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18/11/2012

(BR) Cidade dos Homens (La Cité des Hommes) : portraits d'adolescence dans une favela de Rio de Janeiro

 

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Parmi les terres téléphagiques qui sont encore pour moi de vastes horizons inconnus figure l'Amérique Latine. Mes références s'y résument à quelques expériences occasionnelles (sans sous-titres..), comme le pilote de Capitu visionné pour un numéro de podcast. Cette destination est donc un de ces défis que j'ai très envie de relever. Généralement, quand je me lance à la découverte d'un nouveau continent, je privilégie en premier lieu les quelques séries les plus classiquement citées, histoire de poser un premier pied dans ce petit écran en sachant à peu près où je vais. C'est ainsi que ces dernières semaines, j'ai débuté le visionnage de la mexicaine Capadocia et de la série sur laquelle je vais revenir aujourd'hui : La Cité des Hommes.

Créée par Katia Lund et Fernando Meirelles, cette dernière est une fiction brésilienne, comptant en tout 4 saisons de 19 épisodes d'une trentaine de minutes chacune. Diffusée de 2002 à 2005 sur la chaîne Globo TV, elle prend la suite du marquant film La Cité de Dieu. Diffusée notamment sur France 5, l'intégrale est également disponible en DVD à un prix plus qu'abordable. Et si je vous avoue ne pas être (encore ?) tout à fait convaincue par Capadocia, il en va tout autrement pour Cidade dos Homens. Voilà un beau coup de coeur qui permet d'accueillir un nouveau pays sur My Télé is rich!, le Brésil (juste évoqué jusqu'à présent par la co-production des Mistérios de Lisboa).

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Cidade dos Homens nous plonge dans une des favelas de Rio de Janeiro, y racontant le quotidien de deux amis, Acerola et Laranjinha. Dans cette zone abandonnée par l'Etat aux trafiquants de drogue qui font régner leur propre ordre - sur les cartes de la ville, ces lieux sont une simple tâche verte, sans aucune précision, ni indication que des gens y vivent -, les deux adolescents expérimentent comme tout jeune de leur âge. On les suit dans le tourbillon qu'est leur vie de tous les jours, apprenant de leurs erreurs, découvrant les premières responsabilités, savourant les premiers amours et mesurant aussi les dangers de leur environnement difficile. Entre rêves de futur et dureté d'une réalité qui les oblige à vivre au jour le jour, ils poursuivent inlassablement leur marche en avant. Ils vont ainsi grandir et mûrir sous les yeux du téléspectateur.

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Cidade dos Homens, c'est tout d'abord le portrait d'un certain Brésil, dépeignant la réalité sociale des favelas et leur place dans le pays. La série se veut plus légère que le film La Cité de Dieu, mais elle n'en occulte pas moins les difficultés bien présentes, sans pour autant tomber dans un misérabilisme pesant. Il y a une volonté manifeste d'aller par-delà les préjugés et les clichés sur ces zones de non-droit, pour en décrire les problèmes du quotidien, mais aussi humaniser leurs habitants. Empruntant parfois un style proche du documentaire, très détaillé dans sa façon de dépeindre ces lieux, la série conserve toujours un parfum d'authenticité qui fait sa force.

On devine en arrière-plan de cette chronique sociale, mettant en scène les clivages d'une société, un projet pédagogique plus ou moins marqué des scénaristes suivant les histoires relatées. En exemple emblématique, on peut citer le dernier épisode de la saison 1, très intéressant, où l'on suit brièvement en parallèle un autre adolescent vivant en dehors de la favela. Tout en montrant combien l'antagonisme immédiat, nourri de préjugés, est bien réel entre ces jeunes issus de deux mondes si différents, la série le désamorce en insistant sur leurs points communs et leurs doutes partagés, s'adressant ici avant tout au téléspectateur. Dotée d'une écriture privilégiant une sincérité qui ne laisse pas indifférent, elle peut ainsi aborder légitimement ces thèmes sans jamais paraître trop didactique.

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Car Cidade dos Homens reste une série profondément humaine et attachante. Elle met en scène un duo d'adolescents complémentaires auprès desquels le téléspectateur s'investit vite avec une tendresse qui ne cesse de se renforcer au gré des péripéties. Acerola est un débrouillard avec un sens des affaires qui lui attire souvent bien des ennuis ; Laranjinha se tient plus en retrait, préférant profiter sans faire de vague et charmer les demoiselles. A travers eux, la série emprunte des ressorts propres aux fictions sur l'adolescence, traitant d'apprentissage de la vie. Ils ont des problématiques propres aux jeunes de leur âge. Cependant, du fait du cadre particulier dans lequel ils évoluent, Cidade dos Homens propose une relecture originale de ces thèmes familiers.

Leur quotidien oscille entre l'insouciance propre à leur âge et la réalité de la favela : s'essayer aux premiers pas de l'amour implique aussi d'éviter autant que possible les trafiquants qui régissent les lieux et les ennuis qui les accompagnent. Outre la violence permanente, il faut aussi composer avec la pauvreté, et par exemple partir mendier à manger dans Rio quand il n'y a plus rien à la maison et que leur mère ne rentre pas avant plusieurs jours. Si elle peut être très dure, la série n'en conserve pas moins une vitalité pleine de fraîcheur, à la fois réaliste et remplie d'espoir. L'ensemble est rythmé, avec une durée assez brève des épisodes - une trentaine de minutes - qui fait que l'on ne s'y ennuie pas une seule seconde ; chacun aborde un thème précis, explorant un évènement ou un sujet précis représentatif d'un pan de vie dans la favola.

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L'impression d'authenticité qui caractérise Cidade dos Homens se retrouve dans la manière dont la série est filmée : la réalisation est nerveuse et dynamique. La caméra tressautante impose immédiatement une proximité, dépeignant le cadre de la favela et s'arrêtant avec des gros plans sur les protagonistes. Les condition de vie, mais aussi le dynamisme qui parcourt ces lieux, sont parfaitement capturés. De plus, le récit est accompagné d'une bande-son qui, pareillement, rythme et contribue à l'atmosphère de ce coin de Rio de Janeiro, aussi bien musicalement que dans les quelques chansons qui viennent notamment conclure des épisodes (on y trouve des chansons originales créées pour l'occasion, comme un rap "dialogué" entre les deux jeunes issus de deux mondes si différents dans l'épisode 4 de la saison 1 ; ou encore la chanson sur laquelle danse Acerola dans l'épisode 1 de la saison 2).

Enfin, Cidade dos Homens doit également beaucoup à ses acteurs. Tout en croisant des protagonistes récurrents, et avec en arrière-plan tout un entourage qui prend plus ou moins d'importance suivant les histoires relatées, la série se concentre avant tout sur son duo principal. Darlan Cunha (Laranjinha) et Douglas Silva (Acerola) sont deux jeunes, vivant eux-mêmes dans des favelas, qui apportent à l'écran une présence pleine de spontanéité à la fois rafraîchissante et attachante. Mêlant sens de la débrouillardise, pragmatisme et charisme, ils incarnent deux figures très différentes, qui donnent chacune l'occasion d'explorer des thèmes qui leur sont propres. Leur interprétation très juste confirme l'impression de réalisme qui ressort de la fiction.

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Bilan : Chronique sociale relatant le quotidien de deux adolescents, Cidade dos Homens nous plonge dans l'univers des favelas de Rio de Janeiro. Traversée par une vitalité communicative, la série traite de thématiques familières sur l'adolescence, sans occulter la violence et la pauvreté qui font partie intégrante de la vie de ses protagonistes. Entre espoir et réalisme, il s'agit d'une oeuvre profondément humaine, portée par des figures attachantes, qui a affiche aussi une ambition pédagogique, s'attachant à désarmorcer certaines peurs sur les favelas et ceux qui y habitent. Plus que tout, c'est une série qui respire le Brésil, offrant une bouffée de dépaysement et de découverte qui mérite assurément le détour.

En résumé, un portrait plein de vie à mettre en toutes les mains !


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :


Le "rap" entre deux personnages durant l'épisode 4 de la saison 1 :



PS : Nous sommes rentrés dans les trois semaines que j'annonçais très chargées et compliquées pour le rythme de publication du blog. La première semaine de décembre connaîtra normalement une pause d'une semaine (comme à Pâques), en attendant, un petit ralentissement est également possible. Pas d'inquiétude, My Télé is rich! retrouvera un rythme de croisière normal courant décembre, mais même un blogueur a parfois une vie en dehors de ses colonnes.