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29/09/2010

(J-Drama) Atami no Sousakan : comme un faux air de Twin Peaks japonais, et bien plus encore...


Un intrigant mystère fantastico-policier à la frontière des genres

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A l'heure où les networks américains me confortent une nouvelle fois dans tout le mal que je pense d'eux, de manière salvatrice, les découvertes enthousiasmantes se succèdent jusqu'au pays du Soleil Levant. Mine de rien, je vais peut-être arriver à la dizaine de j-dramas visionnés au cours de l'année en cours. Je suis d'autant plus contente qu'ils s'inscrivent tous dans des genres très différents les uns des autres, prouvant s'il en était encore besoin, toute la diversité de la télévision japonaise et les perles que l'on s'y cache (si l'on sait où chercher, ou bien si l'on connaît des téléphages charitables qui feront du prosélytisme à bon escient - au hasard par là). Mon dernier coup de coeur en provenance du pays du Japon est une série toute récente, puisqu'elle a été diffusée au cours de cet été 2010, du 30 juillet au 17 septembre, sur TV Asahi. Il s'agit de Atami no Sousakan.

Composée de 8 épisodes, elle est signée du scénariste Miki Satoshi, à qui l'on doit notamment Jikou Keisatsu, un drama qui n'est pas sans avoir une certaine filiation avec Atami no Sousakan (dans l'esprit autant que dans le casting, puisqu'on retrouve dans les deux, le toujours si excellent Joe Odagiri, mais également Fuse Eri). Cette série s'inscrit cependant dans un registre moins léger et plus empreint d'un mystéro-fantastique policier fort attrayant. Au nombre des inspirations de ce jdrama, il est d'ailleurs difficile de ne pas établir des parallèles avec une autre institution téléphagique, américaine cette fois, Twin Peaks, les clins d'oeil se multipliant au cours du pilote pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur ravi. Si on tombe sous le charme d'Atami no Sousakan pour son ambiance, c'est sa mythologie qui nous marquera en conclusion.

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L'histoire d'Atami no Sousakan débute il y a trois ans. Un bus qui transportait 4 écolières pour ce qui devait être leur cérémonie de rentrée dans une école privée disparaît dans des conditions mystérieuses. Son chauffeur s'était arrêté sur le bas côté, en croisant un vieil homme étendu sur la route auquel il voulut porter secours. Mais il n'eut que le temps de se retourner pour voir son car reprendre son chemin et s'enfoncer dans le brouillard d'alors, ses 4 passagères à son bord. Plusieurs jours après, une des disparues, Mai Shinonome, est retrouvée à un arrêt de bus, inconsciente ; tandis que le sort de ses camarades demeure un mystère. Elle va rester plongée dans le coma pendant plusieurs années, jusqu'au jour où elle se réveille sans aucun souvenir de l'incident.

Espérant qu'elle retrouve la mémoire, deux agents spéciaux sont dépêchés sur place pour enquêter sur cette si complexe affaire dont Atami est encore profondément marquée. Kenzo Hoshizaki et Sae Kitajima découvrent une ville avec ses codes implicites, ses règles et ses non-dits, avec pour toile de fond une ambiance quelque peu indéfinissable qui semble cacher bien des choses... Très vite, des rebondissements interviennent dans le cours de leur enquête, apportant de nouveaux indices - le bus, notamment, étant retrouvé au fond de la mer - et jetant un éclairage nouveau sur les évènements passés. Que cachent ces disparitions ? Quel lien ou point commun unissait les quatre jeunes filles ? Les trois adolescentes encore manquantes peuvent-elles être toujours vivantes ? Aidé par les forces de police locale, notre duo d'enquêteurs de choc va finalement être amené à plonger aux sources des secrets d'Atami... En reviendront-ils ? Que découvriront-ils ?

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Le premier atout d'Atami no Sousakan réside dans l'incontestable, et si fascinante, richesse du cadre recréé. Un réel effort scénaristique a été fait pour poser les bases d'un univers à part, résolument décalé, d'où perce un diffus, mais lancinant, mystère. Tour à tour folklorique et inquiétant, il faut dire que tout demeure profondément intrigant dans cette ville dont la dynamique semble échapper à toute rationalisation. La série navigue entre le pittoresque pseudo-fantastique et la caricaturale vie provinciale quelque peu déphasée et en autarcie. Si l'étrangeté générale frappe d'emblée le téléspectateur, la force d'Atami no Sousakan est de parvenir à  façonner, autour d'une mise en scène regorgeant de petits détails typiques et de protagonistes assez uniques, une ambiance étonnante et  décalée qui fascine.

Aussi travaillé qu'ambitieux, le décor reflète l'investissement considérable qui a été réalisé pour soigner ce cadre. Le téléspectateur se laisse instantanément prendre au jeu, rapidement captivé par l'univers qui se met progressivement en place. De façon naturelle, des parallèles s'imposent entre cette indéfinissable atmosphère si résolument mystérieuse, et d'autres fictions du genre, au sein desquelles Twin Peaks exerce une influence prédominante. Il y a d'ailleurs quelque chose d'assez jubilatoire de voir reproduites certaines approches, sorte d'hommage nippon à une oeuvre classique de la télévision occidentale. Si l'atmosphère s'y fait plus légère, tendant plutôt vers une comédie diffuse, il pointe pourtant bel et bien un sourd, presque inquiétant, secret. 

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L'ambiance décalée fonctionne d'autant plus auprès du téléspectateur qu'elle est renforcée par des personnages  aussi loufoques qu'attachants. Kenzo Hoshizaki et Sae Kitajima forment ainsi un duo d'enquêteurs détonnant, aussi atypique que complémentaire. Très différents, les deux agents se révèlent pourtant aussi étonnamment complices dans la conduite de l'enquête. L'alchimie fonctionne parfaitement entre eux deux, renforçant l'impression d'une homogénéité d'ensemble, parfaitement maîtrisée, des protagonistes. Car c'est bien toute la galerie des personnages qui apportent leur contribution - même la plus modeste - et se fondent naturellement dans l'ambiance décalée du drama, contribuant à asseoir sa tonalité. De ce point de vue, la dimension humaine de Atami no Sousakan doit être saluée car elle rend la série particulièrement confortable à suivre pour un téléspectateur qui se surprend à se prendre d'affection pour certains, tandis que d'autres se chargent de nourrir ses questions.

Attachant, ce drama se révèle aussi très intrigant. Si le pan policier est pluôt décalé, l'enquête confère un liant à l'ensemble, permettant à la série de se construire sur et à partir de cette base. Il est difficile de prendre au sérieux les méthodes alternatives de Kenzo Hoshizaki, mais elles ont le mérite de s'intégrer à merveille à l'atmosphère globale et, surtout, de permettre de développer tout ce cadre sans jamais perdre de vue le fil rouge central qui est l'enquête sur la disparition du bus avec les adolescentes à son bord. Atami no Sousakan s'assure ainsi de retenir l'attention du téléspectateur. Le cocktail était audacieux, le burlesque côtoyant le mystérieux dramatique en un mélange des tons à l'équilibre fragile, mais le résultat est à la hauteur des ambitions.

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Cependant, au-delà de l'univers même, la fascination qu'exerce Atami no Sousakan s'explique par une forme d'indéfinissable ambivalence. Certes, la série tend résolument vers la comédie. Elle n'hésite pas à décliner, pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur amené maintes fois à sourire, gags naïfs et mises en scène excessives. Pour autant, la série est bien plus qu'une trop facilement catégorisable "comédie'.Elle se révèle bien plus ambiguë, défiant les classifications et les genres. Car on sent confusément poindre, au fil des épisodes, quelque chose de plus sombre, un secret au coeur de cette ville, sans que le téléspectateur puisse véritablement identifier la source de son diffus malaise. Ce sont des répliques apparemment anodines, des indices ou des réactions dont la logique nous échappe, qui entretiennent cette ambiguïté, génère des doutes et des interrogations informulées qui restent à la lisière de notre conscience. Finalement, apparaît, de façon de plus en plus perceptible, une étrange mélancolie, à mesure que la rationnalité du cadre s'étiole.

La conclusion du drama offre une vraie fin à Atami no Sousakan, bouclant cette boucle dont on sentait confusément l'existence sans forcément la théoriser. Elle a aussi le mérite d'être suffisamment ouverte pour laisser à chacun toute liberté de faire ses propres interprétations. Si elle peut surprendre ou rendre perplexe dans un premier temps, avec le recul et après réflexion, je trouve qu'elle s'inscrit parfaitement dans la construction de la série et dans le glissement narratif qui s'opère peu à peu. Moi qui m'agace si souvent contre ces séries mythologiques qui s'essouflent, usent leur concept et tombent à plat pour notre plus grande frustration, Atami no Sousakan représente le modèle inverse qu'il faut saluer. Le résultat est d'autant plus remarquable que c'est d'une manière subtile, fonctionnant par petites esquisses et sous-entendus que toutes les pièces du puzzle s'emboîtent peu à peu. La construction mythologique ne se fonde pas sur une problématique clairement énoncée, mais fonctionne sur des non-dits ; une approche des plus rafraîchissantes.

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Sur la forme, Atami no Sousakan parvient à prolonger la fascination qu'elle sait susciter par son contenu. Si le décor occupe une place centrale et aussi déterminante dans l'ambiance intrigante créée, c'est en partie grâce à la réalisation, soignée et singulière, qui prend soin de s'attacher aux plus petits détails, mettant en avant les ingrédients les plus anecdotiques pour former au final un ensemble décalé très homogène. La caméra n'est pas non plus avare en plans plus larges, exploitant ces paysages côtiers de campagne. En guise de complément rapidement indispensable, il convient également de saluer la bande-son de la série, parfaite pour distiller cette dose de mystère où la comédie se mêle à quelque chose de plus sombre et mélancolique, indiscernable jusqu'à la fin pour le téléspectateur, mais dont la chanson qui clôture chaque épisode est une parfaite illustration.

Enfin, le casting s'avère juste parfait, réjouissant de décalages et proposant une interprétation reflétant merveilleusement bien l'atmosphère étrange dans lequel baigne ce drama. Il faut dire qu'il était a priori composé de valeurs sûres. Une fois n'est pas coutume, je connaissais même déjà tous les acteurs principaux, à l'égard desquels j'avais un très bon a priori. J'ai certes plus l'habitude de croiser Odagiri Joe au cinéma (tout récemment, il était à l'affiche du troublant/fascinant film japonais sorti en juin dans nos salles, Air Doll) ; voici vraiment un acteur dont j'adore la versatilité et la capacité à alterner les styles avec brio. Quant à Kuriyama Chiaki, si j'avais déjà eu l'occasion de la voir dans d'autres séries, cet été, je l'ai appréciée dans mon j-drama/découverte phare de l'été, le somptueux Hagetaka. Cela m'a fait d'autant plus plaisir de les retrouver que ces deux-là forment à l'écran, dans Atami no Sousakan, un duo d'enquêteurs extras, complice et complémentaire, tout autant que très atypique. C'est savoureux à suivre, en partie grâce à la capacité des deux acteurs à se fondre parfaitement dans leur rôle respectif. A leurs côtés, on retrouve d'autres habitués du petit écran japonais, comme Tanaka Tetsushi, Matsushige Yutaka ou encore Fuse Eri.

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Bilan : Atami no Sousakan se révèle être une série d'une richesse fascinante, dont la mise en scène soignée, aux décalages travaillés, est un délice pour un téléspectateur qui perçoit une filiation Twin Peaks-ienne assumée. Mêlant avec un aplomb tout japonais et beaucoup de maîtrise, mystère fantastique intriguant presque inquiétant et comédie policière atypique défiant toute classification, ce drama ne saurait pourtant se réduire à sa seule apparente légèreté de ton. Car c'est une indicible ambivalence qui s'esquisse peu à peu, sur fond d'un cadre mythologique restant dans l'informulé. Une énième étrangeté dans laquelle la mélancolie de la chanson du générique de fin trouve un écho particulier.

Oeuvre complète, Atami no Sousakan réussit ainsi la synthèse admirable de genres très différents, dont l'agencement offre un résultat intrigant qui mérite le détour à plus d'un titre. Une expérience téléphagique à tenter.


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


La chanson qui clôture chaque épisode - Welcome to the Heaven :

熱海の捜査官 天国へようこそ