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08/06/2011

(K-Drama) Freeze : déroutante simplicité pour une troublante et mélancolique approche du thème des vampires

 
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Après m'être concentrée sur les nouveautés au cours de ces dernières semaines, c'est un bilan d'une série plus ancienne que je vous propose en ce mercredi asiatique : celui de Freeze. Elle figurait sur ma liste de dramas à découvrir depuis presqu'une éternité, une critique chez Ageha ayant tout particulièrement retenu mon attention. Il faut dire que le résumé contenait un mot clé susceptible d'éveiller mon intérêt par-delà les continents téléphagiques, le mot "vampire". C'était d'autant plus efficace que, jusqu'à présent, je n'avais jamais regardé une seule série asiatique abordant ce thème particulier.

Présenté comme atypique et ne suivant pas forcément les canons préconçus du genre, ce drama m'intriguait. Son autre avantage résidait dans le fait qu'il s'agit d'une série très brève : 5 épisodes d'un peu plus d'une heure chacun. Elle avait d'ailleurs été diffusée sur une petite semaine à la fin du mois d'octobre 2006 sur Home CGV. Par sa construction, elle se regarde sans doute plus comme un long "long métrage" que comme une véritable série. Et si elle peut dérouter à plus d'un titre, j'avoue m'être laissée envoûter par Freezze et son ambiance à part d'une bien étrange mais plaisante façon.

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Si l'histoire de Freeze se déroule dans le présent, elle a débuté il y a plusieurs siècles. Baek Jung Won, alors jeune homme, sauve une belle femme, I-Wha, du bûcher auquel elle avait été condamnée par son village. Dans leur fuite, Jung Won est grièvement blessé. Refusant de laisser son sauveur mourir, I-Wha lui fait cadeau de ce qu'elle a de plus cher afin de lui permettre de survivre : son sang, qui le transforme en vampire. Les années ont passé depuis. Si les deux vampires sont restés associés, possédant actuellement un bar à vin à Séoul, Jung Won traîne désormais son immortalité comme une malédiction, emporté dans une dépression qui le fait se mourir à petit feu, tandis que I-Wha assure leur subsistance en achetant le sang dont ils ont besoin pour se nourrir.

Cette situation précaire bascule le jour où Jung Won reçoit une lettre d'une femme qu'il a tant aimé, mais qu'il a abandonné à regret il y a une vingtaine d'années, sa nature de vampire ne pouvait permettre cette passion. Elle est désormais malade et c'est à ses funérailles qu'il se résoud finalement à se rendre. Il y retrouve la fille qu'elle a eu avec un autre homme, père alcoolique et absent qui n'a jamais su la rendre heureuse. Si Jang Ji Yun n'était qu'une enfant quand Jung Won fréquentait sa mère, elle est devenue une jeune fille en quête de sens dans sa vie, profondément marquée par ce décès. Prenant Jung Won pour le fils de l'ancien amour de sa mère, Ji Yun se laisse entraîner vers la capitale, curieuse d'en apprendre plus. Après bien des réticences, le vampire accepte de l'héberger, ouvrant la voie à une étrange et indéfinissable relation, tandis qu'une peur sourde se répand en ville : un serial killer rôde, vidant ses victimes de leur sang... les vampires existeraient-ils ?

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Freeze a ceci de paradoxal qu'il s'agit d'une série mettant en scène des vampires, mais dont cette thématique ne va pourtant pas être centrale. En réalité, le drama se joue plutôt volontairement d'un certain nombre de codes classiques du genre - l'idée de tuer pour se nourrir apparaît, par exemple, comme une barbarie tombée en désuétude ("pour qui te prends-tu ? Dracula ?" tance ainsi I-Wha). Cependant, si la question vampirique reste une simple toile de fond, elle n'en est pas moins déterminante par le biais d'une problématique qu'elle va permettre d'explorer : celle de l'immortalité. La déchirure provoquée par l'impossibilité de poursuivre une vie "normale", la blessure insondable que représente le fait de voir vieillir, puis mourir, un être cher, vont être des constantes qui fondent la tonalité pesante teintée de fatalité et de mélancolie de la série.

Plus précisément, Freeze, c'est l'histoire d'une relation qui ne peut pas être et apparaît vouée à l'échec avant même de s'être vraiment installée. Doté d'un rythme de narration d'une lenteur travaillée qui peut dérouter un public non averti, le drama se complaît dans un récit quasi-contemplatif relatant le rapprochement progressif de deux êtres. La mise en scène est épurée à l'extrême. On peine presque à oser employer le mot qui est pourtant déterminant, "l'amour", tant les sentiments sont ici réduits à leur plus simple expression. Ils demeurent comme figés dans l'image étonnamment froide que renvoie l'esthétique poétique de la série. Pourtant cette retenue n'empêche pas le drama de chérir sa part d'humanité : la moindre scène rompant la glace, distillant une touche d'humour ou d'ironie, voit ainsi son impact multiplié et touche plus sûrement le coeur du téléspectateur.

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Freeze est une série qui se ressent plus qu'elle ne se regarde ; l'action, minimaliste, s'efface presque derrière l'ambiance qu'elle construit. L'écriture du drama se nourrit de ses paradoxes, cultivant et mêlant une noirceur parfois étouffante et une innocence rafraîchissante. Cette combinaison, envoûtante en un sens, fait naître une forme de fascination pour l'ensemble qu'il est difficile de traduire en mots ou même de rationnaliser. Les cinq épisodes se savourent d'une traite, comme un (long) long métrage, sans que l'on parvienne à s'en détacher. En raison de sa froideur latente et de l'impression d'inachevé qu'il laisse à la fin, il est sans doute difficile de véritablement aimer au sens premier du terme ce drama. Mais il constitue indéniablement une expérience télévisuelle originale dont on ne ressort pas complètement indemne.

Parce que le charme indéfinissable de Freeze réside justement dans son ambiance, il est logique que sa forme s'impose comme un atout déterminant, particulièrement soigné. Paradoxalement, c'est sans doute par sa sobriété, à laquelle se conjuge une impression de détachement glacé, que la réalisation se démarque et permet au drama de se trouver une identité visuelle qui lui est propre. Tout comme le récit qu'elle met en images, la caméra sait prendre son temps. Sa lenteur travaillée lui permet ainsi de soigner chacun de ses angles. Les plans, esthétiques, en deviennent parfois presque poétiques, tandis que la photographie joue sur des teintes à la fois colorées et sombres.

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Pour accompagner cette mise en scène qui lui sied parfaitement, la série bénéficie en plus d'une bande-son particulièrement bien inspirée. La musique reste une constante dans la narration, mais au lieu de prendre le pas sur les scènes, elle les accompagne souvent en fond sonore lointain jamais envahissant. Par la sincérité qui en émane - loin de tout effet clipesque -, l'OST marque par le fait qu'elle incarne comme rarement l'âme même de ce drama. Ses compositions alternent les instrumentaux au piano, où perce une forme de mélancolie, écho à la tonalité du récit, et des chansons ambivalentes, oscillant entre légèreté et tristesse. 'Never cry' est notamment un petit bijou de ballade pop qui illustre bien cette dualité de ton.

Enfin, pour porter cette histoire à l'écran, Freeze bénéficie d'un casting au sein duquel scintille une superbe Park Han Byul (Oh! My Lady) ; non seulement l'actrice incarne un personnage qui, par sa fraîcheur, propose un contraste saisissant avec l'ambiance pesante générale, mais elle apporte aussi une forme d'étincelle au drama, encouragée par une caméra qui lui offre de bien belles scènes visuelles. Lui donnant la réplique, Lee Seo Jin (Damo, Soul) joue un vampire tourmenté qu'il est plus difficile de cerner. Il s'en tire honorablement dans un rôle compliqué à exprimer. A leurs côtés, les rôles secondaires finiront par surprendre par leur relative consistance, une fois les clichés de départ évacués. On y retrouve notamment Son Tae Young, Lee Joon, Lee Han Wie, Ji Dae Han ou encore Kim Kang Gyu.

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Bilan : Drama à la fois classique et déroutant, Freeze n'est pas une série de vampires au sens premier du mot. C'est par sa simplicité extrême, narrative autant qu'émotionnelle, que le drama trouve une identité originale. L'histoire, paraissant réduite à sa plus simple expression, renvoie l'impression d'une troublante et touchante sincérité. Laissant un sentiment d'inachevé à la fin de ces cinq épisodes, cette série fait sien un style contemplatif et épuré d'une lenteur travaillée qui ne conviendra sans doute pas à tous. Mais j'ai pour ma part vraiment apprécié cette expérience, y retrouvant cette authenticité unique, toute en retenue, caractéristique du style de narration sud-coréen que je chéris tant.


NOTE : 7/10


Une chanson de l'OST ("Fate") et un aperçu de la série par le MV proposé :