permet à la série de se trouver une identité propre, s'affranchissant des codes classiques du period drama britannique. Enfin, le casting aura également été un argument de poids, sous la conduite d'un Cillian Murphy qui s'est parfaitement glissé dans ce rôle froid mais complexe du leader du gang. A ses côtés, Sam Neill, Helen McCrory ou encore Annabelle Wallis ne dépareillent, le casting offrant ainsi une distribution homogène et solide sur laquelle l'histoire s'appuie.

peakyblinders2f_zps3bbb2bb8.jpg
peakyblinders2c_zps183a2305.jpgpeakyblinders2j_zps2903b66f.jpg

Bilan : Visuellement travaillée, musicalement décalée, Peaky Blinders est une série efficace et prenante qui sait provoquer l'investissement du téléspectateur. Gangster drama assuré, jouant sur une noirceur parfaitement mise en scène, c'est une série qui se démarque par sa façon de raconter son histoire, plus que par le contenu même d'un récit qui reste très classique, voire convenu. Jubilatoire dans ses fulgurances, toujours engageante, savoureuse dans sa manière de porter à l'écran ses storylines, cette fiction est un véritable exercice de style. Elle a ses paradoxes et ses limites, mais son ambition est manifeste. Au final, elle offre un bien beau moment de télévision. Une découverte donc chaudement recommandée.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :

16/09/2013

(Pilote UK) Peaky Blinders : un gangster drama à Birmingham dans l'après Première Guerre Mondiale


peakyblindersf_zpsc1bea283.jpg

Il y a des signes qui ne trompent pas : les programmes du sériephile se re-remplissent après le calme estival relatif, les nouveautés affluent de toutes parts... Pas de doute, c'est la rentrée ! Une des séries que j'attendais le plus en ce mois de septembre était certainement Peaky Blinders. Elle commençait ce jeudi 12 septembre 2013 sur BBC2. Et elle a signé des débuts très solides côtés audiences, puisque son pilote a rassemblé 2,4 millions de téléspectateurs.

Créé par Steven Knight, il s'agit d'un period/gangster drama promettant une immersion mouvementée dans l'Angleterre de l'après Première Guerre Mondiale. On retiendra pour l'anecdote que, par le hasard des programmations, BBC2 aura lancé cette nouvelle série le lendemain de sa diffusion de The Wipers Times. Après avoir fait vivre à ses téléspectateurs la Grande Guerre par l'intermédiaire d'un journal de tranchées, la chaîne s'est donc intéressée à ceux qui sont revenus du front, et plus particulièrement à un gang sévissant à Birmingham. Logiquement, en raison de son sujet et de la période traitée, Peaky Blinders a été beaucoup comparée, dans les médias d'outre-Manche, à Broadwalk Empire, la série de HBO dont la saison 4 a justement démarré dimanche dernier aux États-Unis. Elle propose en tout cas un premier épisode convaincant et prometteur.

peakyblindersx_zpsf532f215.jpg

L'histoire débute en 1919, dans les quartiers populaires de Birmingham. La guerre s'est finie récemment, et les soldats démobilisés rentrent du front, reprenant - ou du moins, tentant de reprendre leurs activités d'avant-guerre. Ils reviennent pour beaucoup profondément marqués par ce qu'ils ont vécu, en plus de s'être endurcis. Outre la situation en Irlande, la pauvreté accroît les tensions politiques et sociales en Angleterre. A Birmingham, c'est l'agitation des communistes, mobilisant les ouvriers, qui inquiète les autorités. Dans le même temps, la criminalité prospère, des jeux d'argent aux commerces en tous genres. C'est dans ce contexte que le récit va s'intéresser à un des gangs les plus influents de la ville.

Les Peaky Blinders sont dirigés par la famille Shelby, dont chaque membre est mis à contribution pour faire prospérer les affaires criminelles, lesquelles vont des paris hippiques au racket des commerçants, en passant par des vols divers. Si Arthur est l'aîné, celui qui semble réellement en charge et prendre les décisions est le plus jeune, mais aussi le plus violent, Tommy. Ce dernier n'est pas revenu inchangé de la Grande Guerre. C'est justement une de ses opérations qui attire l'attention des plus hautes autorités de l’État : par erreur, ses hommes dérobent toute une cargaison d'armes. Winston Churchill, craignant que les communistes ou l'IRA ne soit derrière ce vol, mobilise alors une branche spéciale de la police. Elle est conduite par le C.I. Chester Campbell, lequel a l'expérience de l'Irlande. Pour accomplir sa mission, le policier est prêt à nettoyer la ville par tous les moyens... Les affrontements se préparent.

peakyblinderst_zps9564eb41.jpg

La première réussite du pilote de Peaky Blinders est l'atmosphère qui s'en dégage. La série force certes les traits, ne faisant pas toujours dans la subtilité, mais l'immersion du téléspectateur dans ce cadre explosif n'en est pas moins assurée avec brio. Empruntant notamment les codes du western, l'épisode dresse un portrait sans fard des quartiers pauvres de Birmingham, plongés dans une misère où la décadence et l'absence de loi prédominent. Les soldats revenus du front tentent d'y reprendre une vie interrompue, mais pour la plupart, il n'y a guère d'espoir en un avenir meilleur. La ville est parcourue de tensions contradictoires, agitée par des revendications politiques et une criminalité omniprésente. Elle échappe au contrôle d'autorités qui n'ont pour représentantes que des forces de police démissionnaires et corrompues. L'arrivée de Campbell pour rétablir l'ordre va être le signal du début des confrontations. Ces dernières promettent d'être létales entre différents acteurs qui protègent et suivent leurs propres agendas. La fonction de ce pilote est avant tout introductive, cependant il sait jouer sur la fibre du gangster drama d'action, loin de toute reconstitution historique figée. Les éclats de violence, comme la mise en scène de tensions sourdes durant certaines scènes, sont bien gérées, et les quelques twists, à défaut de surprendre, fonctionnent au sein d'un récit conduit sans temps mort.

Tout en prenant le pouls de la ville de Birmingham, Peaky Blinders ne néglige pas pour autant ses personnages. Celui qui se démarque le plus parmi eux est logiquement Tommy Shelby. Plein d'un aplomb inquiétant, voire provocateur, il conduit ses affaires avec une détermination implacable, n'hésitant pas à prendre des risques, mais aussi à aller à l'affrontement. Pour comprendre cette froideur, il faut garder à l'esprit que la guerre est passée par là. Ce sont ses décisions qui précipitent la volonté de reprise en main de la ville par les autorités. Après avoir envisagé un temps de rendre les armes dérobées, l'ouverture des hostilités par Campbell le motive à aller au bras de fer pour monnayer plus chèrement ce à quoi l’État tient tant. Le policier n'est pas allé au front durant la guerre, comment, se dit Tommy, pourrait-il plier face à un tel adversaire ? De manière générale, le pilote introduit divers protagonistes qui, même si l'écriture cède à quelques raccourcis de caractérisation, intriguent et laissent entrevoir du potentiel. Ce sont des personnages avec leurs ambivalences et une large part d'ombre. A ce stade, ils sont autant de promesses d'oppositions d'envergure, de trahisons et d'alliances de circonstances.

peakyblindersl_zpse6c9f33f.jpg

Sur la forme, Peaky Blinders est un period drama stylé. Si elle verse parfois dans un réalisme dur, la réalisation privilégie une atmosphère très travaillée essayant de créer une ambiance un peu à part, presque surréaliste par moment à l'image de la première scène de "bénédiction" du cheval de course. Si certains passages peuvent sonner un peu forcés, le plus souvent, la mise en scène fonctionne. Une des plus belles réussites du pilote est le plan-séquence introductif qui voit Tommy parcourir la ville à cheval, au son de la chanson Red Right Hand (cf. en bonus la deuxième vidéo). Les anachronismes au niveau de la bande-son sont volontaires, mais ce parti pris n'est pas toujours convaincant : plusieurs morceaux de rock-métal sont franchement dispensables. Il n'en reste pas moins que Peaky Blinders propose une reconstitution historique qui, si elle sonne parfois un peu artificielle, pose efficacement le décor et apporte une certaine fraîcheur au genre investi.

Enfin, le dernier argument clairement en faveur de la série - et non des moindres - est son casting. Dans le rôle principal de Tommy Shelby, Cillian Murphy (The way we live now) est impressionnant : il apporte à l'écran une présence aussi intense que magnétique, interprétant magistralement cet individu complexe et impitoyable façonné par la guerre. Face à lui, c'est Sam Neill (The Tudors, Alcatraz, Harry) qui joue Chester Campbell, le policier à qui l'on a confié la remise en ordre de Birmingham. L'affrontement entre les deux hommes promet beaucoup. Si l'univers de Peaky Blinders est très masculin, il n'en oublie cependant pas les femmes, en introduisant deux figures avec un intéressant potentiel. D'une part, jouée par Helen McCrory (The Jury, Charles II : The Power and the Passion), on retrouve la matriarche de la famille Shelby qui a géré les affaires pendant que les hommes étaient au front. D'autre part, le pilote voit l'arrivée d'une nouvelle venue en ville, incarnée par Annabelle Wallis (The Tudors) : si elle obtient un travail dans un bar fréquenté par les hommes du gang, elle est en réalité une envoyée de Campbell. Quant à Iddo Goldberg (Secret Diary of a call girl), il interprète un des leaders communistes qui a servi avec Tommy au front. Les Shelby ne l'effraient pas, puisqu'il fréquente également en secret la jeune Ada Shelby, jouée par Sophie Rundle (The Bletchley Circle, Shetland). Quant à Paul Anderson (The Promise, Top Boy), il incarne l'aîné Shelby, Arthur. Enfin, notez la présence d'Andy Nyman (Dead Set, Campus) en Winston Churchill.

peakyblindersv_zpsc7c6455a.jpg
peakyblindersc_zpsdc8acb04.jpg
peakyblindersp_zps322be745.jpg

Bilan : Se réappropriant un registre de gangster/period drama ambitieux, Peaky Blinders signe un premier épisode d'introduction prometteur. La série plonge de manière convaincante le téléspectateur dans une Birmingham d'après-guerre, reconstituée de façon soignée, que l’État ne contrôle plus vraiment. Il faut souligner que ce pilote est surtout tourné vers le futur, posant les bases des luttes à venir entre des protagonistes riches en ambiguïtés. Les partis pris esthétiques construisent une ambiance à part, et contribuent à l'immersion. La série devra cependant prendre garde à son inclination pour les effets de style : attention à ne pas privilégier à l'excès les artifices au détriment du fond. Reste que, à ce stade du pilote, Peaky Blinders laisse entrevoir un intéressant potentiel. Tous les ingrédients sont désormais rassemblés. A suivre !


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

Nick Cave and the Bad Seeds - Red Right Hand :

23/09/2012

(Mini-série UK) The Bletchley Circle : la traque d'un serial killer par les femmes de Bletchley Park

thebletchleycirclej_zps74b48454.jpg

C'est peu dire que ces dernières semaines ont été très chargées en fictions sur ITV. Ce n'est pas moi qui m'en plaindrais, au vu des plusieurs mini-séries intéressantes qui ont été proposées, et étant donné en plus que, depuis dimanche dernier, la chaîne est redevenue celle qui abrite la série qui sait actuellement le plus faire vibrer mon coeur de téléphage, Downton Abbey (et son season premiere était très réussi). Septembre est une période faste sur la chaîne privée anglaise depuis quelques années.

La mini-série dont je vais vous parler aujourd'hui, The Bletchley Circle, a été diffusée sur ITV1 du 6 au 20 septembre 2012 (elle était programmée face à Good Cop sur BBC1). Écrite par Guy Burt, elle comporte en tout 3 épisodes de 45 minutes environ chacun, et j'en suis réduite à espérer qu'une suite soit commandée. Period drama d'enquête se déroulant dans les années 50, elle est aussi une fiction féministe, s'intéressant à ces femmes qui ont eu des responsabilités importantes durant la guerre et à qui on demande de reprendre le rôle effacé qui était le leur auparavant. Un sujet qui avait donc tout pour me plaire pour une fiction... qui m'a plu.

thebletchleycirclen_zps39e5786b.jpg

A Bletchley Park, durant la Seconde Guerre Mondiale, les Anglais ont craqué quelques-uns des codes de cryptage allemands les plus complexes. Parmi son personnel, se trouvaient majoritairement des femmes qui contribuaient ainsi à l'effort de guerre influant sur le déroulement des hostilités : un code de craqué, cela pouvait être des renseignements inestimables sur les stratégies allemandes transmis aux hautes sphères militaires Alliées. C'est durant ces années que se sont connues Susan, Millie, Lucy et Jean, toutes quatre employées dans ce département et ayant juré le secret absolu. Au sortir de la guerre, chacune a repris le cours de sa vie, se perdant un peu de vue, tandis que certaines se mariaient et que d'autres décidaient de suivre leurs rêves de voyage.

En 1952, Susan, devenue mère de deux enfants, essaie avec difficulté de jouer les épouses de maison modèles, trompant comme elle peut l'ennui de son quotidien. Elle suit à la radio les informations au sujet d'un serial killer qui s'en prend à plusieurs jeunes femmes, dont une qu'elle avait connue. Essayant d'appliquer les méthodes qu'elle utilisait à Bletchley Park pour comprendre le mode d'agissement du tueur, elle initie sa propre enquête. Ne pouvant cependant y parvenir seule, elle recontacte ses trois amies. Ensemble, les quatre femmes vont tenter, avec leur expérience et leur savoir-faire particuliers, de résoudre ces affaires devant lesquelles la police semble démunie.

thebletchleycirclea_zpscfbf2fd6.jpg

The Bletchley Circle est un period drama d'enquête prenant et efficace, dont la spécificité et l'attrait principal reposent sur une dimension féministe qui va toucher le téléspectateur. En effet, en nous immergeant dans cette Angleterre du début des 50s', qui se ressent toujours des effets de la guerre, la mini-série éclaire à travers ses protagonistes la condition féminine de l'époque, et toutes les frustrations que suscitent les limites sociales reléguant les femmes en arrière-plan. Leurs situations ne sont pourtant pas toutes difficiles : Susan a un mari impliqué et prévoyant, mais il n'en attend pas moins d'elle qu'elle assume et reste cantonnée à son rôle de mère et de soutien pour son époux. Pour Lucy, son mari est autrement plus autoritaire, et ira même jusqu'à la battre en toute impunité. Seulement, par contraste, ces femmes ont aussi goûté aux responsabilités. Tous ces mois d'émulation où leurs actions avaient un sens, une importance particulière, ne peuvent être effacés et oubliés en tirant simplement un trait. La tension entre ce qu'elles se savent capables de faire, et le rôle effacé que la société veut leur faire jouer transparaît de façon constante tout au long du récit, et ne cesse d'interpeller.

La déchirure née de leur passage par Bletchley Park rend ces figures féminines instantanément attachantes : confrontées au vide laissé par le désoeuvrement -notamment intellectuel- dans lequel elles se retrouvent depuis la fin de la guerre, trop habituées à relever des challenges où le sort de personnes était en jeu, elles vont donc se lancer dans cette enquête sur l'impulsion de Susan, cherchant à déjouer les plans et à exposer un serial killer qui s'en prend à des jeunes femmes. Si le danger existe, et qu'à l'occasion la mini-série introduit une tension palpable, l'intérêt de l'histoire repose avant tout sur la dynamique de groupe qui s'installe, marquée par la solidarité qui unit ces personnalités à la fois très différentes et complémentaires. En appliquant leur expérience dans le décryptage pour comprendre le comportement du tueur, certaines de leurs méthodes peuvent sonner peu vraisemblables, mais l'ensemble demeure prenant. La mini-série trouve le juste équilibre entre la dimension humaine des enquêtrices en herbe et la progression de leur investigation. Si, de manière assez classique, la traque du tueur est plus palpitante que la chute la clôturant, le téléspectateur ressort satisfait par l'ensemble.

thebletchleycirclec_zpscbb18d47.jpg

La volonté de The Bletchley Circle de soigner son atmosphère 50s' se retrouve dans l'application portée à la forme. La réalisation transpose à l'écran un period drama à la reconstitution sobre, capturant bien la rigidité sociale de ce début des années 50 où l'après-guerre est encore perceptible. Bonus appréciable, la mini-série dispose d'un bref générique qui rappelle bien le temps de Bletchley Park et tout l'héritage que ces quatre femmes ont de cette période ; il s'accompagne d'un thème instrumental un peu tendu qui correspond parfaitement à la tonalité de la série, et à cette tension sourde qui va crescendo à mesure que l'enquête se transforme en traque.

Enfin, un des grands atouts de The Bletchley Circle réside dans un casting absolument impeccable qui délivre une excellente et homogène performance. Au premier rang, c'est Anna Maxwell Martin (North & South, Bleak House, South Riding) qui, comme toujours, sait habiter son personnage et retranscrire sa détermination, comme ses vulnérabilités, avec une subtilité et une intensité remarquables. A ses côtés, Rachael Stirling (Boy Meet Girl), Sophie Rundle (Great Expectations) et Julie Graham (Between the sheets, Survivors, Mobile) proposent également des interprétations de choix, faisant regretter que la mini-série n'ait pas le temps de pleinement explorer chacun de ses quatre personnages féminins principaux. Les hommes sont plus en retrait dans The Bletchley Circle, même s'ils apportent un pendant, teinté d'incompréhension mais non d'hostilité, qui équilibre opportunément le récit. On croise ainsi Mark Dexter (Crusoe), qui incarne le mari de Susan, Ed Birch, Michael Gould (Coup), Simon Willams ou encore Steven Robertson (Tess of the D'Ubervilles).

thebletchleycircleo_zpsf73cb117.jpg

Bilan : Récit d'une enquête privée conduite de façon efficace, nous plongeant de manière convaincante dans l'ambiance des 50s', The Bletchley Circle est une mini-série qui explore l'héritage et le savoir-faire acquis par les femmes de Bletchley Park appliqué à une traque criminelle. Reposant sur la dynamique de groupe se créant entre ses protagonistes principales, elle est une oeuvre marquée par son époque, mettant en relief, telle une déchirure, la frustration et les aspirations que ces femmes pouvaient ressentir, du fait du contraste entre le rôle attendu d'elles par la société et ce qu'elles sont capables d'apporter.

Une fiction donc intéressante sur plus d'un registre : à découvrir !


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la mini-série :