13/07/2012
(Pilote ESP) Polseres vermelles (Les Bracelets Rouges/The Red Band Society) : une série catalane touchante sur une histoire d'amitiés à l'hôpital
Aujourd'hui, je vous propose de poursuivre notre tour d'Europe des petits écrans en accueillant un nouveau pays, si proche, et pourtant qui aura mis du temps à se frayer un chemin dans ces colonnes : l'Espagne ! C'était une de mes résolutions de l'année, et si j'ai longtemps pensé que Gran Hotel, period drama coloré, ferait office de première série espagnole traitée sur ce blog, l'absence d'épisodes disponibles en version originale sous-titrée (en France, la série a été diffusée sur Téva, puis sur M6 depuis le début du mois) a pour le moment eu raison de ma curiosité. Si bien que c'est la découverte d'une autre série qui permet cette excursion dans la péninsule ibérique : Polseres vermelles.
Créée par Albert Espinosa, cette série catalane (dont le titre international est The Red Band Society, et le titre espagnol Pulseras rojas) est diffusée depuis 2011 sur la chaîne TV3 (qui émet depuis Barcelone). Sa première saison compte 13 épisodes de 45 minutes environ. Ayant rencontré le succès, elle a logiquement été renouvelée pour une seconde saison prévue cette année (initialement, elle était imaginée pour 4 saisons). Son concept a même attiré l'attention de la télévision américaine, puisqu'un projet de remake est actuellement à l'étude pour ABC. Mais comme vous le savez, rien ne vaut la saveur de l'original, a fortiori dans le cas de Polseres vermelles : car voici une série d'une humanité et d'une sincérité très justes, à la fois drôle et touchante, qui mérite d'être découverte.
[La review qui suit a été écrite après avoir vu les trois premiers épisodes.]
Polseres vermelles met en scène le quotidien de six adolescents séjournant pour une longue durée dans le service pour enfants d'un hôpital de Barcelone. Il s'agit donc d'une chronique hospitalière relatée non pas du point de vue des médecins, mais bien des patients : de jeunes gens qui, s'ils vivent chacun des moments difficiles auxquels ils doivent faire face, n'en demeurent pas moins des adolescents qui ont besoin de se détendre, de plaisanter, d'expérimenter et d'intéragir avec ceux de leur âge. Leurs situations dans ce contexte particulier les rapprochent les uns des autres, créant une solidarité qui va être la base d'une solide amitié.
Les premiers épisodes sont consacrés à la formation de ce groupe sur l'impulsion de Lleó, un garçon de 15 ans atteint d'un cancer qui a déjà dû subir l'amputation d'une jambe. Il se lie rapidement à un nouveau venu avec lequel il partage sa chambre, Jordi, lui aussi touché par le cancer et qui arrive à l'hôpital pour être amputé. Les deux garçons rencontrent par la suite Cristina, une jeune fille dynamique qui vit à un autre étage et souffre d'anorexie. Puis Lleó fait connaissance avec Ignasi, d'un abord peu commode, qui a été admis après un malaise cardiaque. Quant à Toni, il prendra de lui-même l'initiative de les rejoindre : atteint du syndrome d'Asperger, il a été grièvement accidenté suite à un accident de moto. Enfin, le dernier membre du groupe, et le plus jeune, est un cas particulier : Roc, qui fait office de narrateur à la série, se trouve dans le coma depuis deux ans.
Polseres vermelles est une série profondément humaine qui bénéficie d'une écriture pleine de tendresse et de sincérité. Générant des émotions très diverses, par moments vraiment poignante, d'autres fois plus proche de la légèreté propre à la comédie, elle surprend surtout par la vitalité communicative qui en émane : en dépit d'un sujet douloureux et difficile, elle balaie vite mes craintes initiales d'un visionnage qui serait trop déprimant. Au contraire, c'est une fiction porteuse d'espoir à sa façon, grâce à la manière dont ses personnages chérissent leur vie et l'instant présent, refusant de se laisser abattre. Elle laisse ainsi une impression de chaleur humaine très réconfortante. Dans cette perspective, le contexte hospitalier confère une intensité et un sens particuliers à l'amitié qui naît sous nos yeux, durant ces premiers épisodes.
Au fond, ces six jeunes gens ne demandent qu'à continuer à vivre, malgré tout. Une des premières tirades marquantes de Lleó donne bien le ton, lorsqu'il se demande s'il ne va pas plus vite mourir d'ennui que de sa maladie au sein de cet établissement. La série mise beaucoup - légitimement - sur l'empathie que suscitent ses protagonistes. Elle va d'ailleurs mettre l'accent sur ce qui les unit, allant jusqu'à matérialiser leur amitié par un symbole, celui de ces "bracelets rouges" : c'est un signe distinctif atypique puisque ce sont initialement des indications sanguines que les médecins apposent préalablement à une opération. Chacun l'arbore à son poignet comme pour souligner qu'en dépit de situations de santé détériorées très différentes, ils partagent quelque chose de plus fort et une solidarité nécessaire qui va être l'essence même de leurs relations.
Tout en plaçant ces jeunes malades au coeur du récit, Polseres vermelles n'en recrée pas moins tout un milieu hospitalier bourdonnant en arrière-plan, s'intéressant de manière incidente à leur entourage, c'est-à-dire aussi bien à leurs parents qu'aux docteurs qui les soignent ou leur font passer des examens. Cela permet d'enrichir le tableau dressé, en entre-apercevant comment ces professionnels ou ces proches vivent ce quotidien difficile. Il faut d'ailleurs savoir que pour imaginer cette série Albert Espinosa s'est inspiré de sa propre expérience de séjours en hôpitaux. Toutefois, son ambition est avant tout de relater une histoire humaine : la série va préfèrer son authenticité émotionnelle à une recherche rigoureuse de réalisme.
Ce parti pris intéressant est très perceptible avec le personnage de Roc. Dans le coma depuis deux ans, il semble simplement endormi dans son lit (puisqu'il n'est même pas monitoré). Sa conscience de ce qui l'entoure lui permet d'être notre premier guide à l'intérieur de l'hôpital, comme un observateur extérieur. Cependant les scénaristes décident d'aller encore plus loin en en faisant un personnage actif : il est capable d'intéragir avec ceux qui s'égarent dans cet entre-deux entre la vie et la mort. Ces scènes sont révélatrices du fait que Polseres vermelles a avant tout pour objet de raconter comment ces adolescents vont s'ouvrir les uns aux autres et se soutenir, alors même qu'ils affrontent une épreuve où ils sont, par définition, seuls : celle où ils font face aux limites de leur propre corps. Tout cela donne une chronique attachante qui ne laisse pas indifférent.
Ayant de bonnes intuitions sur le fond, Polseres vermelles est également assez réussie sur la forme. L'ensemble est globalement maîtrisé, avec une réalisation soignée qui nous introduit au coeur de l'hôpital. C'est classique mais efficace. La particularité principale tient à l'utilisation fréquente qui est faite de chansons. On aurait pu les craindre un peu trop intrusives, tombant dans une dérive "clipesque", car elles sont généralement jouées pour une durée assez longue. Mais les deux-trois fois où elles retentissent dans l'épisode sont à chaque fois parfaitement dans le timing du récit, venant appuyer et accompagner l'émotion d'un moment, ou bien offrant une pause dans la narration pour revenir un instant sur chaque protagoniste. Si bien que le résultat est solide.
Enfin, le dernier atout de Polseres vermelles est son casting. Plusieurs des jeunes acteurs délivrent des performances convaincantes aux accents très authentiques. Leur spontanéité s'avère particulièrement rafraîchissante (même s'ils sont un peu plus âgés, on retrouve un ressenti assez proche de The Yard par moment). C'est notamment le cas d'Àlex Monner et d'Igor Szpakowski, qui jouent les deux malades atteints d'un cancer, sur lesquels reposent une bonne partie de la dynamique du pilote avant que le groupe ne s'élargisse. Joana Vilapuig, seule présence féminine, trouve le répondant adéquat pour se faire une place. Nil Cardoner, dont la voix off nous accueille au tout début, n'a que peu de scènes à jouer - il est allongé dans le coma dans la réalité -, mais il nous émeut dès le flashback nous racontant ce qui lui est arrivé. Enfin, Marc Balaguer et Mikel Iglesias investissent de façon très correcte leurs rôles respectifs.
Bilan : Série à la fois touchante et sincère, ne laissant pas le téléspectateur insensible, Polseres vermelles est une fiction attachante qui met en scène une belle histoire d'amitié dans un contexte compliqué. Sa justesse de ton fait sa force : elle a en effet une tonalité très intéressante, qui oscille entre l'insouciance inhérente à la jeunesse de ses personnages et la dureté des épreuves que leur santé les oblige à affronter. La dualité de chacun, encore si jeunes mais déjà si conscients des limites de la vie, est vraiment bien retranscrite. De plus, en dépit de son sujet, la série n'apparaît jamais pesante, toujours portée par une énergie vitalisante et rafraîchissante.
Une découverte donc très intéressante pour ce premier pas espagnol (catalan) !
NOTE : 7,5/10
Une bande-annonce de la série (avec sous-titres anglais) :
Un extrait du premier épisode (les dernières minutes - sous-titrées anglais) :
18:36 Publié dans (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : espagne, catalogne, tv3 (esp), polseres vermelles, the red band society, àlex monner, igor szpakowski, joana vilapuig, mikel iglesias, marc balaguer, nil cardoner | Facebook |