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25/07/2011

(Pilote CAN) The Yard : la cour de récré comme vous ne l'avez jamais vue

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Contrairement aux idées reçues, l'été n'a rien d'une période creuse pour le sériephile. Au contraire. Peut-être est-ce d'ailleurs une des rares périodes où, sans risquer l'overdose, on peut prendre le temps de picorer de part et d'autre pour mieux apprécier toutes ces séries qui débutent ou redémarrent avec les beaux jours. C'est ainsi qu'en quête de détente, on se décide même à reprendre le chemin de l'école... ou plutôt de la récré, pour ce qui est incontestablement un de mes coups de coeur de ces dernières semaines.

Diffusée sur HBO Canada, depuis le 8 juillet 2011, The Yard est une série canadienne que j'ai découverte grâce au prosélytisme avisé et inspiré de  LadyTeruki (qu'il faut remercier très fort). Mockumentary proche de la dramédie, il s'agit sans aucun doute d'une des séries les plus originales, rafraîchissantes et authentiques qu'il m'ait été donné de voir cette année. Je suis d'ailleurs tombée suffisamment sous le charme pour enchaîner les trois premiers épisodes, de 25 minutes environ, en une seule soirée.

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The Yard a pour cadre principal la cour de récréation d'une école primaire. Nous narrant le quotidien de ces instants de détente en extérieur à travers la caméra d'un documentariste, la série nous immerge dans un microcosme avec ses codes et règles de vie, dont les seuls protagonistes sont les élèves. Cette cour de récréation rassemble tous les archétypes que l'on peut penser y croiser : les populaires, les marginaux, les geeks, les mauvais garçons cherchant à terroriser les plus faibles... et la bande qui "règne" actuellement sur ce petit monde, les "good guys", comme le présente leur chef, Nick, sur lesquels la série s'attarde plus particulièrement.

Il faut en effet, comme dans tout milieu social, des régulateurs pour assurer la cohésion de la communauté. Ayant en  tête le bien commun de chacun, Nick prend ses responsabilités pour faire en sorte que la cour de récré reste un lieu de jeu où tout est pacifié. Il est entouré de ses deux frères, J.J., idéaliste croyant que tous les conflits peuvent se résoudre par la discussion, et Adam, gamin adorable, mais aussi de Johnny, meilleur ami persuadé d'avoir des pouvoirs magiques, et Suzi, qui règle tous les problèmes que les paroles ne peuvent solutionner. Chaque épisode les voit confrontés à une difficulté relative à une thématique particulière aux consonances plus adultes, qui met à mal le fragile équilibre de la cour de récré. Dans le premier épisode, l'enjeu est ainsi économique : les devises actuellement utilisées sont mises en danger par l'introduction d'une possible devise concurrente qui risque de bouleverser les rapports de force... Nick va-t-il réussir à empêcher l'effondrement du système économique en vigueur ?

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Choisir de ne mettre en scène que des enfants, pour une série qui s'adresse à un public plus large, était en soi un pari osé. The Yard le relève brillamment. La série réussit en effet à parfaitement prendre la mesure du style mockumentary qu'elle adopte. Proposant une forme de métaphore de la société moderne qu'elle miniaturise à l'échelle de son école primaire, elle réduit ainsi, en les simplifiant, des problématiques sociales actuelles. Pour ce faire, elle trouve le juste équilibre entre une dose nécessaire de réalisme, crédibilisant les situations, et un soupçon de décalage dans leur mise en scène, propre à la comédie. Avec beaucoup d'assurance, de façon assez décomplexée, elle n'hésite pas à aborder des thèmes ayant une résonnance particulière, comme le système économique dans le premier épisode. Elle sait aussi dépasser son seul cadre pour recourir à des codes narratifs plus pesants, empruntés à d'autres genres ; la mise en scène de la "guerre" dans l'épisode 3 en étant une illustration. Le mélange est parfois assez audacieux et peut un temps déstabiliser, mais il fonctionne étonamment à l'écran.

C'est en conservant une ambivalence constante que la série va savoir s'affirmer. Car la magie de The Yard ne s'opère pas seulement au niveau des intrigues, ce sont les dialogues qu'elle permet qui forgent son identité. Le fait de retranscrire avec des mots d'enfants tous ces enjeux apporte non seulement une fraîcheur originale et inestimable à la mise en scène, mais il permet aussi une approche et des points de vue parfois inattendus. C'est dans ce décalage entre le sérieux de certains sujets et la manière dont ils sont exposés par les protagonistes que réside le principal ressort comique d'une série drôle - elle prête souvent à sourire franchement -, qui sait aussi se montrer extrêmement touchante à l'occasion. Car les personnages s'expriment avec l'aplomb et la franchise qui caractérisent les enfants de leur âge : certaines de ces scènes - notamment les face-à-faces avec le documentariste - capturent une authenticité aussi jubilatoire, que parfois troublante. Derrière une couche de cynisme moderne inévitable, transparaît un reste d'innocence à laquelle on ne peut rester insensible et que l'on va instinctivement chérir. C'est ainsi que le téléspectateur regarde The Yard avec beaucoup de tendresse, un attachement qui se renforce au fil des épisodes et un plaisir jamais démenti tant la série sait surprendre.

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Pour accompagner la mise en scène de ce concept original, la réalisation respecte les codes du genre mockumentary : la caméra au poing, nerveuse, filme ces enfants, logiquement intenables, avec beaucoup de réactivité dans la cour de récré. Pour rythmer sa narration, The Yard a aussi la bonne idée d'insérer des parenthèses très réussies, sorte de "confessionnal", qui font office de passages explicatifs au cours desquels les personnages sont directement interrogés devant un tableau vert par le documentariste. Cela offre du recul, mais aussi une dynamique décalée aux évènements qui sont ainsi explicités. La bande-son suit le même esprit : rythmée, avec des thèmes récurrents qui collent  de la plus adéquate des façons à cette ambiance de cour de récré, elle est parfaitement maîtrisée.

Enfin, The Yard n'atteindrait pas l'équilibre et l'authenticité qu'elle acquiert sans son casting. Il faut absolument souligner et saluer tous ces jeunes acteurs, qui se révèlent d'une justesse confondante. Avec un jeu solide et sérieux qui correspond à l'aspect faux-documentaire, ils rendent en plus possible et pleinement exploitable tous les décalages comiques recherchés. On retrouve parmi eux, Quintin Colantoni (fils de Enrico, bien connu des sériephiles de Veronica Mars à Flashpoint), Keena Bastidas, Sarah Cranmer, Daniel Lupetina, Alex Cardillo (Durham County), Shemar Charles, Devan Cohen ou encore John Fleming (The Listener). A noter que la voix off du documentariste est celle de Paul Gross (Slings & Arrows, Un tandem de choc).

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Bilan : A la fois drôle et touchante, The Yard est un mockumentary qui surprend par sa fraîcheur. Semi-réaliste, elle séduit par l'authenticité de ses protagonistes, tout en profitant de son cadre de cour de récré pour offrir une métaphore étonnante de la société moderne. Sachant parfaitement jouer sur les ambivalences inhérentes à son concept, la série capitalise tant sur la diffuse innocence de protagonistes encore enfants, que sur la pointe de cynisme et le pragmatisme que nécessitent aussi bien la survie que le maintien de la paix dans ce milieu social mis en scène. Au final, c'est un cocktail assurément surprenant que propose The Yard. A découvrir ! 


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


Quelques courts extraits :

Cory on lunch :

 

Suzi on income :

14/12/2010

(CAN) Slings & Arrows : une dramédie vibrante, humaine et passionnée


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Ce week-end, un peu par hasard, je suis retombée sur les deux premières saisons d'une des séries les plus injustement méconnues qui soit, Slings & Arrows. Composée de trois saisons et diffusée par une chaîne habituée des valeurs sûres, The Movie Network, de 2003 à 2006, cette production, co-créée par des comédiens aux multi-talents, Mark Mckinney (un ex du Saturday Night Live), Bob Martin et Susan Coyne, est une incontournable qui figure sans aucun doute parmi les meilleures séries canadiennes. Mais elle reste malheureusement à ce jour tristement - et inexplicablement -  inédite dans nos contrées.

Toute à mes souvenirs d'un visionnage qui remontait déjà à quelques années, je n'ai pas pu résister à lancer le pilote. Redécouvrir intact l'enthousiasme que l'on porte à une série est une agréable piqûre de rappel. Ce visionnage fut l'occasion de retrouver ce charme indéfinissable, jubilatoire mélange de drame et de comédie, qui caractérise une série au cadre théâtral résolument original.

Si bien que, bien consciente de la relative confidentialité de Slings & Arrows, je ne résiste pas à l'envie de consacrer une review à ce pilote, esquisse particulièrement réussie d'introduction à la première saison (qui compte six épisodes). 

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"To be, or not to be: that is the question : Whether 'tis nobler in the mind to suffer the slings and arrows of outrageous fortune, or to take arms against a sea of troubles, and by opposing end them?" (Hamlet, Acte III, Scène I)

Slings & Arrows nous plonge dans les coulisses agitées et passionnées du monde du théâtre, et plus précisément dans la préparation chaotique d'un festival consacré à Shakespeare, celui de New Burbage qui reste une référence culturelle dans le pays. Le coeur de la série réside dans les relations complexes qu'ont nouées trois figures de ce milieu, qui ont su toucher la perfection en mettant en scène une interprétation de Hamlet qui est restée dans les mémoires. Sept ans plus tard, le souvenir toujours vivace de cette poignée de représentations s'explique non seulement par la grâce dont leur adaptation avait semblé avoir été touchée, mais aussi par la conclusion plus dramatique qui avait clôt l'ensemble, l'acteur principal, Geoffrey Tennant, ayant craqué nerveusement sur scène en pleine pièce et ayant ensuite du être interné dans une institution psychiatrique quelques temps.

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Tout en faisant référence à ces évènements fondateurs, le pilote de Slings & Arrows s'ouvre plusieurs années après. Tandis que Geoffrey, qui n'a jamais repris sa carrière d'acteur, s'occupe d'une petite compagnie au nom très évocateur de "Théâtre sans argent", loin des paillettes des circuits culturels officiels, Oliver Welles est, lui, resté le directeur artistique de New Burbage, l'actrice Ellen Fanshaw participant toujours à ses pièces. Hamlet a consacré la réussite professionnelle d'Oliver tout en le condamnant à placer tout le reste de sa carrière dans l'ombre de ce moment de grâce. Passé maître dans l'art de la commercialisation de ses projets, devenu plus un gestionnaire administratif qu'un directeur artistique à plein temps, Oliver a peu à peu perdu ce lien avec sa passion originelle pour le théâtre.

Le soir de la première ouvrant une nouvelle saison du festival, Oliver, se sentant plus vide que jamais, ressent un contre-coup encore plus violent en découvrant Geoffrey au journal télévisé, enchaîné à la porte de son petit théâtre dont le propriétaire veut les expulser. Rappel vibrant de ce que peut être cette passion dévorante pour cet art unique. Plus saoûl qu'à l'accoutumée, Oliver essaiera, cette nuit-là, vainement de se rabibocher au téléphone avec son ancien ami. Mais c'est finalement sur une route d'où surgira un camion lancé à pleine vitesse qu'il finira par échouer, s'y allongeant inconscient et complètement ivre.

Le pilote se termine ainsi sur cette mort absurde d'Oliver, écho symbolique cruel à la perte d'identité théâtrale de son festival. Mais, ironie de l'histoire, après quelques péripéties, et parce que l'ombre de cet instant magique d'il y a 7 ans demeure inconsciemment dans tous les esprits, c'est à un Geoffrey Tennant hésistant que va échouer le poste d'Oliver, afin de mettre en scène ce qui constituera sans doute le plus grand de ses défis : ses retrouvailles avec Hamlet. Les cinq épisodes suivants que comporte cette première saison nous feront vivre les préparations de la pièce, auprès d'une galerie de personnages hauts en couleurs, des acteurs jusqu'aux financiers, parmi lesquels on retrouve une figure des plus délicieusement sarcastiques, peut-être le produit de l'esprit pas pleinement apaisé de Geoffrey : l'incontournable Oliver, jamais aussi inspiré et envahissant qu'en fantôme venant conseiller son ancien ami.

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La première caractéristique marquante de la série est sa richesse. En effet, Slings & Arrows est un petit bijou téléphagique rare qui parvient à trouver un équilibre instinctif et naturel dans l'alternance de tonalités qu'il va proposer. Bénéficiant d'une écriture particulièrement dynamique et inspirée, proprement brillante à l'occasion, la série mêle avec brio un humour noir jubilatoire et des histoires humaines touchantes. Ses dialogues, finement ciselés, régulièrement ponctués de réparties cinglantes et de remarques plus décalées, se savourent sans modération ; ils portent assurément la marque de ces grandes séries qui ont bâti leur succès sur la qualité des échanges entre leurs protagonistes.

 Comédie noire ambivalente, à la fois profondément désillusionnée et naturellement portée par un enthousiasme inébranlable généré par la passion qu'elle met en scène, Slings & Arrows surprend par l'intensité et la diversité des émotions qu'elle suscite. D'autant qu'elle reste, plus sobrement, une invitation exaltante à accompagner une aventure humaine collective à laquelle le téléspectateur ne pourra pas rester insensible. Se basant sur une galerie de personnages hauts en couleurs, des acteurs dont il faut gérer l'égo jusqu'aux financiers ambitieux, la figure centrale de la série reste la personnalité fascinante de Geoffrey. Semblant constamment flirter avec toutes les limites, de la folie comme de sa passion dévorante pour le théâtre, c'est un visionnaire utopique qui doit soudain se muer en gestionnaire pragmatique. Entre envolées lyriques et ajustements nécessaires, le téléspectateur suivra avec un intérêt jamais démenti les répétitions assurément chaotiques que ce cocktail donnera, pour nous conduire sur un chemin de la conciliation d'où le théâtre devra triompher.

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Au-delà de sa dimension humaine, ce qui fait l'originalité de Slings & Arrows reste son approche du thème particulier traité. En effet, la série constitue probablement le plus vibrant des hommages que le petit écran ait pu consacrer à cet autre art de la narration et de la mise en scène de récits, à l'ancienneté presque intemporelle, qu'est le théâtre. Rarement une fiction télévisée aura su si bien capter et retranscrire une passion artistique aussi dévorante, vécue de manière tellement intense qu'elle transportera les protagonistes - et le téléspectateur - aux portes de la rationnalité. C'est tout étonné que le téléspectateur découvre au coeur de la série une étincelle unique qui transmet cette ferveur théâtrale avec une intensité qu'il n'aurait pu soupçonner a priori.

Grâce à l'habileté de son écriture, portée par une simplicité narrative aux accents authentiques, Slings & Arrows fascine par l'empathie qu'elle réussit à créer. Tout en faisant redécouvrir d'un autre oeil les coulisses de cet art, la série apporte quelque chose d'inattendue : une forme de compréhension de ce que peut représenter, pour ces passionnés, un art dont elle parvient finalement à capter l'âme. Par ces quelques passages qui paraissent mettre à nu les ressorts artistiques de la nature humaine, Slings & Arrows est un modèle pour toutes ces fictions qui s'essaient avec plus ou moins de succès de nous plonger dans toute activité artistique.

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Brillante sur le fond, Slings & Arrows reste très sobre sur la forme. La réalisation reste fidèle à l'esprit de la série, et la bande-son demeure minimale. Respectueux de l'unicité de la tonalité de cette oeuvre, c'est sans doute le générique qui résume l'atmosphère de Slings & Arrows. Attablés à un piano, dans un bar, deux des personnages secondaires y reprennent une chanson décalée, de purs passionnés, s'adressant à MacBeth. Original sur son format, mêlant simplicité et enthousiasme, on y retrouve finalement tous les ingrédients qui font de Slings & Arrows une série à part. (Pour jugez par vous-même, il s'agit de la première vidéo en bas de ce billet.)

Enfin, si la série parvient à si bien jouer sur cette impression de proximité et de naturel, elle le doit également à son casting, bénéficiant d'une galerie d'acteurs très solides. On retrouve en tête d'affiche une figure familière pour le téléphage, Paul Gross (Un tandem de choc, Eastwick), absolument brillant pour mettre en scène l'instabilité passionnée de Geoffrey. A ses côtés, Martha Burns incarne Ellen et Stephen Ouimette, Oliver. Ce trio se trouve épaulé par des acteurs très convaincants, comme Mark McKinney, Susan Coyne (également créateurs de la série), Rachel McAdams ou encore Don McKellar. Au fil des trois saisons, comportant en tout 18 épisodes, le casting sera en partie renouvelé, suivant les transformations de la troupe.

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Bilan : Aussi vivante que profondément attachante, Slings & Arrows est une comédie noire savoureuse qui révèle une richesse inattendue fascinante. Tour à tour sarcastique, drôle, émouvante, voire cynique, elle mêle habilement les tons, tout en s'investissant dans une dimension humaine qui ne laissera pas indifférent. Vibrant hommage passionné à cet univers méconnu des coulisses du théâtre, au-delà du quotidien tumultueux, voire rocambolesque mis en scène, elle se révèlera également être une série plus touchante, qui saura parler avec justesse et beaucoup d'authenticité de la vie et de ses désillusions.

Chacune des trois saisons sera consacrée à la préparation de la représentation d'une pièce particulière de Shakespeare. La première sera ainsi dédiée à Hamlet, la deuxième à Macbeth et, enfin, la troisième au Roi Lear. Incontournable pour tout amoureux de théâtre comme pour tout téléphage qui retrouvera dans cette série ce qui fait l'essence de sa passion, Slings & Arrows est un de ces moments de télévision à part qui vous réconciliera avec tous les formats de narration. A consommer sans modération.


NOTE : 9/10


Le générique de la saison 1 de la série :


Une bande-annonce de la saison 1 :