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12/12/2010

(US) Boardwalk Empire, saison 1 : entre gangster et politique dans les eaux troubles d'Atlantic City

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Si vous êtes des lecteurs plus ou moins réguliers de My Télé is Rich!, vous connaissez ce relatif désamour avec les productions en provenance des Etats-Unis qui aura marqué mon année 2010. J'ai déjà fait suffisamment de billets pour tenter d'expliquer cet étrange désintérêt, en rupture avec les fondements de ma téléphagie. Le constat de ce dernier trimestre a été encore en deça de ce que je pressentais déjà cet été. C'est bien simple, en cet automne qui s'achève, j'ai regardé avec régularité et suis allée au bout de la saison d'une seule série venue d'outre-Atlantique : Boardwalk Empire.

Pour une raison ou pour une autre, par manque de temps comme de motivation, je n'ai retrouvé aucune de mes anciennes séries - alors même que je considère aimer Sons of Anarchy ou Friday Night Lights. De même, la suite de la saison 1 de The Walking Dead m'attend également (et j'avoue être assez curieuse de découvrir le résultat au vu des bilans si mitigés que j'en lis un peu partout sur la blogosphère). Mais je ne ressens pourtant ni le besoin, ni l'envie, de m'installer devant.

Il y aurait sans doute matière à rédiger un de ces posts de crise que j'affectionne (vous n'y échapperez sans doute pas, j'avoue en avoir déjà fait un brouillon cette semaine), mais en attendant, prenons au moins le temps de revenir sur LA perle rare de cette automne : une série américaine qui a su capter mon attention durant toute sa saison ! 

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Comme je l'avais fait remarquer lors de ma review (poisitive) du pilote, Boardwalk Empire avait a priori tout pour me plaire : son thème, son époque, son casting et même sa chaîne de diffusion (je suis une retardataire qui n'est pas encore passée sur AMC). Le pilote était enthousiasmant, dévoilant un potentiel indéniable qui ne demandait qu'à être exploité. Le tout était donc de, justement, réussir à le faire éclore, pour ne pas rester une énième déclaration d'intention non concrétisée. Or, écrire que les débuts de Boardwalk Empire ont engendré une attente particulière dès les premiers épisodes, serait très exagéré. En effet, cette fiction s'est d'abord placée sous le signe du paradoxe, sorte d'écho à cette dichotomie que l'on retrouve parfois entre la série que l'on juge objectivement de qualité et celle que l'on va effectivement aimer.

Pendant la première partie de la saison, Boardwalk Empire a semblé constamment tourner autour de ce petit déclic nécessaire qui lui permettrait de véritablement s'imposer dans le paysage téléphagique. Cette impression ambivalente se traduisait par une intense frustration devant une reconstitution travaillée mais parfois trop distante, de laquelle on aurait aimé ressentir de réelles émotions, couplée par une absolue fascination jamais démentie devant la fresque ainsi dépeinte. Elle naviguait donc dans un entre-deux téléphagique pas pleinement satisfaisant : assez solide pour gagner sa place dans les programmes du téléspectateur, mais insuffisamment affirmée pour en trouver une dans son coeur. Or une série sans empathie, aussi soignée soit-elle, ne peut retenir l'attention à moyen ou long terme.

Reste que, finalement, c'est dans la durée que Boardwalk Empire aura su progressivement me conquérir, et c'est au cours du dernier tiers de la saison que j'ai vraiment commencé à attendre avec une relative impatience chaque épisode. Parce que oui, j'ai aimé cette première saison. 

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Le premier atout que Boardwalk Empire aura su efficacement exploiter dès le départ est une immersion riche et attrayante dans une certaine Amérique du début des années 20. Au-delà des moeurs débridées des milieux d'Atlantic City que nous suivons, par-delà des thématiques plus nationales comme le vote des femmes, c'est avant tout ce règne des faux-semblants qui, rapidement, fascine dans ce portrait. Le clinquant des apparences n'est que prétexte à tenter de donner le change. De la corruption généralisée, touchant tous les rouages d'un pouvoir assimilable à une marionnette fantoche dont d'autres, dans l'ombre, tirent les ficelles, à une violence qu'exacerbe la montée des enjeux financiers, nous est dépeint un milieu chargé d'ambivalences. Derrière le vernis policé, se révèle une pièce de théâtre impitoyable, faite de rapports de forces constants entre des protagonistes passés maître dans l'art de la mise en scène. Les masques n'y tombent qu'exceptionnellement, mais lorsqu'ils le font, l'instant est d'autant plus fort.

Car voilà bien le point fort de Boardwalk Empire : elle a cette spécificité d'être une série de gangsters tout autant qu'une fiction politique ; et c'est cela qui fait son originalité autant que sa richesse. La notion de "respectabilité" n'aura jamais semblé aussi creuse, aussi vaine, mais en même temps aussi indispensable et vitale, que dans les milieux que l'on y découvre. L'époque permet une confusion particulièrement poussée des genres, quasiment schizophrène par moment, au sein des élites de ces deux sphères du pouvoir, composées d'individualités appartenant à un même microcosme où tous se côtoient. Ce mélange autorise la série à s'approprier tant les codes narratifs de la fiction de gangster (entre règlements de comptes et développement d'activités illégales) et du politique (entre discours mielleux et élections truquées). Une sorte de Brotherhood sans ligne de démarcation. Le résultat est atypique parce que le récit joue sur de multiples tableaux habituellement beaucoup plus cloisonnés.

Cette dichotomie, entre les comportements socialement attendus de milieux aisés et les moyens utilisés pour maintenir cette influence, au sein de personnages désensibilisés à toutes les extrêmités de la violence, symbolise sans doute le mieux ce que représente la série et la perspective particulière qu'apporte ce cadre des années 20. 

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Si l'intérêt du téléspectateur ne s'est jamais démenti pour ce décor des plus passionnants, en revanche, c'est plus dans sa dimension humaine que l'histoire va mettre du temps à trouver son équilibre. Certes, la figure qui résume à elle-seule l'esprit de Boardwalk Empire s'est immédiatement imposée à l'écran sans contestation possible. En effet, Nucky Thompson représente, voire personnifie, à merveille toute l'ambiguïté de cette fiction : derrière son bagoût naturel et son pragmatisme assumé, se cache un maître de la manipulation, prêt à tout pour parvenir à ses fins. Dans ce jeu de pouvoirs permanent où tout n'est qu'apparence, le téléspectateur en est réduit à cette interrogation constante et malhabile, se demandant où commence le vrai Nucky et où finit l'homme d'affaires.

Cependant Boardwalk Empire a longtemps semblé un peu déséquilibré, son personnage central empêchant de réellement s'investir dans le sort des autres protagonistes, non pas en les occultant, mais plutôt parce qu'ils apparaissaient trop prévisibles, trop unidimensionnels, par rapport à cette figure tutélaire écrasante qu'incarne Nucky. C'est le temps qui a su corriger cela, avec la découverte progressive de différentes facettes de leur personnalités, se révélant dans la confrontation face à des situations inattendues. A mesure qu'ils gagnaient en épaisseur et en ambivalence, la série devenait plus homogène, permettant au téléspectateur de se sentir vraiment impliqué par le sort et les storylines de chacun. A un degré moindre, c'est d'ailleurs toute la galerie de personnages qui connaît cette maturation, les rêves parisiens brisés de la femme de Jimmy n'étant qu'un exemple parmi d'autres de la capacité de la série a peu à peu atteindre le plein potentiel de ses protagonistes.

Seule la transformation de l'agent fédéral ne m'aura pas convaincue : ce personnage excessivement monolithique m'aura laissée avec une impression de malaise contant durant toute la saison. A la différence des autres, ses erreurs et son hypocrisie ne l'humanisent jamais, continuant de le placer en porte-à-faux par rapport au téléspectateur.

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Si sur le fond, la solidité de Boardwalk Empire n'aura jamais été démentie, en dépit d'une dimension humaine qui laissa un temps dans l'expectative, sur la forme la série aura parfaitement répondu aux attentes. Sans trop en faire, ni vouloir éblouir inutilement le téléspectateur, la caméra se sera finalement attachée à la mise en scène d'une reconstitution appliquée mais, somme toute, relativement sobre. La photographie fut ainsi travaillée et soignée, mais sans un esthétique trop clinquant. L'utilisation de chansons d'époqus, en particulier pour conclure les dernières scènes des épisodes, est restée récurrente, ajoutant un certain charme assez plaisant à cette immersion dans les années 20.

Côté casting, il n'y a aucun reproche à formuler. Comblé par des scénaristes inspirés qui lui ont réservé quelques scènes incontournables, Steve Buscemi a enfin l'occasion de pleinement nous démontrer tout son talent et il y réussit assurément avec brio. Pour ma part, si j'aimais déjà beaucoup Kelly Macdonald, la série a été l'occasion de redécouvrir Michael Pitt. Mon absence de cinéphilie fait que je ne l'avais pas recroisé depuis Dawson - qui n'était pas non plus une série dans laquelle je m'étais vraiment investie -, mais je l'ai trouvé très bon en personnage qui cherche sa place, entre une aspiration à une certaine normalité de vie famille et cette facette de tueur désensibilisé par les atrocités de la Première Guerre Mondiale. Le seul acteur à l'égard duquel j'émettrais quelques réserves serait sans doute Michael Shannon, mais il est probable que cela soit au moins en partie dû à la manière dont l'agent fédéral qu'il doit incarner est écrit.

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Bilan :   Boardwalk Empire n'aura donc pas été une révélation immédiate, mais plutôt une fiction qui se sera construite par et grâce au format de série qu'elle a adopté. Elle échappe à l'écueil d'une relative déshumanisation qui aurait pu l'affaiblir à moyen terme et réussit, dans sa deuxième partie de saison, une conciliation convaincante entre ce mélange des genres admirablement maîtrisés des codes de gangster et du politique, et une dimension humaine qui s'épanouit pleinement dans les figures ambiguës de ses personnages principaux qui n'auront cessé de gagner en épaisseur tout au long de la série, conduit par un Nucky Thompson absolument fascinant.

Cette première saison aura en un sens rappelé les fondements du format télévisé et sa différence fondamentale par rapport au cinéma. Une bonne série, c'est celle qui saura grandir et mûrir au fil de sa saison et ne se contentera des bases, aussi chatoyantes soient-elles, entre-aperçues au cours du premier épisode. En cela, Boardwalk Empire aura su assumer ses ambitions et poursuivre sa construction ; et c'est à saluer.  


NOTE : 8/10


Le générique de la série :


Commentaires

"Reste que, finalement, c'est dans la durée que Boardwalk Empire aura su progressivement me conquérir, et c'est au cours du dernier tiers de la saison que j'ai vraiment commencé à attendre avec une relative impatience chaque épisode. "

Les meilleures productions HBO sont toujours des séries à mèche lente.
C'est leur marque de fabrique.
Tout vient à point à qui sait attendre.

Bon sinon, on parlait de générique "rock" à propos de Gloomy salad machin. :)
Ici, c'est Brian Jonestown massacre qui s'y colle.
Et Brian Jonestown massacre, CA, c'est du rock.

http://www.youtube.com/watch?v=A_6pZsToUPc&feature=related

Écrit par : Fred | 12/12/2010

Ah, le pilote ne m'avait pas séduite. J'avais trouvé le rythme trop lent, et je n'avais pas non plus ressenti d'empathie pour les personnages (et pas de personnage féminin qui m'aie plu). Du coup, vu que j'ai moins de temps en ce moment, je ne suis pas allé plus loin. Mais ton post me donne envie de m'y remettre, je tenterai peut-être de voir la suite pendant les vacances de Noël !

Écrit par : JainaXF | 12/12/2010

@ Fred : C'est la marque des séries HBO de s'inscrire et de s'affirmer dans le temps, effectivement, mais HBO n'est plus non plus à son "âge d'or". Bon, je reste une fidèle de cette chaîne, donc je suis patiente, et pleinement satisfaite que Boardwalk Empire ait concrétisé ses promesses.

Pour la musique, comme je l'ai dit, je suis pas du tout certaine qu'on trouve un terrain de conciliation. :P Merci pour cette version longue, elle est sympa, mais elle manque peut-être d'un côté un peu accrocheur O:-)
(Mais j'aime ma variété. lol :P)

Bon, si je continue à te présenter des séries aussi intéressantes, tu me pardonneras mes goûts musicaux ?


@ JainaXF : Il faut quand même préciser qu'a priori, on se situe dans un créneau que j'apprécie naturellement beaucoup, avec des thèmes (gangster, politique, années 20) propices à m'intéresser. Peut-être qu'un visionnage plus ramassé -avec des épisodes à la suite- permettra de mieux apprécier et s'attacher aux personnages ?
Je pense quand même qu'il faut donner une 2nde chance à la série ; comme l'a dit Fred, les séries de HBO démarrent souvent lentement.

Écrit par : Livia | 14/12/2010

"Bon, si je continue à te présenter des séries aussi intéressantes, tu me pardonneras mes goûts musicaux ?"

Je te pardonne tout ce que tu veux.

Écrit par : Fred | 14/12/2010

Je n'ai encore vu aucun épisode, mais oui, j'ai la crainte que tu décris, "cette dichotomie que l'on retrouve parfois entre la série que l'on juge objectivement de qualité et celle que l'on va effectivement aimer", puisque effectivement, de tout ce que je lis, ce n'est pas l'humanité qui s'en dégage... Tu me rassures un peu, il faudra que je persiste quand je m'y mettrai...

Écrit par : Saru | 19/12/2010

@ Saru : Cela semble avoir été une des difficultés majeures pour accrocher sur le long terme à la série pour pas mal de téléphages. A priori, comme je l'ai dit, BE pouvait difficilement trouver meilleur public avec moi, mais je pense sincèrement que si on se programme une diffusion plus ramassée qu'un épisode par semaine, ça doit passer tout seul et on doit pouvoir nouer des liens avec la série. Mais ne t'attends pas à être immédiatement happé par cette dimension. ;)

Écrit par : Livia | 20/12/2010

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