03/01/2012
(UK) Sherlock, saison 2, épisode 1 : A Scandal in Belgravia
Pour commencer l'année de la meilleure des façons, BBC1 proposait dimanche soir un bien beau cadeau pour conclure les fêtes, avec le retour du détective qu'elle a fait revivre dans le courant de l'été 2010 : Sherlock Holmes. Cette deuxième saison longtemps attendue - coincée entre l'agenda surchargé de Steven Moffat et le tournage à l'autre bout du monde de The Hobbit - porte logiquement de hautes espérances tant la première avait agréablement surpris et marqué.
La dernière fois que j'ai évoqué Sherlock sur ce blog, c'était à la fin du mois de juillet 2010. Le pilote venait d'être diffusé dans la torpeur estivale, j'étais complètement sous le charme et ma review croulait sous les superlatifs. Un an et demi plus tard, au milieu de l'hiver cette fois, ce premier épisode de la saison 2 a suscité chez moi un enthousiasme similaire. Si bien que je ne résiste pas à l'envie de vous en parler.
A Scandal in Belgravia débute logiquement par la résolution du cliffhanger sur lequel la série nous avait laissé il y a deux ans. Cette première confrontation directe avec l'extravagant et versatile Moriarty, pendant criminel de Sherlock, n'aura pas été de tout repos pour nos deux héros, mais l'humeur changeante de leur ennemi leur aura permis de se sortir de ce mauvais pas en évitant tout drame. La suite de l'épisode est l'occasion de nous réintroduire dans le quotidien de Sherlock Holmes, dont la popularité et la reconnaissance grandissent grâce au blog tenu par John Watson qui y détaille les affaires élucidées (ou non) à ses lecteurs.
C'est Mycroft qui va, une nouvelle fois, venir solliciter son frère et propulser notre duo dans l'aventure de l'épisode. Holmes et Watson sont en effet convoqués à rien moins que Buckingham Palace pour se voir confier la mission de récupérer des photos compromettantes prises par une femme fatale du nom d'Irene Adler. Mais l'affaire se révèle rapidement bien plus complexe qu'une simple histoire de moeurs et de chantage, et lorsqu'elle se change en une question de sécurité nationale, cette partie d'échecs prend un tournant fort dangereux...
A Scandal in Belgravia renoue avec le souffle et l'élan jubilatoire de A study in pink qui avait ouvert la première saison. L'écriture y est très dense, toujours extrêmement rythmée. L'histoire, volontairement complexe, multiplie les ruptures de rythme et autres retournements de situation. A tout moment, on a l'impression que le scénariste pourrait perdre le contrôle de ce récit construit en escaliers dont on ne sait trop où il nous conduit, si ce n'est qu'il nous y conduit vite et de manière fort savoureuse. Mais Steven Moffat maîtrise parfaitement son sujet. Cette surenchère d'effets narratifs reste jusqu'au bout un vrai délice à l'écran et se conclut par un ultime twist où perce une pointe de démesure qui lui permet de s'inscrire parfaitement dans la continuité de l'épisode.
La richesse de l'épisode doit beaucoup à sa tonalité tonalité aussi enlevée que versatile. A Scandal in Belgravia peut ainsi se permettre de commencer en dépeignant la monotone routine de notre duo de détectives, avec un Sherlock rongé par l'ennui, pour se changer ensuite en affaire de moeurs tout aussi banale mais avec un employeur prestigieux. Puis, peu à peu, elle se complexifie pour introduire de nouveaux enjeux autrement plus importants, liés à des actes de terrorisme, et faisant intervenir les services secrets mais aussi la figure de Moriarty en arrière-plan qui tire dans l'ombre certaines obscures ficelles. L'ensemble est construit comme un toutélié distendu, multipliant les faux-semblants ; si on y perd parfois le fil, on se laisse toujours emporter avec enthousiasme dans cette affaire.
Au-delà de son histoire prenante, A Scandal in Belgravia doit beaucoup à la caractérisation de ses personnages, et à la dynamique d'ensemble qui marque leurs relations. L'entourage qui gravite autour de Sherlock éclaire les différentes facettes de ce personnage central, l'épisode réservant son lot de passages marquants : la complicité avec Mrs Hudson, les échanges toujours provocateurs et fraternels avec Mycroft... Et puis, bien entendu, le plus important, John Watson, flegmatique et posé, qui incarne le pendant parfait à l'hyperactivité de Sherlock. Tous ces rapports sont mis en valeur grâce à des dialogues admirablement ciselés, riches en tirades inspirées, mais aussi en réparties qui font toujours mouche.
Outre ces soutiens traditionnels, A Scandal in Belgravia introduit face à Sherlock Holmes une figure féminine qui est un adversaire de choix. Si la série fait d'elle une dominatrix qui semble cette fois s'être attaquée à plus forte qu'elle, Irene Adler vient surtout brouiller la distribution des rôles, et se glisser avec assurance dans le quotidien bien agencé de notre détective. Elle est "LA femme", celle qui trouble notre détective, sans que l'on sache précisément qui manipule vraiment qui dans les joutes verbales constantes auxquelles se livrent Irene et Sherlock. L'ambiguïté du personnage rend ses rapports avec le détective assez fascinants, la confrontation se changeant peu à peu en une complicité où chacun a conscience que l'un des deux se brûlera fatalement les ailes tant leurs intérêts divergent. Pour incarner une telle opposante, Laura Pulver est superbe à l'écran.
Bilan : Bénéficiant d'une écriture enlevée, marquée par des dialogues savoureux et une histoire complexe où les retournements de situation sont incessants, A Scandal in Belgravia est une aventure vraiment jubilatoire et captivante. Portée par une dynamique exaltante, elle marque un retour en très grande forme de Sherlock. Le téléspectateur prend un plaisir rare à suivre cette surenchère narrative maîtrisée, l'heure et demie passant sans s'en rendre compte. En résumé, c'est une bien belle façon de commencer l'année 2012 !
Dimanche prochain, Sherlock adapte un des récits les plus célèbres du détective, Le chien des Baskerville.
NOTE : 9/10
La bande-annonce de l'épisode :
09:44 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bbc, sherlock, benedict cumberbatch, martin freeman, laura pulver, mark gatiss, steven moffat, rupert graves | Facebook |
Commentaires
J'ai rarement passé une soirée de 1er janvier aussi divertissante.
Petit détail : je me pose des questions à propos du magnifique pullover en laine et à motifs porté par Watson le soir de Noël, ce choix vestimentaire tient-il du hasard ou du clin d'oeil au pull de Sarah Lund qui fait fureur outre Manche. Comme nous sommes dans le "toutéliage" appuyé, je penche pour la seconde supposition. :)
Écrit par : Mayfield | 03/01/2012
Écrit par : AlterVorace | 03/01/2012
J'avoue être moins enthousiaste que toi. J'ai eu de grands moments de jubilation, surtout au début, quand John blogue, qu'il y a un tas de références aux bouquins (bien que je ne sois pas une grande spécialiste, je n'en ai lu que trois ou quatre), et l'utilisation des chapeaux était géniale.
Pour le reste, j'ai trouvé la narration chaotique un peu usante et derrière le personnage de Sherlock, j'ai parfois eu la désagréable impression de retrouver un peu de ce que je n'aime pas chez Steven Moffat et qu'il fait beaucoup derrière le Docteur : mettre tous ces mots plein d'intelligence dans la bouche de ses personnages pour nous embrouiller, j'avoue que ça me fatigue complètement.
Bon, à côté de ça, j'ai beaucoup aimé Irène Adler, même si je n'aime pas particulièrement Lara Pulver (traumatisme de Robin Hood, je crois !)
Écrit par : Saru | 03/01/2012
Écrit par : Nataka | 04/01/2012
@ AlterVorace : Je ne peux qu'acquiescer : Sherlock est vraiment une série qui mérite le détour (et elle se rattrape facilement). Un petit bijou ! :)
@ Saru : Totalement Sherlocked ! C'est vrai que cet épisode était du pur Moffat, en terme de construction de la narration avec des rebondissements et de nombreuses ruptures, mais aussi de rythme. Je peux comprendre tes réserves. Personnellement, j'ai toujours beaucoup apprécié ce style dans lequel on se laisse emporter.
@ Nataka : Pauvre Laura Pulver, j'ai eu du mal avec elle à cause de la dernière saison de Spooks, mais je ne me souvenais pas qu'elle avait joué dans Robin Hood (mais bon, je n'ai pas vu énormément d'épisodes de cette dernière).
J'avoue que le format de 90 minutes ne me dérange pas du tout, principalement parce que je ne vois absolument pas le temps passer. L'épisode est tellement riche, mené à un rythme tellement important, que j'ai l'impression qu'il ne dure pas plus d'1h. :)
Écrit par : Livia | 11/01/2012
Il est vrai que le format 90 minutes est assez dur pour moi. Je n'en ai pas l'habitude certes mais tenir une attention élevée pendant 90 minutes c'est assez dur surtout avec Sherlock et ses joutes verbales je suis revenu en arrière à plusieurs reprises. Aussi, l'écriture de Steven Moffatt est remplie de petits détails partout nécessite donc une attention très très élevée. On n'ose pas détourner la tête une minute de peur de rater un élément clé de l'intrigue.
Écrit par : Horkken | 17/01/2012
Merci pour ton commentaire ;)
Écrit par : Livia | 18/01/2012
Écrit par : Horkken | 18/01/2012
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