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02/11/2013

(UK) Ambassadors : fiction à la tonalité duale dans les coulisses d'une ambassade

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Aujourd'hui, c'est une nouveauté britannique qui nous offre l'occasion de voyager : direction l'Asie centrale (même si, en fait, la série a été tournée en Turquie). Actuellement diffusée sur BBC2, du 23 octobre au 6 novembre 2013, Ambassadors retient d'abord l'attention parce qu'elle réunit devant la caméra un duo bien connu, Mitchell et Webb, du Peep Show [Pour ceux qui les apprécient, je vous conseille la lecture de leur double interview réalisée pour l'occasion sur Radiotimes]. Cependant, il faut se garder des raccourcis hâtifs : Ambassadors n'est pas une simple sitcom. Il s'agit plutôt d'un hybride, une comédie au parfum de drama.

Cette dualité s'explique en partie par le duo de scénaristes que l'on retrouve à l'écriture de la série : James Wood, le co-créateur de cette chouette dramédie douce-amère qu'est Rev, et Rupert Walters, qui a notamment écrit quelques épisodes de Spooks. Pour troubler un peu plus les lignes, Ambassadors emprunte un format propre au drama, avec des épisodes d'une durée d'1 heure là où, par exemple, The Wrong Mans, sur la même chaîne, se contentait de 30 minutes. La série avait donc un challenge important à relever pour trouver sa juste tonalité. Elle n'y parvient pas toujours, mais sait délivrer des épisodes plaisants.

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Ambassadors suit le quotidien de l'ambassade britannique au Tazbekistan, une ancienne république socialiste soviétique fictive, créée en entremêlant des références au Tajikistan et au Turkmenistan. Après l'irrésolue disparition de son prédécesseur, Keith Davis se voit confier le poste d'ambassadeur. Il découvre dès le pilote les responsabilités parfois éprouvantes qui y sont attachées, avec une sortie de chasse présidentielle mémorable. Pour comprendre rapidement le pays et la famille qui le dirige, afin de pouvoir promouvoir au mieux les intérêts des entreprises britanniques, il peut notamment compter sur les conseils de Neil Tilly, le dirigeant du staff diplomatique, qui connaît parfaitement les us et coutumes locales.

Entre dîners officiels, organisations de manifestations culturelles et négociations industrielles très concurrentielles face à d'autres puissances occidentales (notamment les États-Unis et la France), les services de l'ambassade doivent aussi composer avec certains invités guère commodes - pouvant aller jusqu'à la réception de membres de la famille royale - et également avec des imprévus diplomatiques qui nécessitent de se montrer pragmatiques pour ne pas fâcher le régime autoritaire en place. Un jeu d'équilibriste pas toujours aisé à mettre en pratique, le tout sous la surveillance de Londres et d'un supérieur surnommé POD, le "Prince of Darkness".

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Ambassadors oscille entre deux tonalités. La série emprunte à la comédie son sens de la rupture et quelques chutes, tour à tour absurdes ou inattendues. Elle ne cherche cependant pas à forcer les gags, préférant jouer sur un comique de situation et sur des échanges faussement sérieux pour faire sourire le téléspectateur. La fiction laisse dans le même temps entrevoir une ambition narrative qui la rapproche du drama, puisque son fil rouge repose sur l'arbitrage complexe à trouver entre promotion des droits de l'homme et des valeurs démocratiques, et préservation des intérêts économiques de la Grande-Bretagne. Pour réaliser cela, son portrait de l'ex-république soviétique et de son gouvernement dictatorial ne fait guère dans la nuance, s'appropriant tous les poncifs du genre, tout en rejouant la partition familière du choc des cultures. Cependant, si elle fait siens de nombreux clichés, elle a l'art de savoir le faire sans jamais les prendre au sérieux, en s'en amusant, voire en les détournant à l'occasion. C'est par exemple le cas pour le versant espionnage, à l'image de "l'enlèvement" orchestré dans le deuxième épisode, ou bien encore pour l'évolution du chantage subi par Neil de la part de la police secrète.

Il ne faut pas aborder Ambassadors en espérant y trouver ce qu'elle n'est pas : un récit des coulisses diplomatiques où la comédie permettrait l'irrévérence. La série offre au final une vision assez proprette de la diplomatie britannique, ou du moins des représentants principaux qu'elle met en scène. Au cours des deux premiers épisodes, ni l'ambassadeur, ni le chef du staff diplomatique, ne se révèlent prêts à sacrifier certains principes sur l'autel financier des intérêts industriels du pays, arbitrant comme ils peuvent au grand désespoir de leur hiérarchie. Nous sommes loin du corrosif satirique de The Thick of it, que seules les interludes skypés de POD évoquent avec une pointe de noirceur cynique caractéristique particulièrement savoureuse. Les scénaristes se réclament d'une autre référence, celle de Yes Minister, dont le reboot initié l'an dernier a pu justement se voir reprocher de sonner trop lisse dans un pays où The Thick of it est désormais passé. Ambassadors fait le choix de ne jamais s'évader d'une certaine zone de confort, ce qui, dans la télévision britannique de 2013, peut lui être reproché. Pour autant, l'ensemble reste plaisant à suivre.

En effet, la série cultive une dynamique sympathique. Le tandem Keith/Neil a du potentiel, avec d'un côté un ambassadeur anxieux de réussir son intégration et de se faire bien voir de sa hiérarchie, et de l'autre, un bureaucrate pragmatique sachant prendre les évènements avec un flegme et un détachement tout britanniques, mais qui s'investit toujours à un niveau très personnel dans certains dossiers sensibles. Le duo fonctionne spontanément à l'écran. Pour l'accompagner, Ambassadors a le mérite de pouvoir s'appuyer sur une galerie de personnages secondaires hauts en couleurs qui viennent apporter un contraste et une touche comique plus prononcée. C'est par exemple le cas de la gouvernante et de ses affinités culinaires, de ces deux chargés d'écoute qui espionnent l'ambassade et commentent les discussions de chacun avec un premier degré souvent drôle, ou encore de la jeune employée en charge de la promotion de la culture britannique dont l'enthousiasme ne trouve guère d'écho auprès du reste de l'équipe. Les guest-stars apportent aussi un décalage plus marqué, le prince Mark faisant ainsi une visite remarquée dans le second épisode. Le mélange donne une écriture un peu inégale, mais qui sait jouer sur sa capacité à accélérer et à proposer quelques savoureuses fulgurances.

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Ambassadors est en revanche une franche réussite au plan formel. La réalisation a été confiée à Jeremy Webb. Elle maîtrise parfaitement les codes classiques d'un drama, avec une photographie soignée parfois sombre. Si beaucoup de scènes se déroulent en intérieur, la série s'assure d'entrée de jeu, dans son pilote, un passage dépaysant au sein d'une forêt enneigée qui pose efficacement le cadre. L'autre bonne idée est la bande-son utilisée, ou plus précisément, le recours récurrent à un thème instrumental parfaitement choisi : vite entêtant, un brin exotique, il est doté d'un dynamisme comique contagieux. On le retrouve aussi dans le générique d'ouverture : animé et travaillé, ce dernier embarque le téléspectateur dans un voyage jusqu'au Tazbekistan (voir la première vidéo ci-dessous).

Enfin, Ambassadors réunit un casting auquel il est aisé de s'attacher. Au sein du duo principal, c'est sans doute Robert Webb (Peep Show) qui tire en premier son épingle du jeu, dans un registre dual, à la fois bureaucrate détaché et pragmatique, mais aussi parfois très impliqué. David Mitchell (Peep Show) joue quant à lui l'ambassadeur britannique nouveau venu. Keeley Hawes (Spooks, Ashes to Ashes, Upstairs Downstairs) incarne son épouse, qui s'efforce également de s'acclimater au pays (et à leur gouvernante). Pour compléter la Spooks-connection, Matthew Macfadyen (Warriors, Perfect Strangers, Little Dorrit, Any Human Heart, Ripper Street) joue le supérieur londonien des diplomates, apparaissant au cours d'échanges en visioconférence mémorables. Au sein de l'ambassade, on retrouve parmi le staff Shivani Ghai (Five Days), Susan Lynch (Monroe) et Amara Karan (Kidnap and Ransom). Côté Tazbek, Yigal Naor (House of Saddam) interprète le président, tandis que Natalia Tena (Game of Thrones) joue la petite amie de Neil Tilly. En guest, on saluera dans le deuxième épisode la présence de Tom Hollander (Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics, Any Human Heart, Rev) qui s'en donne à coeur joie en tant que membre de la famille royale, pour une visite qui marquera durablement les esprits.

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Bilan : Ambassadors est une comédie qui s'entoure d'un parfum de drama, mêlant ainsi les deux ambiances au risque de ne pas toujours trouver les parfaits réglages. Dotée d'un style d'écriture à la sobriété bienvenue, elle assume pleinement les stéréotypes associés à la mise en scène d'un service diplomatique au sein d'une ex-république soviétique, ne cherchant pas à faire dans la nuance. Loin de vouloir être une immersion satirique dans les coulisses d'une ambassade, elle renvoie une image plutôt lisse et consensuelle, sans surprise, de son milieu. Si elle reste dans une zone narrative de confort, elle sait cependant décliner les codes du genre sans les prendre au sérieux, s'en amusant ou même les détournant. Cela donne une dynamique d'ensemble plaisante à suivre, avec, aux côtés du duo principal, quelques rôles secondaires hauts en couleurs. Formellement solide, s'appuyant sur un casting convaincant, cette série est donc sympathique, distillant ses pointes d'humour à petites doses.

Ce sont, pour l'instant, trois épisodes d'une heure qui ont été commandés. Je serai devant mon petit écran pour le dernier diffusé mercredi prochain.


NOTE : 6,75/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la série :